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très rares, et n'ont bien été déterminées que depuis très peu d'années; par exemple, le gymnètre. Belon donne le nom de chaque espèce en latin, en grec, en français, en italien, quelquefois même aussi en illyrien, en gret moderne, en arabe, en turc; il y ajoute une légère description, car en général la partie descriptive était à cette époque la plus négligée. Les termes imaginés depuis, pour exprimer les variétés de couleur et de formes, n'existaient pas encore; les auteurs espéraient y suppléer par des figures. Belon donne quelques détails sur les mœurs et les usages des poissons; ce n'est qu'une compilation des articles des anciens qui peuvent se rapporter aux espèces qu'il a sous les yeux. A cet égard, il est, comme les autres auteurs, souvent dans l'erreur; car la détermination des espèces connues des anciens est rarement facile à faire. Ce travail ne put s'exécuter que lorsqu'on eut recueilli tous les poissons de la Méditerranée; encore présente-t-il beaucoup de lacunes, car il est un si grand nombre de poissons dont les anciens n'ont parlé qu'en quelques mots, que plusieurs sont restés sans pouvoir être reconnus.

Cependant je trouve que parmi les trois zoologistes dont je viens de parler, c'est Belon qui a mis le plus de critique, d'intelligence, dans l'application des noms qu'il a tirés des anciens. L'édition latine de son livre a été publiée par lui, en 1553; il en a paru une édition française en 1555; elle est intitulée : De la nature et diversité des poissons, et est dédiée au cardinal de Chastillon. C'est un in- 12 transverse; on y trouve les mêmes planches et à peu près le même texte que dans l'édition latine, sauf quelques légères différences: pour l'exactitude des recherches, on est obligé d'avoir les deux éditions.

En 1553, Belon publia aussi la relation de ses voyages, intitulée : Les observations de plusieurs singularités et choses mémorables trouvées en Grèce, Asie, Judée, Égypte, Arabie et autres pays étranges. Un grand nombre de ces observations est excentrique au plan de mon Cours; je ne parlerai que de celles qui ont rapport à l'histoire naturelle.

Belon y donne des figures de plusieurs espèces d'oiseaux, de quadrupèdes, d'éléphans; il y représente la civette, l'ichneumon, le caméléon, le mouflon, etc., et un singe appelé tartarin, espèce de papion. Ces figures, gravées sur bois, ne sont pas mauvaises'; elles sont suffisamment caractéristiques: mais l'une d'elles représente un poisson nommé le scare, dont les caractères n'ont pu être retrouvés. Belon pensait que c'était le scare des anciens (1); on croit que c'est une erreur.

En 1555, il donna un nouvel ouvrage, intitulé : l'His

(1) Les modernes, d'après les anciens, ont cru que ce poisson avait la faculté de ruminer: Ovide s'exprime ainsi à son égard :

At contra herbosâ pisces laxantur arenâ,

Ut scaurus, epastas solus qui ruminat escas.

Selon Willughby, le scare a les dents obtuses, et se sert des antérieures, qui ont beaucoup de ressemblance avec celles de l'homme, pour arracher les herbes attachées aux rochers. Il ajoute que la partie la plus recherchée de ce poisson, du genre labre, est l'estomac, à cause des herbes succulentes dont il est rempli; on l'assaisonne ainsi sans le vider, et l'on y ajoute le foie, qui est d'un volume considérable: autrement, le scare ne serait qu'un mets insipide.

Horace parle aussi du scare comme d'un mets très délicat (N. du Rédact.)

toire de la nature des oiseaux, avec leur description et naïfs pourtraicts, retirés du naturel. C'est un petit in-folio, qui fut imprimé à Paris et dédié au roi Henri II. Les figures des oiseaux représentent pour la première fois un grand nombre d'espèces; elles avaient été gravées sur bois, comme celles de Lonicerus : on y désirerait un peu plus de délicatesse. Quelques-unes aussi, sont assez mal enluminées; néanmoins elles sont assez exactes, et cet ouvrage est le premier livre d'ornithologie un peu positif qui ait été publié. Dans le premier volume, l'auteur traite des généralités; dans le second, des oiseaux de proie; dans le troisième, des oiscaux nageurs; dans le quatrième, des oiseaux de rivages ; dans le cinquième, des gallinacées; dans le sixième, des corbeaux et autres oiseaux semblables; dans le septième, enfin, des petits oiseaux chanteurs. Il agit, à l'égard de ces différens sujets, à peu près comme à l'égard des poissons, c'est-à-dire qu'il en rapporte les différens noms et la synonymie chez les anciens ; il en déduit une espèce d'histoire naturelle de chaque espèce.

Les oiseaux de proîe ou de chasse sont le sujet de quelques additions. La chasse à ces oiseaux était alors à la mode. Imaginée dans les pays orientaux, et principalement mise en pratique par les Persans et les Arabes, dans le moyen âge, elle avait été apportée en Occident par les croisés. Frédéric II en a publié un traité. Elle exigeait un exercice très violent, en ce qu'il fallait suivre, à cheval, l'oiseau poursuivi et l'oiseau chasseur pour se trouver au moment de la prise. Elle obligeait de plus à traverser de vastes plaines, ce qui ne pouvait se faire qu'à une époque où beaucoup de terrés étaient incultes. Presque

aucun prince n'entretient maintenant d'oiseaux de proie.

Du reste, cette chasse ne laissait pas d'être intéressante; il était assez difficile de dresser de grands oiseaux à poursuivre le gibier, et à revenir après l'avoir atteint. On était obligé d'étudier les habitudes des faucons et des différens gibiers; cette étude a concouru aux progrès de l'histoire naturelle des oiseaux ; et Belon s'était aidé des connaissances des principaux fauconniers, sur les gerfauts et quelques autres oiseaux de proie. Nous verrons d'autrès ouvrages de vénerie où ces faits ont été consignés.

Les planches de Belon lui ont servi ensuite pour un autre ouvrage intitulé: Pourtraicts d'oiseaux, animaux, serpens, herbes, arbres, hommes et femmes d'Arabie et d'Égypte, avec une carte du mont Athos et du mont Sinaï. Il parut en 1557. L'ornithologie y ⚫domine; l'auteur y ajoint seulement quelques figures des quadrupedes, des hommes, et des différens costumes qu'il avait remarqués dans ses voyages. Tout le texte de l'ouvrage se compose de quatre mauvais vers inscrits sous chaque oiseau. Ils expriment ce qu'il y a de plus partiticulier dans son caractère et dans ses mœurs. Cet ouvrage, qui fut le dernier écrit de Belon, est loin d'offrir la même utilité que son histoire naturelle des oiseaux. Tout le reste de sa vie avait été consacré à la traduction de Théophraste et de Dioscoride, les deux botanistes les plus fondamentaux de l'antiquité. Il ne paraît pas que sa traduction se soit trouvée en assez bon ordre, après son assassinat, pour être livrée à l'impression; car il ne nous en est rien resté.

Dans le même temps que Belon, vivait en Italie un

homme qui a aussi écrit sur les poissons, Hippolyte Salviani, né à Citta di Castello dans l'Ombrie, en 1514.

Salviani devint médecin de Marcel Cervini, cardinal du titre de Sainte-Croix, et qui fut pape trois semaines (1), sous le nom de Marcel II. Mais, ce cardinal, avant d'arriver à la papauté, lui avait procuré la place de médecin du pape Jules III, son prédécesseur, et Salviani la conserva sous Paul IV, Caraffa, successeur de Marcel II. Il fut ainsi dans une position très favorable pour s'occuper d'ichtyologie, car la mer Méditerranée est infiniment plus riche en poissons que toutes nos mers du nord. Les marchés de Rome en offrent d'ailleurs une quantité considérable, et il lui suffisait, pour ainsi dire, de les envoyer acheter et de les peindre pour avoir une première base à ses travaux. C'est, en effet, ce que fit Salviani.

Son livre est intitulé: Aquatilium animalium historia. Il fut imprimé dans sa propre maison, à Rome,. et parut de 1554 à 1558. La totalité forme un volume in-folio qui est devenu un peu rare. Les planches qui l'accompagnent sont les premières qui furent gravées sur cuivre avec quelque élégance. Les artistes romains étaient alors très nombreux. C'est, pour ainsi dire, l'époque où les arts ont le plus fleuri, mais la gravure surtout, qui n'est venue qu'après la peinture. Si les caractères des poissons y étaient suffisamment exprimés, l'ouvrage de Salviani ne laisserait rien à désirer. Mais, pour qu'un peintre applique parfaitement son talent à l'histoire naturelle, il est nécessaire qu'il sache lui-même

(1) On a dit qu'il avait été empoisonné, mais sans en apporter aucune preuve. (N. du Rédact.)

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