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III. Le passage suivant du Zohar' suffirait seul pour montrer que dans les tems les plus anciens les juifs considéraient comme le Tétragrammaton lui-même, le Yeho qui entre dans la composition des noms propres d'hommes.

Je ferai précéder ma citation d'une remarque qui en fera mieux saisir le sens. Le nom Yoseph, D (Joseph), n'est qu'une contraction du nom, écrit en plein, Yehoseph, DD, tel que nous le lisons en effet au Psaume LXXXI verset 6.

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« Viens et considère, dit le Zohar parceque Joseph a gardé la pureté de cette alliance (de la circoncision ), et ne lui a pas manqué par le péché, non seulement il est devenu illustre dans ce << monde, et dans le monde à venir, mais aussi le Très-Saint, béni <«< soit-il, l'a décoré de son propre nom. Car il est écrit, ps. LXXXI. 6 : « Il l'a mis comme un témoignage en Yehoseph.

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IV. S'il est incontestable pour tous les critiques judicieux que le yeho des noms propres d'hommes en hébreu, est véritablement le Tétragrammaton Yehova, tout le monde convient également que ces noms d'hommes se lisent tels qu'ils sont écrits. Quant aux juifs, jamais il ne leur est venu à la pensée qu'on pût lire autrement. Nous venons de voir que les Septante prononçaient de même yehotzedek, puisqu'ils ont transcrit ce nom en lettres grecques woεx. Or, ceux qui veulent qu'on lise Adonaï au lieu de Yehova, ne devraient pas, pour être conséquens à eux-mêmes, prononcer selon l'usage reçu les tétragrommataphores: Yehohhanan (Joannes), Yehonatan (Jonathan), Yehotzédek (Josedec), etc., mais bien: Adohhanan, Adonatan, Adotzédek, etc.. Mais ils savent bien que cette ridicule manière de lire serait démentie par la lecture de tous les tems, et par les versions de la bible dans toutes les langues.

V. Il n'est pas vrai que les voyelles, dont le Tétragrammaton se trouve ponctué, soient celles du mot Adonai; car, dans ce cas, il y aurait, sous le yod du nom ineffable, non un e très bref (scheva), mais un a très bref (hhateph-patahh). Et qu'on ne dise pas que si cet a n'a pas été placé sous le yod, c'est que, d'après les règles de la

'Partie 11, fol. 6, col. 21.

grammaire, cette lettre n'est pas susceptible d'une des voyelles très brèves composées (hhateph); car, répondrais-je, dans

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au

quel les Massorètes ont véritablement prêté les voyelles du nom divin Elohim', on n'a pas fait difficulté de donner au yod une voyelle très brève composée (le hhateph-ségol), quoique, de sa nature, il n'en soit pas susceptible.

Louis Cappel, un des chefs de l'adonisme, répond à cet argument par une observation tout-à-fait mal fondée. Le Tétragrammaton, ponctué avec les voyelles du terme Elohim, dit-il, se présentant fort rarement, on ne s'est pas donné la peine d'opérer le changement de voyelles que demanderait la grammaire. Le savant ministre protestant, qui ne voulait reconnaître d'autre autorité que la Bible, fait voir, en cette circonstance, qu'il n'était pas excessivement familiarisé avec le texte du volume sacré; et, si vous voulez, Monsieur, me passer une expression triviale, je dirai qu'il a compté sans son hôte. Le Tétragrammaton, ponctué avec les voyelles empruntées de Elohim, est si peu rare dans la Bible hébraïque, que le seul livre d'Ézéchiel en offre deux cent-onze exemples.

Je suis persuadé que, tout au contraire, les voyelles du nom Adonaï,, que les juifs substituent au Tétragrammaton dans l'énonciation, sont celles du nom ineffable; car Adonaï est ponctué irrégulièrement par a long (kametz), tandis que la grammaire y demanderait, pour troisième voyelle, un a bref (patahh); maïs si ce sont les voyelles de Yehova, tout s'explique parfaitement. L'a long (kametz) est la troisième voyelle du Tétragrammaton, et le scheva du yod a dû nécessairement se changer en hhateph patahh sous la lettre gutturale aleph, 8.

VI. Comme la synagogue, par suite de la défense de prononcer habituellement le Tétragrammaton tel qu'il est écrit, avait adopté à sa place, dans la lecture, le nom Adonai, les Massorètes, lorsqu'ils ajoutèrent (adpinxerunt) à la Bible des signes pour les voyelles, ont dû donner aux lettres serviles, 1, . . n préfixes du Tétragrammaton, les voyelles par lesquelles on les prononce devant son suppléant Adonaï ; à savoir, ba, va, ca, la, mẻ; 2 1 2 3 0.

Voy. De l'harmonie etc. p. 359,

Mais devant les noms propres d'hommes tétragrammatophores, où le nom vénérable a conservé dans l'usage sa prononciation naturelle, ces mêmes lettres serviles reprennent aussi la voyelle qu'il convient de leur donner devant la lettre yod marquée d'un scheva mobile; c'està-dire, elles reprennent le hhirik long í, qui absorbe ce scheva: bí, ví, ki,li, mi; 22 23 24

Par la même raison, les Massorètes ont dû marquer du daghesch kal les lettres 2, 2.7, 2, 5, n, par lesquelles commence le mot qui suit le Tétragrammaton. Car, d'après la grammaire, ces lettres, lorsqu'elles sont initiales d'un mot, doivent être marquées de ce point daghesch à la suite d'une quiescente sensible, tel qu'est le yod à la fin du mot Adonaï; mais pas à la suite d'une quiescente muette, telle qu'est le hè à la fin du terme yehova.

En résumé, la vraie lecture du Tétragrammaton est telle que ce mot est ponctué : Yehova.

Nous avons vu que cette lecture résulte clairement, non seulement des noms propres d'hommes qui en ont été formés, mais aussi de l'antique et constante tradition de la synagogue, dont aucun homme de bonne foi ne songera à contester l'autorité dans une question qui, comme la nôtre, ne touche en rien aux dogmes qui partagent l'église et la synagogue infidèle.

Quelques protestans rejettent avec mépris la lecture yehova, parce que cette épellation, à ce qu'ils prétendent, est une invention nouvelle due à un moine de 16o siècle, Petrus Galatinus ', et qu'avant lui elle était totalement ignorée.

On peut leur conseiller d'abord de ne pas tant faire fi des moines. L'auteur de la prétendue réforme qu'ils ont embrassée avec son esprit contentieux, avait longtems porté le froc. Et plût à Dieu qu'il ne leur eût légué que la prononciation, assez indifférente en elle-même, d'un mot hébreu. Quoi qu'en dise Drusius, le salut de l'âme n'est nullement intéressé à la manière d'énoncer le Tétragrammaton, question purement grammaticale. Mais l'assertion concernant Petrus Galatinus

! Voyez une notice sur ce savant religieux dans mon Harmonie. tome 1, p. 190, note a.

2 Leusden est non-seulement Jéhoviste, mais ultrà-Jéhoviste. Il va jusqu'à

est gratuite et décèle une grande ignorance de la littérature hébraïque. La lecture yehova a été donnée avant Petrus Galatinus par Ficino, avant celui-ci par Denys-le-Chartreux, avant celui-ci par Porchetti, avant celui-ci par l'auteur d'un commentaire latin sur les psaumes, commentaire si ancien que plusieurs l'ont attribué à saint Jérôme. Avant ce dernier les juifs s'en étaient transmis la tradition d'âge en âge; et Rachel fut la première qui donna à son fils aîné un nom tetragrammatophore, en expliquant clairement son intention. Le texte dit: « Et elle appela son nom Yoseph (autant que Yeho-seph, Joseph), disant Que Yehova m'y ajoute un autre fils '. »

Ce qui précède me paraît satisfaire pleinement aux diverses difficultés qu'on a élévées contre la lecture Yehova, qui est, dans ma persuasion, la véritable énonciation du Tétragrammaton. Les plus spécieuses trouvent leur réponse dans les explications en quelque sorte historiques, que je viens de donner relativement à la question qui nous occupe en ce moment. Les autres sont si futiles que ce n'est pas la peine de les réfuter.

Dans un autre article je parlerai du 'Yao des Grecs.

Le chev. DRACH,

bibliothécaire honoraire de la Propagande de Rome.

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prononcer Yehovi. Voici comment il répond à la présente objection Que Galatinus ait été moine, cela ne fait rien à la philologie. Luther aussi avait été moine avant sa conversion (lisez perversion) Faut-il pour cela rejeter sa réforme? Si donc Galatinus est le premier qui ait lu Yehova, il faut dire qu'il a rappelé et introduit de nouveau l'ancienne et vraie manière de lire. Voyez le texte latin dans mon Harmonie, p. 483.

2 Genèse, xxx, 24.

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DOMINICALES (lettres). Ces lettres qui sont les sept premières de l'alphabet, furent introduites dans le calendrier par les premiers chrétiens, à la place des lettres nundinales du calendrier romain; elles servent à marquer le jour du dimanche tout le long de l'année, et de là vient leur nom dominicus dies, dimanche ou jour du Seigneur. Si, par exemple, l'année commence par un mardi, ce jour est désigné par A, durant toute l'année; mercredi l'est par B, et ainsi de suite jusqu'au dimanche, qui est désigné par F. Cette dernière lettre qu'on nomme dominicale, change donc chaque année, et rétrograde d'un rang, parceque l'année a un jour de plus que 52 semaines. On voit, en outre, que les années bissextiles ont deux lettres dominicales.

DONATION. Nous avons vu au mot charte tous les différens noms que l'on donnait aux pièces sur lesquelles on assurait à quelqu'un une donation. Il n'est pas rare de voir ce don, donum, comme on l'appelait quelquefois, porter en titre le nom de charte et dans le texte celui d'épitre, ou appelé tour à tour épitre et charle. Il est très difficile de décider lesquelles sont les plus ordinaires des épitres ou des chartes de donation dans la plus haute antiquité On distingua autrefois, mais très rarement 3, la donation, de la cession;

' Voir le dernier article au no précédent, t. vi, p. 435.

2 Baluze, t. 11, col. 399.

3 Ibid., col. 426, 571.

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