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en vécut encore 350, afin de pouvoir non-seulement transmettre à une nombreuse postérité l'héritage des belles sciences et des arts qu'il avait sauvés avec lui du naufrage de l'ancien monde, mais aussi de pouvoir le lui affermir, et le répandre par toute la terre pendant l'espace de près de quatre siècles : les païens en firent leur Saturne.

» Noé, sortant de l'arche, et s'approchant de l'Assyrie', de l'Arabie, de l'Égypte, de la Palestine, en personne, ou par ses enfans, y jeta les fondemens de ces fameuses écoles, qui y furent depuis si florissantes, et d'où toutes les sciences s'étendirent dans l'univers.

>> Les descendans de Cham dominèrent en Babylonie et en Égypte. Ce fut de là que les lettres se communiquèrent à une grande multitude de provinces. Les descendans de Sem peuplèrent la Palestine, s'étant mêlés avec les Chananéens: pour les enfans de Japhet, ils se jetèrent dans la Grèce, et dans les autres provinces, sur la mer Méditerranée.

Ailleurs, Thomassin avait dit : « Les Phéniciens et les Égyptiens étant placés sur la mer, firent en leur tems, quelques siècles après le déluge, ce que les Portugais et les Castillans ont fait dans ces derniers siècles, ils portèrent leurs lettres et leur religion dans tous les pays situés sur la Méditerranée, comme ceux-ci ont porté les leurs par tout le vaste Océan. Les Hébreux, n'étant pas sur la mer, ont été peu connus des Grecs; mais il était impossible que leur voisinage ne fit de grandes impressions sur la doctrine des Phéniciens et des Égyptiens, et que, par ce double voisinage, elle ne se répandit jusque dans la Grèce. Les Égyptiens et les Phéniciens étaient liés aux Hébreux par le voisinage; et les Hébreux étaient liés aux Chaldéens, en étant descendus. Ainsi, il est très visible que la littérature passa des Chaldéens aux Hébreux, des Hébreux aux Phéniciens et aux Égyptiens, et, de ces deux nations, elle passa aux Grecs. »

Il ajoute « Quand je parle ici des Chaldéens, j'entends les des

'Et de la Chine même peut-être, que M. de Paravey croit avoir été une dos provinces du grand empire d'Assyrie. (Note du traducteur).

Methode d'étudier et d'enseigner chrétiennement les poèles. Livre 11, § 21, p. 542, et § 22.

cendans de Noé jusqu'à Abraham, qui peuplèrent l'Arménie, la Mésopotamie, et la Chaldée. » Ce qui nous ramène à la conclusion du passage où nous a renvoyés M. Brunati : « Toute la littérature et >> toute la sagesse du monde, après le déluge, étaient sorties de la » personne et de la maison de Noé et de ses trois enfans, dont le plus » jeune avait environ 100 ans lorsque les eaux du ciel inondèrent la » terre. Les trois enfans de Noé, ayant vécu au moins 100 ans avant » l'inondation, avaient pu étudier toutes les disciplines de l'ancien >> monde pour les communiquer à leur postérité.

(Remarque du traducteur). La fidélité scrupuleuse aux engagemens que nous avons pris, nous imposerait l'obligation de citer ici un assez long texte de l'Essai sur l'indifférence'; mais, outre que l'ouvrage est assez connu, M. l'abbé de la Mennais y soutient une thèse qui confirme, à la vérité, celle que nous avons à reproduire, mais qui va beaucoup au-delà. Il veut que cet ordre de transmission soit UNIVERSEL, que TOUT se conserve par un enseignement extérieur, que tout, MÊME LA PENSÉE, commence par une véritable révélation. M. Brunati se borne à soutenir la diffusion de la révélation parmi les peuples de la gentilité, avant la venue de Jésus-Christ (Della diffusione della rivelazione fra le nazioni gentilesche, prima della venuta di Jesu-Christo). Qu'il nous suffise donc d'extraire, d'un long texte cité par l'auteur de l'Essai (p. 14, 15), ce qu'en le vérifiant dans l'original, pour le compléter, nous y trouvons de plus conforme à l'opinion défendue par l'auteur que nous traduisons.

« Ainsi, dit le savant Gabriel Fabricy2, ainsi que l'ont démontré : Vossius (De origine et progressu Idololatriœ) ; Pfanner (Systema Theologiæ gentilis);

T. ш, p. 13-14.

2 Des titres primitifs de la révélation, édit. de Migne (Script. sacr, curs. compl., t. xxvi, p. 413. Fabricy n'a indiqué le nom de presque aucun de ces ouvrages. Mais nous nous sommes assurés par nous-mêmes que la plupart de ceux que nous citons ont été composés dans le but dont il parle ; et quant aux autres, leur titre en fait voir assez clairement l'objet pour qu'il soit impossible de s'y méprendre. Si donc nous avons omis le nom de quelques Auteurs, et si nous nous sommes contentés de nommer Purchass, c'est parce que nous ne connaissions pas les ouvrages de ces auteurs. (N. d. tr.).

Bochart (Opera, passim; voir surtout: Phaleg. Chanaan); Huet (Demonstratio evangelica, récemment traduite et publiée par M. Migne, dans le ve vol. de ses Démonstrations évangéliques, et Questiones alnetance);

Thomassin (Méthode d'étudier et d'enseigner chrétiennement la philosophie, les poètes, les historiens) ;

Clarke (Discours concernant l'étre et les attributs de Dieu, publié par M. Migne, dans le même vol.);

Cudworth (Systema intellectualis adversus aihæos);

Stanley (Historia philosophiæ);

Brucker (Historia critica philosophiæ);

Ramsay (Discours sur la Mythologie; à la suite des l'oyages de Cyrus);

Stillingfleet (Origines sacræ);

Leland (Nouvelle démonstration évangélique);

Burnet (Défense de la Religion, tant naturelle que révélée);

Dickinson (Delphi Phænicizantes);

Shuckford. (Histoire du monde sacrée et profane.

Stuchius (De perenni philosophia).

Goguet (Origine des lois);

Innoc. Ansaldi (Della necessita e verita della Religione naturale e revelata);

Jo. Alb. Fabricius (Delectus argumentorum de veritate Religionis christiana);

Purchass., etc., etc., etc.

(Ainsi que l'ont démontré ces auteurs): « Le Seigneur n'a jamais été sans témoins parmi les hommes; car, malgré les ténèbres de l'idolâtrie, le souvenir des premiers principes religieux ne s'effaça pas entièrement de leur esprit. Ils conservèrent toujours quelque tradition des vérités primitives.... Le culte des anciens patriarches a vu tous les autres cultes commencer et disparaître. La véritable religion est une elle date de la même époque que la naissance de l'univers ; elle subsistera jusqu'à la consommation des siècles. Dieu s'est révélé aux hommes, et cette révélation est aussi ancienne que le monde même. Voilà l'unique point fixe auquel on doit nécessairement s'arrêter pour ne point s'égarer. C'est à cette source qu'il faut ramener

l'origine des vérités répandues dans l'enseignement des peuples. Les hommes n'auraient jamais eu qu'une Religion, s'ils n'eussent point altéré l'ancienne croyance émanée de Dieu... Le genre humain n'a point passé d'abord de l'erreur à la vérité; il ne s'est corrompu que peu à peu ; il est ainsi tombé dans l'erreur1. »

Du grand nombre d'auteurs ci-dessus nommés, nous ne choisirons qu'un seul témoignage pour confirmer celui de Fabricy. » On croit >> ordinairement, dit Ramsay, que toutes les traces qu'on voit de » la Religion naturelle et révélée dans les poètes et les philosophes » païens, se doivent originairement à la lecture des livres de Moïse; » mais il est impossible de répondre aux objections que les incrédules >> font contre cette opinion....

Opinion tout à fait absurde, il faut l'avouer, quand on l'exagère (ainsi que plus d'un auteur a semblé ou le faire ou le supposer) au point de vouloir que la Bible bien entendue soit la seule source des vérités conservées dans le genre humain, et la Bible mal entendue la seule cause des erreurs et des fables odieuses ou ridicules de la théologie et mythologie des anciens. Les objections que fait l'incrédulité contre un tel système sont celles que ferait le simple bon sens. Mais l'opinion qui soutient que dans plusieurs de ces traditions, soit théologiques, soit mythologiques, se retrouvent des traces, non pas seulement des paroles transmises par les patriarches, mais encore des textes du Pentateuque, du livre des Juges, etc.; textes communiqués par fragmens ou de vive voix, tant par les Juifs eux-mêmes vendus comme esclaves que par les Égyptiens, après la sortie d'Égypte; les Phéniciens (Chananéens, Philistins, Pélages 4) durant les guerres de la

Ib., p. 416, 422.

A la suite des Voyages de Cyrus: Discours sur la théologie et la mythologie des anciens, 2o partie, ad finem.

3 Tyrus et Sidon, et omnis terminus palæstinorum.... et filios Juda, et filios Jerusalem venditistis filiis Græcorum, ut longè faceretis eos de finibus suis. (Joel, m. 4. 6.)

Ce mot Pelasges, si célèbre dans l'antiquité, vient évidemment de l'hébreu , lui-même racine, dit Calasius (Concordant. sacror. Bibli. hebraic. autore Calasio, t. IV, col. 10.6. -Romæ. 1621. in-folio), den pelisthi,

Palestine, depuis Josué jusqu'au roi David; et enfin par Ninive, depuis Jonas, et Babylone depuis les 70 ans de captivité. Cette opinion, appuyée sur les conjectures plus ou moins heureuses de Bochart, Huet, Vossius, Lavaur, Thomassin, Girardet, Guerin du Rocher, n'est traitée avec tant de mépris par les incrédules qu'en haine de nos livres saints. M. Brunati, dans une longue note que nous aurons plus tard à reproduire, ne croit pas cette opinion indigne d'un mûr examen; et notre dessein est de l'entreprendre dans notre Appendice, non pas certes d'une manière complète, il faudrait un livre, mais suffisante, au moins pour ce qui concerne les personnages dont notre auteur fait mention. Quoi qu'il en soit par conséquent de la portée de cette phrase de Ramsay : « On croit ordinairement que toutes les traces, etc.,» il n'en a pas moins raison d'ajouter : « Les Juifs et leurs » livres furent trop longtems cachés dans un coin de la terre pour » devenir la lumière primitive des nations. » Pourvu qu'on ne donne au mot primitif que la valeur qui lui convient. Ce que Ramsay ajoute ensuite est incontestable, et c'est là surtout ce que nous avions en vue dans cette citation importante:

. Il faut remonter plus haut, jusqu'au déluge même. — IL EST ÉTONNANT QUE CEUX QUI SONT PERSUADÉS DE L'AUTHENTICITÉ DES LIVRES SACRÉS N'AIENT PAS PROFITÉ DE CETTE IDÉE POUR FAIRE SENTIR LA VÉRITÉ DE L'HISTOIRE MOSAIQUE SUR L'ORIGINE DU MONDE, LE DÉLUGE UNIVERSEL ET LE RÉTABLISSEMENT DE LA RACE HUMAINE PAR NOÉ. IL EST DIFFICILE D'EXPLIQUER AUTREMENT L'UNIFORMITÉ DE SENTIMENS QUI SE TROUVE DANS LA RELIGION DE TOUTES LES NATIONS. »

C'est du souvenir de Noé, à moins que ce ne soit plutôt du commerce avec les Hébreux', que sera venu ce qui dans l'histoire de la

Philistins, dont les principales villes étaient Azot, Gaza, Accaron, Geth et Ascalon, avec lesquelles les Hébreux eurent de si fréquens rapports. Ce rapprochement si simple en lui-même me paraît de nature à jeter un grand jour sur l'histoire des anciens Grecs et de leurs colonies si nombreuses.

'V. l'appendice où nous analyserons Huet, Thomassin, Lavaur, Vossius, Girardet, et surtout Guerin-du-Rocher, en ce qui concerne la création, le déluge et les patriarches. (Note du traducteur.)

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