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LE SPHINX DE SOLLIÈS-PONT (Var)

RÉPONSE

A MONSIEUR LE COLONEL GAZAN,

Ancien élève de l'École Polytechnique,

Commandeur de la Légion-d'Honneur, Officier de l'Instruction publique, etc., etc.

A MONSIEUR LE COLONEL GAZAN,

Ancien élève de l'École Polytechnique,

Commandeur de la Légion d'Honneur, Officier de l'Instruction publique, etc.

MONSIEUR ET TRÈS-HONORÉ CONFRÈRE,

Vous m'avez fait l'honneur de m'adresser votre dissertation sur l'Epigraphe tumulaire que j'ai mise au jour, il y a un an, et vous l'avez fait avec cette courtoisie qui est le parfum du vrai savant. Je vous en remercie, car vous m'avez prouvé par là que vous aviez su me comprendre. Devant des signes aussi variés qu'énigmatiques, le travailleur est réduit à de simples conjectures plus ou moins probables. Qui n'a pas cru que Champollion avait le don infus de déchiffrer les hieroglyphes les plus mystérieuses des Pharaons? Et pourtant telle n'est pas la pensée de tous ceux qui ne s'arrêtent pas à la surface des choses. La stèle de Babylone, déposée, il n'y a pas longtemps, au musée de la capitale, a arraché plus d'un aveu accusant le peu de confiance que doivent inspirer ces tortures imposées aux signes d'une langue. Il n'est pas d'archéologue qui ne se soit écrié que c'était là le seul document positif des temps passés. Plus que cela : M. Dufeu vient de reprocher aux autorités égyptologues de ne rien savoir sur les pyramides, pas même l'étymologie de ce mot.

Mais, si je suis obligé de rendre hommage à la noblesse de votre caractère, à la distinction de vos procédés, que ne m'est-il pas aussi

facile d'accepter sans réserve la version que vous donnez de mon épigraphe, et de la tenir avec vous comme exclusivement exacte?

Une interprétation, pour commander irrésistiblement à l'esprit, doit: 4° offrir un sens naturel, 2o éviter l'arbitraire. J'entends par arbitraire toute interpolation, la moindre altération de lettres...

Vous le savez, Monsieur, d'avance je me suis montré disposé à faire le sacrifice de mon essai, mais le public qui est notre juge, ne peut être convenablement éclairé que per un débat contradictoire

Que votre explication soit naturelle, nul ne saurait le contester. Tout se tient et s'enchaîne. Mais cette interprétation, pardonnez à ma franchise, n'acquiert ce caractère d'unité et de probabilité qu'après la mise des lettres sur le chevalet de votre cabinet pour en arracher un sens au gré de votre esprit.

Vous prenez deux barres presque verticales, à la première ligne, après le mot Rufus, et vous leur imposez de représenter un F et un E. Sur quoi vous appuyez-vous? Sur un souvenir, d'après lequel ces deux lettres F et E ne se distinguent pas sensiblement de l'I

Savez-vous, Monsieur, qu'avec ce système que j'appellerai avec Montesquieu, système de commodité, vous ouvrez un libre champ à tous les caprices des interprêtes? En vous suivant pas à pas sur votre terrain, d'autres archéologues ont déjà offert plusieurs manières de traduire ces caractères. En voici une de M. F...:

Marcus Atilius Rufus Figit

Filio Pia Inter Suos Indole

Marco Quincio I

Ulio Filia Lucii

Sabini Conjugi Optimo Titulum

Idibus Maiis, etc.

Dans la première ligne au 4m mot, la substitution du verbe figit (grava), au lieu de fecit ne violente qu'une lettre, la première barre, et la suite se trouvera parfaitement en harmonie avec le début. N'est il pas plus convenable de lire Marco Quintio Iulio? Marco, le prénom paternel est de rigueur. Pour Quintio, l'épreuve photographique, publiée par M. le baron de Bonstetten, donnant un véritable Q au lieu d'un O, la critique ne saurait y mordre.

En effet, comment supposer que le fils n'eût qu'un nom, lorsque le père en avait trois, selon la mode du temps? Comment croire que le lapicide ait mis Uncio pour Unico, en intervertissant l'ordre des lettres? Cela ne se voit guère en dehors des monogrammes.

Le lapicide, dans une œuvre de si courte haleine, aurait-il péché quatre fois par distraction, coup sur coup? Et sous son stylet mal guidé aurait-il enfanté un Martio pour un Marito, comme vous vous évertuez à le soutenir ?

Je n'ai garde d'oublier qu'à partir du V siècle, l'invasion des barbares répandit les ténèbres sur tous les esprits préoccupés d'autres besoins. Coutumes, style, langage, tout changea chez les vaincus.

Rien d'étonnant qu'un ouvrier ou un écrivain sous l'influence d'une prononciation viciée, eût conjugué quiisco, quiiscis au lieu de quiesco, quiescis, et que l'on ait écrit Tumolo dans la même épigraphe (1).

Mais aucune de ces fautes ne saurait être attribuée à un système, puisque dans l'exemple que M. de Caumont signale, non sans quelque surprise, toutes les autres lettres sont d'une régularité irréprochable.

(1) Cette inscription est du Ve siècle. (M. DE CAUMONT). Deux inscriptions chrétiennes d'Arles, posterieures au ve siècle, portent aussi une fois tumolo et une fois sepolchrali.

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