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retrouvés ou étudiés plus tard, l'indulgence des premiers fidèles envers certains emblèmes mythologiques. Mais ce qui a pu être une tentation de doute pour la simplicité de nos aïeux, n'est plus, pour les lumières archéologiques des tems modernes, que la confirmation d'une vénérable croyance.

Sous un point de vue simplement archéologique, ce serait déjà chose fort intéressante qu'une chaire, non de marbre ou d'airain, mais de bois, appartenant au premier siècle, qui a subsisté jusqu'à nos jours pour se perpétuer bien au-delà, dans un assez bon état de conservation et presque dans son intégrité native. La vénération des reliques a contribué, par l'efficacité propre aux soins qu'elle prescrit, à conférer au siége du premier des apôtres ce privilége de durée. Mais il faut convenir qu'elle a été singulièrement favorisée à cet égard, puisque les autres chaires apostoliques n'ont point participé à cette prérogative. Elles ont péri par la main ou par la négligence des hommes; celle de saint Pierre seule a été sauvée par quelque chose qui se nomme, je crois, la Providence. Des événemens féconds en destructions de tout genre, l'ont souvent menacée, comme un incendie qui éclatait autour d'elle: ce ne sont pas les dévastations qui ont manqué à Rome. D'Alaric à Totila, dans l'espace d'environ 140 ans, cette ville a été saccagée quatre fois. Un indigne héritier du trône de Constantin finit par se mettre à la tête des rois barbares pour la dépouiller. La dernière fois que cette souveraineté dégénérée y fit une apparition, au 7a siècle, l'aigle impérial, devenu un oiseau pillard, dit adieu à Rome en emportant dans ses serres avilies une foule d'objets précieux, et jusqu'aux tuiles dorées du Panthéon. Au 11° siècle, l'empereur Henri IV venait de ravager une partie de la ville connue sous le nom de cité Léonine, qui renfermait la basilique de SaintPierre, lorsque l'armée de Robert Guiscard, qni arrivait pour le chasser, dévasta plus complètement encore l'autre partie. Le sac de Rome par les bandes luthériennes du connétable de Bourbon détruisit, dans les églises et dans les sacristies, une foule d'antiquités qui avaient échappé à toutes les déprédations précédentes. A ces époques désastreuses, Rome a vu piller ses trésors sacrés, jeter aux vents des reliques saintes, abattre des colonnes de granit; la fragile planche, sur laquelle saint Pierre s'est assis, a traversé tant de siècles et tant de

destructions comme un emblème perpétuel de l'indéfectibilité de la foi'. On pourrait lui appliquer ces mots : tu marcheras sur l'aspic et le basilic, et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon, auxquels faisaient allusion les animaux symboliques sculptés sur les gradins de l'antique chaire en marbre fin dont se servaient les papes dans la basilique de Latran.

L'abbé GERBET.

Non de Marmoreo, ast æterno è fragmine texta,
Durat in extremum firma cathedra diem.

Andr. Marianus, lib. 11, epigr. 3.

Migration des Peuples.

L'AMÉRIQUE,

SOUS LE NOM DE PAYS DE FOU-SANG,

Est-elle citée, dès le 5o siècle de notre ère, dans les Grandes Annales de la Chine, et, dès lors, les Samanéens de l'Asie-Centrale et du Caboul, y ont-ils porté le Bouddhisme, ce qu'a cru voir le célèbre M. de Guignes, et ce qu'ont nié Gaubil, Klaproth et M. de Humboldt?

DISCUSSION OU DISSERTATION ABRÉGÉE, OU L'AFFIRMATIVE EST PROUVÉE,

Par M. de PARAVEY, du corps royal du génie.

Les savans de l'Islande et du Danemarck viennent de démontrer que les Scandinaves, longtems avant Colomb, visitaient les parties nord-est de l'Amérique, y trouvaient des vignes sauvages et du raisin, et même avaient pénétré plus au sud, jusque dans le Brésil actuel.

Avant ces recherches toutes modernes, l'illustre Buffon, dans son Discours sur les variétés de l'espèce humaine, avait reconnu, comme M. de Humboldt l'a vu aussi postérieurement, que les peuplades du nord-ouest de l'Amérique, et même du Mexique, avaient dû y venir de la Tartarie et de l'Asie centrale; et, s'appuyant sur

En lisant cette curieuse dissertation de M. le cher de Paravey, nos lecteurs ne doivent pas oublier que sa principale importance, pour nous, est qu'elle fournit les moyens d'expliquer comment quelque connaissance du Christianisme a pu arriver dans le Nouveau-Monde, beaucoup avant le Voyage des Espagnols; et comment, par conséquent, on a pu trouver des souvenirs de la Bible au Mexique, des croix et autres symboles chrétiens sur les monumens découverts à Palenque et ailleurs. C'est donc une bonne fortune pour nous que le nouveau travail de M. de Paravey, et nous l'insérons avec plaisir. (Note du Directeur). N° 50. 1844.

III SÉRIE. TOME IX.

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les nouvelles découvertes des Russes, il traçait la route suivie par ces Asiatiques, les faisant arriver au nord-ouest de la Californie, à travers le Kamtchatka et la chaîne des îles Aléoutes.

De son côté, M. de Guignes, compulsant les annales de la Chine, et par elles éclaircissant toutes nos origines européennes, y trouvait un fort curieux mémoire sur le pays de FOU SANG, ou pays de l'Orient extrême. Il s'aidait des lumières jetées par les Russes et les géographes les plus modernes sur les contrées extrêmes du nordest de l'Asie; et, dans un savant travail inséré au T. XXVIII des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres, il prouvait, autant qu'on le pouvait faire alors, que ce pays de Fousang, conuu dès l'an 458 de J.-C., riche en or, en argent et en cuivre, mais où manquait le fer, ne pouvait être autre que l'Amérique.

Toutes les Cartes grossières et altérées à dessein, quant à la grandeur des contrées étrangères, que nous avons pu recueillir dans les livres ou les recueils rapportés de Chine, et antérieures aux cartes exactes du Céleste Empire, dressées ensuite par les missionnaires de Pékin, offrent, en effet, à l'est et au nord-est de la Chine, outre le Japon, marqué sous un de ses noms Gi Pen (Source du soleil), un amas confus de pays, dessinés comme de petites îles, sans doute parce qu'on pouvait y aborder par mer; et, parmi ces pays, dont l'étendue est diminuée à dessein, est marqué le célèbre pays de Fousang, pays sur lequel on a débité, en Chine, bien des fables; mais qui, dans la Relation traduite par M. de Guignes, se présente sous un jour tout à fait naturel, et ne peut s'appliquer qu'à une des contrées de l'Amérique, si ce n'est même, comme nous le verrons, à l'Amérique entière.

Nous n'avons connu ces anciennes cartes Chinoises, dressées de manière à présenter l'Europe elle-même, et toute l'Asie autre que la Chine, comme de très petits pays, que dans le voyage fait par nous à Oxford, dès 1830 nous les avons calquées à la Bibliothèque Bodléienne, et plus tard, notre savant ami, sir Georges Staunton, nous a donné une de ces cartes imparfaites.

De retour à Londres, nous y avons cherché et trouvé le texte chinois de la Relation traduite par M. de Guignes; car les ouvrages où elle se trouve étaient accaparés, à Paris, par certains sinologues.

Nous avons copié ce texte; nous l'avons montré à M. Huttman, alors secrétaire de la Société asiatique anglaise. Il y reconnut, comme nous, une description de l'Amérique ou d'une de ses parties; et, dans la surprise qu'il en éprouva, il fit part probablement de nos recherches à M. Klaproth; car nous étions encore à Londres, quand ce savant prussien fit paraître, dans les Nouvelles Annales des Voyages, année 1831, une prétendue réfutation du Mémoire de M. de Guignes, réfutation qu'il nous adressa, en même tems qu'une lettre assez longue, que nous publierons peut-être un jour '.

Ni cette lettre, ni cette réfutation imprimée ne changèrent nos convictions sur la justesse des aperçus du docte M. de Guignes. Nous le déclarâmes à M. Klaproth; et, comme il sentait sans doute luimême la faiblesse des raisonnemens par lesquels il avait essayé de montrer que cette Relation du Fou-sang devait s'entendre du Japon, ce fut lui, nous le supposons, qui, postérieurement, voulant amener M. de Humboldt à ses fausses idées, fit insérer dans le T. x du Nouveau Journal asiatique de Paris, des Lettres du feu P. Gaubil, où ce savant missionnaire, sans nier cette Relation, discute les idées de M. de Guignes, et ne connaissant pas alors les Cartes dont nous parlons, semble ne pas admettre que l'Amérique, sous le nom de Fou-sang ou sous d'autres noms, ait été réellement connue des Bouddhistes ou Samanéens de la Haute-Asie, dès l'an 458 de JésusChrist.

Dès lors, cependant, nous eussions pu démontrer, par le calcul exact des distances en lys, données dans cette Relation traduite des Grandes Annales de la Chine, sur ce pays du Fou-sang, et en discutant la route suivie pour s'y rendre, que ce pays, même d'après les aveux de M. Klaproth et du P. Gaubil, sur les noms chinois donnés à la contrée si reculée du Kamtchatka, ne pouvait exister qu'en Amérique.

Suivant le samanéen ou le moine bouddhiste, qui fit connaître le Fou-sang aux Chinois, en 499 de notre ère, ce pays était à la fois à l'est de la Chine, et également à l'est d'une contrée demi-sauvage

' Voir à la fin de cet article cette relation du Fou-sang, extraite de cette réfutation de M. Klaproth.

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