Page images
PDF
EPUB

AVANT-PROPOS.

Cette notice historique sur La Roque-Brussanne, est l'œuvre de M. Joseph-Eusèbe Bremond, avocat au Parlement et professeur de droit à l'Université d'Aix, né en ce lieu, le 8 août 1747, mort à Aix, le 18 juillet 1835.

Elle a été écrite en l'année 1787. Nous avions

l'intention de la refondre avec les documents que nous avions recueillis et de la continuer jusqu'à ces derniers temps; mais il nous a paru plus convenable de la publier telle que l'auteur nous l'a laissée, en nous bornant au simple rôle d'annotateur. D'ailleurs nous n'avons rien remarqué d'important dans l'existence de cette Commune sous la période révolutionnaire.

Ce travail est intéressant; il se distingue par la vérité des faits, et c'est là un mérite fort appréciable. Nous avons la conviction qu'il sera bien accueilli parmi ceux qui savent distinguer les études sérieuses et qui s'attachent à l'histoire locale.

Robert REBOUL,

Membre de plusieurs Sociétés savantes et littéraires.

LA ROQUE-BRUSSANNE (Var).

NOTICE HISTORIQUE.

I.

La Roque-Brussanne est un bourg de Provence, situé au sud-ouest de la ville de Brignoles, dans la viguerie et la sénéchaussée de cette ville, au diocèse d'Aix (1), au 23° degré, 49 minutes 40 secondes de longitude, et au 43° degré, 23 minutes de latitude.

Dans sa Chorographie de Provence, Bouche appelle ce bourg Castrum de Rocca Brussanna (2); quelques notes le désignent simplement sous le nom de Castrum de Rocca; dans plusieurs anciens. manuscrits il est connu sous l'acception plus commune de Castrum de Rocca Brussani (3).

(1) Aujourd'hui chef-lieu de canton, arrondissement de Brignoles, diocèse de Fréjus, département du Var.

(2) Dans un procès-verbal d'affouagement du 2 avril 1471, il est aussi désigné : Castrum de Rocabrussana. Le mot Castrum, au moyen-âge, a le sens de bourg fermé de murs et fortifié.

(3) Les titres des XVII et XVIIIe siècles orthographient le nom de ce village Roquebrussane et La Roque-Brussanne. Antonius Aréna le désigne par le mot Rocobrussano, qui est le nom en provençal. V. Meygra entrepriza. Réimpression, Aix, Makaire, 1860, P. 108.

Son étymologie est établie sur la langue celte, où le mot Rocca a le même sens que dans notre idiome provençal, et signifie roc, roche, rocher. Ce mot exprime sa première situation. Il était bâti sur un roc escarpé où l'on découvre encore des vestiges de maison, de remparts et de fortifications, qui attestent la grandeur de cette habitation dans l'anarchie funeste du règne féodal.

On présume que cette habitation existait dès le commencement de l'ère chrétienne, et qu'elle était considérable. La preuve historique de son existence et de sa grandeur est dans la multitude de tombeaux qu'on a découverts dans son territoire. On y a trouvé des pièces de monnaie des premiers empereurs, des lampes sépulcrales. des amphores, la Diane de Mar-eille, des médailles d'argent.

Les guerres civiles et surtout l'incursion des troupes de Savoie ont anéanti les titres qui auraient procuré des connaissances sur l'ancienneté de son origine (1).

Le plus ancien monument historique qui ait échappé à cette dévastation générale, remonte à l'année 1185 (2). Idelphons, comte de Provence, propriétaire d'une partie de la seigneuric, donne au prieur et au monastère de La Celle, les terres cultes, incultes, forêts, vignes,

(1) On a dit que les archives furent entièrement brûlées ou transportées sous la Révolution à Pourrières et à Draguignan. Je crois qu'il est plus sage de douter de ces assertions. Les délibérations remontent au XVe siècle; les registres sont intacts, et il existe à la Mairie un inventaire récent qui fait mention d'une liasse de 44 pièces, de 102 à 1550.

(2) Ce document est cité avec des détails dans un mémoire imprimé, intitulé: An faict qui pend à juger pardevant la cour entre Messire Philippes de Tournier, prieur du monastère de La Celle, et en cette qualité seigneur spirituel et temporel du lieu de la Roquebrussane, intimé, et appellant de sentence rendue par le lieutenant géneral, du 12 octobre 1623, d'une part; et les consuls, et communauté du dit Roquebrussane, appellans, et respectivement intimes, d'autre. In-4o de 8 pages, s. 1. ni date

prés. pâturages, usages et devens, et tout ce qu'il y avait et possédait. L'autre partie de la seigneurie était alors possédée et divisée entre Bertrand Icard, Guillaume de Gardion et Brussan. Ce dernier, seigneur de la partie supérieure du fief où étaient le château et le bourg, donna son nom à la totalité du fief, connu depuis cette époque sous la dénomination de La Roque-Brussanne.

Guido et Hugo de Roque et Dracona de Roque, frères et sœurs, qui avaient réuni cette portion du fief, vendirent le 16 octobre 1227, au prieur Guidon de Mandagot, et au monastère de La Celle, les terres, mai ons, justices, moulins et autres droits seigneuriaux.

La juridiction avait été réservée par le comte de Provence. Elle fut réglée par un condordat du 13 juin 1236, entre Raymond Bérenger V et le prieur de La Celle. On statua que la justice serait exercée dans le lieu de La Roque-Brussanne par les officiers du comte et ceux du prieur, dans la forme déterminée pour les ecclésiastiques du bailliage de Frėjus, suivant un règlement de l'année 1203, qui ordonne que si les criminels, sint membris truncandi, vel mutilandi, vel ultimo suplicio afficiendi, les officiers du seigneur instruiront le procès jusqu'à la sentence définitive, et qu'après la condamnation à des amendes envers les seigneurs, la procédure et les criminels seront remis aux officiers royaux pour les juger.

Le pape Grégoire IX, par une bulle du 23 septembre 1238, prit sous sa protection les possessions du pricur et du monastère.

Bientôt ce fief fut donné à Béatrix, fille et héritière de Raymond Béranger, épouse de Charles d'Anjou. Cette donation, du 3 novembre 1244, fut faite avec la clause de réversion, après son décès, au prieur et au monastère. Le monastère se réserva une partie de la seigneurie ou la basse juridiction, la dime, des cens et plusieurs domaines particuliers.

« PreviousContinue »