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NOTICE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

DE M'. A. M. H. BOULARD.

QUQIQUE plusieurs notices sur feu M. BOULARD aient déjà été publiées dans les journaux et dans les colleotions biographiques, notamment dans l'excellent Annuaire de M. Mahul, et dans le nouveau Dictionnaire de M. le général Beauvais et Barbier, il est naturel de rappeler ici ses titres à la considération littéraire, ainsi qu'à l'estime de ses concitoyens, et de les fixer à la tête d'un catalogue qui restera dans la bibliothèque des amateurs, comme un monument précieux du plus innocent, du plus pur da tous les goûts de l'homme de bien, du savant éclairé dont nous allons essayer d'esquisser le portrait. Cette notice sera simple, comme le fut, pendant sa vie, celui qui en fournit le sujet. Faire connaître M. Boulard; arracher quelques-unes de ses actions au mystère qu'il commandait à ses obligés, comme le seul témoignage de reconnaissance auquel il attachait du prix; rappeler en peu de mots cette foule d'ouvrages utiles, fruit de ses longues études et de ses méditations laborieuses; enfin, le montrer dans sa vie privée, comme dans les fonctions publiques, tel qu'il s'y montra constamment pendant plus de cinquante années, religieux, bon, indulgent, désintéressé, portant sur son front l'image de

la sérénité qui régnait dans son ame, voilà, ce semble, l'hommage le plus honorable pour la mémoire de M. Boulard, le seul digne de la famille respectable qui n'a cessé de le pleurer, et à laquelle il a transmis avec l'héritage de son nom, celui de toutes ses vertus.

M. BOULARD (Antoine-Marie-Henri), naquit à Paris, le 5 septembre 1754. Il est mort dans cette même ville le 8 mai 1825, dans sa 71.me année.

Sa famille était originaire de Champagne.

Son bisaïeul et son aïeul avaient été attachés pendant long-temps au département des affaires étrangères. Ils avaient rempli l'un et l'autre les fonctions de premier secrétaire d'ambassade à Venise, à Nimègue, en Irlande à la suite de Jacques 11, et aux fameuses conférences de Gertraydenberg, sous M. le comte d'Avaux et M. le maréchal d'Uxelles. (Voyez le Mercure de France, février 1734.)

A cette époque, les emplois publics menaient rarement à la fortune. Les aïeux de M. Boulard ne retirerent d'autre fruit de leurs services que des récompenses et des distinctions honorifiques.

M. Henri Boulard, père de celui dont nous nous occupons spécialement, ne crut pas déroger en cherchant dans un travail honorable les moyens de remplir ses devoirs de père de famille, et de se créer une existence à-la-fois utile et indépendante. Il avait épousé la fille' de M. Sellier, notaire à Paris; il ne tarda pas à remplacer son beau-père.

On sait de quelle estime a toujours joui en France, et surtout dans la capitale, le corps des notaires. Dépositaires de la confiance et souvent de la fortune des familles, interprètes de leurs plus secrètes volontés

rédacteurs des actes les plus importans de la vie et de la mort, arbitres de leurs différends, véritables jugesde paix, avant comme depuis l'établissement de cette magistrature, on peut dire qu'il n'est pas de bien domestique qui ne puisse être leur ouvrage, quand ils sont au niveau de leurs fonctions, et ce sentiment est si bien établi, que la considération dont ils sont investis n'a souffert aucune atteinte de quelques exceptions beaucoup trop rares pour être comptées dans l'opinion. Dans cette corporation si renommée par sa discipline par sa probité, par son intelligence des lois et des usages, M. Henri Boulard se fit remarquer au milieu de ses confrères. Son esprit juste, éclairé, conciliant, le mit en rapport avec ce qu'il y avait de plus élevé dans le royaume. Son étude devint le rendez-vous de la noblesse, du clergé, de la magistrature, de la bourgeoisie: pendant trente-sept ans que M. Henri Boulard exerça sa charge, ce concours de cliens ne se rallentit pas un seul jour; par la confiance qu'il sut inspirer et soutenir, l'injustice de la fortune fut vengée, et l'honnête homme obtint dans la société la position éminente que des services diplomatiques n'avaient pu acquérir à ses auteurs.

M. Henri Boulard avait fait une épreuve trop satisfaisante des avantages du notariat, pour ne pas désirer les transmettre à son fils unique. Préjugeant favorablement des dispositions naturelles de cet enfant, et capable d'apprécier les heureux développemens qu'elles recevraient de l'éducation publique, il plaça son fils d'abord áu collège de Louis-le-Grand, et ensuite au collège du Plessis, où le jeune Boulard acheva son cours d'études. Des succès brillans marquèrent tous ses pas dans la carrière académique. Son nom retentit chaque année dans les concours de son collège et dans ceux de l'Uni

versité. Il avait fait sa rhétorique sous M. Binet, traducteur de Virgile et d'Horace, et il paya les soins de cet habile professeur en remportant, à la fin de l'année, le prix si envié que l'on nomme le prix d'honneur. C'était en 1770. Le jeune Boulard était alors âgé de moins de seize ans, circonstance qui ajoute à la gloire de son triomphe. A cette époque, l'âge des concurrens n'était pas, comme aujourd'hui, marqué par les réglemens, et il arrivait trop souvent que les jeunes athlètes étaient obligés de combattre à armes inégales contre la maturité d'une longue expérience. La victoire de M. Boulard était celle du Cid contre une vingtaine de Don Gormas.

M. Boulard ne dissimulait pas le plaisir que lui faisait éprouver les sauvenirs de cette palme précoce. Il avait conservé pour l'Université de Paris la tendre reconnaissance que lui ont toujours gardée ses anciens élèves, et il suivait avec un regard plein d'intérêt tout ce qui lui en rappelait la pensée, et surtout la création des nouveaux établissemens, fondés avec quelques modifications indispensables, sur le modèle des anciens collèges. En 1820, le collège d'Harcourt fut restauré sous le nom de collège de St.-Louis. M. Boulard voulut assister à l'inauguration. Il y fut accueilli avec les égards dus à sa réputation, à son caractère et à son âge ; ce fut là que s'entretenant avec les chefs de la maison et quelques amis qui se pressaient autour de lui, il laissa échapper ces mots dits avec trop de bonheur pour l'avoir été avec orgueil : « Il y a eu au mois d'août dernier cinquante ans que j'ai eu le prix d'honneur au Plessis.>> Sans ce sourire aimable et plein de bonhomie qui accompagnait ses paroles, on eût dit qu'il cherchait à expliquer, peut-être même à excuser sa présence, et qu'il se prévalait de son titre de lauréat universitaire, pour

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