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GORD (Alexandre- Angélique), cardinal et archevêque de Paris, né dans cette ville, le 18 octobre 1736, d'une des plus anciennes familles de France. S'étant consacré à l'état ecclésiastique, il obtint en 1762 l'abbaye du Gard, dans le diocèse d'Amiens. M. Bourlier, depuis évêque d'Évreux, dirigea ses études théologiques, et il fut ensuite nommé aumônier

du roi Louis XV. En 1766, à peine âgé de trente ans, il fut coadjuteur de M. de la RocheAymont, archevêque de Reims, lequel était forcé, par ses fonctions de grand-aumônier, de s'absenter souvent de son diocèse. Cette même année, M. de Talleyrand fut sacré, le 28 décembre, sous le titre d'archevêque de Trajanople. Ses occupations, comme coadjuteur du diocèse de Reims, augmentèrent, quand M. de la RocheAymont eut la feuille des bénéfices, place qui l'obligeait de résider plus long-temps encore à la cour. Trois ans après (eu 1769) M. de Talleyrand obtint l'abbaye de Haut-Villiers, au diocèse de Reims, et fut reçu l'année suivante à l'assemblée du clergé, où il suppléa comme président, M. de la Roche-Aymont, que ses occupations et ses infirmités empêchaient d'y assister. Ce prélai, après avoir été fait cardinal en 1771, étant mort le 27 octobre 1777, son coadjuteur lui succéda de droit dans le siège de Rheims, et reçut, en échange de ses abbayes, dont il s'était démis, celle de Saint-Quintin-en-l'Ile, au diocèse de Noyen. M. de

Talleyrand assista aux assemblées du clergé de 1780 et1788; et partageait les travaux de ses grands-vicaires, parmi lesquels il s'était empressé d'admettre M.Bourlier son ancien directeur en théologie. Il se livrait sans relâche aux soins de son diocèse composé alors de sept cent quarante-six cures ou annexes. Son séminaire était administré par la congrégation des chanoines réguliers, laquelle, dans que¦ques inaisons, était déchne de sa régularité primitive. Pour remédier à ce grave inconvénient, il avait sollicité pendant plusieurs années, M. Emery, supérieur général de Saint-Sulpice, de lui envoyer des prêtres de sa congrégation. Comme on opposait des difficultés à cette sage mesure, M. de Talleyrand, pour couper court, congédia les chanoines réguliers, et alors monsieur Emery Ini envoya plusieurs prêtres, à la tête desquels était M. de Picamilh, un de ses plus estimables collaborateurs. Après avoir été de la seconde Assemblée des Notables; M. de Talleyrand fut nommé député aux Etatsgénéraux par le bailliage de Rheims. Il y adhéra aux protestations du côté droit contre les principes qui avaient pour but de renversement de 'Eglise et de la monarchie, et publia en son nom plusieurs écrits, soit pour prémunir ses diocésains contre les innovations de l'Assemblée, soit pour défendre les droits de son siége. Nous pouvons citer, sur cet objet, sa Lettre aux électeurs de la Marne, du 8

mars 1791; sa Réponse, du 12, à Philibert, curé de Sedan, qui venait d'être nommé évêque des Ardennes, et lui avait écrit pour le prier de consentir à l'exercice de sa juridiction; une autre Réponse, du 5 avril, à Diot, curé de Vendresse, élu évêque de la Marne; un Mandement, du 4 avril, relatif à l'élection de Philibert, et, enfin, un antre, du 2 mai, au sujet de l'élection de Diot. Ayant remarqué le mauvais esprit qui régnait dans l'Assemblée constituante, et voyant s'élever des troubles de toutes parts, il se retira, avant la fin de la session, à Aix-la-Chapelle, d'où il envoya son adhésion aux dernières, mais inutiles protestations du côté droit. De cette ville, il passa à Bruxelles, et y retrouva plusieurs évêques, ses collègnes; mais les armées françaises étant entrées dans la Belgique, il se rendit en Allemagne, et demeura plusieurs années à Brunswick. Il s'y trouvait encore en 1801, lors de la demande des démissions par le souverain pontife et à laquelle il ne crut pas devoir déférer pour le moment. Tout en s'abstenant d'exercer aucune juridiction sur son diocèse. il fit, le 12 décembre, une Réponse dilatoire, à l'instar de celle de M. le cardinal de Montmorency, et de MM. les évêques de Boulogne, de Limoges, de Séez, d'Aire, de Digne et d'Auxerre. C'était M. de Boulogne qui avait rédigé cette lettre, comme il rédigea aussi celle écrite an pape, le 26 mars 1802 : elle

fut signée par M. de Talleyrand et cinq évêques, et adoptée ensuite par vingt-cinq autres prélats. Cette dernière lettre exposait les raisons qu'avaient tous ces évêques pour différer de donner leurs démissions: elle fut comme le germe des Réclamations du 6 avril 1803, signées aussi par M. de Talleyrand. Louis XVIII se trouvait à Mittau, et la santé de M. le cardinal de Montmorency ne lui permettant pas de continuer ses fonctions de grand- aumônier, le roi appela auprès de lui M. l'archevêque de Rheims, et l'admit dans son conseil. M. de Talleyrand fut présent à la mort du respectable abbé Edgeworth, arrivée à Mittau, le 20 mai 1807. I suivit le roi en Angleterre (Voyez Louis XVIII, Supplément), et ne le quitta point pendant son long exil. M. le cardinal de Montmorency étant mort, à Altona, en 1808, Louis XVIII donna la charge de grand-aumônier à M. de Tailleyrand, et le décora, de sa main, du cordon bleu. Lors de la déchéance de Napoléon, il partit d'Hartwell avec le roi, et rentra avec lui en France, en 1814. Louis XVIII lui rendit sa qualité de premier pair, di-gnité attachée à l'archevêché de Reims, et le chargea de présenter des sujets pour les évêchés et autres places ecclésiastiques. Il

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accompagna S. M.à Gand, et après la bataille de Waterloo,qui amena la seconde abdication de Buonaparte, il revint dans la capitale. M. de Talleyrand ne negligeant aucune démarche pour

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rétablir la paix dans l'Eglise de France, et donna sa démission du siège de Rheims, provoqua et signa la lettre adressée à Sa Sainteté le 8 novembre 1816; lettre qui facilita les arrangemens du Concordat. Il fut créé cardinal le 28 juillet 1817, et institué pour le siège de Paris, le rer octobre de la mème année. Mais l'opposition d'une partie de la Chambre des députés au nouveau concordat, et les efforts duministère pour revenir à celui de 1801, empêchèrent M. de Talleyrand de s'installer dans son nouveau siège avant l'automne de 1819. (Voyez, pour de plus amples détails, l'Ami de la religion et du roi, dans le Précis sur les affaires ecclésiastiques de France, tomes XX, XXI, et XXII). Malgré son âge et ses infirmités, il ne cessa de s'occuper de son diocèse. Il nomma pour coadjuteur et pour grands vicaires des personnes qui avaientl'estimepublique,établit plusieurs sages réglements pour le clergé, rétablit les retraites pastorales, fit rédiger un nou veau bréviaire, et donna plus d'extension à l'oeuvre des petits séminaires, etc., etc. Depuis plusieurs années, une pustule douloureuse, qui s'était formée sur sa joue, dégénéra en abcès, auquel vint se joindre un catarrhe qui produisit une maladie très grave. Son Eminence, dès le commencement de sa maladie, demanda les sacrements, et les reçut avec les témoignages de la piété la plus vive. Toute la famille royale manifesta dans cette occasion le plus sincère intérêt pour le vertueux prélat.

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Le roi envoyait trois fois par jour s'informer de l'état de son ancien et fidèle compagnon d'exil; et les princes vinrent le visiter en personne. Après une paisible agonie, il expira dans la nuit du vendredi au samedi 20 octobre 1821, âgé de quatre-vingt-cinq ans. Louis XVIII et tous les membres de son auguste famille, témoignérent un vif regret pour cette perte. Ce monarque fit dire une messe des morts dans ses appartemens; et s'entretenant avec les évêques qui se trouvaient auprès d'elle, sur la mort de M. de Talleyrand... « Nous y perdons tous, dit Sa Majesté : l'Eglise perd un de ses plus << vertueux pontifes, la société « un modèle, et moi un ami. » Le corps de son Eminence fut inhumé dans une des chapelles latérales du choeur de NotreDame; et, d'après ses intentions, son cœur fat porté à Reims. 11 a laissé dans son testament des legs pour divers établissemens ecclésiastiques. M. l'évêque d'Hermopolis prononça Oraison funèbre à Notre-Dame, le 29 novembre 1821; Paris, A. Leclère, 1821, in-8°). It a para également sur M. de Talleyrand, une Notice très succincte, Paris, Leblanc, 1821, in-8°. Lors de la translation du cœur de ce cardinal, un prêtre de la mission de France prononça, d'abord dans l'église métropolitaine (le 8 janvier 1822), et puis le lendemain dans celle de Saint-Roch, l'Oraison funebre de M. le cardinal Talleyrand de Périgord, Paris, Cosson, 1822, in-8° d'une feuille.

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M.Hyacinthe Louis de Quélen, qui a succédé au siége de Paris, fit un digne éloge de son prédécesseur dans le Mandement qu'il publia à cette occasion.... « C'est pour vous faire entenadre les accens de la douleur, dit-il. que nous vous parlons « pour la première fois, N. T« C. F............ Notre vénéra« ble archevêque n'est plus! « ou plutôt, il vient d'achever «ses saints travaux de la foi. S'il n'est plus au milieu de « nous, une vie passée dans l'exercice des verius chrétien«nes, dans la sainteté des ver«tus pastorales, dans les épreu« ves de la résignation; une a mort, non moins admirable « par la patience et la piété qui «<< l'ont accompagnée, nous font a espérer qu'en le retirant de « dessus la terre qu'il avaitédi"fiée par ses exemples, le juste « juge l'aura placé dans la région des vivans, d'où il sera << encore utile à son peuple.... Tous ces éloges ne sont pas exagérés, et il est certain que l'Eglise de France a perdu dans M. le cardinal de Périgord, un de ses plus beaux ornemens. Intimement pénétré des devoirs de son saint ministère, il les remplit tous avec un zèle infatigable et une rare piété Sa bonté, sa douceur, ses manières affectueuses et prévenantes lui concilièrent tous les cours de ses deux diocèses, et ceux du clergé en général.

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TALLIEN (Jean-Lambert), révolutionnaire, naquità Paris, en mars 1769, d'un portier du marquis de Bercy, qui le prit en amitié et pourvut à son édu

cation. Le jeune Tallien géra d'abord les affaires de son bienfaiteur, entra ensuite chez un procureur, et passa de là dans des bureaux de commerce et de finances jusqu'à l'époque de la révolution. Il devint alors secrétaire du député Bronstaret, puis prote dans l'imprimerie du Moniteur; et pour se mettre en vogue, il composa des placards, sous le titre de l'Ami du citoyen, qu'il affichait deux fois par semaine sur les murs de la capitale. Ces placards, contenant des déclamations violentes contre la cour et le royalisme, contribuèrent beaucoup à exalter les esprits. Tallien était à la solde de la société dite des Amis de la constitution, qui prirent quelque temps après le nom de Jacobins. Ses affiches continuèrent à paraître jusque sous l'Assemblée législative;on ne les vit plus pendant quelque temps, puis elles reparurent au mois de fructidor (septembre 1794). Cependant Tallien, qui fréquentait les séances des Jacobins, où il parlait souvent, acquit de l'influence sur la multitude, instrument terrible du factieux qui l'égaresou vent. Après le voyage du roi à Varennes (V. Louis XVI, au Diction.), ce fut Tallien qui rédigea une pétition à l'Assemblée constituante, et signée le Peuple, pour demander que toutes les communes de France eussent à statuer sur le sort de Louis XVI. Il prononça, à cette époque, aux Jacobins, un disconrs sur les causes qui avaient produit la révolution, et le fit imprimer en 1791. En même

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temps, il avait fondé au PalaisRoyal, alors appelé Palais-Cardinal, une société, dite fraternelle, de l'un et de l'autre sexe. Après la tumultueuse invasion du château des Tuileries (le 20 juin 1792), par une populace effrénée, l'administration départementale de Paris avait suspendu le maire Pétion, Manuel, procureur de la commune; mais le 8 juillet, Tallien parut à la barre de l'Assemblée législative, à la tête d'une députation de la section de la Piace-Royale, pour demander leur réintégration. Il fut nommé dans la nuit du 9 an 10 août, secrétaire-greffier de la commune, qui cette nuit-là s'installa violemment ellemême pour faire la révolution du 10 août, qui détrôna le malheureux Louis XVI. Ce fut en vain que l'Assemblée législative ne voulut pas reconnaître cette municipalité; Manuel lutta contre la première avec avantage, et signa les arrêtés précurseurs de tant de scènes sanglantes. Parmi ces arrêtés, il y en avait un qui ordonnait la démolition

des arcs Saint-Denis et SaintMartin, comme offrant des emblêmes de féodalité et de despotisme. Heureusement cet ordre ne fut pas exécuté. On a toujours accusé Tallien de complicité dans les massacres de septembre, commis dans les prisons; mais, par une noire hypocrisie, il parut, le 3, à trois heures du matin, à la barre de l'Assemblée, pour annoncer ces attentats, ajoutant l'opposition de la

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commune avait été vaine, et qu'on n'avait pu arrêter la « juste vengeance du peuple.: On dit néanmoins, que dans ces funestes journées, Tallien sauva la vie à plusieurs personnes ; on assure même que M. Hue, valet de chambre de Louis XVI, madame de Staël et le député Debonnières ont rendu ce témoignage. Cependant les Prussiens mandés par le duc de Brunswick, avaient pénétré en Champagne, pour tâcher de délivrer le Roi. Leur présence inquiétait les jacobius, qui, à l'insu du Conseil exécutif, dépêchèrent, dit-on, deux membres de la Convention, Manuel et Tallien, au duc de Brunswick, et qui lui persuadèrent qu'une prompte retraite de sa part pouvait seule sauver Louis XVI. Quoi qu'il en soit, il est certain que les Prussiens évacuèrent inopinément le territoire français. Dès la première séance de la Convention nationale, Tallien proposa de prêter le serment de ne pas se séparer, avant d'avoir donné au peuple français un gouvernement fondé sur les bases de la liberté et de l'égalité. Il fit ensuite plusieurs autres motions, savoir, pour faire autoriser les électeurs à renouveler les tribunaux; pour que tout citoyen pût être élu juge; pour attaquer le ministre Roland; pour que l'on adoptât l'ordre du jour sur la circulaire de la commune de Paris, rédigée par Marat, et dans laquelle il provoquait dans les départemens les mêmes massacres que dans la

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