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le Duc ait consenti à donner une place dans sa maison à une personne de nationalité non anglaise; il ne s'était pas, en effet, affranchi, à l'instar de son fils, du préjugé populaire qui, au xvi° siècle, tenait les étrangers en profonde horreur1. Faut-il done voir dans l'entrée de Hadrianus au service du Duc un effet de l'influence de Surrey sur son père? Peut-être, bien que le Comte n'ait certainement pas connu cet érudit devant Landrecies; il ne songeait guère, durant le siège, à se mêler aux gens de cabinet. En tout cas, après qu'au printemps de 1544 il eut été mis en rapports avec le nouveau médecin de son père, il ne tarda pas à l'apprécier Hadrianus était arrivé à Lambeth à la fin de mars, et dès le commencement. d'août suivant, il était convenu qu'il se chargerait de l'instruction des deux fils du Comte". Mais Surrey à

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« Egli (le duc de Norfolk) mostra mal'animo verso stranieri, » ainsi s'exprimait en 1531 l'Ambassadeur de Venise, Ludovico Faliero, dans le rapport général qu'il adressait au Conseil des Dix sur son ambassade en Angleterre. (Alberi, Relazioni degli Ambasciatori Veneti, serie prima.)

2 Hadrianus lui-même, avant son arrivée en Angleterre, confondait le duc de Norfolk avec son fils le comte de Surrey; il écrivait au premier : «Deus Optimus Maximus tuam Excellentiam nobis ac musis diutissime incolumem conservet. » (Hadrianus au duc de Norfolk, 22 mars 1544.) Le Duc, nous le savons, n'eut jamais affaire aux Muses.

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3 Hadrianus au duc de Norfolk, 22 mars 1544 (la lettre est datée, en réalité, du dixième jour avant les calendes d'avril) : «Hesterno die, illustrissime Domine patrone, Londinium appuli, postquam, vix tenui spe vitæ (relicta), submersionem ab atroce maris tempestate evasi; sed uti naufragi ad deorum templa primo se recipiunt vota nuncupaturi, ita tuæ Excellentiæ vividam imaginem accedere dextramque deosculari statueram. » La lettre continue sur ce ton; on voit que Hadrianus n'était pas exempt de pédanterie.

La fille aînée du Comte, lady Jane Howard, était alors certainement née; car nous voyons qu'en janvier 1547 sa tante la duchesse de Richmond la trouvait suffisamment âgée pour pouvoir étudier en même temps que ses frères sous la direction du célèbre théologien John Fox. (Vie de John Fox écrite par son fils Thomas et publiée en tête de son grand ouvrage Acts

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ce moment avait de nouveau quitté l'Angleterre la guerre l'avait rappelé de l'autre côté du Pas de Calais.

and monuments.) Mais en 1544, elle ne pouvait avoir plus de quatre ans ; et c'est en raison de ce bas âge qu'elle ne fut pas confiée, elle aussi, aux soins de Hadrianus; car, au xvI° siècle, les filles de famille recevaient en Angleterre une éducation littéraire égale, pour ne pas dire supérieure, à celle des fils. La lettre par laquelle Hadrianus accepte d'être précepteur des deux lords Howard est datée de Horsham où probablement il était auprès de la duchesse douairière de Norfolk dont c'était une des résidences usuelles. (Hadrianus au comte de Surrey, 8 août 1544, quinto idus augusti. Les lettres d'Hadrianus ont été fort incorrectement imprimées ; celle-ci entre autres a besoin d'une revision sérieuse.)

CHAPITRE XI

Reprise des hostilités contre la France.
Sièges de Boulogne et de Montreuil.

D'après des arrangements intervenus dans le cours de l'hiver entre l'Empereur et Henry VIII, les hostilités devaient se rouvrir contre la France dès le retour de la belle saison; et Henry s'était engagé à participer à la lutte d'une manière plus active qu'en 1545. Il tint parole; au lieu d'un simple contingent, i envoya sur le continent deux armées complètes, et il décida d'aller lui-même se mettre à la tête de l'une d'elles, qui, en attendant sa venue, reçut pour chef son beau-frère le duc de Suffolk'.

L'autre armée était placée sous le commandement indivis du duc de Norfolk et du lord du Sceau Privé lord Russell'; comme de juste, ce fut dans cette der

Pour toute la campagne de 1544, voir Henry VIII State Papers, vol. IX, passim; Edward Hall's The union of the two noble and illustre famelies of Lancastre and Yorke; John Stow's Annals; et Francis Godwin's Rerum Anglicarum, Henrico Octavo regnante, annales.

Sir John Russell, créé Lord en 1539, était devenu Grand Amiral en 1540, puis lord du Sceau Privé le 3 décembre 1542, succédant dans ces deux charges au comte de Southampton (sir William Fitzwilliam). De lord Russell descendent en ligne masculine et directe quatre pairs actuels d'Angleterre le duc de Bedford, le comte Russell, lord de Clifford, et lord Ampthill.

nière, c'est-à-dire sous les ordres de son père, que servit lord Surrey. Cette fois il ne partait plus pour la guerre avec la même liberté d'allures dont naguère il avait joui devant Landrecies; il était maréchal de bataille (marshall of the field) et, en cette qualité, il avait à remplir des fonctions équivalentes à celles qui incombent de nos jours aux chefs d'état-majors généraux'.

L'armée du duc de Norfolk et de lord Russell quitta la première l'Angleterre; elle franchit le Pas de Calais au commencement de juin 1544'. Henry VIII, qui voulait se réserver la gloire de conquérir Boulogne, avait donné comme mission aux deux commandants de s'emparer d'une des places fortes qui flanquaient cette ville, soit d'Ardres, soit de Montreuil; il laissait le choix aux deux Lords3; mais comme l'une ou l'autre attaque était une entreprise difficile qui exigeait un grand effort, ceux-ci ne voulurent se déterminer qu'après avoir consulté les généraux impériaux chargés de manoeuvrer en Boulonnais

1 The highe marshall is to appoint the camping place, wherein he must have ordinarie consideration for woode, water and forrage. He is to quarter the campe, assigning to the quarter-maister where the regimentes of footemen shall be lodged and where the horsemen shall likewise have their places.» (Barnabas Rich's Pathway to military practice, traité publié en 1587. Of the officers, the lorde highe marshall.)

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2 Hall dit que l'armée franchit le détroit à la Pentecôte, c'est-à-dire le 1er juin; mais le 5 le duc de Norfolk était encore à Lambeth, où il s'occupait du départ de ses troupes. (British Museum, Addit. ms. n° 27632, fol. 3.) Il arriva à Calais le 8. Voir sa lettre au Conseil Privé en date du 14. (Henry VIII State Papers, vol. IX, no 989.)

Le duc de Norfolk, les lords Russell et Surrey, etc. au Conseil Privé,

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23 juin 1544 (Record Office, Domestic State Papers, A):

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« His Majestie's pleasure is we shall marche towardes Monstrell and to laye siege to the same, if we think us to be furnyshed of horseman of the straungiers (les Impériaux) for that purpose, or els to laye siege to Arde. »

et Picardie de concert avec les troupes anglaises'. Ces généraux étaient le comte de Roeulx que nous avons déjà vu à l'œuvre au siège de Landrecies, et le grandamiral de Flandres, M. de Beures'; tous deux se rendirent à Calais le 26 juin pour discuter avec les chefs anglais ce qu'il convenait de faire, et tous deux opinèrent qu'il fallait de préférence attaquer Montreuil. Les Anglais se rangèrent à cet avis, et il fut, en conséquence, décidé que les deux armées alliées se mettraient immédiatement en marche, chacune de son côté, pour aller opérer leur jonction devant Montreuil.

A Calais, Roulx et Beures avaient aussi exprimé le désir que les troupes anglaises évitassent de faire route par le comté d'Artois, territoire impérial; ils

Le duc de Norfolk, les lords Russell et Surrey, etc., au Conseil Privé, 23 juin 1544 (loco citato): The principall causes why we do not incontynently sett towardes Monstrell is ffurste we knowe not yet what nombres of the straungiers' horseman shall shortely mete with us; also for lacke of waggonnes and lymoners; and allso (we are) not yet provyded howe to drawe our ovynes (petits canons) with us, the horses sent owt of England being so evill that they be not able to drawe one of them under XIIII or XV horses. Thies, with other consyderaciones to longe to wryte, dothe make us not fully to determyne what waies to take unto the tyme we shall speke with monsieur de Reux, whiche, we doubte not, shall be upon wednesdaye (c'est-à-dire le 25 juin). »

2 Adolphe de Bourgogne, seigneur de Beures et de la Vère, grand amiral de Flandres, était un descendant illégitime du duc de Bourgogne Philippe le Bon.

3 Le duc de Norfolk, les lords Russell et Surrey, etc., au Conseil Privé, АА

26 juin 1544 (Record Office, State Papers 1547)

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<< This present hour

Messieurs de Bewres and Reux be here with us and this nyght will return to Saynt Omer's.... Th'effect of the discoursys we have had with them was, accordyng to the same that I the duke of Norfolk wrote to you upon saterday was sevennyghte (c'est-à-dire le 14), adviseing in no wise to meddle with Arde or Bollyn; and fynally we have concluded with asmoche diligence as we can to laye siege to Monstrell. They say they can not asseure us to wynne it, but yet they ar not in dispaire therof. »

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