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docteurs parisiens; ceux-ci ne le prenaient pas au sérieux et éludaient d'entrer en argumentation avec lui; et ainsi, n'ayant aucune occasion de constater chez eux un revirement d'opinion, il ne parvenait même pas à reconnaître si l'intervention de François Ier s'exerçait déjà'. En homme intelligent, Rochford souffrait de la situation fausse dans laquelle il se trouvait placé, et il souhaitait vivement qu'un autre plus compétent vint prendre sa place. Il faut dire aussi qu'il avait soif des passetemps alors en faveur à la Cour d'Angleterre et qu'il était difficile de se procurer à Paris dans un milieu tel que celui des théologiens de la Sorbonne2; il soupirait après les chasses à courre, les parties de paume, les jeux de hasard.

Poussé par ces deux motifs tout différents, lord Rochford sollicita son rappel et il l'obtint promptement. Le 14 mars, Henry VIII désigna, pour le rem

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1 Lord Rochford à un des membres de la mission de son père, fin février 1550 (Record Office, Letters and Papers, vol. V, no 6549) : « I wold I could send you some newes from hens that shuld do you pleasour. I can know noone any way that I can work; they of this country say nothing, whether it be because they cannot or els they will not, I cannot tell. » Cette lettre n'est pas signée; mais le fond comme la forme révèlent l'auteur; M. Brewer, en la cataloguant, l'a bien attribuée à lord Rochford, seulement il l'a rapportée à une fausse date, au mois d'août 1530. Lord Rochford était alors depuis longtemps de retour en Angleterre. Il est à regretter que, par suite de la perte de la clef, toute la partie chiffrée de cette lettre soit jusqu'à ce jour restée intraduisible.

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2 Lord Rochford au même (loco citato): «I can send you noone (news) from home; ther is no good felow woll take the payne to wright, they be so mery as a good felow said to me the other day. Our countryfolks have so many passtymes they have no leysour to wright. I trust in short space to be at home to pass tyme as other of my frends dothe; wether I shall forge, to wright or no, I cannot tell. »

Dans le recueil des Privy Purse expences of King Henry the Eightht 1530-1532 (publié par Nicholas H. Nicolas), on trouve un grand nombre d'articles relatant les sommes payées à Rochford par Henry VIII à la suite de paris ou matches perdus dans des jeux d'adresse et de hasard.

placer un gentilhomme de la Chambre, John Wellisbourne'. Ce fut durant la mission de celui-ci que les agents de François I", exécutant les promesses faites à Rochford, extorquèrent de la Sorbonne la consultation qui donnait raison à Henry VIII'. Le jeune Lord était depuis longtemps en Angleterre quand cet événement préparé par lui se produisit; aussitôt relevé de sa Mission diplomatique, il s'était hâté de quitter Paris sans même attendre l'arrivée de son successeur*; et ayant voyagé avec la promptitude qui le caractérisait, il avait pu reprendre avant le 5 avril son service d'écuyer auprès de Henry VIII3.

1 Treasurer of Chamber's accounts année 1550 (publiés in extenso dans les Letters and Papers, vol. V, pages 303 et suivantes).

2 Voir à ce sujet le récit de M. Francis Decrue. (Anne de Montmorency, chapitre IV.)

5 La date n'en est pas exactement connue, toutes les pièces ayant été falsifiées, mais M. Decrue la place évidemment trop tard, en indiquant le 22 juin 1551. Rymer (Fœdera, vol. XIV), d'autre part, la place peut-être trop tôt, le 25 mai 1530.

Jean-Joachim de Vaux, Ambassadeur de France en Angleterre à François [er, 28 mars 1530 (Bibliothèque nationale, Fonds français, 3126, fol. 106): « Monsignor de Wenlesbron, gentilhomo della camera de questa Maestà et suo Ambasciatore deputato ver Vostra Maestà, fra tre o quatro giorni partirà per venirsene da Ley. »>

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5 Privy Purse expences of Kinge Henry the Eighth (die dicto).

CHAPITRE IV

Henry VIII épouse Anne Boleyn.
Deuxième Ambassade de lord Rochford en France.

On se souvient que, sur la récusation élevée au mois de juillet précédent par Catherine d'Aragon contre les Légats siégeant à Londres, le pape Clément VII avait évoqué à Rome la cause intentée par Henry VIII; ce qui nécessitait la comparution de ce dernier, en personne ou par mandataire, devant le tribunal de la Rote. Mais comment lui faire tenir une assignation? Il ne pouvait être question d'envoyer une pièce de cette nature en Angleterre, elle eût été interceptée avant de parvenir à sa destination. La venue du comte de Wiltshire en Italie avec la qualité d'Ambassadeur permit de résoudre la difficulté; ce fut à lui, représentant de Henry VIII, que la citation fut remise, au cours d'une audience que avait accordée à Bologne l'empereur Charles-Quint. Décontenancé par la présence de celui-ci qui certainement avait conseillé ou tout au moins approuvé le subterfuge employé par le Pape, lord Wiltshire n'osa pas refuser la pièce, et Henry VIII dut se considérer comme régulièrement assigné.

lui

Ce mauvais tour le mécontenta fort il se hâta d'y répondre en faisant rédiger par la Chambre des Lords

un véritable ultimatum à l'adresse de Clément VII. C'était une lettre où les Lords menaçaient ce Pontife d'un schisme de l'Angleterre, s'il ne prononçait à brève échéance, et sans procédure contradictoire, la nullité du mariage ayant existé entre Henry et Catherine d'Aragon. Pour augmenter l'effet moral que ce document devait produire, le Roi exigea qu'il fût signé par tous les Lords temporels ou spirituels qui se trouvaient à portée; et pour grossir encore le nombre des signatures, il créa de nouveaux Pairs parmi ceux qui étaient favorables aux visées d'Anne Boleyn; de ce nombre fut lord Rochford1.

Cette lettre de la Chambre des Lords, tout comme les consultations qu'on pouvait arracher aux Universités, n'était pas de nature à émouvoir Clément VII. Il fallait d'autres attaques pour triompher de la force d'inertie du Saint-Père. Celui-ci n'avait qu'une tactique temporiser; pressé par l'Empereur, il s'était, il est vrai, décidé à citer Henry devant son Tribunal; mais il n'avait agi que pour faire plaisir à CharlesQuint, et il n'avait aucune intention de poursuivre la procédure. Au fond Clément VII se méprenait sur la nature des relations qui existaient entre Henry VIII et Anne Boleyn; il croyait que depuis longtemps déjà celle-ci s'abandonnait au Roi, et connaissant le caractère capricieux de Henry, il ne doutait pas que ce dernier ne se lassât bientôt de sa maîtresse actuelle et ne la mît dédaigneusement à l'écart comme un objet qui a cessé de plaire. Alors l'instance en nullité de mariage n'aurait plus de raison d'être; Henry, de lui-même, la laisserait tomber.

1 Rymer's Fœdera, vol. XIV, 13 juillet 1530.

Malheureusement, si Clément VII était bien au fait du caractère du Monarque anglais, il ignorait absolument ce qu'était Anne Boleyn. L'année 1550, puis l'année 1551 se passèrent, et la favorite ne faiblit pas un moment dans sa résistance; et pendant ce temps l'amour du Roi, toujours avivé, jamais satisfait, se montait peu à peu jusqu'à la fureur. Dans son impatience de posséder Anne, il en vint à projeter sérieusement de mettre à exécution les menaces de ses Lords, c'est-à-dire de rompre, sans plus attendre, avec le Saint-Siège et de faire prononcer par le clergé de son Royaume, qui dès lors formerait une Église à part, la nullité de son mariage avec Catherine d'Aragon. Seulement, avant de mettre ce plan à exécution, Henry, qui redoutait le ressentiment de l'Empereur, neveu de Catherine, voulut s'assurer le concours de François Ier; comme ce dernier s'était toujours montré disposé à contester l'autorité du Souverain Pontife sur les princes temporels, il y avait quelques chances qu'il consentit à seconder le roi d'Angleterre; et Henry, dans le but de se le concilier, sollicita de lui une entrevue.

Le principe de celle-ci fut admis sans difficulté par François Ier; mais, une fois cette première réponse obtenue, il fallait régler le détail, et ce fut un travail qui occupa les hommes d'État des deux pays pendant près de dix mois'. Henry VIII, en effet, se considérait comme l'égal du roi de France et ne voulait pas lui céder le pas; d'autre part, François I" entendait ne rien abdiquer de la prééminence que

L'entrevue, décidée au mois de janvier 1532, n'eut lieu qu'au mois d'octobre.

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