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vante, dont quelques branches auront encore besoin d'être subdivisées : l'Anatomie, la Zoologie, la Botanique, la Minéralogie et la Chimie.

L'Anatomie est de ces cinq branches celle qui s'est toujours le mieux maintenue, à cause de son utilité directe. Ainsi nous avons vu que, dans l'empire romain, lorsque déjà il n'y avait plus de bons orateurs, lorsqu'on n'y rencontrait que des poètes médiocres, lorsqu'il n'y existait aucun naturaliste digne de ce nom, il s'était cependant conservé des anatomistes, et même un des plus grands qu'ait produits l'antiquité, l'immortel Galien. Il en est de même dans les temps modernes ; l'anatomie est la première des sciences qui ait été cultivée avec quelques succès après la renaissance des lettres. La raison en est la même ; c'est que ses rapports immédiats avec la médecine en font une science de plus grande nécessité que les autres, qui, à quelques égards, sont des sciences de luxe.

La Zoologie n'est, pour ainsi dire, qu'une émanation de l'anatomie; car l'étude des animaux n'est qu'une répétition de l'étude physique de l'homme : ce sont les mêmes ressorts, avec des modifications, des diminutions, il est vrai, mais qui n'empêchent pas pourtant que l'histoire des animaux ne soit qu'un développement de l'histoire physique de l'espèce humaine, et que la zoologie n'ait un rapport intime avec l'anatomie.

La Botanique a aussi avec elle d'assez grands rapports on y retrouve plusieurs lois de la vie et de l'organisation. La botanique a toujours été cultivée par un plus grand nombre d'individus que la 'zoologie : la raison de cette faveur, c'est qu'elle a été considérée comme étant d'une utilité plus générale.

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La Minéralogie, fort utile également, reparaîtra bientôt, après la renaissance des lettres, sous une forme scientifique. Durant le moyen âge, elle avait été concentrée dans les exploitatious des mines. La Chimie, qui en est une annexe nécessaire, était tenue secrète, comme les sciences l'avaient été dans leur origine, alors qu'elles n'étaient connues que des prêtres de l'Égypte et de l'Inde. Les rose-croix et les alchimistes gardaient leurs secrets, ou ne les communiquaient que sous des emblèmes très difficiles à percer.

Tel est, messieurs, l'ordre que je suivrai dans la partie de ce cours qui me reste à faire. J'irai cette année aussi loin que le temps me le permettra.

Je commence l'histoire de l'anatomie. Vous avez vu, messieurs, que pendant le moyen âge l'anatomie avait été étudiée uniquement dans Galien; que les Arabes, qui se livraient avec beaucoup de zèle à l'étude de différentes parties de la médecine, notamment à la botanique dans ses rapports avec cette science, n'avaient pu faire de progrès dans l'anatomie, parce que leur religion leur interdisait de toucher aux cadavres, peut-être d'une manière plus sévère que la religion des Grecs et des Romains ne le défendait aussi à ces deux peuples. Ils se bornèrent donc à traduire Galien en syriaque et ensuite en arabe. C'est l'anatomie de Galien qu'ils ont transmise aux Européens dans leur traduction arabe; car ceux-ci n'avaient pas même conservé d'exemplaires grecs de Galien.

L'empereur Frédéric II fut le premier qui ordonna qu'il y eût des dissections. Il prescrivit à plusieurs écoles de son royaume et de ses différens états, notamment à celle de Salerne, de faire au moins la

dissection d'un cadavre chaque année. C'était le seul exercice anatomique qui eût lieu, et encore, pour obtenir la permission de disséquer des corps humains, fallaitil s'adresser au pape: ce n'était qu'en obtenant des bulles de Rome qu'une école de médecine pouvait s'occuper d'anatomie. Ainsi nous voyons qu'en 1482, presqu'à la fin du quinzième siècle, l'université de Tubingue fut obligée d'obtenir une pareille bulle. Vous jugez qu'avec de telles formalités il était difficile que cette science fît des progrès bien rapides. Aussi à cette époque n'avait - on qu'un seul auteur, qui même était prescrit par la loi. Les professeurs de Médecine étaient obligés de lire le traité de Mundinus de Bologne, qui vivait dans le quatorzième siècle. Son entrée dans la chaire de professeur à l'université de Bologne date de 1315, et sa mort eut lieu en 1326. Pendant cet intervalle de onze années, il ne disséqua que trois (1) corps, deux corps de femme et un corps d'homme. Telles furent toutes ses études anatomiques. Son ouvrage aussi est tiré en grande partie des auteurs arabes, et même il emploie leurs termes pour désigner certaines parties du corps humain. Tous les noms barbares dont il se sert sont la preuve que le peu qu'il savait d'anatomie n'avait point été tiré des Grecs et des Latins, mais des Arabes, les seuls qui professassent alors la médecine, soit dans leurs propres écoles, soit même dans les états chrétiens; car vous pouvez faire la remarque que les princes chrétiens avaient des médecins juifs qui avaient étudié dans les

(1) Jusqu'à present on avait cru qu'il n'avait disséqué que deux corps de femme. (N. du Rédact.)

écoles des Arabes d'Espagne. Cependant l'ouvrage de Mundinus n'est pas entièrement copié; cet anatomiste avait fait des observations qui ne sont pas dans Galien, ou qui y sont mieux exposées. Ainsi il n'admet pas le rete mirabile, comme les auteurs anciens; il donne aussi quelques corrections sur les muscles de l'oeil, et sur d'autres points peu importans à la vérité, mais qui montrent qu'il avait observé par lui-même. Du reste, sa physiologie est encore tout-à-fait barbare: il prétend, par exemple, que le coeur est d'une forme pyramidale, parce que c'est la forme du feu, et que cette forme devait appartenir à l'organe qui contient le plus de chaleur, quien est comme le centre et la répand dans le corps entier. Sa myologie est déplorable. Cela ne doit pas étonner, car des trois cadavres qu'il avait disséqués, l'un lui avait servi à faire un squelette, et les deux autres avaient été desséchés au four. C'était sur cux qu'il avait fait ses observations. Mundinus cependant servit de livre classique pendant plus d'un siècle.

Dans les commencemens même du siècle dont nous parlons parurent des commentateurs de Mundinus. Tel fut un professeur de Padoue et de Rome, Gabriel de Zerbis, qui donna en 1502 un ouvrage intitulé Liber anatomia corporis humani et singulorum membrorum illius. Ce Zerbis était un homme d'un caractère violent et d'une vie très dissipée. Moine d'abord (1), il quitta son couvent, commit même des vols, et fut envoyé en Turquie par la république de Venise pour guérir un

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(1) Haller dit également que Zerbis était moine. M. Renauldin ne partage pas cette opinion, qui lui paraît dénuée de fondement. V. Biblioth. anatomica. (N. du Rédacteur.)

pacha qui l'avait demandé; mais cet homme puissant étant mort, malgré ce que Gabriel de Zerbis put faire, celui-ci fut tué. Son livre est d'un si mauvais latin qu'Haller n'a jamais pu en supporter la lecture. Il y emploie les mêmes termes arabes que Mundinus. On y remarque cependant quelques nouvelles observations: les trompes dites de Fallope, l'utérus, commencent à y être décrits un peu mieux qu'on ne l'avait fait jusqu'alors. Il commence aussi à parler de la première paire de nerfs, que les anciens considéraient comme un conduit du cerveau vers le nez.

Le progrès est plus marqué dans un professeur de Bologne, nommé Alexandre Achillini, qui enseigna de 1500 à 1512 dans cette université et y mourut. Son livre est une traduction de Mundinus; il a pour titre : Annotationes anatomicæ in Mundinum.

Il a fait un autre ouvrage, intitulé De humani corporis anatomia. Plus heureux en dissection que ses prédécesseurs, il eut plusieurs corps humains à sa disposition; aussi y a-t-il des progrès sensibles dans les descriptions qu'il donne du corps humain. Il a découvert le nerf de la quatrième paire ; il a fort bien décrit la voûte à trois piliers, la véritable forme des ventricules, et l'infundibulum. Plusieurs de ces choses ont été depuis données et accueillies comme nouvelles, faute d'avoir étudié les ouvrages de cette époque. Achillini a décrit aussi l'enclume et le marteau, deux osselets de l'organe de l'ouïe; les valvules du cœur ; le canal excréteur de la glande sous-maxiliaire, qui porte le nom de Wharton, d'après la description très exacte que celui-ci en a faite dans son seul ouvrage, intitulé Adenographia, sive glandularum totius corporis descriptio, mais qui était

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