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Enfin, dans le chapitre III, il traite : Des doctrines de la com

pagnie; De ses missions; et finit par cette conclusion, que nous citons en entier.

Il y a plus de quatre-vingts ans qu'un arrêt de proscription pèse en France sur la Société de Jésus. Nos juges, au su de tous, étaient alors parties contre nous, et avant d'instruire le procès, ils avaient prononcé la sentence. Tout ce qui se dit, tout ce qui s'écrivit à cette époque, on le ramasse aujourd'hui, sans tenir compte de vingt réfutations victorieuses, et on le jette en pâture à la crédulité populaire.

>> A certains jours donnés, la France entière s'en nourrit; aux calomnies anciennes on en ajoute de nouvelles; on nous impute les fautes et les malheurs des tems qui ne sont plus, comme si les passions des hommes ne suffisaient pas à en expliquer l'histoire ; et nous, que chaque heure de notre vie rappelle à la contemplation exclusive et unique de l'éternité, on nous accuse de lier inséparablement dans nos pensées les intérêts immortels de la Religion aux mobiles intérêts du siècle et à la destinée passagère des choses de la terre. On nous accuse de rechercher, d'entretenir, de cultiver avec soin dans nos âmes tout ce qui irrite et divise, lorsque la philosophie la plus vulgaire inspire des pensées plus sages aux acteurs eux-mêmes de la scène politique, désenchantés par tant de mécomptes.

» Parmi tout cela, le bon sens n'est pas plus respecté que la bonne foi, et l'on ne recule pas devant les plus étranges contradictions. Ce que d'autres ont dit, on nous en charge, et en même tems, on nous reproche de nous taire. On exalte à plaisir, et Dieu sait dans quel but, ce qu'on appelle notre habileté, et en même tems, l'on nous prête, dans les circonstances les plus critiques, les plus folles témérités.

» Au récit du moindre droit attaqué, de la moindre liberté menacée dans le plus humble citoyen, mille voix s'élèvent et invoquent la

extérieure et civile à l'accomplissement de ses devoirs, comme il pouvait l'être autrefois. La conscience est aujourd'hui son seul maître et son scul juge. II conserve donc légalement toute sa liberté, et à aucun instant son obéissance ne saurait être forcée. Quelques esprits pourront ainsi se rassurer et ne nous croiront plus tant à plaindre dans un état que nous avons choisi, que nous conservons par le libre usage de notre volonté de chaque jour.

Charte et les lois, et ces mêmes voix ne savent invoquer contre nous que la proscription et l'arbitraire des coups d'État. Dans les colonnes des journaux, dans les ateliers, sur les bancs des écoles, jusque dans l'enseignement distribué à la jeunesse, partout nous sommes désignés à la haine, et comme offerts en holocauste aux fureurs de l'opinion égarée.

» Telle est, enfin, notre situation, que quelques hommes ont l'inqualifiable puissance de se faire croire, en proclamant par toutes les voies de la publicité ce qu'ils rougiraient de dire en face à l'un d'entre nous; et qu'on voit de bons esprits même ployer à notre nom sous le joug d'une frayeur stupide.

» Il faut que tout cela ait un terme.

» Un homme, dont le nom est demeuré célèbre, se présenta, à la fin du siècle dernier, devant la justice; il n'avait rien à demander, rien à réclamer pour lui-même ; mais un motif immense pressait son cœur, exaltait son courage. Fils généreux, enfant blessé dans ses plus chères affections par la condamnation d'un père, quelle que fût l'autorité de la sentence, il en prononça l'injustice dans sa conscience, et demanda une réhabilitation solennelle. Il dut à ses efforts persévérans, il dut à cette consécration courageuse d'un beau talent, le triomphe de la piété filiale, et une noble part de renommée.

» Comme lui je viens demander la réhabilitation de mes pères. Enfant blessé dans mon âme par les longs malheurs de ma famille et par la douloureuse iniquité de la sentence qui pesa sur elle, je n'ambitionne aucune renommée, je n'apporte point de talent, je n'ai qu'une inébranlable conviction. Je ne demande que justice et vérité; je n'ai pas besoin d'autre chose.

» Je demande la révision d'un grand et injuste procès; je la demande pour mes pères qui ne sont plús; je la demande pour moi-même. J'ai la plus indubitable conscience qu'ils furent innocents, que nous le sommes. Ils ne furent ni jugés, ni entendus; qu'on nous entende enfin, qu'on les juge aujourd'hui.

>> Je sais que ce genre de réhabilitation judiciaire n'est plus dans nos lois; mais la réhabilitation morale sera toujours dans la justice de la France je la demande.

» Je la demande au nom même de la patrie qui ne peut voir plus

longtems avec indifférence qu'on flétrisse et qu'on outrage, au mépris de tous les droits, l'honneur de ceux qui n'ont pas cessé d'être ses enfans.

» Je la demande pour des millions de catholiques qu'on prétend insulter en leur donnant un nom qui n'est pas leur nom, qui est le nôtre, et qui ne doit plus être une injure.

» Je la demande pour toutes les sociétés religieuses qui ont posé leur tente au soleil protecteur de la France, et sur lesquelles malgré nous on fait peser tout le poids des animosités qui nous poursui

vent.

» Je la demande au nom des évêques vénérés dont la voix se fit trois fois solennellement entendre pour protester contre l'injuste proscription de toute une famille de religieux fidèles à Dieu, à l'Église, aux lois, au pays.

» Je la demande au nom de vingt papes qui tous approuvèrent, confirmèrent, louèrent l'Institut proscrit ; je la demande au nom du saint pontife qui deux fois bénit le sol français, et qui au milieu des longues douleurs de son exil se reposa dans la pensée de rendre gloire à Dieu en rétablissant la Compagnie de Jésus. Cet auguste vieillard, qui fut pour tous un si doux et si courageux réparateur, a-t-il donc perdu dans la tombe tous les droits de la vertu et le pouvoir de ses souvenirs?

» Je la demande au nom de l'Église universelle qui, par la voix du concile immortel de Trente, prononça dès lors une indestructible approbation pium institutum.

» Je la demande, et en la demandant je ne fais que réclamer pour mes frères et pour moi ce qui appartient à tous, l'air de la patrie, le droit de vivre, de travailler, le droit de nous dévouer, la liberté dans l'ordre, la liberté dans la justice.

» Et maintenant j'ai fini; je me recueille dans la pensée de Dieu et de mon pays, et je sens au plus intime de mon âme la grandeur et la solennité de ce que je viens de faire.

>> Que si je devais succomber dans la lutte, avant de secouer sur le sol qui m'a vu naître la poussière de mes pas, j'irais m'asseoir une dernière fois aux pieds de la chaire de Notre-Dame. Et là,

portant en moi-même l'impérissable témoignage de l'équité méconnue, je plaindrais ma patrie, et je dirais avec tristesse :

» Il y eut un jour où la vérité lui fut dite: une voix la proclama; et la justice ne fut pas faite; le cœur manqua pour la faire. Nous laissons derrière nous la charte violée, la liberté de conscience opprimée, la justice outragée, une grande iniquité de plus : ils ne s'en trouveront pas mieux. Mais il y aura un jour meilleur ; j'en lis dans mon ame l'infaillible assurance, ce jour ne se fera pas longtems attendre. L'histoire ne taira pas la démarche que je viens de faire. Elle laissera tomber sur un siècle injuste tout le poids de ses inexorables arrêts. Seigneur, vous ne permettez pas toujours que l'iniquité triomphe sans retour ici-bas, et vous ordonnerez à la justice du tems de précéder la justice de l'éternité. »

Nous croyons que tout esprit non prévenu, et surtout qui n'aura pas pris son parti à l'avance, se laissera convaincre et toucher par des raisons si justes, et présentées avec cette mesure et cette convenance. Mais les Jésuites ont eu et ont encore deux puissans ennemis: la ja lousie des bons et la haine des méchans.....

A. B.

Philosophie Catholique.

COURS COMPLET DE PHILOSOPHIE

MIS EN RAPPORT AVEC LE PROGRAMME UNIVERSITAIRE ET RAMENÉ AUX PRINCIPES DU

CATHOLICISME.

Par M. RATTIER,

avocat, professeur de philosophie à l'école de Pont-le-Voy1.

Il est bien difficile de faire un ouvrage élémentaire, sur la philosophie, qui soit du goût de tout le monde aujourd'hui ; mais il est surtout difficile de le faire en rapport avec la nécessité du tems. La philosophie, quoi qu'on en dise, n'est point, de nos jours, une science constituée en rapport avec tous les progrès de nos connaissances. Il y a de quoi la faire, nous le croyons, mais elle n'est pas faite, du moins, telle que bien des gens la comprennent; cela dépend des points de vues divers où l'on se place: ces points de vues, en effet, la rétrécissent ou l'agrandissent, la formulent ou l'anéantissent, suivant leur manière de l'envisager, de la concevoir ou de la définir. Cependant, tout le monde convient qu'un bon ouvrage élémentaire sur la philosophie est une des choses les plus importantes, en fait d'instruction et d'éducation. On ne peut donc qu'accueillir avec reconnaissance tous les efforts dirigés dans ce but. Nous nous hâtons de le dire, le Cours complet de philosophie de M. Rattier, par son excellent esprit, par sa clarté, par son ensemble, mérite un rang distingué à son auteur dans la gratitude de tous ceux qui s'intéressent aux progrès de la jeunesse française dans les saines doctrines.

Deux causes nous semblent avoir dominé l'auteur dans la production de cet ouvrage ; d'une part, la nécessité d'un enseignement phi

Tome 1er, 2e et 3°. Paris, Gaume frères, libraires-éditeurs, rue du Fotde-Fer-Saint-Sulpice, 5. Prix: 8 fr.

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