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dans toute sa rigueur et la démonstration rationnelle ne peut aller plus loin'. »

Ce n'est pas tout puisque l'identification de l'infini et du fini dans une même substance conduit logiquement au néant absolu, comment expliquer la formation de l'univers, comment le tirer du néant? Hégel nous dit, il est vrai, qu'il y a un milieu entre l'être et le néant, le devenir. — Mais quoi! pour devenir, ne faut-il pas être déjà ? Ne faut-il pas quelque chose qui persiste au milieu de toutes les transformations? Eh bien! ce quelque chose, qu'est-il ? Si c'est le néant, nous retombons dans toutes les absurdités du système; si c'est l'être, c'est l'être infini; car par quoi serait-il borné? Alors tout le système croule par sa base. »

Hégel et son école disent enfin que la personnalité est une borne en Dieu. — « Vaine objection! le moi divin équivalant à l'infini, comment serait-il une borne en Dieu ? Le non-moi en Dieu, c'est le monde, c'est le fini; c'est l'être que Dieu crée avec une infinie liberté; c'est l'être que Dieu crée sans rien perdre, sans rien communiquer même de son infinie perfection. Le non-moi divin n'est donc pas une borne pour Dieu, et la réalité du fini n'appauvrit nullement la richesse infinie de l'être suprême. Les vaines difficultés qu'on voulait nous opposer s'évanouissent; l'infini et le fini restent à jamais irréductibles l'un dans l'autre ; Dieu est à jamais distinct du monde 3. »

Ainsi, un infini personnel, libre créateur du monde avec lequel il est impossible de le confondre, tels sont les résultas que nous avons obtenus par le raisonnement. Nous avons donc trouvé, ajoute l'éloquent professeur, le Dieu que la conscience humaine adore, le Dieu que le Christanisme nous révèle. Oui, la parole de la foi est la plus profonde des sciences. Il est bon de voir disparaître à sa lumière ces nuages dont l'orgueil voudrait obscurcir l'éclatant soleil qui luit dans nos âmes.

Mais, en démontrant ainsi par le raisonnement l'enseignement de la conscience et du christianisme, nous avons écarté une question

I P. 123-24.

2 P. 125.

3 Ibid.

importante quelle est, par rapport à la connaissance de Dieu, la puissance de la raison humaine abandonnée à elle même? Pour la déterminer, il faut consulter les faits, et d'abord sortir des tems chrétiens. Car, si la religion de J.-C. a réellement agrandi la notion de Dieu, ou du moins si elle a rétabli dans la conscience des idées effacées, cette notion, ces idées, une fois entrées dans son domaine, agissent toujours sur les esprits mêmes qui nient le christianisme et sa divinité. Nous nous placerons donc au sein de l'antiquité païenne; alors se présenteront à nous deux noms immortels, symboles du génie et de l'inspiration, Platon et Aristote. Nous interrogerons leur théodicée; nous aurons ainsi toute leur valeur, toute la portée de la raison en dehors du christianisme.

L'abbé V. D. CAUVIGNY.

Polémique Catholique.

DU SYSTÈME DES ANCLICANS,

APPELÉS PUSÉYSTES '.

Réflexions préliminaires.

. Rien nest mposant, rien ne donne à réfléchir comme de suivre la marche et la transformation des idées de l'homme, surtout lorsque ces idées achèvent leur orbite et s'arrêtent enfin dans leur révolution, pour ne plus se réaliser par des faits, mais pour rentrer à l'état d'abstraction d'où elles furent tirées jadis. L'intérêt redouble quand elles contiennent, comme il arrive souvent, quelque élément mauvais et désorganisateur. Le siècle actuel a déjà vu beaucoup de grandes choses en ce genre, et il est à croire qu'il en verra encore, ce siècle qui, parce qu'on devra dire à son sujet, lassera le burin de l'histoire. On a voulu creuser jusqu'aux dernières assises sociales; tant le fait aujourd'hui succède vite à l'idée ! On a tout ébranlé, tout remué, et l'on sent encore le sol osciller sous les pas. La pensée humaine a eu l'envie de mesurer son domaine; mais elle á enclavé, dans son chimérique empire, des régions dont elle n'aurait jamais dû franchir les bornes: il n'est pas de mauvais lieu où elle n'ait reposé son vol, essayé de réaliser ses folles et fatales imagina

'Nous espérons dans un de nos prochains cahiers dire quelques mots de l'état de l'église anglicane et du mouvement qui s'y opère dans ce moment. Mais nous avons cru devoir auparavant faire connaître à nos lecteurs comment ce même mouvement est jugé à Rome par un anglais, Mgr Baggs, recteur du collège anglais, et aujourd'hui évêque de Pella et vicaire apostolique du district occidental de l'Angleterre. Cet article est extrait du no 43, tome xv, p. 60, des Annali de Mgr de Luca. (Note du Directeur).

tions. Mais elle ne saurait vivre longtems au sein d'une atmosphère pestilentielle Dieu lui a prescrit de revenir toujours au grand air, à l'air pur; c'est-à-dire à la vérité. Tel est bien, après tout, le terme de chacune de ses excursions, quelque hardie qu'elle ait pu être. Plus que toute autre, l'idée protestante mène à ces considérations. Trempée en partie au feu des passions et de l'erreur, et en partie aux rayons de la vérité, on l'aurait crue capable de résister plus longtems à l'action corrosive de ses conséquences. Or, il y a maintenant trois siècles révolus qu'elle s'incarna, pour ainsi dire, en des faits monstrueux; depuis, des produits du même ordre sont sortis par intervalles. Mais aujourd'hui elle se meurt, ou est déjà morte en certains pays. Le pays où elle devrait être naturellement plus vivace, parce qu'elle y était plus comprimée, l'Angleterre est comme toute frappée de son impuissance et de sa stérilité. Elle mesure avec effroi le vide qu'on s'était figuré si parfaitement rempli. De là des besoins inconnus jusqu'alors, des besoins qu'ont imprimés des mouvemens divers, parfois étranges, et dont l'observateur attend encore le résultat et les suites. C'est donc là principalement qu'il est imposant et instructif de suivre la transformation des idées de l'homme. L'ile des Saints va-t-elle reprendre son noble titre ? ou bien s'éloignera-t-elle encore davantage de la source de toute sainteté ? Une impulsion vaste et forte s'est manisfestée vers le catholicisme, vers l'église de Rome. Mais quelle est la vraie signification de ce fait? On a beaucoup espéré des puseystes; quelles sont, dans le sens des espérances catholiques, la valeur et la portée de ce système? On peut douter que cette école soit aperçue, en France, sous un point de vue net et clair: on se flatte quelquefois en regardant comme d'une éventualité facile ce qu'on brûle de voir réalisé. Mais les aspirations à la doctrine catholique pourraient bien se borner à produire un simple rapprochement vers nos dogmes et nos institutions, et à tromper par des alimens factices un besoin réel ; pour sentir qu'il n'est pas encore tems d'immoler, au foyer du père de famille, veau engraissé, en signe de la joie du retour, il suffit d'une réflexion le bien naturelle. Quand on a sucé l'erreur à la mamelle, on se l'est assimilée comme la vie; elle fait partie de nous-même : communion terrible! c'est la robe trempée dans le sang du Centaure; elle inocule

un venin qu'on ne peut extraire qu'à grand'peine; si l'on s'en dépouille, elle déchire en lambeaux ce qu'on a de plus cher. Voilà l'erreur. N'était-il pas tout simple, après cela, que les anglicans, sentant comme malgré eux ce qu'il y a du défectueux dans l'idée protestante, et qu'elle ne fait pas taire toutes les exigences de l'âme, aient imaginé un état mitoyen dans lequel ils donnent encore une main à leur marâtre, pour saisir de l'autre ce que son sein stérile n'a point porté? Oui, cela est bien dans la nature : la nature ne fait rien par saut, disait Linnée; la parole est vraie, vraie surtout du retour à la vérité. Un seul bond précipite au fond de l'erreur; mais quand on essaie de regagner la vérité, il faut péniblement gravir.

Quelques degrés sont déjà franchis; mais il en reste encore. C'est pour mettre à même de juger de l'espace parcouru et de l'espace à parcourir, qu'on a traduit, et qu'on publie les pages suivantes et quelques autres qui paraîtront après. Elles sont d'un témoin sûr, d'un observateur qui sait juger, d'un chrétien qui ne s'abuse pas, d'un prêtre qui voudrait voir tous les hommes dans les bras de leur mère la sainte Église. Dans un premier travail, publié en 1842, Monseigneur Baggs a exposé le système et la méthode des théologiens d'Oxford: il en a aussi apprécié la valeur. Une seconde dissertation, datée de cette même année 1843, contient quelques considérations sur l'état actuel de l'église anglicane. On y verra les modifications que le Puséysme a subies; mais on y verra surtout que l'Angleterre, ou du moins l'élite de l'Angleterre, a besoin de quelque chose, et que ce quelque chose elle ne le trouvera que dans le catholicisme universel. Que l'Angleterre y songe donc la vieille foi romaine est revenue, comme naguère une grande infortune, s'asseoir au foyer du peuple britannique: puisse-t-elle être mieux traitée que le héros trahi par la victoire! Elle ne demande l'hospitalité que parce que la paix de l'âme et la félicité sont ses sœurs; l'hospitalité lui sera-t-elle refusée ? C.-M. A.....

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