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aux schismatiques les monumens de saint Pierre et de saint Paul'.

Il est donc certain que cette chaire a été exposée publiquement à la vénération des chrétiens, dans le siècle même où le christianisme a eu la liberté du culte public. Il n'est pas étonnant qu'il n'en soit point fait mention dans les documens de l'époque antérieure: il serait, au contraire, étonnant qu'ils en eussent parlé. Il ne nous reste qu'un petit nombre d'écrits rédigés à Rome pendant les trois premiers siècles les actes des martyrs ne mêlent guère à leurs récits les particularités monumentales, si ce n'est qu'ils indiquent, et souvent par un seul mot le lieu du supplice et celui de l'inhumation. Les ouvrages apologétiques et polémiques avaient à faire quelque chose de plus pressé que le soin de tenir note des meubles sacrés, ce qui eût été d'ailleurs une indiscrétion dangereuse, qui eût pu provoquer les perquisitions des païens. Quant aux livres composés à cette époque par les écrivains qui résidaient dans d'autres parties du monde romain, les mêmes observations s'y appliquent, et il est, du reste, extrêmement vraisemblable que leurs auteurs, au moins la plupart, ont ignoré l'existence de ce monument, qui devait être renfermé à Rome dans quelque lieu secret, suivant la coutume des tems de persécution Ce n'est qu'au 4° siècle que d'autres chaires, contemporaines de la chaire de saint Pierre, celle de saint Jacques à Jérusalem, celle de saint Marc dans l'église d'Alexandrie, reparaissent sous le soleil et dans l'histoire. Les chrétiens s'empressèrent alors de vénérer, dans la lumière de leurs basiliques, les dépôts que leur avaient conservé les cryptes souterraines. Tout nous persuade que la chaire de saint Pierre

:

'Denique si Macrobio dicatur ubi illic sedeat, numquid potest dicere in cathedra Petri? Quam nescio si vel oculis novit, et ad cujus memoriam non accedit, quasi schismaticus contrà Apostolum faciens, qui ait : memoriis sanctorum communicantes. Ecce præsentes sunt ibi duorum memoriæ Apostolorum dicite si ad has ingredi potuil, ità ut obtulerit illic ubi sanctorum memorias esse constat. Optatus Milevit., Contr. Parm., lib. 11.-Dans le style des premiers chrétiens, le mot memoria était employé pour désigner les monumens funebres des apôtres ou des martyrs, comme nous l'avons déjà vu dans un passage cité précédemment, relatif à la construction du monument de saint Pierre (construxit memoriam). Ce terme a pu être ensuite appliqué aux basiliques érigées sur ces tombeaux.

avait été cachée dans le sanctuaire même de son tombeau. Un manuscrit de la bibliothèque Barberine', qui l'affirme positivement, a été, on peut le croire, l'écho d'un souvenir traditionnel ou de renseignemens consignés dans quelques feuilles des archives romaines, qui se sont ensuite perdues. C'est donc, suivant toute apparence, à l'époque des constructions faites par saint Sylvestre dans la confession de saint Pierre, que cette chaire a été offerte à la dévotion publique et libre du peuple qui affluait dans le temple que Constantin venait d'ériger. Sortant du tombeau, elle a pris possession de la grande basilique, elle en a visité successivement, dans le cours des âges, le vestibule, les chapelles, le chœur, pour se fixer enfin à la place radieuse qu'elle occupe aujourd'hui, éclairée d'en haut par l'auréole de la colombe qui plane sur elle, couronnée par les anges, légèrement soutenue par quatre grands docteurs du rit latin et du rit grec, saint Ambroise, saint Augustin, saint Athanase, saint Chrysostome, et suspendue au-dessus d'un autel dédié à la sainte Vierge et à tous les saints papes. Sur leurs trônes célestes, ils gardent sans doute un souvenir de cette chaire, au pied de laquelle ils se sont sanctifiés, si quelques images des monumens terrestres vont se réfléchir, comme l'ombre du tems, jusque dans les splendeurs de l'éternité.

Depuis plusieurs siècles, les papes ont cessé de s'en servir aux fêtes solennelles. Sa vétusté pouvait faire craindre que cette relique précieuse ne souffrît quelque dommage si l'on eût continué de la déplacer et de l'employer pour des fonctions du culte : le soin de sa conservation l'a rendue désormais immobile. C'est aussi pour cela qu'elle a été revêtue, sous Alexandre VII, d'une enveloppe de bronze. Du reste, tout le monde peut en voir une copie dans une des salles de la sacristie vaticane, et l'on en conserve un fac simile dans les combles de l'église, près de l'endroit où sont déposés les plans en relief des divers projets qui ont été proposés dans le tems pour l'architecture de la basilique moderne.

Torrigi, qui a examiné cette chaire en 1637, et qui en a pris la mesure dans tous les sens, nous en a laissé la description suivante (Voir la planche ci-contre 2) :

Mich. Leonic., not. manus

Nous ajoutons à la description de M. l'abbé Gerbet la figure même de la

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Aun. de Phil. Chrét. 3:Série N so tom. IX Page 93.
CHAIRE DE SAINT PIERRE.
Conservée in Rome.

« Le devant (du siége) est large de quatre palmes et haut de trois » et demie; ses côtés en ont un peu plus de deux et demie en lar» geur; sa hauteur, en y comprenant le dos, est de six palmes. Elle >> est de bois avec des colonettes et de petites arches: les colonnettes >> sout hautes d'une palme et deux onces', les petites arches de deux palmes et demie; sur le devant du siége sont ciselés dix-huit sujets en ivoire, exécutés avec une rare perfection, et entremêlés de pe>> tits ornemens en laiton, d'un travail très délicat. Il y a autour plusieurs figurines d'ivoire en bas-relief. Le dos de la chaise a quatre » doigts d'épaisseur 2. >>

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Il faut ajouter à cette description que le dos carré est terminé à son sommet par un compartiment triangulaire. Torrigi a omis aussi de noter une autre circonstance plus importante que nous rappellerons tout à l'heure, et il s'est trompé en un point: les ornemens qu'il a cru être en laiton sont en or très pur. Cette particularité, qui a été vérifiée par une commission qu'Alexandre VII a nommée à cet effet, n'est point, comme nous le verrons, indifférente pour l'explication de ce monument.

Les petites sculptures d'ivoire, qui représentent les travaux d'Hercule, prouvent qu'il est d'origine païenne. Abstraction faite de la tradition que nous avons constatée, il n'est pas possible de supposer, avec quelque apparence de raison, que cette chaire romaine ait été

chaire. Celle que nous publions ici est celle qui a été donnée par Phœbeus dans son ouvrage De identitale cathedra, in qua sanctus Petrus Romæ primùm sedit, et de antiquitate et præstantiâ solemnitalis Cathedræ Romanæ dissertatio. Romæ, 1666, in-12. — Nous regrettons que l'artiste n'ait pas donné plus de développement aux ornemens en ivoire qui décorent ce monument. C'est en vain que nous avons cherché si ces figures se trouvent sur quelque autre dessin. Nous n'avons trouvé ce monument reproduit que dans Bianchini, Dem. Histor. eccles. comprobata monumentis, planche 111, 2o siècle, n° 77. Les proportions en sont encore plus exigues; seulement, l'artiste a ajouté à la chaire le riche coussin sur lequel on s'assayait, et une espèce de tablier sur lequel est écrit le nom du pape Victor, avec ces mots de Tertullien : Episcopus episcoporum. (Note du directeur des Annales). L'once, ou la douzième partie de la palme romaine, équivaut à 1 centimètre 8 millimètres.

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