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tant de couronnes? Pourquoi enfin la conversion de l'univers? Si l'autorité de l'Eglise n'est point divine et infaillible, d'où vient que les premiers conciles tenus en Orient font loi partout? Comment y a-t-il des hérésies? par quel hasard celles-ci frappées d'anathème vont-elles s'affaiblissant, se divisant, pour mourir et disparaître? Si une autorité véritablement divine ne veille au dépôt de la foi, qu'on nous explique comment l'Eglise catholique dure encore, malgré la coalition de tous les intérêts et de toutes les passions.

L'unité de foi dans une société dont l'univers est la patrie et la demeure. Il y a là, Messieurs, un fait, un phénomène qui, à lui seul, suffirait pour tout prouver. Il est trop évidemment surnaturel et surhumain. Une autorité est divine quand elle conserve l'unité véritable de croyance parmi tant de nations diverses et dans tout le cours des siècles. Ce fait n'appartient qu'à l'autorité catholique; il est inexplicable à jamais sans elle. Que si ailleurs on paraît s'entendre quelquefois, mais dans des bornes, dans un tems et un nombre restreints, ou en examinant de près on trouvera qu'il n'y a pas de foi ni de doctrine proprement dite, comme dans les religions de l'Inde et dans les malheureux démembremens du schisme Slave, où un fatalisme sensuel a courbé et abruti les âmes comme dans l'Islamisme. Quant au rationalisme protestant, il est la division même en principe et le côté faible de l'intelligence livré à tous les écarts.

L'Eglise possède une infaillible autorité, centre et foyer des croyances chrétiennes; les faits s'accordent et s'expliquent, et les lois d'une étonnante gravitation intellectuelle sont ainsi connues. Oui, avec l'autorité infaillible et di vine, le catholicisme n'est pas une imposture, la philosophie est amenée à la foi, le monde renouvelé, le martyre raisonnable, les conciles obéis, les hérésies abattues, la durée de l'Eglise invincible, son unité indissoluble, la science et la civilisation fécondées, la morale assurée, la paix des consciences profonde et certaine, tous les fruits de sanctification et de salut versés abondamment sur les peuples.

Qu'il n'y ait plus d'autorité catholique et infaillible dans la foi, le monde est un chaos, le christianisme un mensonge, l'héroïsme une folie, la civilisation une erreur ou un hasard, l'Eglise, sa durée, son unité des phénomènes contre nature et contre toute raison.

Le procédé scientifique est certain; il faut conclure: L'Eglise est infaillible; car c'est le seul système qui explique les faits.

Enfin, quant au 3e point, c'est à-dire que l'infaillibilité de l'Église est prouvée par la certitude rationnelle ou métaphysique, l'orateur l'établit par les trois considérations suivantes :

1° L'humanité doit être enseignée; sans quoi les peuples errans seraient

abandonnés comme de misérables jouets à toutes les incertitudes et aux variations continuelles des opinions humaines. Dieu manquerait de Providence ; il eût fatalement livré sa créature intelligente et raisonnable à toutes les contradictions et à toutes les erreurs, s'il ne lui avait donné un maître certain, infaillible, toujours présent, toujours vivant comme l'humanité.

2o Il faut la société spirituelle et religieuse bien plus encore qu'il ne faut la société matérielle et politique; car il faut régir, cultiver, sanctifier les âmes elles-mêmes, descendre dans la conscience, y prescrire l'accomplissement des devoirs, et conduire l'homme à sa fin dernière et divine. Or, la société politique, par sa nature même et sa destination, n'atteint pas ce but..

3o Dieu donna la vérité à la terre : pourquoi sans cela aurait-il créé l'intelligence? En donnant la verité, ou il en livra la détermination au jugement de chacun pour la voir bientôt détruite, suivant les vicissitudes des opinions humaines blasphème horrible! ou il voulut conserver la vérité, et alors il établit l'autorité, qui peut seule être souveraine des esprits et leur imposer la la vérité, l'autorité infaillible. Telle est l'Eglise, réalisation des desseins du Dieu créateur et réparateur, après la longue et nécessaire expérience des aberrations libres de l'homme. Enfin, Dieu bon, Dieu sage, Dieu ami de l'homme, Providence des forts qui en ont plus besoin encore, a dû à tous le moyen sûr et facile de connaître et de garder la vérité. Or, quel est ce moyen? L'autorité infaillible et certaine.

Dans sa péroraison l'orateur demande surtout à ses auditeurs de montrer de l'énergie et du courage dans la recherche de la vérité.

Ici, Messieurs, avec la droiture des intentions, il manque donc encore une condition pour croire; il manque le courage. Et il faudrait savoir que l'orgueil qui nous enchaîne n'est qu'une làcheté. Le courage, l'humilité respectueuse et libre à la fois, qui s'affranchit de toutes les préoccupations et de tous les engagemens, s'incline seulement devant les faits et les témoignages irrécusables, langue de Dieu parlant à l'homme, mais s'incline courageusement devant eux, puis, se relevant pour faire tête à l'orage, combat le vice, repousse l'erreur avec toutes les armes de la foi et de l'amour, et se repose en attendant la Jérusalem céleste dans le sein de cette glorieuse Eglise que ses prophètes, ses martyrs, ses héros et ses docteurs, que la succession inviolable de ses pontifes depuis les saints apôtres, et les cris même des hérésies expirantes nous montrent élevées sur le sommet de la montagne, recevant les hommages du genre humain et possédant la plus haute, la plus grande, la plus infaillible autorité.

(La suite au prochain cahier.)

A. B.

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Ou comparaison de la notion chrétienne avec la notion rationaliste de Dieu,

PAR M. L'ABBÉ MARET.

Groisième article '.

ERREURS DU RATIONALISME MODERNE SUR L'ORIGINE DU DOGME DE LA TRINITÉ.

Examen des trinités hindoue et platonique. Le dogme chrétien n'est pas une transformation des doctrines du polythéisme. Son origine dans la révélation et les écritures divines. Communication des doctrines hébraïques aux autres peuples. Preuves de la perpétuité et de l'immutabilité du dogme de la trinité dans l'Eglise.

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Lorsque l'intelligence, dit M. Maret, éclairée par la lumière de la révélation, cherche dans une profonde méditation à s'élever à la pure notion de Dieu, elle voit successivement disparaître toutes les conditions de l'existence des êtres finis; elle voit, avec une évidence absolue, qu'aucune de ces manières d'être ne peut convenir à l'infini. Il se dégage de toutes les conditions de contingence, de divisi

Voir le 2 article, n° 51, ci-dessus, p. 212.

III SÉRIE. TOME IX.

· No 53. 1844.

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bilité, de succession; il se dégage de l'étendue et de la matière, de l'espace et du tems, du monde des corps et du monde des esprits'. »

Néanmoins, quelque sublime que soit la vue simple, l'affirmation de l'existence et de l'infinité de Dieu, l'intelligence aspire à une connaissance plus distincte; elle voudrait surprendre, dans son essence, le mystère de la vie divine. Eh bien! Dieu a daigné nous le dévoiler; nous savons que son unité est une trinité. Nous catholiques, nous attribuons à la révélation l'origine de ce dogme, base fondamentale du Christianisme, complément nécessaire de l'idée de l'Être suprême. Le rationalisme moderne, au contraire, nous le présente comme une conception purement humaine. Il ne parle pas, il est vrai, de ce mystère auguste avec le cynisme éhonté du 18° siècle. L'école de Voltaire, dans sa langue impie, l'appelait, comme on le sait, une bagatelle; ses disciples tiennent un langage plus modéré, plus respectueux en apparence: il est devenu pour eux la loi fondamentale de la vie. Aussi, quel empressement, quel zèle pour découvrir et constater cette loi ! Les vingt dernières années ont vu éclore une demi-douzaine de trinités ; qui n'a pas entendu parler de la trinité hégélienne, de la trinité saint-simonienne, des deux ou trois trinités progressistes, de la trinité de M. Cousin....? Toutes ces théories sont, pour l'école rationaliste, des perceptions plus ou moins complètes de la loi fondamentale de la vie. Le sentiment de cette loi, s'il faut l'en croire, est inhérent à l'esprit humain. Aussi la notion de la trinité est un développement naturel de ses pensées. On soutient donc qu'elle se trouve au fond des religions et des philosophies de l'ancien monde; on ajoute que la conception chrétienne est une transformation des dogmes antiques, une forme passagère que la pensée humaine a revêtue: un jour, elle l'échangera contre une forme nouvelle plus parfaite.

Avant d'examiner la valeur de ces assertions, faisons une remarque importante: nous ne sommes pas forcés de soutenir que le dogme de la Trinité ait été complétement inconnu avant notre ère. Si l'on en découvre des traces dans les livres sacrés de l'Inde, de la Chine, de la Grèce, etc., dans les écrits de leurs poètes et de leurs

'P. 215-16.

philosophes, ces traces ne prouvent pas qu'il soit le produit naturel de l'esprit humain; elles confirment, au contraire, un des principaux enseignemens du Christianisme. Il nous apprend, en effet, qu'une révélation primitive a éclairé le berceau du genre humain ; que Dieu, pendant le cours des siècles, n'a pas cessé de faire luire le flambeau de cette révélation sur les saints patriarches. Leurs descendans, en se dispersant par le monde, ont emporté et répandu sur leurs pas ces vérités ainsi dévoilées. Sans doute, ils n'ont pas su conserver intact le précieux dépôt qui leur était confié; ils ont altéré les traditions divines, ils les ont enveloppées de mensonges et de ténèbres; cependant, ils ne les ont pas entièrement étouffées, elles percent encore à travers les erreurs populaires et les fausses théories. des philosophes. Nous pouvons donc soutenir qu'une notion plus ou moins explicite de la Trinité faisait partie de cette révélation primitive: la croyance de la Synagogue ne laisse aucun doute sur ce point. Ainsi tombée dans le domaine de la tradition, elle a dû pénétrer dans les spéculations théologiques et philosophiques de l'ancien monde. Il serait donc tout naturel de rencontrer des traces de ce dogme au sein du Paganisme; mais quand on les examine attentivement, on les trouve si obscures, si éloignées du dogme catholique, qu'il est impossible de le considérer comme leur développement.

Cela posé, voici la question qui se présente : le dogme chrétien de la Trinité est-il une transformation des doctrines du polythéisme? Pour la résoudre, il est nécessaire de connaître ces doctrines. Mais, comme une étude générale serait immense, il faut s'attacher aux principales. En Orient, nous interrogerons donc un seul peuple, le peuple hindou; en Grèce, un seul philosophe, Platon. Les doctrines

' Saint Jérôme, expliquant les différences qui existent entre le texte hébreu et la version des Septante, atteste la croyance des Juifs à la Trinité :

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Denique ubicumque sacratum aliquid scriptura testatur de Patre et Filio et Spiritu sancto, aut aliter interpretati sunt, aut omnino tacuerunt, ut ef regi » satisfacerent, et arcanum fidei non vulgarent.» Præfatio in pentatheuchum ad Desiderium. · Nous reviendrons sur la croyance de la Synagogue en rendant compte de l'ouvrage de M. Drach: De l'harmonie entre l'Eglise et la synagogue.

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