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on admire l'invention des arts, et l'affoiblissement de l'homme à la fin de sa carrière; ce beau morceau imité de Lucrèce plaisoit à Voltaire qui le récitoit souvent. Cela n'empêchoit pas que Voltaire dans ses momens de causticité, n'appelàt Louis Racine le petit fils d'un grand père, et d'autres fois quand sa bile étoit moins âcre, le bon versificateur Racine, fils du grand poëte Racine. Un morceau encore remarquable, dans le poëme de la Religion, est le tableau des triomphes d'Auguste et de la paix qui en fut la suite. Tels sont les passages qui sont à distinguer dans cet ouvrage. Le poëme de la Gráce lui est inférieur ; cependant on y remarque un très beau morceau sur la Grandeur de Dieu.

JEAN-FRANÇOIS REGNARD (n. 1646—m. 1710). Son Joueur se place immédiatement après les chefsd'œuvre de Molière dont il est le digne successeur et après la Métromanie de Piron. C'est la seule pièce où Regnard soit vraiment moral; elle est bien intriguée et bien dénouée. On y trouve, comme dans toutes ses pièces, des situations comiques, une gaieté soutenue, un fonds inépuisable de saillies, de traits plaisans. Mais ce qu'il y a de plus que dans ses autres ouvrages, c'est ce comique de caractère et ces résultats d'observation qui lui manquent ordinairement. Après le Joueur, vient le Légataire, que certaines personnes de goût préfèrent à cette pièce et même à toutes les autres de l'auteur, sans doute parce que cette comédie est le chef-d'œuvre de la

gaieté; mais on lui fait à juste titre le reproche de n'être nullement morale. Les Ménechmes, imités de Plaute, sont, après le Légataire, le fond le plus comique que Regnard ait manié. Le Distrait est inférieur aux trois pièces précédentes ; il tomba dans sa nouveauté, et ne fut repris que 30 ans après; l'auteur étoit mort. Cette comédie se soutient par l'agrément des détails et par le contraste de l'humeur folle du chevalier et de l'humeur revêche de madame Grognac à qui l'on fait danser la courante. Le Retour imprévu est une jolie pièce, ainsi que les Folies amoureuses. Démocrite est le plus foible de tous les ou vrages de Regnard.

SAMUEL RICHARDSON (n. 1689-m. 1761). Le meilleur de ses romans est sans contredit Clarisse Harlowe; mais on le trouve un peu long à une première lecture; cependant il est certain que l'intérêt d'un roman ne peut pas aller plus loin. Clarisse depuis qu'elle a quitté ses parens, est un être vrai▴ ment céleste; jamais la vertu n'eut un plus beau caractère; jamais l'innocence ne fut plus auguste, ni l'infortune plus touchante. Que Clarisse paroît respectable dans le séjour de l'infamie! Qu'elle est grande dans sa prison! Comme sa vertu est sans fard, sa patience sans ostentation, et ses plaintes sans emportement! Que les sentimens religieux qui soutiennent une conscience pure contre le malheur et l'oppression, que le calme de ses derniers momens,

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les apprêts de sa mort, le pardon et les vœux qu'elle envoie pour adieux à son persécuteur, que toutes ces scènes de douleur et de grandeur sont attendrissantes et laissent une profonde impression! - Grandisson est bien éloigné d'inspirer autant d'intérêt que Clarisse; et Paméla encore moins.

J.-B. ROUSSEAU (n. 1671-m. 1740). Nous dirons d'abord que ses Psaumes sont ce qu'il a de plus parfait. Puis passant à ses Odes, nous ajouterons que les quatre plus belles sont : 1.o celle à M. le comte Du Luc, commençant par: Tel que le vieux pasteur, etc.; elle est la première du 111.o livre. 2.o Celle au prince Eugène : Est-ce une illusion soudaine, etc. ; c'est la seconde du même livre, mais elle n'est pas aussi finie dans les détails que la précédente ; la seconde moitié de cette ode ne vaut pas la première. 3.o Celle adressée au duc de Vendôme: Après que cette ile guerrière, etc. ; elle a de moins grandes beautés que celle au prince Eugène, mais elle est plus égale. 4.o Enfin l'ode à Malherbe : Si du tranquille Parnasse, etc.; il y a de l'enthousiasme, et son auteur la trouvoit assez pindarique. Cependant elle est inférieure à celle au comte DuLuc. Après ces quatre odes, vient celle sur la bataille de Peterwaradin : Ainsi le glaive fidelle, etc. ; c'est une description d'un bout à l'autre, mais elle est pleine de feu et de rapidité. L'ode sur la mort du prince de Conti Peuples dont la douleur, etc.,

est aussi fort belle, ainsi que celle qui est adressée aux princes chrétiens, Ce n'est donc point assez, etc, La célèbre ode à la Fortune, est pleine d'harmo nie; il y a beaucoup de strophes magnifiques; mais il y en a quelques-unes qui pèchent par le fond et même par l'expression. C'est dans les colléges que cette ode a eu le plus de réputation.

Parmi les Stances morales de Rousseau, son ode à M. de La Fare, Dans la route que je me trace, etc., et qui est relative au contraste de l'homme civil et de l'homme sauvage, passe pour l'une des meilleures de ce genre.

Ses Cantates, genre de poésie qu'il a inventé, et dans lequel il n'a point eu d'imitateurs, sont des morceaux achevés. Celle de Cireé: Sur un rocher désért,etc., est un chef-d'œuvre qui a toute la richesse et l'élévation des plus belles odes de l'auteur, avec plus de variété. On la regarde comme le chef-d'œu vre de la poésie française.

J.-J. ROUSSEAU (V. tom. 1, pag. 311). Nous avons assez parlé des ouvrages de cet éloquent écrivain, dans l'article que nous lui avons consacré précédemment, pour nous borner à dire ici, que ce qu'on estime le plus dans ses productions, ce sont les deux premiers livres de l'Émile, à quelques exceptions près; le passage sur l'Évangile ( que nous avons rapporté tom. 1, pag. 255-258), la lettre contre le Suicide, et différens morceaux où il combat fortement les principes d'une fausse philosophie, et

surtout les sophistes qui, niant les peines d'une autre vie, sapent l'un des plus grands appuis de l'ordre moral et social.

C. SALLUSTE (n. 668 de R., 86 av. J.-C. — m. 719 de R., 35 av. J.-C. ). Il ne nous reste que deux ouvrages entiers de cet historien, sa Guerre de Jugurtha et sa Conjuration de Catilina. Dans l'ouvrage sur Jugurtha, on distingue le tableau de la jeunesse de ce roi; le portrait de Marius; son discours; le portrait de Sylla, et un beau morceau sur la vertu ou le vice, l'activité ou l'inertie. Dans la Conjuration de Catilina, nous regardons comme morceaux remarquables le portrait de Catilina, son discours aux conjurés, le parallèle de César et de Caton, etc.

JACQUES SAURIN (n. 1677-m. 1730), l'un des prédicateurs Protestans les plus habiles et les plus féconds, s'est plus signalé par son talent que par son goût. Parmi ses nombreux sermons (Rotterdam 1749, 12 vol. in-8.o), il en est deux que l'on peut considérer comme les chefs-d'œuvre de ce talent: l'un est sur la Sagesse de Salomon ; et l'autre est sur le Discours de Saint Paul à Félix et à Drusille. On remarque encore son sermon sur le Jeúne, de 1706, où se trouve le morceau le plus hardi qu'on ait jamais imaginé, l'effrayant dialogue établi par Pauteur entre Dieu et son auditoire. Le sermon sur le Mépris de la vie a aussi un passage sublime; et celui sur le Désespoir de Judas offre encore vers la

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