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ne pourroit guère convenir qu'à une personne opulente, surtout si chaque ouvrage étoit enrichi de toutes les belles gravures que l'on pourroit y ajouter. Il flatteroit autant l'œil par son éclat, que l'esprit et le goût par les trésors qu'il renfermeroit

Je

passe maintenant aux soins que l'on doit donner aux livres pour les préserver de tout accident.

Des soins qu'exige une bibliothèque.

Une bibliothèque a ordinairement trois sortes d'enne mis assez dangereux : les vers l'humidité et les rats ; quelques mauvais plaisans y ajoutent les emprunteurs.

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Pour préserver une bibliothèque des vers et autres insectes, on connoît plusieurs moyens : le premier est celui dont nous avons déjà parlé, la qualité du bois dont le meuble est fait; le second est une grande propreté et surtout l'attention continuelle de garantir les livres de la poussière, parce que non-seulement elle ternit les reliûres et leur enlève leur fraîcheur, mais elle favorise le développement des insectes. Il faut battre les volumes au moins une fois l'an, et éviter d'employer aucune espèce de lainage dans la construction intérieure de la bibliothèque. J'ai eu tort de dire, dans un de mes ouvrages précédens, que l'on pouvoit garnir chaque rayon d'une bandelette de drap pour garantir de la poussière la tranche supérieure des livres. Le drap attire les insectes et leur sert de pâture.

Un auteur prétend que ce ne sont point les teignes qui attaquent les livres ; mais que les insectes dévorateurs qui font tant de ravage dans les bibliothèques, sont les larves de quelques vrillettes, telles que les ptinus fur, L., ptinus mollis, L., ou anobium molle de Fabricius, Les

unes percent les feuillets d'un livre de part en part presqu'en ligne droite; d'autres les percent en sillons sinueux à peu près comme le ver à soie sur la feuille du mûrier dont il se nourrit. Les livres attaqués par ces animaux doivent être battus, mis à l'air et exposés à une fumigation de soufre. La vapeur de ce minéral les tue lorsqu'ils sont insectes parfaits, mais ne produit aucun effet sur leurs œufs; ainsi il faut attendre le temps où ils éclosent ordinairement, c'est-à-dire vers le mois de mars. On peut aussi fumiger en été.

On doit attribuer la cause de l'apparition des insectes dans une bibliothèque, aux cartons et à la colle dont se servent les relieurs pour coller le papier, le parchemin ou le cuir. Cette colle est faite avec de la farine noire ou autres que ces insectes aiment beaucoup. C'est en vain que l'on a voulu mêler dans cette colle des amers, tels que l'absinthe, la coloquinte, etc., ou des sels végétaux, comme la potasse, le sel de tartre, etc. ; il n'y a absolument que les sels minéraux, tels que l'alun, le vitriol, etc., qui fassent de l'effet. Un Allemand, M. Prodiger, conseille aux relieurs d'employer l'amidon, au lieu de farine, , pour leur colle. Il dit encore, que pour préserver tout volume des insectes, il faut mettre de l'alun pulvérisé, mêlé d'un peu de poivre fin, entre le livre et la couverture on peut même en répandre un peu sur les tablettes; et un moyen plus sûr encore ce seroit de frotter les livres trois fois par an (mars, juillet et septembre) avec un morceau d'étoffe saupoudré d'alun pulvérisé. En général, toute odeur forte, telle que le musc, la térébenthine, le thym, etc., fait fuir les insectes. Autrefois j'avois conseillé de faire relier un certain nombre de volumes en cuir de Russie, de les disséminer dans la

bibliothèque ; mais M. Lesné, habile relieur, assure que ce cuir est aussi attaqué par les insectes.

Ce n'est pas en Europe que les vers font le plus de ravage dans les bibliothèques. Feu M. d'Ansse de Villoison dit, dans ses Fragmens sur la Grèce, que ces insectes sont un des plus grands fléaux du Levant, et plus dangereux que dans nos contrées. Toutes les bibliothèques des Jésuites à Salonique, Scio, Santorin, Naxos, et même à Constantinople, tombent en poussière. Les manuscrits, même en parchemin, subissent le même sort, quoique plus tard. Aussi trouve-t-on dans l'Europe chrétienne, en Angleterre et à Paris, des manuscrits grecs beaucoup plus anciens que ne le sont ceux du mont Athos, de Patmos, et de toutes les autres biblio, thèques du Levant que M. d'Ansse de Villoison a examinées. Des livres qu'il avoit apportés avec lui ont été en, tièrement rongés des vers en deux ans.

Parlons maintenant de l'humidité. Pour s'en garantir, il convient d'abord de garnir tout le fond de la bibliothèque d'un bon parquet composé de lambris parfaite, ment joints; ensuite de tenir le corps de bibliothèque à une distance du mur, plus ou moins grande, selon que ce mur est plus ou moins sec: pour éviter toute crainte à cet égard, on pourroit faire donner au mur deux ou trois couches à l'huile bouillante.

On doit avoir l'attention de laisser entre chaque rang de livres et la tablette supérieure, un intervalle suffisant pour pouvoir tirer chaque volume sans difficulté, et surtout ne pas trop serrer les livres, afin que l'air puisse circuler autour, et que le frottement en les tirant n'altère pas l'éclat de la reliûre.

Lorsque le temps est beau, il faut donner de l'air à la

pièce, et ouvrir les portes des armoires; mais il ne faut pas oublier le soir de les fermer, parce que les papillons pourroient s'introduire dans la bibliothèque et y déposer leurs œufs, qui bientôt produiroient des vers.

Les livres imprimés sur VÉLIN (peau) exigent des soins particuliers; on ne doit les faire relier que long-temps après l'impression, lorsque l'encre et le vÉLIN sont parfaitement secs; et quand ils sont reliés, il faut différer de les enfermer dans un étui jusqu'à ce que la reliûre n'ait plus rien de l'humidité occasionnée par la colle que l'on y a employée. J'ai quelques volumes sur VÉLIN, reliés depuis trois ou quatre ans; le tabis qui est dans l'intérieur de la couverture et la feuille de vélin voisine ne sont pas encore dégagés de toute humidité; cela provient de ce les volumes ont été enfermés trop tôt dans leur étui. Rien n'attire et ne conserve plus l'humidité que le par chemin et le vélin. La blancheur du vélin est éclatante; mais si on le laisse trop long-temps à l'air, il devient jaune, et il se crispe facilement à l'humidité ou à là chaleur.

que

Il paroît qu'autrefois on imprimoit beaucoup sur véLIN, car une ordonnance de Henri II, rendue en 1556, à l'instigation de Raoul de Spifame, porte que les librarres, imprimeurs et éditeurs d'ouvrages pour lesquels ils demanderont un privilège, seront obligés d'en déposer à la bibliothèque royale un exemplaire imprimé sur VÉLIN et proprement relié. Des ordonnances postérieures n'ont plus exigé que six exemplaires en papier.

Du format des livres.

Les livres sont de différens formats, c'est-à-dire, de différentes grandeurs, qui dépendent de la manière dont

la feuille est pliée d'après le nombre de pages imprimées qu'elle contient. Ainsi une feuille pliée en deux et renfermant quatre pages, sera un in-folio; si elle est pliée en quatre et qu'elle ait huit pages, ce sera un in-4o; en huit avec seize pages, c'est un in-8°; en 12 avec vingt-quatre pages, un in-12; etc., etc. Mais il arrive quelquefois qu'on emploie du papier d'une dimension plus grande ou plus petite que l'ordinaire, et que tel volume qui paroît in-12 est in-8o, ou tel autre qui a l'air d'un petit in-folio n'est qu'in-4o, et vice versd: il y a aussi des petits formats qui offrent du doute; alors il faut avoir recours aux pontuseaux, aux réclames et aux signatures; à leur inspection on reconnoîtra sur-le-champ le format le plus douteux.

On appelle pontuseaux des raies transparentes, distantes les unes des autres de douze à quinze lignes, selon la grandeur de la feuille, qui traversent perpendiculairement le papier, et qui coupent à angles droits d'autres raies très rapprochées et moins sensibles, que l'on nomme vergeures. Dans tel format, les pontuseaux sont perpendiculaires; dans tel autre ils sont horizontaux, cómmė nous l'indiquerons dans le petit tableau qui va suivre : cela dépend de la manière dont la feuille est pliée. Les éditions en papier vélin (papier qui a été découvert en Angleterre par Baskerville à Birmingham vers 1756, et en France par MM. Johannot en 1780), les éditions en papier vélin (dis-je) n'ayant pas de pontuseaux, il faut nécessairement recourir aux réclames et aux signatures.

La réclame est le mot qui se trouve placé à droite sous la dernière ligne d'une page verso (le verso est la page qui est à la gauche du lecteur et le recto celle qui est à la droite); ce mot est le même que celui qui recommence

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