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stances de ceux qui étoient déjà connus, ou qui se présentoient à moi dans le cours de mes recherches; et que mon but principal a toujours été de remonter aux causes par la voie de l'expérience, sans m'abandonner à une admiration oisive, quand j'ai appréhendé de n'en tirer aucun fruit pour le progrès de mes connoissances. Ceci est une affaire de goût; je suis bien éloigné de blâmer ceux qui, ne pensant pas comme moi, ou qui ayant plus de loisir, s'occupent à rendre les expériences brillantes, ou même effrayantes, et à soutenir l'admiration des curieux qui prennent part à ces découvertes; je crois même qu'on doit leur en savoir très-bon gré ; l'électricité devient par-là plus intéressante; le nombre des amateurs augmente, le public en est plus ardent à demander les raisons de ce qu'il voit avec étonnement, et les savants s'empressent davantage à les rechercher, et à les lui offrir.

Vous trouverez que toutes mes explications roulent sur un principe, dont il faut que je vous entretienne un moment; c'est celui des effluences et affluences simultanées; je pense, comme vous le verrez, que la matière électrique s'élance du corps électrisé en forme de rayons qui sont divergents entr'eux, et c'est-là ce que j'appelle matière effluente; une pareille matière vient, selon moi, de toutes parts au corps électrisé, soit de l'air de l'atmosphère, soit des autres corps environnants, et voilà ce que je nomme matière affluente; ces deux courants qui ont des mouvements opposés, ont lieu tous deux ensemble, c'est ce que j'explique par le mot simultanés.

Lorsque je mis ce principe au jour pour la première fois, je n'avois encore vu que les expériences que nous avions faites avec des tubes, et un petit nombre de celles qu'on commençoit à faire à l'aide des globes; c'est-à-dire, que je n'en avois ni autant, ni d'aussi fortes preuves que j'en ai à présent; je ne le donnai que comme une conjecture plausible; aujourd'hui j'ose dire que c'est un fait évident pour quiconque ne sera point prévenu d'un autre sentiment; un fait adopté par des savants du premier ordre dans la matière dont il s'agit; † un fait auquel d'autres physiciens du même rang ont été naturellement conduits par leurs propres lumières ; ‡

* Le 28 Avril, 1745. Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences pour la même année, p. 124.

Voyez l'ouvrage de M. Boze, qui a pour titre, Recherches sur la Cause et la véritable Théorie de l'Electricité, imprimé en 1745, dans l'Appendice, p. 44, et suiv.

Voyez l'ouvrage de M. Watson, imprimé en Anglois en 1746, et

un fait en un mot qui se montre tellement à quiconque répète ou tente les expériences avec un peu de réflexion, que je le trouve exprimé en propres termes ou en termes équivalents, dans des ouvrages où l'on se proposoit toute autre chose que d'acquiescer à mes opinions; et pour vous citer vous-même, c'est un fait que vous aviez découvert et démontré par le moyen des roues d'un petit moulin à vent, &c., mais que vous avez attribué depuis à diverses circonstances d'attraction et de répulsion, dont vous n'avez pas rendu compte dans votre ouvrage, et que je serois bien curieux d'apprendre.

En établissant dans mon Essai ce principe des effluences et affluences simultanées, je n'ai cité en preuves que sept ou huit faits, que j'ai cru suffisants; mais si vous n'en êtes pas satisfait, donnezvouz la peine de suivre mes explications dans le volume des Rccherches, et si vous les trouvez heureusement déduites de cette source, vous serez obligé de convenir que chaque phénomène ainsi expliqué fournit un nouveau dégré de certitude. J'ose espérer

que par cette lecture vous reconnoîtrez encore que ce premier trait de lumière m'a guidé non-seulement pour rendre raison des effets déjà connus, mais encore pour en découvrir d'autres à la connoissance desquels je ne serois peut-être jamais parvenu sans lui; c'est en réfléchissant, par exemple, sur l'effluence de la matière électrique, qu'il m'est venu en pensée d'essayer si les parties propres

traduit en Français dans un Recueil de Pièces sur l'Electricité, à Paris, 1748.

Voyez dans le premier volume des Mémoires étrangers, imprimé sous les auspices de l'Académie des Sciences, les Mémoires sur l'Electricité par M. du Tour de Riom, Correspondant de l'Académie.

Musschenbroek, Elém. Phys. in 8vo. Edition 1748, en l'endroit où il traite de l'Electricité.

Voyez la nouvelle Dissertation sur l'Electricité, par M. Morin, Professeur de Philosophie à Chartres, imprimée en 1747; un ouvrage anonyme qui a pour titre Cause et Méchanique de l'Electricité, 1749; l'ouvrage en deux parties de M. Boulanger en 1750, &c. En parcourant ces ouvrages on reconnoît par-tout que les auteurs ne peuvent se passer d'admettre deux courants de matière électrique.

On peut ajouter à tout cela que M. Waitz, dont la Dissertation a été couronnée par l'Académie de Berlin, a tellement compté sur la matière affluente, qu'il n'en a point voulu admettre d'autre; cette matière est pourtant la seule qu'on ose contester; car pour la matière effluente, tout le monde en convient.

+ Expériences et Observations sur l'Electricité, par M. Benjamin Franklin, p. 32.

de certains corps ne seroient point entraînées au dehors pendant le cours d'une électrisation de longue durée; si l'évaporation des liquides, si le desséchement des fruits, si la transpiration des animaux n'en seroient point accélérés; c'est en comptant aussi sur la matière affluente, que j'ai osé prévoir de pareils effets à l'égard des mêmes corps placés dans le voisinage d'une masse quelconque électrisée; or tout ce que j'avois prévu à cet égard étant arrivé, ne suis-je pas fondé à croire que ces effets viennent véritablement de la cause que j'avois en vue, quand j'ai conçu l'espérance de les faire paroitre?

Je vous avoue donc, Monsieur, avec franchise que je suis un peu attaché au principe dont je viens de vous parler, et qu'avant d'essayer d'un autre, je suis résolu d'examiner s'il ne peut pas quadrer avec les faits dont vous faites mention dans votre ouvrage; car s'il en peut fournir des explications plausibles et bien naturelles, je me croirai en droit de le préférer aux vôtres; premièrement parce qu'ils ne me paroissent pas assez prouvés, et en second lieu, parce qu'il me semble qu'ils font violence à des vérités bien établies, et presque généralement reconnues. Je vous parle avec la liberté qu'inspire l'amour de la vérité; si vous me faites l'honneur de me répondre, je vous prie d'en user de même; l'attachement que j'ai pour mon opinion ne va pas jusqu'à l'opiniâtreté; si en m'expliquant vos pensées, qui pourroient bien avoir perdu quelque chose de leur valeur, soit par la manière précipitée avec laquelle elles ont été données au public, soit par quelque inexactitude de traduction ou d'impression; si, dis-je, en me les expliquant, vous me les rendez plus intelligibles, plus probables, et que je les trouve enfin préferables aux miennes, je vous promets d'en faire un aveu solemnel; et si je voyois que vous eussiez le même avantage sur les autres physiciens de l'Europe, je ne manquerois pas de joindre ma voix à celle de vos éditeurs, pour dire combien vous l'emportez sur tous ceux qui vous ont précédé dans cette carrière, comme je me fais un plaisir de reconnoître et de publier dès-à-present que vous y avez fait de très-grands progrès.

Je serai obligé de vous dire en plus d'un endroit que vous avez été prévenu sur certaines découvertes, et sur quelques pensées ingénieuses qui paroissent comme neuves dans vos lettres, et que vos éditeurs, tant Anglois que Français, semblent avoir regardé comme telles; ne prenez pas cela, je vous prie, pour un reproche; si c'en étoit un, il ne pourroit pas tomber sur vous; je vous crois trop judicieux et trop modeste pour vouloir briller aux dépens de personne, et trop riche de votre propre fond pour vouloir vous approPp*

VOL. V.

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prier le bien d'autrui; éloigné comme vous l'êtes, on croira sans peine que vous aurez ignoré bien des découvertes qui s'étoient déjà faites ailleurs, ainsi que les conséquences qu'on en avoit déduites; si je fais donc ces sortes de remarques, c'est pour conserver aux auteurs leur priorité de date, ce que je ne pourrois me dispenser de faire sans paroître injuste, ou ignorer les progrès de ceux qui ont travaillé avant vous sur l'électricité. C'est encore pour inspirer un nouveau dégré de confiance aux lecteurs qui auroient vu ces faits, ou ce qui en résulte, dans d'autres ouvrages que le vôtre; je crois que cela ne peut manquer d'arriver, quand on verra qu'un habile homme, sans être prévenu ni pour ni contre, a rencontré et enseigné formellement une partie de ces vérités surprenantes qu'on ne veut, et qu'on ne doit croire qu'à bon titre.

Si j'ai à vous parler de vos systèmes et de vos conjectures, ce ne sera pas pour trouver à redire que vous en ayez faits; je pense que cela est très-permis et même utile en physique, pourvu qu'on en use sobrement, et qu'on les donne, comme vous faites, pour ce qu'ils sont; je ne les désapprouve que quand on y met un ton décisif et impérieux, qui ne peut convenir tout au plus que pour les réalités les mieux prouvées et les plus évidentes; je trouve qu'il y a bien de l'inconséquence à citer, comme on le fait, l'exemple de Newton et des physiciens qui se piquent le plus de suivre la méthode de ce grand homme, pour nous ôter l'envie que nous pourrions avoir de risquer quelques hypothèses, à moins qu'on ne leur en accorde le privilége exclusif. Si je vous parle donc de celles que vous avez avancées, ce ne sera que pour vous dire combien les unes sont naturelles et plausibles, en vous apprenant qu'il y a déjà plusieurs années qu'elles ont gagné les esprits, comme d'ellesmêmes, dans un monde à qui vous n'aviez pas encore fait part de vos pensées, et pour vous faire quelques représentations sur d'autres qui ne paroissent pas assez d'accord avec l'expérience, et sur lesquelles je vous prierai de vouloir bien me donner quelques éclaircissements. Voilà, Monsieur, à peu près les articles dont je me propose de vous entretenir dans les lettres qui suivront celle-ci; si vous les jugez dignes d'une réponse, j'aurai obligation à la physique de m'avoir procuré l'honneur de votre correspondance; je ferai de mon mieux pour en mériter la continuation, et pour vous prouver la parfaite estime avec laquelle j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

A Paris, ce 1 Juillet, 1752.

NOLLET.

No. III.

SPEECH OF THE EARL OF MACCLESFIELD, PRESIDENT OF
THE ROYAL SOCIETY, ON THE OCCASION OF AWARD-
ING TO FRANKLIN A MEDAL FOR HIS DISCOVERIES IN
ELECTRICITY.*

AT A MEETING OF THE ROYAL SOCIETY, THURSDAY, NOVEMBER 30TH, 1753.

THE President made a declaration of the prize-medal to be given this year by the Society in consequence of the legacy left by the late Sir Godfrey Copley, namely, that the Council of the Society, on whom the right of bestowing this prize was undoubtedly devolved by the death of Sir Hans Sloane, the surviving trustee named in Sir Godfrey's will, had nominated, for the same, Benjamin Franklin, Esquire, of Philadelphia, in Pennsylvania, on account of his curious experiments and observations on electricity.

In the declaring and bestowing which prize the President addressed himself to the Society in the following manner, here inserted at the express desire of the gentlemen present.

"GENTLEMEN,

"Sir Hans Sloane being now dead, who was the surviving trustee of the late Sir Godfrey Copley, Baronet, the right of disposing of that gentleman's annual benefaction is incontestably devolved upon your President and Council, who have accordingly taken that matter into consideration.

"And, deliberating thereupon, they thought it their duty to keep these two points steadily in view, namely, the advancement of science and useful knowledge, and the honor of this Society. To the attaining both which ends they were convinced, that a strictly just and impartial disposal of this benefaction in favor of those only, who truly deserved it, would not a little conduce.

"Since such a disposition of it, if constantly practised, would greatly contribute to the credit of this Society, and at the same time would encourage laudable emulation among learned and ingenious men, who would thereby be induced to exert their functions, and endeavour to excel each other, not only in making useful and curious discoveries and improvements, but also in a

* For this paper I am indebted to Mr. B. B. Thatcher, by whom it was transcribed from the manuscript Journal of the Royal Society. - EDITOR.

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