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CHAPITRE IX.

DE LA MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE SOUS CAUTION,
ET DU CAUTIONNEMENT.

SECTION I.

la justice, s'il en était requis, et donnaient caution de cette promesse. Ainsi la mise en liberté

DE LA MISE EN LIBERTÉ ET DU CAUTIONNE- provisoire sous caution pouvait être accordée

MENT PENDANT L'INSTRUCTION DE LA PROCÉDURE.

127. La mise en liberté sous caution est une innovation libérale, introduite dans la procédure criminelle par la loi du 29 septembre 1791 (1). « Toutes les fois qu'on peut sup» pléer à l'emprisonnement par une caution, > l'humanité ordonne de le permettre, et la >> justice doit en rendre grâce à l'humanité (2). » Sous l'empire de la législation antérieure, il était d'usage, à la vérité, de ne décerner le décret de prise de corps et de n'ordonner l'emprisonnement que lorsque le fait qui donnait lieu aux poursuites avait des caractères graves; et le juge pouvait s'exposer à être pris à partie, s'il s'écartait légèrement de cette marche (5): mais il arrivait fréquemment que les juges d'instruction instruisaient dans la forme criminelle sur des plaintes qui auraient dû être jugées sommairement (4): et, quelle que fût la nature de l'accusation, quel que pût ou que dût être le résultat des informations, l'individu qui était emprisonné n'avait aucun moyen d'adoucir la rigueur de cette première épreuve judiciaire, et de recouvrer provisoirement sa liberté.

La loi de 1791 permit de dispenser de l'emprisonnement le prévenu contre lequel il aurait été décerné un mandat d'arrêt, lorsque le fait qui provoquait les poursuites n'était pas de nature à donner lieu à une peine afflictive, et que des amis s'engageaient à le représenter à

(1). art. 30 et 31, tit. Ier. — En disant que cette mesure est une innovation, nous entendons parler du précédent état de notre législation criminelle; car, sous les premières races de nos rois, l'accusé pouvait se soustraire à l'emprisonnement en donnant caution. Il n'était pas nécessaire d'être garanti par un citoyen; on pouvait l'être par ses biens, si l'on avait une fortune suffisante. (V. Capitulaires, liv. IV, § 29; et de Pastoret,

non-seulement pour les délits correctionnels, mais même pour les crimes emportant peine infamante, mais non afflictive.

Le montant du cautionnement n'était point alors fixé par la loi; il était laissé à l'arbitrage de l'officier de police, et le législateur avait seulement prescrit à cet officier de se diriger d'après le principe que le cautionnement ne devait pas être illusoire et de simple forme, ni tendre à soustraire les accusés à la justice; qu'il devait au contraire, être d'une assez grande importance pour n'être jamais donné que par des personnes bien convaincues que le prévenu était incapable de rompre son engagement: « C'est un contrat sacré, disait-il (5), que celui » qui se forme par le cautionnement entre le » prévenu, qui évite ainsi le malheur de la dé» tention, et les amis qui lui donnent, en le » cautionnant, la plus haute preuve de leur >> confiance et de leur estime. »

Cette faculté favorable au prévenu fut maintenue dans les mêmes cas par le Code du 3 brumaire an IV (art. 222); mais cette loi fixa à trois mille francs la somme que la caution devait s'engager à payer, dans le cas où le prévenu serait constitué en défaut de se représenter à la justice.

La disposition relative à la mise en liberté provisoire ne pouvait être omise dans les nouveaux codes. Il ne faut pas, a dit le législateur par l'organe de l'orateur chargé d'exposer les motifs de la loi, il ne faut pas que tout homme contre lequel on aura lancé un mandat d'arrêt,

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attende son jugement dans cet état d'arrestation.

Si l'on doit veiller avec sollicitude, et pour le bien de la société, à ce que les coupables ne puissent pas échapper, on ne doit pas veiller avec moins de scrupule à ce qu'un citoyen ne soit privé de la liberté que lorsqu'on ne peut lui en laisser l'usage sans inconvénient (1). Mais, en conservant à l'inculpé le droit d'obtenir sa liberté provisoire, le législateur a pris soin de régler l'usage de cette faculté. La loi de 1791 avait donné à l'officier de police une latitude peut-être dangereuse, en le laissant maître absolu de fixer, d'après sa volonté seule, le montant du cautionnement; et le Code du 5 brumaire an IV, qui avait réformé cet abus, en avait introduit un nouveau en fixant invariablement et dans tous les cas le cautionnement à trois mille francs: ce double écueil a été évité.

La loi de 1791 avait autorisé la mise en liberté sous caution, lors même que le fait offrirait les caractères du crime, pourvu qu'il ne pût donner lieu qu'à une peine infamante; et le Code des délits et des peines avait maintenu cette extension: la nouvelle loi n'a point range sur la même ligne le prévenu d'un simple délit correctionnel et le prévenu d'un crime qui emporte peine infamante.

Ainsi, lorsque le fait qui a motivé l'arrestation donne lieu seulement à une peine correctionnelle, l'inculpé peut obtenir sa liberté provisoire, en donnant caution; mais cet avantage est entièrement refusé toutes les fois qu'il s'agit d'un fait qui emporte peine afflictive ou infamante. C'est surtout dans ces occasions que l'exemple de la peine infligée est utile à la société; et si l'on admettait en pareil cas des libertés provisoires sous caution, il serait bien à craindre que les hommes opulents ne trouvassent toujours le moyen de se soustraire à l'application des peines, qu'ils paraissent cependant mériter plus que les autres lorsqu'ils commettent quelque crime, parce que, jouissant de tous les avantages de la société, ils sont plus fortement obligés à ne pas en troubler l'harmonie (2).

La nouvelle loi prononce donc la même exception, lorsque le fait peut entraîner une peine infamante, que lorsqu'il peut conduire à une peine afflictive (art. 113 et 114, C. crim.). Le législateur a cru devoir respecter l'ancienne opinion, qui rend cette classe de peine si redoutable; et l'on peut assurer, avec le rapporteur de la commission du corps législatif, chargée de l'examen du projet (5), que le législateur a bien connu l'esprit national, quand il a prononcé que, de tous les effets de la peine, l'infamie est celui qui doit répandre le plus d'effroi, et surtout qui doit en déterminer le vrai caractère.

La plainte, s'il y en a, les procès-verbaux, les divers actes de procédure, le résultat des informations, servent à déterminer le titre de l'accusation, et à faire reconnaître que la mise en liberté peut ou ne peut pas être autorisée; et si, après que le tribunal aurait accueilli, à cet égard, la demande du prévenu, le fait était reconnu être de nature à emporter une peine afflictive ou infamante, et que le tribunal décernât, en conséquence, une ordonnance de prise de corps, cette nouvelle ordonnance, rendue en plus grande connaissance de cause, devrait être exécutée nonobstant celle qui aurait autorisé la mise en liberté provisoire (4).

128. La loi refuse également la liberté provisoire, en tous les cas, aux vagabonds et aux individus repris de justice (art. 115, C. crim.)(5).

à

La qualité de vagabond est facile à définir et reconnaître; et l'exclusion que la loi donne à cette classe de prévenus, n'est pas de nature à faire naître des doutes dans l'exécution (6). Celui-là est vagabond, qui, n'ayant point de domicile fixe, certain et connu, et ne pouvant justifier de son inscription sur les registres civiques, ou n'étant point réclamé par les autorités d'une commune comme lui appartenant, n'a point de moyens de subsistance, et n'exerce habituellement ni métier ni profession (art. 269, et suiv., C. pén.). Il faut bien se garder de penser que la dénomination de vagabond ne convienne qu'à celui qui aurait été déjà condamné comme tel (7); et l'on doit, au reste, confon

(1) V. le discours de l'orateur chargé de présenter au corps législatif cette partie du Code. (Locré, t. XIII p, 403.)-Une loi bien favorable à la liberté de l'homme, que les Romains puisèrent peut-être chez les Athéniens, et que les Anglais ont reçue des Romains, défendait au magistrat de retenir en prison l'accusé qui trouvait dans quelque citoyen une caution de sa personne; elle n'exceptait que les hommes accusés des plus grands attentats; encore étaient-ils traités comme citoyens jusqu'à l'instant de la conviction la plus complète. (V. Filangieri, de l'Assignation de l'accusé et de la sûreté de sa personne. · Filangieri rapporte les termes de la loi des Athéniens et de la loi romaine.)

(2) . le discours de l'orateur du gouvernement

chargé de présenter cette partie de la loi. (Locré, t. XIII p. 403.)

(5) . le rapport fait au nom de cette commission. (4) Cela résulte de la combinaison des articles 113, 114 et 239, C. crim.

(5) L'art. 11 de la loi du 9 nov. 1815 défendait aussi d'accorder la liberté provisoire sous caution aux prévenus de divers délits politiques prévus par cette loi; mais la loi du 26 mai 1819, art. 28, avait rapporté cette disposition, et la loi du 25 mars 1822, malgré sa grande sévérité, ne l'a pas rétablie.

(6) V. la loi du 10 vend. an IV, et l'art. 270, C. pén. (7). à ce sujet, deux arrêts de la Cour de cassation du 30 juill. 1812. (D., 28, 49; S., 13, 1, 74.) ·

dre dans la prohibition de la loi les gens sans aveu et les vagabonds (1); le Code pénal déclare, en termes formels, que ces deux dénominations sont synonymes; et, outre qu'il n'est pas permis de distinguer là où la loi ne distingue pas, il me parait bien difficile d'admettre, à cet égard, une distinction raisonnable, et de s'en rendre un compte satisfaisant (2).

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(aujourd'hui supprimées définitivement), à raison de la qualité des personnes, ne se sert pas de l'expression de repris de justice, mais bien de celle de condamnés à des peines afflictives ou infamantes; et cette différence dans la manière de s'énoncer est d'autant plus remarquable, que, dans cet article de la loi, comme dans celui qui concerne la mise en liberté provisoire, les vagabonds sont désignés en première ligne, et que, si le législateur avait attaché aux mots repris de justice le sens restrictif de condamnés à des peines afflictives ou infamantes, il se serait borné sans doute à dire, dans le second cas, comme dans le premier, les vagabonds et les repris de justice, au lieu de dire, comme il l'a fait les vagabonds et les condamnés à des peines afflictives ou infamantes. On peut donc se croire fondé à conclure d'abord, avec certitude, de ce rapprochement des dispositions de la nouvelle loi, que les mots repris de justice ont une signification plus générale dans la législation actuelle, que ceux de condamnés à des peines afflictives

Mais le législateur n'a pas manifesté sa volonté d'une manière aussi précise par l'expression de repris de justice. Dans quel sens doit être entendue cette dénomination? Doit-on l'appliquer indistinctement à tous les individus qui ont été condamnés par un tribunal quelconque de répression à une peine correctionnelle, ou même de simple police, comme à ceux qui ont encouru des peines afflictives ou infamantes, ou doit-on la restreindre à cette dernière classe d'individus ?

nés même correctionnellement, peuvent, en certains cas du moins, être considérés comme des repris de justice.

Autrefois, ce n'était qu'à ceux-ci qu'on appliquait, dans l'usage, la qualification de repris de justice; et comme les lois nouvelles ne contiennent point, à cet égard, de définition, on est fondé à croire que tel est encore aujour-ou infamantes, et que des individus condamd'hui le sens de cette qualification dans le Code d'instruction criminelle, et que l'on doit d'autant mieux exécuter la loi de cette manière, que, d'une part, cette interprétation est la plus favorable aux prévenus, et que, de l'autre, la mise en liberté provisoire n'étant que facultative, les tribunaux seraient toujours autorisés à la refuser aux individus qui auraient subi précédemment des condamnations pour des faits graves, quoique punis correctionnelle

ment.

Mais ces considérations sont-elles suffisantes? Il faut examiner si, malgré l'ancien usage, le législateur n'a pas compris sous la dénomination de repris de justice, d'autres individus que ceux qui ont été condamnés à des peines afflictives ou infamantes; et si cet examen prouve que la mise en liberté provisoire doit toujours et nécessairement être refusée à une autre classe d'individus, il ne faut pas faire dépendre de la volonté du juge une exclusion que la loi a prononcée.

L'article 553 du Code d'instruction criminelle, étranger à celui dont il est ici question, pent paraitre propre à répandre un grand jour sur le sens que l'on doit donner aux mots repris de justice. En effet, le législateur, en déterminant la compétence des cours spéciales

D'un autre côté, il n'est pas possible de considérer comme des repris de justice les individus qui ont été condamnés, pour contraventions, à des peines de simple police. Tous les faits qui peuvent donner lieu à ces peines, sont de trop peu d'importance pour élever aucun préjugé légal contre ceux qui s'en sont rendus coupables; et si la législation nouvelle, pour mieux marquer la ligne qui sépare les fonctions judiciaires des fonctions administratives, a voulu que les contraventions mêmes fussent réprimées par des tribunaux, la forme extrêmement simple de procéder, la nature très-peu grave des peines, la concurrence donnée en certains cas aux maires avec les juges de paix pour prononcer des jugements en tribunal de police, tout prouve jusqu'à l'évidence que des contrevenants à des lois ou à des règlements de simple police ne peuvent pas être rangés dans la classe des repris de justice, qui sont exclus par la loi, du bénéfice de la liberté provisoire.

Il faudrait donc, dans le système qui vient d'ètre établi, comprendre sous la dénomination de repris de justice, 1o les condamnés à des peines afflictives ou infamantes, que l'on à tou

(1). sur le sens de ces dénominations, l'art. 3, tit. Ier de la loi du 1922 juill. 1791, l'art. 5 de la loi du 21 flor. an IV, et le procès-verbal de l'ord, de 1670, p. 29, 34 et 35.

(2) L'art. 126, C. cr. interdit aussi aux juges d'accorder la liberté sous caution à celui qui, l'ayant déjà obtenue, a laissé contraindre sa caution au payement des sommes pour lesquelles elle s'était obligée ; mais

cette disposition exceptionnelle ne doit pas être étendue au cas où le prévenu a manqué de se présenter, s'il ne s'en est pas suivi de contrainte, ni même de poursuites contre la caution. (Corse, 22 fév. 1827; S., 27, 241.) La faveur due à la liberté est telle que l'on ne doit pas hésiter à adopter cette doctrine, conforme d'ailleurs à la lettre de la loi.

jours désignés ainsi; 2o les individus condam-¡ repris de justice celui qui, sans aucune cir

nés précédemment à un emprisonnement correctionnel (1).

Nous disons à un emprisonnement, et non pas à une peine correctionnelle: car il nous paraitrait absurde de prétendre qu'une simple peine pécuniaire précédemment prononcée contre un individu, pour un fait soumis à l'action d'un tribunal correctionnel, pût le priver de la faculté de réclamer sa mise en liberté provisoire, et qu'un délit qui par lui-même n'aurait pas donné lieu à un emprisonnement, devint ultérieurement un motif pour laisser dans les prisons le délinquant prévenu d'un autre fait, ou même qu'un individu d'abord condamné par | un tribunal correctionnel, comme civilement responsable d'un délit, dût se trouver privé, par cette raison seule, de la faveur de la liberté provisoire, s'il venait à être ensuite poursuivi personnellement pour un délit: la distinction que nous croyons devoir établir ici, est fondée sur la différence que les anciennes lois faisaient entre les peines pécuniaires et les peines corporelles, et sur l'attribution donnée par les lois actuelles aux tribunaux correctionnels, de prononcer les amendes en matière fiscale. Les faits qui donnent lieu à ces amendes, ne sont évidemment que des contraventions d'une espèce particulière, qui ne pouvaient toutefois être jugées par les tribunaux de simple police, à raison de leur quotité, souvent très-élevée: mais il n'est pas possible de désigner comme

(1) Aux termes de l'art. 42, C. pén., les tribunaux ju- | geant correctionnellement peuvent interdire, en tout ou en partie, l'exercice des droits civiques, civils et de famille qui sont déterminés. On est porté à croire qu'un homme placé par la justice dans cet état d'interdiction est un repris de justice. Le renvoi sous la surveillance de la haute police est aussi une peine commune aux matières criminelles et correctionnelles, et celui qui en est atteint semble être un repris de justice.

(2) Semper in dubiis benigniora præferenda sunt. (De reg. juris., no 56.)

(5) Cette expression, repris de justice, est aussi employée dans l'article 2 de la loi du 10 mars 1818, qui les déclare indignes de servir dans les troupes françaises; une circulaire du garde des sceaux, du 7 oct. 1818, et une circulaire du ministre de la guerre, du 15 octobre 1818, ont décidé que par ces mots, repris de justice, on ne devait entendre que les individus condamnés à des peines afflictives ou infamantes. — V. aussi Carnot et Bourguignon sur l'art. 115 C. crim. et Rauter, no 701.

(4) Bourguignon sur l'art. 114, cite contre cette opinion un arrêt de la Cour de cassation du 21 avril 1815, qui a, dit-il, été recueilli par le président Barris, dans ses notes, et par lequel cette cour a jugé que le mot pourra n'est point employé par l'article 114, dans un sens facultatif, qu'il n'est là qu'attributif de pouvoir comme dans beaucoup d'autres articles du même Code, notamment dans les articles 350 et 542. (D., 18, 485, no 2.)

J'avoue que je ne concevrais pas comment une cour de justice, et surtout la Cour de cassation, peut juger qu'une expression dont le sens facultatif ne saurait of

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constance aggravante, et souvent par une simple négligence, a encouru ces amendes, puisque, dans notre système pénal, l'amende prononcée par les tribunaux de répression n'emporte jamais l'infamie avec elle; et l'on ne pourrait comprendre dans cette catégorie que ceux qui auraient déjà été condamnés à un emprisonnement correctionnel, dont la durée, en certaines circonstances, peut, comme on sait être de cinq ans, et peut même être portée à dix, en cas de récidive.

Mais, de quelque poids que puissent paraître ces considérations, que nous avons cru devoir soumettre aux méditations du lecteur, nous pensons que, soit d'après l'ancienne acception des mots repris de justice, soit parce que, loin de restreindre les faveurs lorsqu'il s'agit de la liberté des citoyens, on doit au contraire les étendre (2), nous pensons que la mise en liberté provisoire d'un individu prévenu d'un délit correctionnel n'est pas prohibée par la loi, quoique ce prévenu ait déjà été condamné à un emprisonnement correctionnel, sauf aux magis. trats à décider, dans chaque espèce, sì cette faveur doit être accordée (3).

A la différence de ce qui était réglé par les Codes précédents, la mise en liberté provisoire n'est que facultative ainsi que nous venons de le dire, et l'exercice de ce droit est laissé à la conscience du juge (art. 115 et 114 C. crim.) (4), Cette disposition, dans laquelle on doit recon

frir la moindre incertitude, suivant le langage universel en France, doit être entendue dans un sens absolu, si, d'un autre côté, je ne connaissais une foule d'arrêts où des expressions absolues et impératives inscrites dans les lois, sont considérées comme facultatives, en ce sens que l'omission ou la violation des règles qu'elles prescrivent n'entraîne pas nullité, suivant la jurisprudence de cette cour.

J'ajoute que les exemples cités des art. 330 et 542, loin d'appuyer le système que je combats, me semblent au contraire y ajouter beaucoup de force, puisque dans le premier de ces articles le mot pourra indique évidemment un droit facultatif du président des assises, droit dont il use ou se dispense d'user, suivant qu'il le juge convenable, et que dans l'art. 542 les mot peut renvoyer expriment de même un droit facultatif que la Cour de cassation exerce quand il lui convient et sans y être obligée.

Je ne sais pas comment ferait la Cour de cassation pour casser comme contraire à l'art. 114 du Code d'instruction, le jugement d'un tribunal ou l'arrêt d'une cour qui, d'après le texte de cet article et un motif ainsi conçu: « Attendu que, suivant la langue française, le » mot pourra, employé dans cet article, exprime évi» demment un droit facultatif laissé à la conscience » du juge,» aurait rejeté la demande en liberté.

Je suis bien loin de désirer, au reste, que les cours et les tribunaux ajoutent par la sévérité de leur jurisprudence à toute la sévérité des lois qui peuvent porter atteinte à la liberté des citoyens ; mais comme une foule d'exemples que j'ai recueillis, et d'autres qui méritent de l'être, prouvent que l'interprétation bizarre donnée à certains articles de lois compromet chaque jour tous

La loi exige que, lorsqu'il y a une partie civile en cause, la demande de liberté provisoire lui soit notifiée, soit à son domicile personnel, lorsqu'elle réside dans l'arrondissement communal, soit à celui qu'elle a dù élire, quand elle ne réside pas dans cet arrondissement (articles 68 et 116, C. crim.).

Outre cette notification, qui a pour objet de donner connaissance à la partie civile de la demande formée par le prévenu, et par conséquent de lui donner les moyens de s'y opposer, ou du moins d'indiquer les motifs qui peuvent rendre cette mesure dangereuse; si cette demande est accueillie par le tribunal, il y a lieu de discuter la solvabilité de la caution offerte, et la loi exige que la partie civile soit dûment appelée à cette discussion, c'est-à-dire appelée par une citation régulière.

naltre la sage prévoyance du législateur, pourrait toutefois faire craindre que le refus de la mise en liberté ne fût quelquefois déterminé par des considérations particulières, si, dans l'état actuel des choses, comme dans le précédent (1), le droit d'ordonner cette mesure était laissé à un seul homme; mais le juge d'instruction n'a point, à cet égard, la même autorité qu'avait autrefois le directeur du jury: c'est la chambre du conseil qui doit statuer sur la demande de mise en liberté (art. 114, C. crim.); et la nouvelle loi a ainsi évité le double inconvénient d'obliger, dans tous les cas, les juges à mettre en liberté le prévenu d'un délit correctionnel, qui offrirait une caution suffisante, et dont l'intérêt de la justice et de la société exigeraient l'emprisonnement, et de faire dépendre le sort du prévenu de la décision et du caprice d'un seul homme. Ainsi la loi, en prononçant, pour La solvabilité est discutée par le ministère tous les cas, une exclusion absolue de la parti- public et par la partie civile, s'il y en a une cipation à cette faveur, contre les vagabonds et (art. 117, C. crim.), en présence du juge d'inles repris de justice, lorsqu'ils seraient pour-struction; et le montant du cautionnement est suivis correctionnellement, a fait, en même temps, un devoir aux juges d'examiner, dans les cas particuliers qui ne concerneraient point ces deux classes d'individus, si la mise en liberté provisoire peut être accordée sans inconvénient, et les a autorisés à la refuser, lorsque le bien du service parait l'exiger.

129. La loi ne s'explique point sur la manière dont le prévenu doit former sa demande tendant à obtenir sa liberté provisoire; ainsi elle peut être indistinctement adressée au juge d'instruction ou au tribunal: mais il ne peut y être statué que par le tribunal réuni en chambre du conseil, et sur les conclusions du ministère public, et l'officier chargé de ce ministère doit faire valoir les motifs qui peuvent s'opposer à l'obtention de cette faveur. La mise en liberté ne peut être autorisée qu'à la charge, au prévenu, de donner une caution solvable de se représenter à tous les actes de la procédure, et pour l'exécution du jugement, aussitôt qu'il en sera requis (art. 114, C. crim.).

Si le tribunal devant lequel le prévenu forme sa demande de mise en liberté provisoire refuse d'accueillir cette demande, le jugement peut être attaqué devant la Cour royale, et il doit être statué conformément aux lois (2).

fixé par ce magistrat d'après les bases posées par le Code. La loi ne s'explique pas sur ces deux points en termes formels; mais cela résulte évidemment de la combinaison de divers articles du Code (art. 119, 122 et 123), et mème de toute l'économie des dispositions relatives à la mise en liberté sous caution. Le Code des délits et des peines (art. 222), confiait aussi au directeur du jury, remplacé aujourd'hui par le juge d'instruction, le soin d'apprécier la solvabilité de la caution (3); et si l'attribution faite au tribunal du droit de prononcer sur la demande de mise en liberte est le résultat d'une combinaison plus heureuse dans la loi nouvelle, cette attribution n'aurait pu sans inconvénient, et sans nuire à la rapidité de l'instruction, entrainer aussi la discussion de solvabilité.

La reconnaissance de la solvabilité de la caution ne pouvant avoir d'objet qu'autant que la mise en liberté du prévenu est autorisée, toute discussion antérieure à la décision du tribunal sur ce point serait prématurée.

Aux termes du Code d'instruction (art. 114), la mise en liberté provisoire avec caution pouvant être demandée et accordée en tout état de cause, il en résulte évidemment que cette demande peut être formée, non-seulement

les droits des citoyens, malgré la volonté exprimée du législateur, je fais des vœux pour que la loi soit toujours exécutée telle qu'elle est écrite, sauf au législateur à la corriger ou à la modifier si elle est défectueuse.-V. au reste, dans les lois du 26 mai 1819, art. 28, du 24 décembre 1814, art. 49, du 28 avril 1816, art. 224, comment s'est exprimé le législateur, sur la mise en liberté provisoire, lorsqu'elle n'est pas facultative. (Note manuscrite de Legraverend.)—On peut voir dans ce sens Rauter, no 701; mais la Cour de cassation a persisté dans sa jurisprudence (S., 38, 54 et 219), tel est évidemment, selon Dalloz, t. 18, p. 485, l'esprit de la loi.

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