Page images
PDF
EPUB

losophique pour préparer l'intelligence du jeune élève à répondre aux prescriptions légales dans les épreuves des examens ; d'autre part, la nécessité, plus pressante encore, d'un enseignement qui fortifie les nobles tendances du cœur en illuminant l'intelligence. Cette pensée de l'auteur est généreuse; mais elle était d'une haute difficulté dans son accomplissement, parce qu'il fallait, comme l'indique le titre, remplir le programme universitaire en ramenant la philosophie aux principes du Catholicisme; or, il est permis de mettre en doute la possibilité d'une alliance parfaite entre ces deux choses. Car, qui dit principes dit choses immuables, enchaînement logique et démontrable; pour qu'un programme puisse être ramené à des principes, il faut donc qu'il soit logiquement enchaîné et démontrable. Le programme universitaire est-il cela? Il est permis encore un coup d'en douter.

Cette double nécessité, dans laquelle était renfermé l'auteur, a déterminé le plan de son ouvrage, et toute sa conception de l'ensemble des connaissances humaines. - Dans une introduction substantielle, il détermine l'objet de la philosophie, et en cherche une définition convenable; pour cela, il passe en revue toutes celles qui ont été données depuis les tems les plus anciens jusqu'à nos jours; puis il donne la sienne, ainsi conçue : La philosophie est l'exercice régulier de la réflexion, l'emploi méthodique de la raison, appliquées à la solution du problème de notre nature, de notre origine et de notre destinée, ainsi qu'à la recherche des principes qui doivent régler nos rapports, soit avec Dieu, soit avec les divers étres qui nous entoureni, soit avec nous-mêmes. Cette définition, excellente sous plus d'un rapport, nous paraît cependant plutôt une définition de la logique simplement que de la philosophie; c'est une définition de la méthode; or, nous n'admettons pas que la philosophie soit simplement une méthode, mais bien l'ensemble des connaissances divines et humaines, comme Platon, comme Aristote, comme Albert-le-Grand, comme saint Thomas, enfin comme M. Rattier lui-même, qui comprend toutes les sciences dans la philosophie, sauf la théologie, et peut-être à tort. La nécessité de remplir le programme universitaire l'a peut-être forcé de trop accorder au rationalisme, de trop scinder les diverses parties de la science, et

de n'en pás montrer l'enchaînement logique d'une manière assez nette. Nous accordons comme lui une grande part à la raison; mais nous croyons que si elle est créée pour la vérité, elle est aussi créée pour la foi: quelques mots vont expliquer notre pensée.

L'homme est créé pour un but; ce but est Dieu même, sa glorification dans le tems et dans l'éternité; tout l'univers a été créé pour l'homme, afin de le conduire à Dieu. M. Rattier, digne de tout éloge ici, admet ces deux grands principes avec nous; il admet encore que l'homme est créé pour connaître et s'élever par cette connaissance jusqu'à Dieu. Puisque l'homme a été créé pour un si noble but, il s'en suit qu'il est dans sa nature d'y atteindre; que, par conséquent, tout, dans cette nature, doit converger vers ce but; et, en outre, tout dans l'univers doit l'y conduire; puis tous les êtres créés qui l'entourent ne sont que des circonstances naturelles créées pour faciliter et procurer le développement de la nature humaine vers son but. Par ce premier point donc, le but final de l'homme, toutes les sciences qui n'ont d'autre objet que les choses créées, doivent tendre à l'unité. Mais, d'autre part, l'homme est le lien du monde et de Dieu; il a des rapports nécessaires avec son Créateur; il faut donc que les facultés naturelles de sa raison puissent le conduire à la réalisation de ces rapports; comment? par deux voies qui n'en font qu'une par le raisonnement et par la foi. Ces deux voies n'en font qu'une en ce sens que la foi et la raison doivent toujours être d'accord, et c'est cet accord de la raison avec la foi que nous regardons, pour notre compte, comme le seul vrai criterium, le seul criterium possible de de toute philosophie. Par lui l'unité renaît dans la science; la raison n'est point opprimée, mais soutenue et guidée; et la certitude est inébranlable, puisqu'il y a accord entre la raison humaine et l'autorité divine, entre l'œuvre de Dieu et sa parole; et c'est là ce qui justifie la définition de la philosophie, l'ensemble des connaissances divines et humaines. Du reste, la pensée de M. Rattier est bien celle que nous exprimcns; mais comme elle n'est pas celle du programme universitaire, et qu'elle ne pourra jamais l'être tant qu'il restera ce qu'il est, M. Rattier a été obligé, malgré lui, de captiver toute la largeur de sa conception, et de ne la présenter qu'une partie après l'autre. C'est encore à cela qu'est dû son plan et sa division de la

philosophie. Il commence par la psycologie, dans laquelle il comprend avec raison la physiologie dans la partie des sensations, des sens et de leurs organes; c'est là l'objet des deux premiers volumes; le troisième comprend la logique. Nous savons bien qu'il y a quelques raisons spécieuses à cette marche; mais elle n'est poutant pas logique. La logique, en effet, n'est autre chose que la marche naturelle à l'esprit humain dans son développement et dans l'acquisition de la science, ce qui, pour le dire en passant, est la même chose. Or, quels sont les degrés successifs de la manifestation de l'esprit humain dans l'acquisition de la science. Il ne commence assurément pas par s'étudier lui-même : il est principe, il se sent, il agit, et voilà tout. Il lui serait même impossible de s'étudier tout d'abord, il n'en a pas les moyens, il faut qu'il les acquière. La première acquisition de l'intelligence est celle du langage, qui amène la manifestation de la pensée. A l'aide du langage, il reçoit les premières notions des choses par pure foi; après cela vient la comparaison de ses pensées pour en faire sortir des jugemens: c'est la logique naturelle qui entraîne l'esprit vers le vrai. Ce n'est qu'alors qu'il peut prétendre à étudier les objets qui l'entourent et lui-même. Telle est, nous semble-t-il, la marche naturelle, qui place les sciences instrumentales à la tête de la philosophie; ces sciences sont indispensables pour arriver à la connaissance de quoi que ce soit; l'homme aura beau se faire lui-même l'objet de son étude, s'il n'a l'instrument nécessaire il n'avancera à rien. C'est pour cela que nous insistons toujours pour commencer par l'étude de la logique. Ce n'est pas ici le lieu d'exposer le plan que nous proposerions à la place du programme universitaire, et, par conséquent, à la place de celui de M. Rattier. Nous n'avons voulu qu'une chose dans toutes nos critiques, faire les réserves de ce qui nous semble la vérité contre la tendance générale, qui n'est pas particulière à l'estimable auteur du livre actuel, qui même n'est pour lui qu'un accessoire forcé que nous aurions aimé lui voir secouer; car nous prisons son livre, nous le croyons propre à suppléer à tout ce qui manque à l'enseignement chrétien, qui ne possède malheureusement rien, sous ce rapport, qui puisse permettre à la jeunesse de satisfaire aux examens en ne courant aucun danger pour sa foi. C'est pour cela que nous recommandons le Cours de M. Rattier comme un ouvrage

sûr, bien exposé, et comme ce que nous connaissons de mieux jusqu'à présent. C'est un ouvrage riche en matériaux sagement recueillis, clairement analysés et sainement jugés.

F. L. M. MA UPIE,

prêtre, docteur ès-sciences.

Nouvelles et Mélanges.

LILLE. Mutilation de l'édition de la Geographic de Malle-Brun, faile par M. Huot.-Nous avons reçu la lettre suivante qui nous signale un fait déplorable, et qui nous prouve un mauvais esprit que nous croyions désormais étranger aux véritables savans.

Monsieur le Directeur,

Lille, 4 janvier 1844.

Les Annales ont déjà protesté contre l'audace avec laquelle des éditeursphilosophes avaient mutilé les ouvrages de Bacon, de Pascal et d'Euler, qu'ils trouvaient trop entachés de Christianisme, et dont certains argumens les embarrassaient. Je crois devoir vous signaler aujourd'hui un nouvel exemple de l'infidélité, pour ne pas me servir d'un mot plus dur, avec laquelle un beau monument scientifique de notre époque vient d'être reproduit par un savant de nos jours. Je veux parler de la Geographie de Malte-Brun, dont on a publié une seconde édition revue par M. Huol et augmentée de nouvelles découvertes. Sous ce dernier rapport, l'ouvrage est amélioré, et je me plais à rendre cette justice à l'éditeur; mais de quel droit retranche-t-il de la nouvelle édition des passages qui ne touchent point aux progrès de la science et qui se trouvent dans l'ancienne? Pour en citer un exemple, Malte-Brun, dans le volume de l'Amérique, que j'ai sous les yeux, en décrivant le Paraguay, parle (t. v, p. 626 à 629) des fameuses missions des jésuites auxquelles Buffon, Montesquieu et Raynal lui-même ont rendu de magnifiques hommages. Malte-Brun déplore la perte de ces établissemens que la religion, l'histoire et la géographie regrelteront, dit-il, à jamais; il leur consacre trois pages intéressantes. Je croyais les retrouver dans le volume de la nouvelle édition que je viens de lire; 'croiriez-vous, monsieur le directeur, qu'on n'en a pas conservé une seule ligne? Je vous demande si c'est là reproduire Malte-Brun. Par ce trait nous pouvons juger du reste. Déjà l'on m'avait signalé plusieurs retranchemens dans les premiers volumes qui indiquaient que l'éditeur n'aime point les passages de son auteur qui viennent à l'appui des traditions bibliques. Je n'ai pas eu le tems de vérifier la chose, mais je me propose de confronter incessamment l'ancienne édition avec tous les volumes de la nouvelle, et je m'empresserai de vous faire part du résultat de ce travail. En attendant, monsieur, vous pouvez dès ce moment-ci certifier aux acquéreurs du Malte-Brun-Huot qu'ils n'ont qu'un Malle-Brun tronqué.

J'ai l'honneur de vous saluer avec les sentimens, etc.

HENRI DE CUGNAC.

DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numéro 50. - Ferrier 1844.

Monumens Catholiques.

DESCRIPTION DE LA CHAIRE DE SAINT PIERRE CONSERVÉE A ROME,

Et preuves de son identité avec celle dont saint Pierre s'est servi.

M. l'abbé Gerbet va faire paraître incessamment un ouvrage ayant pour titre: Esquisse de Rome chrétienne, dans lequel il énumérera tour à tour les principaux monumens chrétiens de Rome, et fera voir comment ils servent à prouver la vérité des croyances catholiques. Dans le 1er volume, dont l'impression est terminée, il y traite, en 5 chapitres, de l'ensemble des Monumens chrétiens, de Rome considérée comme centre du Christianisme, des Catacombes, des Basiliques constantiniennes, et de divers autres Monumens relatifs à la défense et à la propagation du Christianisme. Chargés de soigner cette impression qui s'est faite à Paris, tandis que l'auteur. est à Rome, nous avons lu tout l'ouvrage avec un bien grand intérêt. Nous pouvons dire à l'avance que tous les amis de la littérature et de la science catholique ne pourront que se réjouir d'une œuvre si consciencieuse et si belle; dans aucun autre ouvrage M. l'abbé Gerbet n'avait mis, nous ne dirons pas tant de poésie et tant d'imagination, mais nous dirons tant d'âme et tant de cœur. On dirait que son esprit mûri et échauffé par le beau soleil de Rome,

III SÉRIE. TOME IX. N° 50. 1844.

6

Son

« PreviousContinue »