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M. Serres fait alors ressortir l'importance du procédé mis en œuvre par M. Dumoutier, et dit que plus on étudie sa collection, plus on est confirmé dans l'opinion de M. Dumont-d'Urville, que la race noire a donné aux îles de l'Océanie ses habitans primitifs.

« A la vérité, on peut dire, ajoute-t-il, que la difficulté n'est que reculée, puisqu'il reste à établir d'où proviennent eux-mêmes ces premiers habitans. Au fond, néanmoins, cette dernière question n'est que secondaire. La question principale consiste à déterminer d'abord quelle est la souche-mère sur laquelle sont venus se greffer, par la marche du tems et des événemens, les Hindous, les Mongols, les Chinois et les Arabes.

» Or, nous le répétons, cette souche nous paraît être la race noire, ainsi que l'a établi M. Dumont-d'Urville. Et nous répétons encore que, d'après les lois physiologiques du croisement des racés, les peuples de l'Océanie portent l'empreinte de ces mélanges et de ces combinaisons....

» La fusion s'opère ici d'une manière graduelle et successive. Ce sont les Hindous qui agissent d'abord sur les Mélanésiens, et préparent, pour ainsi dire, ces peuples à recevoir les Arabes, comme, à leur tour, les Arabes les ont préparés à la civilisation européenne, si supérieure à la leur.

>> Cette marche concomitante des caractères physiques et moraux des peuples de l'Océanie est d'autant plus intéressante pour la philosophie, qu'elle semble dégagée en partie des causes qui la masquent chez les peuples de la race caucasique; quoique chez cette race, et principalement dans les rameaux pélagique et celtique dont nous faisons partie, le mouvement intellectuel paraisse soumis depuis trois mille ans à la même loi physiologique.

>>

Un buste anormal de la collection, buste moulé à Samarang (île Java), et que M. Serres caractérise en disant que le défaut d'harmonie qu'il présente résulte d'un crâne caucasique implanté sur une face mongole, lui suggère les réflexions suivantes :

« Ce défaut d'harmonie, dit-il, est celui que présente constamment l'homme caucasique dans une des périodes de son développement........ Les individus de cette race ne parviennent pas d'un seul jet aux formes qui la caractérisent; dans sa marche, pour revêtir ces formes, elle

en traverse d'autres qui sont moins parfaites; et ces formes moins avancées qui, chez elle, ne sont que transitoires, constituent l'état permanent des races mongoliques et éthiopiques; de sorte qu'on peut regarder ces dernières races comme un tems d'arrêt de la race caucasique.

Après avoir entretenu l'Académie des bustes rapportés par M. Dumoutier, M. Serres dit que les crânes recueillis pendant le voyage de l'Astrolabe et de la Zélée offrent d'autant plus d'intérêt, qu'ils proviennent en partie des races que les bustes représentent, et permettent de suivre, d'après une double comparaison, la série graduelle des perfectionnemens, tant sur la race noire que sur la race cuivrée. Ils confirment ainsi les conclusions auxquelles l'examen des bustes nous avait conduits.

En terminant cette analyse, nous n'essaierons pas de montrer, après M. Serres, quels avantages l'anthropologie doit retirer des travaux exécutés sur un plan semblable; mais que l'on nous permette une réflexion. Chaque jour, des savans, indifférens à nos croyances, s'en vont, poussés uniquement par l'amour de la science, parcourir le monde, et rapportent, sans y songer, souvent même sans le vouloir, des argumens en faveur d'un livre bafoué au siècle dernier. Ne vous semble-t-il pas, comme à moi, que ce fait vaut, à lui seul, une longue dissertation, et que le doigt de Dieu pourrait bien être là?

D. CAUVIGNY.

Polémique catholique,

DE

L'EXISTENCE ET DE L'INSTITUT DES JESUITES, Par le R. P. DE RAVIGNAN, de la Compagnie de Jésus '.

Il était, en effet, tems de parler, comme le dit l'auteur dans son épigraphe. Dans un siècle comme le nôtre, où la parole a, par la presse, une part si large sur la formation de nos pensées, se taire, c'est donner libre carrière à la calomnie, c'est, aux yeux du grand nombre, s'avouer vaincu. Quand les Jésuites, en 1828, se laissèrent condamner et renvoyer de leurs colléges, une chose nous étonna, c'est de ne pas entendre une seule voix qui, du milieu de cette famille, s'élevât pour se défendre. Il ne s'agit pas seulement, pour les Catholiques et tous les enfans de l'Église, de donner des exemples d'humilité, il faut que, membres de la Société, hommes de notre tems, ils en comprennent non-seulement les devoirs, mais les droits. Ces droits sont inscrits principalement dans la Charte, fondement du droit public de notre époque. En vain quelques légistes surannés vont exhumer quelques vieilles lois, débris d'un autre âge, pour proscrire des Français qui ne demandent que la liberté acquise à tout homme qui met le pied sur le sol français : il ne faut cesser de rappeler ces demeurants du siècle passé à la Charte et à la liberté.

C'est ce que vient de faire le R. P. de Ravignan. Nous allons analyser sa brochure; il était impossible de parler un langage plus noble et plus sage, plus français et plus chrétien. Cette publication est un véritable événement ; c'est une voix nouvelle, un langage d'un autre monde, pour ainsi dire. Nulle préoccupation de politique, de

' Brochure de 168 pages, à Paris, chez Poussielgue; prix : 2 fr.

parti, nulle injure, nulle récrimination, mais une force douce, une liberté sage, une assurance modeste; c'est, en un mot, le vrai langage de la vérité et de la justice opprimées. Ce langage sera-t-il entendu? Pourquoi pas ? Nous le savons, une notable partie de la génération actuelle est fatiguée des mensonges et des calomnies du siècle dernier; elle travaille tous les jours à réhabiliter la vérité, et à lui rendre, dans notre société, la place d'honneur qui lui appartient: c'est à cette portion de la jeunesse que ce livre offre l'occasion et les moyens de faire un grand acte de justice. Écoutons donc le R. P. de Ravignan.

Dans une Introduction pleine de force et de noblesse, et déjà publiée par plusieurs journaux, il donne les motifs qui l'ont déterminé à prendre la parole: le devoir de repousser la calomnie, le droit inhérent à la qualité de Français.

Dans le 1er chapitre, il examine ensuite le fameux livre des Exercices de saint Ignace, loué par tant de saints et de grands hommes, et l'épouvantail de certains professeurs, qui ont ait semblant de croire que le monde entier y était menacé de ruine. L'auteur, dans une analyse très bien faite, montre que ce n'est qu'une voie, mais une voie admirable, pour dompter la partie matérielle de l'homme, et relever, perfectionner, la partie spirituelle.

Le 2o capitre est consacré à examiner les constitutions de la Société de Jésus. Nous allons faire quelques citations qui mettront nos lecteurs à même de bien connaître comment est formé un Jésuite.

L'auteur raconte d'abord en ces termes les motifs qui le déterminèrent à entrer dans l'ordre :

« Un homine lassé du monde le quitta. Peut-être les passions ardentes de la jeunesse avaient traversé violemment son âme; il cherchait un abri. Il a conçu un profond désir de se venger de lui-même et de Satan par des fatigues utiles au prochain.

>> Il crut alors et il croit encore aujourd'hui que le grand mal de notre tems est l'absence totale de subordination et d'obéissance parmi les hommes. Désabusé des vaines illusions, des chimères de l'indépendance, il avait soif d'obéir; il en ressentait le besoin immense; il invoquait l'obéissance comme l'asile sauveur qui devait III SÉRIE, TOME IX. N° 49. 1844.

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protéger sa dignité d'homme et lui assurer la possession de la véritable liberté, l'affranchissement de l'âme.

» Le travail des exercices spirituels achève de lui montrer la lumière et de lui tracer la voie ; il frappe à la porte de la Compagnie de Jésus.

» Ce qui l'émeut dès l'entrée, c'est la paix profonde qui règne dans la religieuse demeure. L'aspect de ces murs silencieux, la démarche recueillie de ceux qui l'habitent, le bruit des pas qui retentissent comme au désert, l'ordre, la pauvreté qu'on rencontre partout, l'aċcueil prévenant et l'expression obligeante du bon frère qui introduit, la douce gravité du père qui reçoit, je ne sais quel air pur et suave que l'on respire, une présence de Dieu plus intime, ce semble, et plus familière, tout dans ce séjour, quand pour la première fois on l'aborde étranger venant de loin et battu par les orages, tout y fait ressentir une impression qu'on ne peut guère définir, mais qu'il faut nommer l'impression de Dieu. Un principe inconnu, un esprit bienfaisant soulage les peines, répare les forces, et donne l'avant-goût d'une nouvelle et heureuse existence. Enfin on n'a plus autour de soi que des cœurs ouverts et pieux, des fronts sereins; la parole qui rarement interrompt un long silence est toujours simple et fraternelle, les rapports libres, joyeux, faciles. »

Voici ensuite les premières questions que l'on fait à celui qui désire entrer dans la compagnie :

Êtes-vous prêt, lui demande-t-on, à renoncer au siècle, à toute possession comme à tout espoir de biens temporels ? Êtes-vous prêt à mendier, s'il le faut, votre pain de porte en porte pour l'amour de Jésus-Christ? Oui '.

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Êtes-vous disposé à vivre en quelque pays du monde et en quelque emploi que ce puisse être, où les supérieurs jugeront que vous serez plus utile pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes? Qui'.

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Exam. c. iv, § 1, 12, 26, 27; Consl. part vi, c. 2, § 10; Institut. Soc. t. 1, p. 345 et seq., et p. 410.

2 Exam., c. IV, › § 35. — Const. part. 1., €. 2. litt. G. Instilut. Soc. t. 1, p. 350 et 878.

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