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de finesse de procédés, un très grand nombre d'observations. Nous avons à dire quelques mots sur l'histoire de leurs confrères, avant d'arriver à eux.

Michel Servet était un Espagnol de Villa-Nueva, dans le royaume d'Arragon ; il était né en 1509. Dès sa jeunesse il s'était occupé des questions de théologie, qu'il était alors dangereux de toucher, et s'était déclaré anti-trinitaire. Poursuivi par l'inquisition, il quitta l'Espagne, et vint étudier la médecine à Paris. Pour y vivre, il enseigna les mathématiques. Il voyagea ensuite dans le midi de la France sans détermination arrêtée. D'un caractère très changeant, il fut successivement médecin et correcteur d'imprimerie à Lyon; il devint, en 1553, le médecin de l'archevêque de Vienne en Dauphiné (1). Dogmatisant dans son système antitrinitaire, il fut attiré à Genève par Calvin; il y fut poursuivi et condamné au feu sur la dénonciation même de Calvin : c'est une tache ineffaçable dans la vie de ce réformateur. Le malheureux Servet périt en 1553. Un ouvrage qui était précisément à l'impression en ce temps-là, et avait pour titre Christianismi restitutio, fut brûlé aussi. Il en resta pourtant deux exemplaires qui existent encore aujourd'hui, et dans lesquels on a trouvé un point de physiologie très important, celui de la circulation pulmonaire. Ce phénomène physiologique est exprimé d'une manière fort nette. Il ne parle pas de la grande circulation, découverte cent ans après sculement par Harvey, qui terminera la période dont nous nous occupons; mais il dit d'une manière positive que toute la masse du sang passe à travers les poumons; que

y

(1) Cet archevêque l'avait connu à Paris. (N. du Rédact.)

dans ce passage le sang est dépouillé de ses humeurs grossières, modifié par l'air et attiré par le cœur. Dans ces paroles on reconnaît un exposé assez net de la circulation pulmonaire, et même, si l'on voulait, on pourrait y trouver la théorie de la respiration, telle que nous l'admettons de nos jours. C'est ce passage, cité dans le livre intitulé Restitutio christianismi, dont l'un des deux exemplaires échappés au bucher a été poussé, dans une vente du duc de la Vallière, jusqu'à sept ou huit mille francs, que l'on croit que Servet a pris à Némésius, évêque grec, qui a fait un ouvrage intitulé Physiologia; on le croit d'autant plus, qu'on imprimait ce livre lorsque Servet était correcteur d'imprimerie; mais si ce passage est dans Némésius, il y est d'une manière fort obscure, car je n'ai pas pu l'y découvrir. C'est sous ce point de vue physiologique seulement que Servet mérite notre attention; toute sa vie appartient à l'histoire ecclésiastique.

Un autre élève de Gonthier, est Charles Estienne, qui appartenait à cette célèbre famille d'imprimeurs de ce nom qui, cultivant l'imprimerie presque dès son invention, a produit quatre ou cinq imprimeurs très renommés, et en même temps aussi des hommes très savans. Ce n'est pas le cas de vous parler de Robert, de Henry Estienne, qui se sont succédé dans la profession d'imprimeur, et ont fait des ouvrages précieux; nous ne nous occuperons que de celui qui fut médecin, Charles Estienne. Il donna un ouvrage intitulé De Dissectione partium corporis humani, qui fut imprimé par un de ses parens. Le même ouvrage existe aussi en français, sous le titre de Dissection des parties du corps humain ; il avait été imprimé en 1536, mais les

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différens malheurs de la famille des Estienne, qui, tantôt fut obligée de s'expatrier, tantôt fut mise en prison soit par suite des persécutions religieuses qui divisaient presque toute la chrétienté, soit à cause de leurs affaires, qui ne furent jamais trop bonnes (1), firent retarder la publication de l'ouvrage de Charles jusqu'en 1546.

Vesale avait déjà fait paraître le sien, qui est supérieur à celui d'Estienne. On aurait pu s'étonner que celui-ci, paraissant plus tard, ne contînt pas beaucoup de choses nouvelles qui sont dans Vesale; mais les causes de retard que nous venons de faire connaître en donnent l'explication. Charles y représenta mieux que ses prédécesseurs, les muscles, les yeux, les artères, les viscères, etc.; mais ses figures étant entières, les détails y sont presque impossibles à reconpaître. L'œil est donné à part. C'est du reste un ouvrage fait d'après nature, et très estimable pour le temps. Il renferme des choses nouvelles, par exemple, la description des cartilages inter-articulaires et des glandes synoviales, celle des ligamens de l'épine, les glandes de Meibomius, ainsi appelés parce que Meibomius les a décrites avec beaucoup de détail. Charles corrigea Galien sur le septième muscle de l'œil, qui existe dans les animaux et ne se trouve pas dans l'homme, sur le pannicule charnu et quelques autres points anatomiques. Comme je l'ai dit cet ouvrage mérite notre estime, bicu qu'aujourd'hui il ne puisse appartenir qu'à l'histoire de la science,

Mais un professeur plus célèbre, c'est Jacques Du

(1) Le zèle qu'ils mettaient à la perfection de leur art leur faisait souvent négliger leurs intérêts.

பயர்

bois, d'Amiens, connu aussi sous le nom de Sylvius ; il fut l'un des premiers élèves de Gonthier, et eut ainsi le temps de devenir le maître de plusieurs de ceux qui avaient eu, comme lui, Gonthier pour professeur. Il était très célèbre à Paris dès 1531. C'est lui qui, le premier, a interprété.les ouvrages d'Hippocrate et de Galien d'après les textes, non-seulement pour l'anatomie, mais pour les parties de la médecine. On raconte qu'il eut quatre cents auditeurs, tandis que Fernel, plus renommé que lui, n'en a eu que quinze à vingt. Sylvius ne fut professeur qu'en 1550, après la mort de Vidius, dont nous parlerons bientôt. Jusque là, il n'avait été qu'un simple professeur particulier. Son livre intitulé Isagogæ in libros Hippocratis et Galieni est un commentaire sur les anciens. C'est lui qui le premier donna un nom aux muscles. Galien a bien décrit les muscles de l'homme, mais il les a désignés par les nombres premier, deuxième et troisième muscle de la jambe et du bras, ce qui est fort incommode pour la mémoire.

Dubois leur appliqua d'autres dénominations positives. Il a fait d'ailleurs beaucoup de découvertes. Le premier il a remarqué le prolongement du péritoine dans le scrotum. Il chercha l'origine de la veine cave dans le cœur. Long-temps même après lui on la cherchait encore dans le foie. Il a décrit les valvules des veines, qui depuis l'ont été avec soin par Fabricius d'Aquapendente, et ont conduit à la découverte de la circulation du sang, faite par Harvey; mais ce premier point avait été observé par Sylvius, et resta isolé, faute par ses successeurs d'y avoir attaché toute l'importance qu'il méritait. C'est ainsi que nous voyons souvent dans les sciences qu'une première, découverte, dont la consé

quence rigoureuse devait en amener une seconde, n'en fut pourtant pas suivie immédiatement, parce que leurs rapports, leurs liaisons, qui paraissent de la plus grande simplicité quand on les connaît, n'avaient pas été aperçus.

Sylvius a décrit également l'appendice vermiculaire du cœcum et le petit lobe du foie, appelé lobe de Spigel, bien que celui-ci ne soit venu que soixante ans après Sylvius. Ses Isagoga n'ont été imprimés qu'après sa mort, en 1555. Il existe de lui un autre ouvrage, intitulé Librorum Galieni de ossibus commentarium, qui parut en 1561, qui par conséquent est également posthume. A cette époque, commença à s'établir la question de savoir si Galien avait décrit l'homme ou les animaux. Galien n'a dit nulle part avoir décrit l'homme. Comme il était l'objet des respects de tous les médecins, on ne voulut pas avouer qu'il n'avait décrit que des animaux. Ce fut Vesale qui établit cette vérité contre tous les médecins de l'Europe; mais Sylvius, qui avait été professeur de Vesale, le voyant attaquer Galien, défendit celui-ci avec une vivacité et une violence extraordinaires. Tout le monde connaît la grossièreté des débats littéraires de cette époque : celle des anatomistes n'était pas moindre. La brutalité de Sylvius fut véritablement horrible. Il paraît avoir été d'un caractère très sombre, très àcre. On prétend même qu'il était fort avare: son avarice donna lieu à ce distique de Buchanan, qui fut mis à la porte de l'église, le jour de son enterrement:

Sylvius hic situs est gratis qui nil dedit unquàm

Mortuus et gratis quod legis ista dolet.

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,

Parmi les anatomistes de ce temps, le principal, le prince de tous les anatomistes, qui fut élève de

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