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leur demander pardon en mon nom pour l'honneur

de Dieu. >>

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J'ay encores une chose à vous dire. L'on dit communément que j'ay esté annonceur de la Saincte Évangille de Jésus Crist; pour ce que je vouldroys que la parolle de Dieu ne fust point scandalle pour moy, je vous diz à tous que, si je eusse ensuyvi la parolle de Dieu de faict, quand la lysoys et annoncoys à mon pouvoir, je ne fusse pas venu au cas où je suys. Je lysoys l'Évangile de Jésus Crist, mais je ne l'ensuyvoys pas. Si je l'eusse faict, je eusse encores vescu avec vous. >>

<< Pour ce, Messieurs, tous pour l'amour de Dieu, tendez bien à la vérité et l'ensuyvez; car bien l'ensuyveur vault myeulx que troys lyseurs. Dieu saulve le Roy et adieu'. »

<«< Adonc, » continue le récit français, noilla et fut descapité.

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s'age

Sa tête ne fut pas exposée sur le pont de Londres2; on la réunit au corps dans une bière qui fut immédiatement déposée dans les caveaux de la chapelle de Saint-Pierre à la Tour3.

1 Ce que dist Millor de Rochefort, frère de la Royne d'Angleterre, sur l'eschaffault à sa mort. (Bibliothèque nationale, Fonds Dupuy, 373, fol. 111.) Chapuis dans sa lettre à l'Empereur du 19 mai fausse peut-être le sens des paroles de lord Rochford : << Ledict Rochefort », écrit l'Ambassadeur, « s'est desculpé de tout ce dont il avoit esté chargé, confessant bien avoir mérité la mort pour avoir esté si trestant contaminé de ces nouvelles sectes (protestantes) et en ayant infecté plusieurs, et que pour cela Dieu l'avoit mené à la juste pugnition. Pour quoy il pryoit tout le monde se desporter de telles hérésies et se rengier à la vraye foi et religion; lesquels propoz seront cause de faire amender et convertir innumérables personnes. >> * Contrairement à ce qui est dit dans The chronicle of the Grey Friars of London (edited by the Camden Society).

3 British Museum, Egerton ms. 2146 fol. 14. Wriothesley's Chronicle.

CHAPITRE X

Œuvres de lord Rochford.

Et les poésies de lord Rochford? est-on en droit de demander, où sont-elles? N'avez-vous pas dit qu'il fut poète?

Oui certes, il le fut. Aucun doute ne peut exister à cet égard en présence des témoignages nombreux qu'ont décernés à Rochford ses contemporains. <<< Il écrivit », nous dit le chroniqueur Hollinshed, «< divers chants et sonnets1. » - << Il publia en anglais »>, suivant le polémiste Bale, «< des vers très élégants et de genres différents'.» « Le vieux Rochford >>, proclame de son côté un poète du temps, « monta jusqu'au trône majestueux que les Muses possèdent

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«Lorde Rochford wrote dyvers songs and sonettes. » (Hollinshed's Chronicles of Englande Scotlande and Irelande, 1577.)

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«Georgius Bulleyn, comes Rochefordiæ et Annæ Reginæ frater, diversi generis in anglico sermone edidit rhythmos elegantissimos. >> (Bale's Scriptorum illustrium majoris Britanniæ catalogus.) « Liber unus », ajoute Bale.

3 Pourquoi cette épithète de vieux appliquée à lord Rochford? Il mourut jeune; et, d'autre part, il n'était pas né assez longtemps avant Wyat, Bryan et les autres poètes en vogue au xvi° siècle, pour être considéré comme leur ancien? Cette épithète indiquerait-elle que le genre de lord Rochford était plutôt archaïque.

au sommet de l'Hélicon1. >> Enfin, George Cavendish, le secrétaire du cardinal Wolsey, évoquant dans une de ses poésies l'ombre de lord Rochford mort, lui prête ces paroles : « Dame Éloquence m'enseigna l'art de faire en vers de charmants morceaux »,

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Malheureusement les œuvres de lord Rochford ne furent pas imprimées en un tout complet; selon l'usage du temps, on les colportait en copies manuscrites, et c'est seulement vingt ans après la mort de leur auteur que plusieurs d'entre elles (on ne saurait en fixer le nombre) furent admises à figurer dans ces recueils imprimés de poésies choisies, qu'aimait le xvIe siècle. Or dans ces recueils les seuls noms d'auteurs qui soient mentionnés sont ceux de lord Surrey, de sir Thomas Wyat et de Nicholas Grimald; ainsi les vers de Rochford se trouvent confondus dans la masse de ceux de lord

1 « Olde Rochfort clambe the statelie throne
Whiche Muses hold in Helicone. >>

(Commendatory verses prefixed by Richard Smith to Gascoigne's poesies. «Dame Eloquence also taught me the arte

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In meter and verse to make pleasaunt ditties. »

(Cavendish's Metrical visions. Lord Rochford.)

3 Le passage de Bale que nous avons cité à la page précédente, indique bien que les œuvres de lord Kochford avaient été publiées en volume; mais ce devait être un volume manuscrit; autrement il subsisterait quelque trace d'une édition imprimée.

4 Les recueils où il doit se trouver des poésies de lord Rochford sont Tottel's miscellany (les deux premières éditions sont de 1557) et A myrrour for magistrates (publié en 1559). Les recueils postérieurs, The paradise of dainty devises (1576), A gorgious gallery of galant inventions (1578), A handefull of pleasaunt delites (1584), etc., ne doivent plus contenir beaucoup de pièces datant du règne de Henry VIII.

5 Nicholas Grimald, né vers 1519, mort vers 1562, fut le chapelain de l'évêque Thirlby qui occupa successivement les sièges épiscopaux de Westminster, Norwich, et Ely. Grimald est l'auteur de quarante petits poèmes publiés dans Tottel's miscellany; il traduisit aussi en anglais le De officiis de Cicéron.

Vaux, de sir Francis Bryan, du page de lord Surrey Churchyard, du fou de Henry VIII Heywood, de vingt

autres encore1.

Comment dans ce mélange reconnaître ce qui appartient à chacun? la plupart des pièces publiées ont pour sujets des lieux communs des : des plaintes d'amant déplorant les rigueurs de son adorée, des éloges de la vie simple et tranquille, des descriptions de l'inconstance de la fortune; toutes compositions qui convenaient bien à l'esprit de ces personnages de Cour fatigués de tyrannie et de bassesse. Dans toutes ces pièces, la forme et le style se ressemblent; d'ailleurs, que servirait, à l'égard de lord Rochford, de constater des différences? Nous n'avons aucun élément de comparaison qui puisse nous aider à soutenir que tels ou tels vers seraient de lui; et en outre, Bale nous a appris qu'il a cultivé plusieurs genres.

Rarement dans les recueils poétiques du xvi° siècle les morceaux ont trait à des faits particuliers ou aux choses du moment. Quand tel est le cas, il y a toujours dans le corps du morceau un trait qui prouve d'une manière certaine que lord Rochford

1 Grâce à des indications contenues aux fol. 100 et 108 du ms. 1703 de la collection Harléienne (British Museum), on sait que lord Vaux et que John Heywood sont chacun l'auteur d'une pièce anonyme contenue dans Tottel's miscellany. Un passage de Puttenham (The arte of English poesie) permet aussi d'attribuer à lord Vaux le chant du fossoyeur de Hamlet qui se trouve également sans nom d'auteur dans le même recueil. Churchyard personnellement (Churchyardes Challenge) a réclamé sa part de composition dans Tottel's miscellany. « Many things in the booke of songs and sonets printed then (sous le règne de Mary Tudor) were of my making. » Enfin Drayton (voir plus haut page 4, note 2) a rangé Bryan parmi ceux qui contribuèrent, avec Surrey et Wyat, aux « Songs and sonnets » (tel était le nom primitif de Tottel's miscellany).

n'en est pas l'auteur. Un critique anglais' a voulu lui attribuer une sorte de ballade adressée à la Mort par un prisonnier qui attend son supplice; ce serait durant sa captivité à la Tour que lord Rochford aurait composé cette poésie; malheureusement elle contient des vers tels que ceux-ci : << Mort, fais sortir de ma poitrine soucieuse ma très innocente âme3. » Or nous savons que, dans ses derniers jours, lord Rochford proclama, au contraire, que son âme

était fortement souillée.

Il ne reste plus, pour établir l'identité de quelque œuvre de lord Rochford, que la chance de trouver une indication utile dans un document contemporain. Horace Walpole a cru en découvrir une : dans les manuscrits d'un certain John Harrington, amateur de littérature qui vivait au XVIe siècle, existait une copie d'une élégie traitant le sujet rebattu d'un amant qui se plaint de la rigueur de celle qu'il aime; et cette copie qui portait la date de 1564 indiquait lord Rochford comme étant l'auteur de l'élégie'. Cette donnée paraissait concluante; car si Harrington ne se fait pas scrupule de s'attribuer des pièces composées par autrui, là où il ne se met pas en cause, il n'y a pas de raison de contester la véracité

1 Ritson's Ancient songs from the time of Henry III to the Revolution. 2 << Let passe my verye giltless goste

Out of my carefull brest. »

La pièce débute par ce vers: 0 death, rocke me on slepe.

5 Horace Walpole Earl of Orford's Catalogue of royal and noble authors (the Viscount Rochford).

4 Les manuscrits de Harrington ont été imprimés sous le nom de Nugæ antiquæ. On trouvera l'élégie en question avec les indications susmentionnées au troisième volume de ce recueil (My lute, awake, etc.).

5 Par exemple, il se donne pour l'auteur de l'élégie : 0 happy dames, that may embrace, etc., qui est incontestablement de lord Surrey.

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