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lent également dans les pensées, dans le style et dans la versification; Dacier a eu raison de dire que les Grecs et les Latins ne nous ont rien laissé de plus achevé. L'ode xiv du livre iv, à Auguste, Phoebus volentem etc., est encore l'une des meilleures d'Horace; rien n'y est négligé, tout est parfait, jusqu'à la versification, tout est digne du poëte et du héros. L'ode 11 du livre v, Beatus ille qui procul negotiis, est l'une des plus agréables de l'auteur ; si elle n'est pas son chefd'œuvre au moins on peut la mettre à côté de ce qu'il nous a laissé de plus beau en matière de compositions lyriques. Nous ne craindrons pas de classer l'ode in du livre III, Justum et tenacem propositi virum, etc. parmi les véritables chefs-d'œuvre d'Horace; il n'est rien sorti de sa plume qui soit plus accompli. La hardiesse du dessein, la singularité de l'invention, l'artifice de la conduite, le sublime dè la poésie, le choix des pensées, la force des expressions, la richesse des figures dont elle éclate d'un bout à l'autre, tout lui donne le pas sur beaucoup d'autres. Nulle part Horace n'est plus poëte que dans l'ode XVIII du livre II, Bacchum in remotis carmina rupibus, etc. Il étoit impossible de réunir plus d'élévation dans les idées, plus de force dans les sentimens, plus de variété dans les tours. La satire v dú livre 1.er, Egressum magná me excepit Aricia Romá, sur le voyage à Brindes, est une des meilleures pièces qui soient sorties de la plume d'Horace. La satire 1.re du livre 1, Qut fit, Maecenas, ut nemo, quam sibi sortem, est aussi très estimée; elle prouve qu'Ho

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race n'est pas moins premier poëte dans le genre satirique que dans le genre lyrique. La satire v du livre II est un charmant dialogue entre Ulysse et Tirésias contre les bassesses que l'on faisoit pour attraper un legs dans le testament des riches. Pétrone ap, pelle Hæredipeta celui qui se livroit à cet infame métier. L'épître vr du livre 1.er, Nil admirari, propè res est una Numici, etc., est une des meilleures de notre poëte, ainsi que la suivante, Quinque dies tibi, qui passe pour l'une des plus gracieuses et des plus spirituelles qui soient sorties de sa plume enchanteresse. On ne finiroit pas sil'on vouloit indi❤ quer toutes les pièces remarquables qui forment la collection des œuvres d'Horace; il faudroit presque toutes les énoncer; cependant nous ne pouvons nous refuser à citer encore la pièce des jeux séculaires, Odi profanum vulgus et arceo ; c'est sans contredit l'un des plus riches morceaux de la poésie lyrique, de même que le beau poëme sécúlaire, Phœbe silva rumque potens Diana, etc. Quant à l'Art poétique, on doit le considérer aussi comme l'un des monumens les plus précieux de l'antiquité romaine dans ce genre, quoique ce ne soit pas un traité complet de poétique, puisqu'il ne renferme que les principaux préceptes de l'art. Mais il faut avouer que la forme épistolaire n'a pas permis d'en faire un ouvrage aussi méthodique et aussi régulier que si l'auteur eût voulu composer un poëme didactique et spécial.

ISOCRATE (n. 436 av. J.-C.-m. 338), orateur

grec, a laissé vingt-un discours sur divers sujets de politique, qui sans être toujours écrits avec force et chaleur, ne sont pas moins intéressans, soit par l'importance des sujets, soit par une diction toujours harmonieuse et par des périodes arrondies. Le plus achevé de ses ouvrages est celui qui a pour titre Panégyrique; il fut prononcé aux jeux olympiques. On prétend qu'il a poli et retouché pendant dix ou quinze ans ce discours, chef-d'œuvre de composition. Il l'adresse à tous les Grecs et veut leur prouver que les Athéniens doivent tenir le premier rang parmi les États confédérés, préférablement aux Spartiates, et que tous les Grecs doivent se réunir à eux pour faire la guerre aux Perses.

JUSTIN (n. 853 de R. 100 de J.-C.-m.vers 903 de R. 150 de J.-C. ). Son abrégé de l'Histoire universelle de Trogue-Pompée, sans nous dédommager de la perte de cette grande histoire, n'est pas sans intérêt, quoiqu'il n'y ait pas beaucoup de méthode ni de chronologie ; c'est un tableau rapide des plus grands événemens arrivés chez les nations les plus connues. Le style en général est sage, clair et naturel, sans affectation, sans enflure, et semé de morceaux fort éloquens. C'est pourquoi on le met entre les mains des jeunes gens; mais comme classique, il auroit dû être purgé de quelques phrases où la pudeur n'est pas assez respectée. Parmi les beaux morceaux de Justin, on remarque le passage où il peint le retour d'Alcibiade dans sa patrie d'où il avoit été

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long-temps exilé après en avoir été tour-à-tour la terreur et l'appui, le vainqueur et le sauveur. On distingue encore le portrait de Philippe de Macédoine et le parallèle de ce prince avec son fils Alexandre. La description du pays et des mœurs des Scythes est encore un superbe morceau.

JUVÉNAL ( n. vers 795 de R. 42 de J.-C. —m. vers 875 de R. 122 de J.-C.). Les trois plus belles satires de ce poëte atrabilaire sont, 1.o la quatrième, Rhombus, le turbot; 2.o la sixième, Mulieres, les femmes; et la dixième, Vota, les voeux. C'est dans ces trois satires qu'on remarque le plus la verve fougueuse de Juvénal; l'énergie ne sauroit aller plus loin.

JEAN DE LA FONTAINE (V. tom. 1, pag. 139). La Harpe dit dans son Cours de Littérature : « Sur près de trois cents fables que La Fontaine a faites il n'y en a pas dix de médiocres, et plus de deux cent cinquante sont des chefs-d'œuvre................. » Quoiqu'il puisse paroître un peu futile de calculer rigoureusement le nombre des fables de La Fontaine, il n'est pas moins certain qu'il n'en a composé que deux cent quarante-une, à la suite desquelles se trouvent ordinairement cinq petits poëmes ou contes milésiens quisont, Philémon et Baucis, les Filles de Minée, la Matrone d'Éphèse (1), Belphégor et Ado

(1) Voltaire a dit quelque part : « La plus belle fable des Grecs est celle de Psyché; la plus plaisante fut celle de la matrone d'É

nis. Sur ces deux cent quarante-une fables, on en distingue cinquante-six que l'on peut regarder comme de véritables chefs-d'œuvre; dans le reste il y en a un très grand nombre qui sont au-dessus de tout ce que l'on a fait dans ce genre ; et je reviens à l'opinion de La Harpe, qu'à peine il s'en trouve dix que l'on peut confondre dans la foule des productions médiocres. On sait par tradition que La Fontaine mettoit au-dessus de toutes ses fables celle qui a pour titre le Chéne et le Roseau ; mais des personnes de goût, et entr'autres l'abbé Barthelemy, s'accordent à donner la palme à l'apologue des Animaux malades de la peste. La poésie dans cette fable est aussi parfaite que dans celle du Chéne et du Roseau ; mais le fonds est beaucoup plus étendu et plus riche; les applications morales, d'une tout autre importance; ainsi nous n'hésiterons pas à placer ces deux chefs-d'œuvre au premier rang parmi les cinquantesix fables que l'on met au-dessus de tout ce que les anciens et les modernes ont produit dans ce genre. Voici la liste de ces cinquante-six apologues, auxquels nous ajouterons autant qu'il sera possible la source

phèse (l'une et l'autre d'Apulée); la plus jolie parmi les modernes fut celle de la Folie qui ayant crevé les yeux à l'Amour, est condamnée à lui servir de guide. » La Fontaine les a racontées toutes les trois, et on sait comment il a su raconter la dernière. J'aime aussi beaucoup le sens allégorique d'une fable de Lamotte où l'Amour et la Mort, voyageant ensemble, finissent par mêler leurs traits, et les lancent indistinctement, de sorte que des vieillards sont atteints par ceux de l'Amour, et des jeunes gens par ceux de la Mort.

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