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« fruitiers, que l'on doit espérer de trouver les fruits les << plus parfaits selon nos goûts. » Cette théorie était formulée dans la tête de Van Mons dès l'âge de vingt ans. C'est pour en confirmer la valeur qu'il fonda ses diverses pépinières et qu'il suivit pendant tout le cours de sa vie les expériences qu'il avait primitivement imaginées. Ces expériences, d'ailleurs, le confirmèrent pleinement dans ses prévisions. Voici en quels termes M. Poiteau s'exprimait dans les Annales de la Société d'horticulture de Paris au sujet de cette théorie.

« Aujourd'hui, dit ce savant horticulteur, j'appelle le principe de ces moyens : Théorie Van Mons; mon but est d'en indiquer l'origine, de la développer, de l'appuyer par des raisonnements, par des faits, de tâcher d'en démontrer la solidité, de la faire admettre parmi nous, et de la présenter comme l'une des plus savantes et des plus utiles découvertes que le génie et le raisonnement aient faites vers la fin du dix-huitième siècle ! » Du reste la Société d'agriculture de la Seine avait depuis longtemps reconnu le mérite de ses découvertes, et dans une séance solennelle, sous la présidence du ministre de l'intérieur, lui avait décerné une médaille d'or, pour reconnaître, selon les termes du rapport, le zèle et le succès avec lesquels il s'était occupé de la multiplication des variétés d'arbres fruitiers.

A l'époque où Van Mons entra dans la carrière des sciences, la chimie préludait à la réforme célèbre à laquelle Lavoisier imposa son nom. Le jeune chimiste belge entreprit de la propager dans son pays, et apporta à cette mission le zèle le plus ardent. Les retardataires de toutes les nations cherchaient encore à combattre les

théories si lumineuses du savant chimiste français. Van Mons crut de son devoir de la défendre et choisit son poste dans les rangs les plus avancés.

Il s'attacha particulièrement à repousser les attaques de deux chimistes allemands, Gren et Westrumb, qui, en s'appuyant sur des faits mal observés, niaient l'exactitude d'une expérience fondamentale de Lavoisier.

Ce fut alors que Van Mons publia ses « Observations nouvelles sur la prétendue propriété du gaz azote d'entretenir la combustion. » C'est à cette circonstance et à l'ardeur qu'il mit à propager les doctrines de la chimie moderne qu'il dut ses relations avec les plus célèbres chimistes de l'époque, le titre d'associé de l'Institut de France et son admission à la plupart des Sociétés savantes de l'Europe. Mais comme il arrive trop souvent aux hommes qui, dans leur jeunesse, ont déployé le plus de zèle pour la propagation des théories nouvelles, Van Mons se refusa plus tard à reconnaître les faits qui portent quelque atteinte à la doctrine de Lavoisier. C'est ainsi qu'il ne voulut jamais admettre l'explication du développement de la chaleur par l'action des forces électro-chimiques, et que plusieurs de ses derniers écrits eurent pour objet de protester contre des théories admises aujourd'hui sans contestation par tous les chimistes.

En physique, Van Mons s'attacha à la théorie de Franklin et à l'hypothèse d'un seul fluide électrique. Il développa cette opinion dans l'ouvrage auquel il donne le titre de: Principes d'électricité. Il se déclara aussi le partisan du système de la nature hétérogène des divers rayons du spectre solaire. On trouve dans le troisième volume des actes de la Société de médecine de Bruxelles, son Mé

moire sur les orages, et les effets qu'ils produisent sur l'homme et sur les animaux. La météorologie devait en effet l'intéresser à la fois, comme médecin et conime horticulteur; aussi est-ce la branche de la physique à laquelle il s'appliqua avec le plus de succès et de persévérance. Il est le premier qui ait attribué aux brouillards une cause de nature électrique, opinion reproduite et soutenue depuis par plusieurs physiciens, avec de véritables chances de probabilité.

Malgré les succès qu'il avait obtenus dans la carrière des hautes sciences, Van Mons n'avait pas oublié que la pharmacie avait été son point de départ. Dès l'année 1800, il avait cherché à mettre plus d'ordre et de simplicité dans la masse des formules qui composent l'arsenal pharmaceutique du dix-huitième siècle, et qui appartenaient aux dispensaires de tous les âges et de toutes les nations. La Pharmacopée manuelle fut le premier résultat de ce travail; il s'attacha surtout à y introduire les théories chimiques modernes, et à faire concorder la nouvelle nomenclature de cette science avec les dénominations vieillies de l'école précédente. Cet ouvrage eut un véritable succès. La traduction allemande en fut réimprimée jusqu'à trois fois; on y remarque la distinction toute nouvelle entre les baumes ou substances résineuses qui contiennent de l'acide benzoïque ou cinnamique, et les résines proprement dites qui n'en contiennent pas.

Il donna, en 1817, une nouvelle édition de la Pharmacopée de Swediaur, enrichie de notes et d'additions. A la même époque, il fut l'un des huit commissaires chargés de la rédaction de la Pharmacopée belge; mais n'ayant pas toujours réussi à faire adopter les améliorations qu'il

avait proposées, il se résolut à publier une seconde édition de sa Pharmacopée manuelle, dans laquelle il inséra toutes les modifications qu'il n'avait pu faire admettre dans le Code pharmaceutique de 1816, ainsi que les meilleures formules tirées des pharmacopées des autres nations.

Vers 1827, Van Mons publia en latin le Conspectus mixtionum chimicarum; deux ans plus tard le Materia medico-pharmaceuticæ compendium; enfin, il concourut à la seconde édition de la Pharmacopée nationale de Belgique et l'enrichit des fruits de sa longue et habile expérience.

L'université de Louvain ayant été supprimée en 1830, Van Mons, fut nommé professeur à Gand; mais son âge avancé, ses habitudes et l'impossibilité de transporter encore une fois ses riches pépinières ne lui permirent pas d'accepter ces nouvelles fonctions. Le roi Léopold, appréciant tous les titres de ce vétéran de la science, le nomma professeur émérite, lui accorda le maximum de la pension de retraite et la décoration de son ordre. Mais, dès lors, Van Mons s'était résigné à vivre dans un isolement presque absolu. Enfermé avec ses livres, livré tout entier à ses chères études, il ne recevait guère que les visites de ses proches parents ou de ses amis les plus intimes. En 1837, après la mort du second de ses fils, son isolement et sa retraite devinrent presque exclusifs, bien qu'il continuât à s'occuper de la science et à en suivre les progrès avec un intérêt qui ne se ralentit jamais.

Un mois avant sa mort, il voulut revenir à Bruxelles, pour se rapprocher des deux fils qui lui restaient, mais il retourna subitement à Louvain, où il mourut le 6 septem

bre 1842. Selon ses désirs, son corps fut transporté à Bruxelles et enfermé dans la tombe qui peu d'années auparavant avait reçu son second fils.

Van Mons était doué des plus heureuses qualités physiques; il pouvait passer pour un des plus beaux hommes de son époque. Sa taille élevée, sa physionomie spirituelle et franche, ses yeux noirs pleins de feu, le rendaient vraiment remarquable. Lui-même prenait soin de faire valoir ces avantages naturels par une mise toujours recherchée. Ses qualités personnelles n'étaient pas moins éminentes. Sal bienveillance et sa générosité étaient à toute épreuve. Son élocution, bien que facile et originale, manquait parfois, dans la chaire, de méthode et de lucidité. Sa conversation était piquante, parce que indépendamment des connaissances profondes et variées qui en formaient le fonds principal, il y ajoutait volontiers les ornements d'une imagination riche et féconde. Ses écrits se ressentaient un peu de ce défaut de méthode rigoureuse, indispensable dans l'énoncé des théories scientifiques. Il péchait par une abondance qui, lorsqu'elle manque tout à fait, offre l'inconvénient contraire, et ne rend pas moins obscures des démonstrations dont le premier mérite devrait être la précision et la clarté.

Van Mons se maria deux fois. Il eut le chagrin de perdre sa femme et la fille qu'il en avait eue, peu de temps après son mariage. La seconde, qui lui fut enlevée par un accident aussi déplorable qu'imprévu, lui avait donné quatre fils. Le second d'entre eux, médecin d'une grande espérance, mourut du typhus en 1837. Il en laissa deux autres, dont l'un est colonel d'artillerie dans l'armée belge, et le second conseiller à la cour d'appel de Bruxelles.

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