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Nos prévisions ont été justifiées. L'Encyclopédie du 19° siècle, fidèle à son programme, a marché constamment dans la voie où l'avait engagée M. Laurentie. Elle est devenue tout à la fois un monument scientifique et une œuvre religieuse de la plus grande portée.

Comme œuvre religieuse, elle a reçu, de la part de plusieurs évêques, des témoignages qui en garantissent l'importance; comme œuvre scientifique, elle occupe déjà, parmi les publications de ce tems-ci, une place qui en atteste la valeur.

Le public est devenu très difficile pour ce genre d'ouvrages. Il veut y trouver, à côté d'un intérêt universel, une étendue qui n'excède pas les bornes chaque jour plus restreintes de son attention. L'Encyclopédie du 19° siècle s'est conformée à ces exigences, en réunissant, avec un grand bonheur, la précision du style, et la sobriété des développemens, à l'étendue des vues et à la variété des questions, tout en évitant de se laisser déborder par la multiplicité des mots qui n'est un mérite que dans les dictionnaires de la langue, et dont une bonne Encyclopédie doit savoir se préserver, pour pouvoir, traiter dans des proportions convenables, les mots qui ont de l'importance.

Nous nous proposons, dans notre prochain numéro, d'examiner sérieusement cet ouvrage, qui nous paraît de nature à rendre de grands services pour la propagation des saines doctrines religieuses, sociales et philosophiques. Tout ce que nous en pouvons dire aujourd'hui, c'est qu'il est, incontestablement, pour le fonds et pour la forme, le mieux entendu et le plus irréprochable des recueils encyclopédiques publiés depuis trente ans.

L'Encyclopédie du xixe siècle ne peut pas avoir plus de 52 volumes, dont 18 ont paru. Pour les souscripteurs inscrits avant la 27e livraison, elle ne doit pas coûter plus de 364 fr., et elle contiendra la matière de 260 vol. de l'in-8° ordinaire.

- M l'abbé Migne nous prie d'insérer la rectification suivante :

Vous avez annoncé dans le cahier de février que tous les vol. de mes publications ne se vendaient que 5 francs pour les souscripteurs aux Cours complets d'Ecriture Sainte et de Theologie. Veuillez rectifier dans votre prochain numéro cette erreur qui me porterait un grand préjudice. Votre assertion n'est vraie que des 54 vol. du double Cours, de celui de Maistre, des 15 de saint Augustin et des 10 de saint Chrysostome pris ensemble, des 4 de la Perpétuité, des 4 de sainte Thérèse, des 3 de Pallavicin, des 4 de Pierre Lombard et de saint Thomas, enfin des 4 premiers des Démonstrations evangeliques. Le vrai prix pour tout le monde est celui annoncé dans mes prospeclus. Les frais d'annotation, d'actualisation, de traduction et surtout d'achat de droits de propriété sont la cause de cette différence. Le prix des 200 vol. latins du Cours de Patrologie n'est également que de 5 francs; mais il faut prendre la collection entière.

DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numéro 52. Avril 1844.

Philosophie Rationaliste.

LES VERBES NOUVEAUX,

M. MICKIEWICZ, M. TOWIANSKI, M. QUINET.

Nous l'avons souvent dit dans nos Annales, dès que l'on admet que l'homme n'a qu'à descendre en lui-même pour y trouver, sans secours extérieur, sans règle extérieure, la vérité; dès que l'on admet que par un développement spontané et nécessaire, la vérité naît en lui, se fait en lui, il doit arriver un moment où l'homme se reconnaîtra et s'adorera comme verbe, comme parole de Dieu; et quand il proférera cette nouvelle parole, quelque étrange qu'elle puisse être, rien ne pourra lui être opposé de logique pour le réfuter. Car que peut-on objecter à Dieu qui est censé parler sans témoin à sa créature?... Ce que nous avons prévu se réalise avec une étonnante rapidité et une effrayante extension. Les Verbes, les prophètes, les révélateurs, les Messies se posent en face de la société actuelle. Longtems la crainte du ridicule avait voilé la pensée intime des Verbes nouveaux. C'était sous une forme poétique, dans des vers échevelés, dans une prose obscure, s'adressant à des auteurs morts ou éloignés, que l'on faisait l'application de ces conséquences. Mais aujourd'hui on dit ouvertement le Messie, c'est celui-ci, c'est celui-là, c'est moi. On propose de jurer en son nom en plein amphithéâtre; les spectateurs jurent; et ainsi les anciennes apothéoses païennes ont recommencé. Nous devons tenir nos lecteurs au courant de ces phases nouvelles que revêt la polémique contre l'Église catholique. Mais, dans l'expoIII SÉRIE. TOME IX. No 52. 1844.

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sition que nous allons faire de ces excentricités, nous avons besoin de dire à l'avance que ce ne sont ni les personnes ni les résultats que nous attaquons; les personnes, nous en donnerons des preuves,

sont des hommes d'honneur, et même des hommes religieux, des hommes dévoués au soulagement des misères de leurs frères, de l'humanité entière; les résultats qu'ils désirent obtenir sont une plus grande union entre la famille humaine, une plus grande charité entre les enfans de Dieu. Ce résultat, c'est celui que nous poursuivons nousmêmes, celui que l'église du Christ prépare depuis son établissement.

Mais ce que nous attaquons, ce sont les principes sur lesquels reposent ces excentricités diverses; ce sont les leçons qui tous les jours font sortir tant d'âmes d'élite de la croyance catholique, et malheureusement quelquefois des limites même du sens commun.

On a dit : « La raison, c'est l'être absolu, qui s'apparaît à lui» même dans la conscience humaine; c'est un principe médiateur » entre l'homme et Dieu dans le dogme chrétien; c'est un principe » vraiment divin dans la croyance universelle de l'humanité. On a » dit que le Verbe s'incarnait dans chaque homme...; que Dieu » n'était pas descendu sur la terre pour proclamer lui-même ces » droits; ....qu'il les avait gravés de sa main au fond de toute con

» science *. »

Voilà ce que l'on a dit à l'homme. Est-il étonnant qu'il se soit mis à parler comme un Dieu, qu'il se croie Messie, Paraclet, Révélateur; et quand il dit que Dieu lui parle ainsi au-dedans, que lui répondre, excepté peut-être : à moi il parle autrement?

Au reste, ce n'est pas seulement à M. Cousin que nous faisons remonter le reproche d'avoir exalté et en quelque sorte divinisé la raison humaine par ces principes; car il y eroit sans doute lui-même, et il en est le premier le jouet ou la victime. Ces principes, qui en ce moment passent à l'état d'action, ont longtems séjourné dans les . écoles, se cachant plus ou moins sous le nom d'idées innées, de facultés naturelles, de raison humaine. Réglementés alors et contenus par les croyances catholiques, ils s'étaient longtems essayés, répandus,

M. Cousin, Cours de 1818, p. 55. · Introduction au cours de 1820, p. 75
Cours de 1819, fre partie, p. 191.

et 76.

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sont venus

fortifiés dans les écoles, quand Descartes est venu, nón les inventer', mais leur donner une forme nouvelle et compiète. Dans ces théories, brillantes sans doute, et que nous sommes loin de rejeter en entier, on a oublié un principe essentiel, et d'où, suivant nous, tous les désordres qui se trouvent dans la philosophie actuelle. Ce principe, que nous avons eu bien souvent l'occasion d'exposer dans nos Annales, et qui a fait comme la base de nos travaux, c'est que, quelle que soit l'origine de nos idées, elles ne se développent en nous, ne se fortifient, ne passent à l'état de raison et ne constituent l'homme, qu'autant qu'elles sont ou produites, ou excitées par la parole, que l'homme doit recevoir forcément d'une société plus ou moins organisée. On a renoncé généralement à admettre pour le corps un état de nature où il se serait formé ou développé seul, sans secours extérieur; on reconnaît qu'un aide extérieur, un état social lui est nécessaire ; et cet état de nature, que l'on croit irréalisable pour le corps, on le suppose pour l'âme ; on assure que l'âme, sans secours, sans la parole, sans la société, a trouvé et trouve encore en elle-même Dieu, le monde, sa foi, sa morale !! Voilà les principes sur lesquels s'appuye la philosophie moderne ; et voilà aussi les principes qu'il faut rejeter si l'on veut répondre aux Messies et révélateurs nouveaux. Il ne faut pas les reconnaître comme formés par une communication ou une infusion directe de l'esprit de Dieu en eux, si l'on veut leur refuser le droit de croire à cette communication. Voilà ce que nous voudrions que non-seulement les prophètes nouveaux, mais encore les défenseurs de la cause catholique comprissent mieux.

'Nous n'en donnons ici d'autre preuve que ces propositions professées par l'Université de Paris et condamnées, le 7 mars 1277, par Etienne Tempier, évêque de cette ville: Il n'y a point d'état plus excellent que de s'appliquer à la philosophie. Les philosophes seuls sont les sages du monde. -- On ne doit pas se contenter de l'autorité pour avoir la certitude d'une ques» tion. — Pour qu'un homme ait la certitude d'une conclusion, il faut qu'il soit fondé sur des principes connus ou clairs par cux-mêmes. Il ne faut croire que ce qui est connu par soi ou ce qui peut l'être par des choses >> connues par elles-mêmes.. - On reconnaitra facilement ici les principes de Descartes et d'autres philosophies modernes. Voir nos Annales, tome vi p. 174.

En exposant l'origine de cet esprit de Messianisme qui se révèle parmi nous, nous avons voulu faire connaître les raisons qui peuvent servir à excuser les écarts de ces génies d'élite dont nous allons citer les paroles. Nous avons voulu surtout faire passer dans l'esprit de nos lecteurs ces sentimens de compassion et de bienveillance bien plus que de division ou de colère, qui nous animent nous-mêmes pour les nouveaux Messies. Les infortunés! ils croient suivre des voix parties du ciel, tandis que ce ne sont que des échos rebondissant de la terre.

Nous aurons souvent à revenir sur ces questions, qui sont d'une importance radicale et décisive. Aujourd'hui, écoutons les révélations que les Messies nouveaux trouvent dans leur conscience, et qu'ils disent avoir reçues du ciel. Nos amis nous diront si elles sont aussi divines, aussi certaines que celles que notre Église conserve et nous communique.

M. ADAM MICKIEWICZ.

M. Mickiewicz est un de ces polonais qui, à la suite des persécutions de l'empereur de Russie, sont venus en France, doublement chers aux catholiques comme persécutés et comme leurs frères cn croyance. Déjà très connu dans son pays par ses poésies, c'est M. le comte de Montalembert qui le fit connaître à la France en traduisant, en 1833, son Livre des pélerins polonais, dans lequel nous pumes lire des pages admirables de foi et de poésie. Depuis lors les catholiques ne cessèrent de le regarder comme un frère, et c'est en grande partie aux instances de quelques-uns d'entre eux qu'il dut de voir créer en sa faveur une chaire de langue et de littérature slave au Collège de France. Son cours est assez suivi, non-seulement par ses compatriotes, mais encore par un certain nombre de français, qui sympathisent avec l'âme aimante et rêveuse du poète. Les journaux catholiques surtout lui ont souvent donné de justes éloges '. Or, voici ce que ce même M. Mickiewicz est venu annoncer dans la séance du 19 mars dernier.

La doctrine nouvelle et le Verbe nouveau.

« Le professeur, après avoir fait un grand nombre de prologues, 'L'Université catholique a publié une analyse de son cours de 1841, t. xi, p. 273, 348.

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