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ceau de sa Théogonie est le tableau de la guerre des Dieux contre les Géans, tradition fabuleuse dont il est le plus ancien auteur, ou du moins le premier connu qui en ait fait mention (1). La peinture du Tartare où les Titans sont précipités par la foudre de Jupiter offre des traits qui semblent avoir servi de modèle à Milton lorsqu'il représente avec tant d'énergie les gouffres infernaux où sont précipités les Anges rebelles. Dans le poëme des Travaux et des Jours, la description de l'hiver passe aussi pour un superbe morceau ; on le compare ainsi que le précédent aux plus beaux endroits d'Homère; on y trouve la fable de Pandore, la naissance de Vénus, celle des Muses, filles de Mnémosyne et de Jupiter, etc.; mais aussi l'on y trouve des choses ridicules, triviales, superstitieuses, plus dignes de figurer dans le

(1) On ne peut guère disconvenir que la plupart des faits mythologiques, tels que celui que nous citons, n'aient pris leur source `dans la Bible; la raison en est palpable : à mesure que les nations se sout multipliées, elles ont perdu de vue le peuple primitif, et n'ont conservé, par une tradition altérée, qu'une idée confuse des faits qui se sont passés chez le peuple fidelle; les poëtes sont survenus, et, à l'aide d'une imagination vive et brillante, ont habillé à leur manière ces faits primitifs sans chercher à en découvrir l'origine; ainsi leur âge d'or est une peinture idéale du bonheur dont eussent joui les hommes dans le paradis terrestre; leurs Titans foudroyés sont une image de la punition des anges rebelles; leur Vulcain est calqué sur Tubalcaïn; leur déluge de Deucalion, sur le déluge universel; leur Bacchus, sur Noé; leur Japet, sur Japhet; leur Hercule, sur Samsou; leur fable de Philémon et Baucis, sur la destruction de Gomorrhe et Sodôme; leur Iphigénie, sur la fille de Jephté, etc., etc., etc.

calendrier de l'Almanach de Bále que dans un poëme.

HOMÈRE (vers 1000 aus av. J.-C.). Ce prince des poëtes grecs a laissé deux poëmes immortels, l'Iliade et l'Odyssée; le premier l'emporte beaucoup sur le second sous tous les rapports; c'est en vain que l'on chercheroit dans l'Odyssée ces grands tableaux, ces grands caractères, ces scènes dramatiques, ces descriptions remplies de feu, cette éloquence du sentiment et cette force de passion qui font de l'Iliade un tout plein d'ame et de vie. Aussi nous n'entreprendrons pas de détailler toutes les beautés dont l'Iliade fourmille; il faudroit copier le poëme presque entier. Quoi de plus simple et de plus noble que la marche de l'ouvrage? Les quatre premiers chants sont très beaux; les motifs de la colère d'Achille sont exposés dans le premier de la manière la plus intéressante. Dans le troisième, on remarque le combat singulier entre Ménélas et Pâris, les deux principales causes de la guerre, et l'art avec lequel le poëte fait intervenir Vénus pour interrompre ce combat par lequel la guerre et le poëme eussent été terminés si Pâris eût été tué. La manière dont Hélène figure dans ce chant est très intéressante. Les adieux d'Hectoret d'Andromaque signalent le sixième chant. Mais le neuvième l'emporte sur tout ce qui l'a précédé; Homère s'y montre aussi grand orateur que grand poëte. Tous les genres d'éloquence se rencontrent dans les discours de Phénix, d'Ulysse, d'Ajax

qui s'efforcent de fléchir l'inexorable Achille, et dans la belle réponse où le héros déploie son ame tout entière. Nous ne dirons rien de l'enlèvement des chevaux de Rhesus, ni de la mort de ce prince dans le dixième chant; mais le onzième est superbe ; les combats recommencent; et quoique le poëte en ait déjà décrit un grand nombre, ses nouveaux tableaux, tous variés, tous inspirés par un génie supérieur qui a pris de nouvelles forces, l'emportent sur les précédens. Les exploits d'Hector, de Sarpedon et autres remplissent le douzième chant, Dans le treiziè me, les Grecs reprennent courage, et le sort des combats est alternativement favorable aux Grecs et aux Troyens dans les suivans. Le seizième chant est remarquable par la mort de Sarpedon tué par Patrocle qui à son tour est vaincu et mis à mort par Hector. Le dix-huitième chant est consacré en partie à la description du bouclier et des armes que Vulcain, à la demande de Thétis, a forgées pour Achille. Le dix-neuvième voit Achille renoncer enfin à la coJère qui jusqu'alors l'avoit rendu inactif, pour ven ger la mort de son ami Patrocle et il est tout disposé à voler au combat. Dans le vingtième, les Dieux ont la permission de Jupiter do se mêler au combat; ils se partagent donc ; les armées se choquent avec furie; le ciel est en feu, la terre tremble; et c'est là qu'est ce beau passage où Pluton effrayé craint que la terre ne s'entr'ouvre et ne laisse pénétrer la lumière dans son ténébreux séjour. La mort vole de toutes parts sur les pas d'Achille qui tue Poly dore et

qui en eût fait autant d'Énée et d'Hector sans l'intervention de Neptune et d'Apollon. Dans le vingtunième chant, Achille continue ses exploits; dans le vingt-deuxième, il immole Hector à la vengeance de Patrocle, l'attache à son char et le traîne à la vue de Priam et d'Hécube. Le vingt-troisième est consacré aux funérailles de Patrocle. Enfin dans le vingtquatrième, le plus touchant de tous, on voit l'infortuné Priam venir supplier le fier Achille de lui rendre le corps de son malheureux fils (Hector); il l'obtient, le ramène dans son palais. La douleur d'Andromaque, d'Hécube et d'Hélène éclate à la vue de ce triste spectacle, et le poëme finit par les funérailles d'Hector. Telle est cette immortelle Iliade dont nous devrions peut-être nous reprocher d'avoir voulu indiquer les passages les plus saillans ; car les beautés de détail y sont tellement multipliées, que ce que nous avons omis pourroit fort bien avoir les mêmes droits à l'admiration des gens de goût, que les passages que nous avons signalés.

Quant à l'Odyssée, ouvrage si inférieur à l'Iliade, il peut intéresser par l'exactitude avec laquelle Homère a parlé des lieux où il conduit Ulysse, et par la peinture des mœurs et des coutumes des différens peuples; mais les aventures de son héros tiennent tantôt à un merveilleux qui surprend plus qu'il n'élève l'ame, et tantôt à des détails bas et triviaux où l'on ne reconnoît plus ce génie qui nous a peint Achille, Agamemnon, Hector et tant d'autres héros avec les couleurs qui conviennent à l'épopée. Nous

n'entrerons donc dans aucun détail sur l'Odyssée: Ceux qui sont curieux de voir tout ce qui regarde Télémaque, Pénélope, Ulysse, Polyphème, les Lestrigons, les Lotophages, Circé, les Enfers, les Prétendans, Ulysse mendiant à la porte de son palais, la manière dont il y est reconnu, etc. etc. etc., peuvent consulter le poëme.

Q. HORACE F. (n. 689 de R. 65 av. J.-C.~ m. 746 de R. 8 av. J.-C.). Quoique tous les ouvrages de ce poëte soient d'un goût exquis et que l'on n'y trouve que très peu de morceaux d'un moindre mérite, cependant on distinguera toujours quelques pièces qui l'emportent sur les autres. Nous mettrons au premier rang l'ode 111 du livre IV, Qualem ministrum fulminis alitem etc., en l'honneur de Drusus qui en août 739 avoit vaincu les Vindéliciens. Cette pièce est si accomplie, qu'elle a désarmé la redouta ble critique de Jos. Scaliger qui n'a pu s'empêcher d'avouer qu'Horace est ici au-dessus de lui-même et de toute la Grèce. La première partie est d'une élévation plus que pindarique; le milieu est relevé par les sentimens d'une morale noble, sensée et pathétique; enfin un morceau d'une éloquence mâle et véhémente termine l'ouvrage. Aussi a-t-on appelé cette ode l'Aigle d'Horace, moins parce qu'elle commence par une comparaison avec cet oiseau, que parce qu'elle est la pièce la plus sublime du poëte. L'ode it du livre IV, Quem tu, Melpomene, semel etc. est aussi fort belle. La poésie, l'élévation et la délicatesse bril

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