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des éboulemens de terrains causés soit par des inondations, soit par de nouvelles fouilles, se sont trouvées, au milieu d'ossemens brisés, plusieurs pierres tumulaires ornées d'inscriptions et de figures symboliques, vestiges sacrés qui recouvraient autrefois les dépouilles sanglantes des martyrs, comme l'attestent encore ces inscriptions touchantes que nous n'osons ajouter à des détails déjà trop longs. Tout auprès gît encore une grande pierre taillée et creusée en dessus. Sur la face antérieure on lit en gros caractères et en toutes lettres :

ARAM DEO

SANTO ÆTERNO

Autel à Dieu, Saint, Éternel.

En général on a découvert jusqu'ici à Orléansville très peu d'inscriptions et de monumens païens caractérisés, tandis qu'à chaque pas on y rencontre des restes, des traces incontestables du christianisme.

Mgr Dupuch en revenant d'Orléansville, où il avait reçu du colonel Cavaignac et de toute la garnison l'accueil le plus cordial et le plus gracieux, s'est arrêté quelques heures à Ténès. On y découvrait au même instant les premiers carreaux d'une mosaïque fort grande aussi, mais moins précieuse que celle de Sufazar; on ne savait encore à quel édifice ils avaient pu appartenir. Ténès a déjà 800 habitans civils: Mgr y baptisa trois enfans, et inaugura, en acceptant le banquet qui lui fut offert, le pavillon de l'artillerie; c'est la première construction en pierre achevée sur ce beau plateau de Cartenna.

Le lendemain il descendait à Cherchell (Julia Cæsarea), y donnait la confirmation dans une charmante église, et en repartait le 3 octobre au matin, accompagné du colonel Ladmirault et d'un grand nombre d'officiers de la garnison, pour visiter les ruines de Teffessed (ancienne Tipasa des Latins) récemment explorées et décrites par M. Berbrugger.

Au milieu de ces ruines immenses et à côté d'un nécropole chrétien, dont les remarquables tombeaux ont tous ou presque tous été violés, s'élevait un édifice de même forme que la basilique d'Orléansville, avec double rang de colonnes et une galerie supérieure dont

trois arcades sont encore debout. Les belles colonnes de pierre calcaire et de granit qu'on y foule à chaque pas, sa forme, sa situation, son orientation, etc... ne peuvent laisser de doute sur sa destination primitive; c'était l'église de Tipasa.

Après avoir erré durant la moitié du jour parmi ces intéressans débris, nous avons passé sous la tente une nuit délicieuse, à la clarté du feu des bivouacs; Mgr lisait, le soir, aux officiers rassemblés autour de lui, les héroïques malheurs et l'admirable confession de foi des habitans de Tipasa'. Dès les premiers rayons du jour, le 4 octobre, Mgr célébrait dans l'enceinte même et sur les ruines de l'église l'auguste sacrifice qui n'y avait pas été offert depuis tant de siècles.

Deux heures et demie après, la pieuse caravane faisait halte un instant sur les degrés du tombeau de la Chrétienne, non loin du lac Halloula et du bois des Karésas.

I

Déjà une première fois les habitans de cette belle cité avaient eu à souffrir la plus affreuse persécution. Quelques années plus tard, et en 484, un roi impie (Uméric'), ayant voulu imposer un évêque arien, au premier bruit de l'arrivée du faux pasteur, ils rassemblèrent le plus grand nombre de barques possible, et passèrent en Espagne, préférant l'exil à l'apostasie. Tous cependant n'avaient pu quitter ces rivages. A cette nouvelle, le tyran redouble de fureur et de rage, il envoie un messager revêtu de pouvoirs sans bornes, il donne des ordres extraordinaires, une armée entière investit Tipasa; toutes les autorités de la province, la province elle-même, sont convoquées (illuc provincia advocala), tous les catholiques fidèles, dignes et généreux frères des exilés, sont traînés dans le Forum, sommés une dernière fois de reconnaitre l'évêque arien tous refusent. Bientôt tous sans exception auront la main droite coupée et la langue arrachée. Mais, ô prodige! ils parlent encore, ils confessent encore, avec plus de ferveur que jamais, la foi catholique. Dispersés plus tard par tout l'Orient, ils y furent jusqu'à leur mort l'objet de l'admiration, de la vénération des peuples et des princes. Sans parler d'une foule d'auteurs, soit profanes, soit sacrés, qui nous ont transmis la mémoire de ces admirables scènes, l'empereur Justinien en a consigné l'impérissable souvenir dans son recueil célèbre des Lois Romaines; et il existe un ouvrage fort remarquable, intitulé: La Divinité du Christianisme, prouvée, démontrée par le miracle de Tipasa. (Note des Annales de la Propagation.)

1 Ou plutôt Hunneric.

APPENDICE.

Nous ne connaissons point l'ouvrage que cite ici le rédacteur de cet article, mais seulement une Dissertation de Schmiedtius: de Elinguatis mysterium SS. Trinitalis celebrantibus. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en leur citant ici sommairement la plupart des témoignages qui attestent ce fait :

1° L'empereur Justinien Nous avons vu nous-mêmes ces hommes véné» rables, qui ayant la langue coupée jusqu'à la racine, racontaient leur supplice d'une manière miraculeuse (Codicis, 1. 1, tit. 27, in princ.).

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2o Le comte Marcellin dit qu'il a vu à Constantinople quelques-uns de ces pieux réfugiés d'Afrique qui avaient la langue et la main droite coupées, et qu'il les avait entendu parler comme les autres. (Dans sa Chronique, indiction VII, à l'année 484; dans le Thesaurus lemporum, de Scaliger, p. 43).

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.

D

30 Victor Turonensis : « Hunéric, roi des Vandales, coupa la langue aux confesseurs, et toute la ville royale, où leurs corps sont ensevelis, atteste qu'ils ont parlé parfaitement jusqu'à la fin de leur vie, quoique ayant la langue coupée. (Dans sa Chronique; dans le Thesaurus tempor., de Scali» ger, p. 4). »

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4° Victor de Vite, d'Afrique et témoin oculaire de la persécution, assure que plusieurs vivaient encore à l'époque où il écrivait, et parle d'un sousdiacre, nommé Réparatus, qui se retira à Constantinople où il était respecté et admiré de tout le monde, dans le palais de l'empereur Zénon. (Dans son livre de persecutione Vandalorum, dans les actes de dom Ruinart).

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50 Procope, peu bienveillant pour les chrétiens: Hunéric fut de tous les princes de sa race le plus cruel envers les catholiques, qu'il contraignit

• d'embrasser l'hérésie d'Arius par toutes sortes d'affronts, par le feu et tous ⚫ les autres supplices imaginables, faisant même couper la langue à plusieurs auprès du gosier. Il y en avait encore plusieurs de notre tems à Constantinople qui parlaient très bien, et qui ne se sentaient en aucune manière >> incommodés du supplice qu'on leur avait fait souffrir. (Guerre des Vandales, 1. 1).

6. Enfin Énée de Gaza, païen d'abord, puis platonicien, enfin chrétien philosophe, refusa d'abord de croire ce prodige; il voulut l'examiner luimême, et voici ce qu'il en dit : « Je les ai vus ces hommes persécutés » par le tyran de l'Afrique (c'est ainsi que ceux de l'Empire appelaient le » roi des Vandales), qui leur a fait couper la langue pour n'avoir pas » voulu consentir à ses impiétés. Ils ont eu recours à la bonté de l'auteur de ⚫ la nature, qui les a rétablis au bout de trois jours dans les fonctions or» dinaires de la parole, sans leur donner néanmoins d'autres langues en la

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place de celles qu'on leur avait ôtées. Je les ai entendus parler d'une manière si distincte et d'une voix si bien articulée que j'en étais tout étonné; je cherchais l'instrument qui pouvait former en eux la parole, et ne me fiant pas à mes oreilles, j'en ai voulu remettre l'examen à mes propres » yeux; je leur ai fait ouvrir la bouche, j'y ai trouvé la langue coupée dans la racine même, de sorte que mon admiration fut non pas tant de les ⚫ entendre parler que de les voir vivre ainsi contre toutes les lois de la mé>> decine et contre l'ordre de la nature. (Theophraste, ou de l'Immortalité de l'âme et de la résurrection des corps, dans Gallandus, Bibliot. patrum, . t. x, p. 627). »

Nouvelles et mélanges.

ITALIE. ROME.

EUROPE.

Ouvrages mis à l'index.

Par décret du 21 mars 1843, approuvé le 26 juin, a été défendu l'ou vrage suivant: La religion constatée universellement à l'aide des sciences el de l'érudition modernes, par M.... de La Marne. Nous avons fait connaître l'auteur de cet ouvrage, M. Machet, en rendant compte d'un de ses livres postérieurs, où il il se montre un ennemi déclaré de la révélation et de l'église catholique. Voir notre tome xi, p. 409.

Par décret du 23 juin, approuvé le même jour : C'est un petit cadeau, mais je te l'offre de bon cœur; étrenne pour le commencement de l'an, en italien.

Par décret du 21 mars 1843, approuvé le 19 janvier 1844: Leitfaden der Christlichen, etc. Manuel de l'histoire de la religion et de l'Église chrétienne à l'usage de la jeunesse catholique dans les écoles civiles supérieures et gymnases, avec cet appendice: Esquisse d'archéologie de l'Église chretienne, par A. Sartori. Il faut noter que l'auteur a abusé d'une approbation conditionnelle donnée par les supérieurs, et dont il n'a pas rempli les conditions. Par décret du 15 janvier 1844, approuvé le 19 du même mois : Arnauld de Bresce, tragédie de J.-B. Niccolini. - Notes de A. Bianchi-Giovini à sa traduction de l'allemand de l'Histoire critique de l'église gréco-moderne et de l'église russe, accompagnée de considerations spéciales sur leur constitution sous la forme d'un synode permanent, de Hermann Jos. Schmitt, curé catholique à Grosswallstadt, près d'Asciaffenbourg.

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