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le type de l'Église catholique. Celle-ci n'a jamais pris pour symbole une esclave plus ou moins riche dormant dans les bras plus ou moins bienveillans d'un roi. L'église d'Espagne ne s'est pas souvenue que les lèvres du prêtre doivent non seulement conserver la science, mais encore tous les jours l'augmenter; ce n'était pas assez d'éloigner les erreurs étrangères, il fallait encore chercher les vérités étrangères, les vérités politiques, spéculatives, industrielles, tout ce qui peut être utile à l'humanité; car l'Église catholique comprend tout cela. Aussi l'Église est plutôt symbolisée par une mère serrant dans ses bras peuples et rois, leur communiquant sa propre vie, les invitant à une union réelle et durable, aidant l'humanité dans sa route, et la conduisant vers son père qui est Dieu.

Venir reprocher à l'église d'Espagne et par elle à l'Église catholique d'avoir fait le malheur actuel de ce pays, c'est faire tomber sur la victime les reproches qui doivent s'adresser à l'assassin. Que voyons nous en effet en Espagne ? L'introduction des doctrines, des principes qui ont bouleversé la France; les livres de Voltaire et de Rousseau, estimés à leur juste valeur en France, sont préconisés en Espagne avec cet engouement d'un peuple enfant qui admire toutes les nouveautés. L'introduction de ces doctrines qu'a-t-elle produit jusqu'à ce moment? la ruine, la guerre civile, la mort. Comme M. Quinet, nous croyons cette épreuve utile à l'Espagne, non point parce que ces doctrines s'y établiront à jamais, mais parce que le peuple espagnol, après un court essai, en connaîtra la fausseté et le danger. C'est ce qui s'est fait en France.

Comme M. Quinet, nous croyons notre patrie appelée à un apostolat glorieux, mais c'est parce qu'après avoir fait la première l'application des principes que M. Quinet appelle de Descartes, de Luther, et que nous croyons bien plus anciens, elle est la première à en avoir reconnu la fausseté. Quoi qu'en disent les nouveaux révélateurs, un grand changement s'est fait dans les esprits en France, un grand mouvement les pousse; mais ce changement, ce mouvement, sont complétement dans le sens catholique, dans le sens de l'unité religieuse, mais de cette unité qui a son centre à Rome, et qui est basée sur l'identité de symbole. M. Quinet ne veut pas l'immobilité des esprits; nous ne la voulons pas plus que lui; mais il ne voit pas que

s'il y a vie, mouvement, progrès chez nous, et chez les autres, c'est à l'Église catholique qu'on le doit. En effet, supprimez l'Église catholique, supprimez son rigide symbole, ses zélés et peut-être trop ardens défenseurs, et le calme va se faire dans le monde intellectuel; car l'erreur ne combat pas contre elle-même; nous reviendrons aux tems de la Rome païenne avant le Christ, alors que l'esprit humain se reposait tranquillement, parcourant satisfait sa course terrestre en adorant des Dieux de pierre et de bois, les plantes de ses jardins, les animaux de sa basse-cour, en réglant ses actions sur le chant des oiseaux ou l'appétit des poulets sacrés, en consultant les oracles de Delphes et de Dodone; nous aurons le calme qui règne dans l'Inde et à la Chine, où l'esprit se contente de croire à Bouddha, à Vichnou, à Fo, etc., nous aurons le calme et le dépérissement de l'esprit musulman, de l'esprit grec séparé de l'église. Voila la cité d'alliance qui résulterait des principes de M. Quinet; nous voulons plus de vie et de progrès, et c'est pour cela que nous tenons à notre Église.

Aussi nous ne nous effrayons pas beaucoup des nouvelles attaques qni se sont manifestées en ce moment. Elles ont, suivant nous, leur principale cause dans de faux principes que nous avons signalés plus haut, et qui proviennent d'un manque de science et d'instruction. Nos adversaires ont un esprit élevé, perçant, mais qui ne s'élève pas encore assez haut, ne connaît pas encore assez toute l'économie des desseins de Dieu, ne comprend pas assez l'action de l'Église catholique dans l'humanité. Mais peu à peu les nuages se dissiperont; un pas immense a déjà été fait. Nous croyons qu'une ère nouvelle commence pour l'Église; elle a eu l'ère des miracles, l'ère du martyre, l'ère de foi, elle va ajouter à ses fastes l'ère de la science. De tous côtés les élémens de cette ère se préparent; les peuples se rapprochent; on étudie leurs langues, par celles-ci leur filiation; on traduit leurs livres sacrés, par eux on connaîtra les traditions générales qu'ils contiennent; ces croyances, ces livres ne pourront supporter la comparaison avec les croyances chrétiennes, croyances qui comprennent non seulement les prédications du Christ, mais toutes les révélations faites à Adam, et par lui et par ses descendans communiquées au reste de l'humanité, qui les à altérées, et dont elle ne conserve plus que des pièces et des lambeaux, tandis que l'Église, qui

par les Juifs, par les patriarches remonte au berceau du monde, les a toutes conservées intactes, et les tient recueillies dans sa Bible. Tous les peuples viendront y reconnaître leur origine, leurs titres de frères, viendront y épurer, y coordonner leurs croyances, et alors seront posés les fondemens solides d'une union réelle entre les peuples, et alors la cité d'alliance sera constituée.

A. B.

Révélateur Nouveau.

PIERRE-MICHEL VINTRAS, RÉVÉLATEUR DE L'OEUVRE DE LA MISÉRICORDE.

DEMANDE D'INTERDICTION CONTRE SES FIDELES. BREF DE CONDAMNATION DU SOUVERAIN PONTIFE,

Nous nous proposions de terminer le précédent article par quelques considérations sur le danger qu'il y avait à voir dégénérer les théories de révélations humanitaires en illuminations de bas étage et en folies pratiques. Nous voulions citer avec beaucoup de ménagemens à MM. Mickiewicz et Quinet, Michel Vintras, le duc de Normandie, et quelques autres, qui, eux aussi, croient avoir en eux le verbe de Dieu et être chargés de le faire connaître au monde, lorsque un procès récent est venu réaliser nos craintes, et prouver le danger de ces théories avec un à-propos que nous ne pouvons nous empêcher de saisir, On a cité les noms de MM. Mickiewicz et Towianski en plein Palais de justice pour excuser et même approuver des folies, que l'on croit suffisantes pour motiver une interdiction des droits civils. D'ailleurs on donne sur les nouveaux Messies des détails qui nous étaient inconnus. Le compte-rendu de ce procès, extrait de la Gazette des Tribunaux, devient donc un appendice naturel de notre précédent article; c'est ce qui nous détermine à le publier. Il pourra d'ailleurs égayer un moment nos lecteurs, si peu égayés, il faut en convenir, par notre rédaction habituelle.

Nous joignons à ce compte-rendu deux pièces. La première que nous mettons en premier lieu est la circulaire par laquelle Mgr l'évêque de Bayeux avertissait ses prêtres de prémunir les fidèles contre ce visionnaire ; la seconde que nous mettrons à la fin est le bref de sa sainteté Grégoire XVI, condamnant l'abus que l'on fait du nom de Dieu et du Christ, pour tromper les crédules. On verra en cela que les chefs de l'Église catholique n'ont pas attendu les révélations de la justice ou les plaintes des parens pour empêcher les duperies dont se plaignent ces derniers.

Lettre de Mgr l'évêque de Bayeux sur l'œuvre de Pierre Vintras.

Messieurs et chers coopérateurs,

Bayeux, 9 novembre 1841.

• Des manuscrits propagés furtivement dans notre diocèse nous avaient révélé l'existence d'une association religieuse, qui a son symbole, ses observances, ses emblèmes. Nous surveillions attentivement la marche et les progrès de cette société, lorsqu'un opuscule imprimé est venu subitement justifier nos craintes. Dans cet opuscule, déjà répandu avec profusion, on annonce des communications célestes, on publie des miracles nombreux, et le but avoué de ces révélations et de ces miracles est de préparer les fidèles à un nouveau règne, au règne de l'Esprit saint, sous lequel l'Evangile sera mieux compris; de nouvelles lumières seront données à l'Eglise sur les vérités les plus importantes du Christianisme, des dogmes inconnus jusqu'alors seront proclamés comme autant d'articles de foi par l'organe d'un concile général, comme si l'Eglise pouvait jamais avoir d'autre règle de croyance que la tradition et l'enseignement des siècles passés. Le chef de cette association, simple laïque, a choisi, parmi ses adeptes, des apôtres chargés de répandre ce qu'il nomme ľOEuvre de la miséricorde; et, usurpant des pouvoirs qui ne sauraient appartenir qu'aux pontifes de l'Eglise, il leur donne une sorte de consécration par l'imposition des mains et l'onction du baume de la Croix.

» Vous n'ignorez pas, nos chers coopérateurs, cette règle si sagement établie et sanctionnée par le saint concile de Trente, d'après laquelle aucun nou · veau miracle ne doit être publié dans un diocèse sans l'approbation de l'évèque de ce diocèse'. Or, comment pourrions-nous approuver de prétendus miracles arrivés dans l'ombre ou dépourvus des caractères qui annoncent l'opération divine, des miracles qui seraient faits pour confirmer des doctrines manifestement erronées? A Dieu ne plaise que nous autorisions un apostolat laïque, formé pour réaliser l'œuvre de la régénération de l'Eglise! Nous avons pu jusqu'à présent garder le silence; mais aujourd'hui ces hommes répandant leurs écrits avec une ardeur toujours croissante, les intérêts de la foi, dont le dépôt nous a été confié, nous font un devoir de nous élever contre ces nouveautés profanes et ces entreprises téméraires, avec toute l'autorité que nous donnent le caractère sacré de l'épiscopat et la mission divine dont nous sommes chargé.

» C'est pourquoi, après avoir entendu le rapport circonstancié et motive d'un habile théologien, après un mûr examen de notre part, et de l'avis una

Statuit sancta synodus nulla admittenda esse nova miracule, nisi recognoscente et approbante Episcopo. Sess. 25.

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