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moment encore peu éloigné où la France a joui d'un code de lois complet, écrit en langue française (1).

L'ordonnance publiée par PhilippeAuguste en 1190 est un monument précieux; elle concerne les baillis royaux, qui se multipliaient à mesure que s'accroissait le domaine royal; elle accoutuma les peuples à reconnaître la justice royale au moyen des appels (2).

DEUXIÈME ÉPoque.

Après avoir parcouru une période de quatre siècles et demi, si stérile pour l'histoire de la législation française, nous voici parvenus au règne de saint Louis, époque si, remarquable sous ce rapport, ainsi que sous beaucoup d'autres.

Ce fut en 1270, un peu avant son second voyage à la terre sainte, que ce monarque publia le code connu sous le nom des Etablissements de saint Louis. Ce code, tout à la fois civil et criminel, fut rédigé d'après les conseils d'hommes sages et de clercs savants; les dispositions en sont tirées des coutumes, des canons et du droit romain, et il était digne, dans son ensemble, du grand souverain dont il fut l'ouvrage.

Le premier chapitre de ce code réglait le mode de procéder tant au civil qu'au criminel; on y retrouve les principales dispositions de nos lois actuelles : on en remarque une que nous n'avons pas conservée, dans la crainte, sans doute, de multiplier les parjures; c'est le serment exigé des parties de plaider avec loyauté

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et de n'employer aucun moyen illicite (3).

Dans divers chapitres, le roi défendait le combat judiciaire et indiquait les preuves admissibles. Saint Louis fut le premier des rois de France qui s'éleva avec force contre cette coutume barbare; mais elle était tellement enracinée dans l'esprit et dans les mœurs de nos aïeux, que, malgré ses efforts et sa longue persévérance pour la détruire, il ne put y parvenir qu'à demi (4).

Pour prévenir les fausses dénonciations, une disposition du code portait la peine du talion contre les dénonciateurs qui ne pouvaient pas prouver leurs assertions. Cette règle, empruntée de la législation romaine, était sans doute trop favorable aux criminels: mais elle prouve que la haine et la vengeance, plus que l'esprit de justice, conduisaient les dénonciateurs aux pieds des tribunaux; et l'on ne peut qu'approuver le législateur qui prenait des mesures pour corriger et réprimer ce funeste penchant (5).

Saint Louis avait établi, dans son code, des appels pour les cas dits royaux; et quoiqu'il eût été prévenu, dans cette sage disposition, par l'ordonnance de PhilippeAuguste, publiée près d'un siècle auparavant, on voit qu'il fit de vains efforts pour établir l'usage des appels à sa cour particulière, et que si cet usage fut suivi par les barons vassaux du roi en sa qualité de duc de France ou d'Orléans, les grands vassaux ne s'y soumirent que quand ils ne purent s'en dispenser, c'est-à-dire quand ils y furent contraints par la force des armes (6).

On trouve, dans les Etablissements de

(1) Le vœu naturel de toutes les nations doit être d'avoir des lois faites exprès pour elles.

L'usage qui vent que les lois soient écrites en une >> langue inconnue et inintelligible à ceux qui ont le » plus grand intérêt à les entendre, comme devant » leur servir de règle pour se bien conduire, est, quoi » qu'on en puisse dire, contraire à l'équité et à la saine » raison.» (Rescrit du roi de Prusse Frédéric, en installant son grand chancelier.)

V. Annal. de Linguet, t. IX, p. 13: voyez aussi, p. 5 de cette introduction, à la note, la disposition des instructions de Catherine II sur ce point.

(2) Il était ordonné aux baillis royaux de recevoir, tous les mois, dans leurs assises, les plaintes des sujets, et de leur rendre une prompte justice, de veiller sur la conduite des prévôts et des se goeurs, et de les con enir dans leurs devoirs, et eufin de rendre compte de leur conduite et de l'état de leur province tous les quatre mo s au conseil du roi.

(3) V. le ch. 1er.

(4) V. le ch. 2, le ch. 25, le ch. 27, liv. Jer, etc. Saint-Louis, qui voulait détruire le combat judiciaire,

ne pouvait prendre trop de précautions et de soins pour convaincre les peuples des avantages réels qui devaient résulter de ce changement.

(5) V. le ch. 3, liv. ler, et le ch. 12, liv. II. Dans ce dernier chap., intitulé Comment on doit réclamer chose volée, il est dit : « Pour accuser quelqu'on de vol, » il convient qu'on ait vu le vol, et le voleur en posses»sion de la chose volée, et on doit le prouver par bons >> témoins. »

(6) V. le ch. 4, et les ch. 78 et 80, liv. Ier. - Les appels étaient successifs d'une cour inférieure à la cour supérieure dont la première relevait, et l'on pouvait toujours appeler à la cour du roi. L'appel était réglé : les juges réformés étaient condamnés à une amende envers l'appelant. Ils venaient eux-mêmes défendre leurs jugements devant la cour supérieure. On ne vot pas trop quels dommages-intérêts on leur accordait contre les parties, si le jugement était maintenu. Cependant il y a lieu de croire que la perte des meubles. qui était prononcée en pareil cas, était au profit des premiers juges dont le jugement était trouvé bon. L'amende de fol appel remplace de nos jours la perte des

saint Louis, des peines contre les assassins et les meurtriers, contre les voleurs et les complices, et notamment contre les voleurs domestiques, contre les vagabonds et gens suspects (1); les peines y étaient graduées : le crime commis par récidive était puni plus sévèrement; car on ne va pas du grand au petit, mais du petit au grand (2).

Un article punissait comme coupable du crime dont il était prévenu, celui qui s'évadait des prisons; on regardait sans doute l'évasion comme un aveu de la faute; car il serait difficile d'attribuer à un autre motif cette rigueur qui, au premier aperçu, paraît excessive; et l'aveu entraînait la condamnation, du moins en certains cas (3). La peine du suicide se bornait à la confiscation des biens (4); et quoique cette peine fût injuste, on ne peut nier que, comparée à celle qui plus tard avait été introduite en pareil cas, elle n'attestât l'esprit tolérant de saint Louis, dont on retrouve aussi l'empreinte dans plusieurs autres articles de ses lois (5).

Le code de saint Louis contenait des règlements sur la disposition des trésors découverts, sur le mode de juger les clercs, sur le droit d'aubaine, sur l'irruption à main armée dans la terre d'autrui, sur la manière de se faire représenter devant les tribunaux, sur les devoirs des procureurs, avocats ou avoués, sur les exoines, sur le cautionnement, sur les conflits de juridiction, sur les dénis de justice, sur le flagrant délit, sur l'accusation et les accusateurs, sur les demandes en restitution d'objets volés, etc., etc. (6).

L'exercice de la contrainte par corps, d'après les Établissements de saint Louis, n'était accordé qu'au roi; et ce droit ne pouvait s'exercer que pour le payement des droits royaux reconnus et prouvés (7). On se plaît à lire dans ces Etablissements, que lorsque, dans une accusation, les preuves étaient égales de part et d'autre,

on devait juger en faveur de l'accusé (8); on se plaît à reconnaître dans cette législation la noble empreinte d'un esprit supérieur, d'un ardent ami du bien public; on se plaît à confondre dans sa pensée le rédacteur auguste d'un code de lois utiles et marquées au coin de la sagesse, et le juge couronné faisant lui-même l'application de ces règles salutaires, et distribuant paternellement la justice à ses sujets réunis sous un chêne antique.

Lorsque saint Louis entreprit de réformer les lois et de détruire les abus qui s'opposaient au bonheur de la France, il eut non-seulement à combattre les préjugés de l'ignorance et de l'habitude, mais la puissance et l'avarice des seigneurs et du clergé, dont l'autorité s'était accrue dans les ténèbres; il était sans cesse contrarié par une infinité de pouvoirs subalternes : aussi ses Établissements n'eurent-ils lieu que dans ses domaines. Il les publia comme un code complet de lois coutumieres, qui devaient être observées dans les domaines de la couronne: il fut obligé d'avoir cette espèce de déférence pour les barons, dont il importait de ne choquer ni les droits ni les prétentions, qu'il fallait plutôt engager que forcer à embrasser ce code précieux, et à l'égard desquels la conviction devait produire des effets plus utiles que les coups d'autorité; et cette modération, qui, dans d'autres circonstances et de la part d'autres souverains, n'eût été que faiblesse et pusillanimité, fut encore un trait de sagesse de la part d'un roi qui sut allier ensemble la fermeté et la bonté, et qui, distingué par sa piété et peut-être même emporté par ce sentiment au delà des bornes que la royauté devait lui prescrire, sut défendre son autorité contre les entreprises du saint-siége, et combattre l'avarice du clergé.

Quoique les Établissements de saint Louis ne puissent être considérés que comme une législation transitoire de peu de durée, ils

meubles. Elle est prononcée au profit du trésor public; mais les juges dont est appel ne sont plus chargés de défendre leurs jugements.

(1) V. ch. 30, 32 et 34 du liv. Ier. (2) V. ch. 29, liv. Jer,

(3) V. ch. 121, liv. Ier.

(4) V. ch. 88, liv. Ier.

(5) . ch. 29, liv. Ior, les peines décernées contre le vol d'église.

(6) V. ch. 3, 96, 102, 104, 105, 120, liv. Ier; ch. 2, 5,8, 12, 13, 14, 15, 17 et 31, liv. II.

Il est souvent question d'avoués (advocati) dans les

capitulaires, et il est assez remarquable que ce mo!, rétabli aujourd'hui, remonte si baut: mais ces avoués n'étaient attachés qu'aux églises et aux monastères, et l'on ne voit rien qui puisse éclairer sur les fonctions et P'état de ceux qui, dans les tribunaux, défendaient les causes des particuliers. Il y a lieu de croire qu'il y avait deux sortes d'avoués : les uns, personnages importants. chargés en temps de guerre, de commander les troupes des églises et des monastères, les autres, de veiller à leurs intérêts et de défendre leurs causes.

(7) V. le ch. 21, liv. II. (8) V. le ch. 37, liv. II.

eurent cependant une grande influence sur le droit des siècles suivants. Depuis HuguesCapet, la France était plongée dans une ignorance, une anarchie, une confusion universelle; toutes les lois écrites, même les capitulaires, étaient tombées dans l'oubli, et le clergé profitait de l'affaiblissement de l'autorité royale pour étendre l'influence des tribunaux ecclésiastiques: saint Louis, en publiant son code et en ordonnant que les baillis et sénéchaux fussent gradués, arrêta les progrès du désordre auquel Philippe-Auguste avait déjà cherché à opposer une digue; il fit un grand pas vers le bien, et son code fut comme un phare lumineux qui guida et assura la marche de ses suc

cesseurs.

Depuis saint Louis, les édits des rois prirent en général le nom d'ordonnance.

Philippe le Bel, en 1302, rendit sédentaire le parlement de Paris, qui jusque-là avait suivi le roi (1): il avait porté, en 1297, une ordonnance pour défendre les guerres privées tant que durerait la sienne; en 1305, il défendit pour toujours les duels en matière civile. Il publia une ordonnance contre l'usure. On croit que ce fut lui qui convoqua pour la première fois le tiers état, pour délibérer sur les affaires publiques à l'occasion d'une bulle d'interdiction que pape Boniface VIII avait lancée contre le royaume de France au milieu de ses démêlés avec le roi.

le

Louis X, dit le Hutin, rendit en 1305, une ordonnance générale pour l'affranchissement de tous les serfs qui dépendaient de la couronne.

Cette ordonnance fut renouvelée en 1318, par Philippe le Long: mais les possesseurs de grands fiefs ne suivaient pas l'exemple du roi; et l'on peut se faire une idée de l'état de barbarie où était plongée la France, en se rappelant qu'à cette époque, ainsi qu'il résulte de lettres du prince, on donnait le voile de la religion à des filles de huit ans et au-dessous (2), tandis que, plus de cinq siècles auparavant, Charlemagne avait défendu qu'elles pussent prendre le voile

avant d'être en âge de choisir un état. On ne sait pourquoi des historiens ont prétendu que Charles IV, dit le Bel, avait été sévère justicier en gardant le droit à un chacun (3). On ne peut citer en effet de lui aucun acte important de législation, si ce n'est la concession qu'il fit au pape des décimes que ses prédécesseurs avaient constamment refusé d'accorder. Cependant on vit sous son règne des magistrats distingués (4).

Philippe de Valois introduisit en 1330 la forme d'appel comme d'abus, dont les principes sont plus anciens que le nom, et dont l'effet a été de restreindre les bornes de la juridiction ecclésiastique: il rendit, le 10 avril 1344, une ordonnance qui incorporait les conseillers juges et les conseillers rapporteurs, dont, auparavant, les uns étaient tirés de la noblesse, et les autres de la classe des citoyens.

Les pairs de France, qui avaient paru dans leur plus grand éclat sous PhilippeAuguste, déclinèrent ensuite et s'éteignirent sous Charles VII.

Depuis cette époque, le conseil du roi fut appelé la Cour des Pairs, et le parlement de Paris a conservé cette dénomination jusqu'à la révolution. Quand le droit fut une science, les pairs cédèrent le siége à des officiers de justice choisis entre les praticiens. Le midi de la France avait adopté le droit romain: les provinces du Nord l'avaient repoussé; de là les statuts provinciaux appelés coutumes.

Le droit romain était enseigné dans les universités mêmes des pays coutumiers, et les coutumes s'en ressentaient.

Charles VII ordonna la rédaction officielle des coutumes, usages et styles de tous les pays du royaume; cela était devenu nécessaire par la confusion du droit romain et du droit coutumier.

On se rappelle que Louis XII avait ordonné qu'à l'avenir les baillis et sénéchaux seraient gradués, parce que la justice souffrait d'être exercée par des hommes de guerre qui n'avaient nulle idée de jurispru

(1) Il y a diverses opinions sur l'origine des parlements, et sur l'époque où ils ont été rendus sédentaires. Une ordonnance de 1294 établit que les voix s'y pesaient au lieu de s'y compter, et que les décisions y étaient portées ex consentium gravitate et meritis (Budæus in Pandectas).

Il est à remarquer que, vers l'an 1500, le roi Jean d'Angleterre avait rendu sédentaire à Westminster la

cour dite du Banc commun (aula regis), laquelle auparavant suivait la maison du roi. (V.Blackstone, chap. des Cours publiques.)

(2) V. Trésor des chartes, registre 55, pièce 190. (5) V. du Tillet.

(4) Pierre de Cugnières, avocat du roi, vivait notamment à cette époque.

:

dence mais comme les degrés qu'ils prenaient ne les rendaient pas plus savants, le chancelier de l'Hospital jugea qu'il serait plus avantageux de leur ôter l'administration de la justice, en ordonnant que les baillis et sénéchaux seraient tous de robe courte; cette disposition fut en conséquence insérée dans l'ordonnance de 1560, rendue à Orléans sous le règne de Charles IX (1). Avant cette époque, François Ier, dont le nom est si cher aux lettres françaises, justement indigné de la lenteur des instructions en matière criminelle, et des détours de la chicane, avait créé par son édit du mois de janvier 1522, un office de lieutenant criminel dans chaque bailliage, sénéchaussée, prévôté et siége royal de France (2); il avait réglé, par son édit de 1536, la juridiction des bailliages, sénéchaussées et autres justices inférieures, et, en 1539, il avait prescrit des mesures pour l'abréviation des procès (3): mais il introduisit en même temps en France la procédure secrète, inconnue jusqu'alors (4), et restreignit les moyens de défense des accusés (5); et si, par cette innovation fatale, qui s'est perpétuée jusqu'en 1790, et qui a été la

source de tant d'injustices, il fit cesser quelques abus légers, il les remplaça par un système monstrueux qui compromettait à chaque instant l'innocence.

Henri II avait aussi créé des présidiaux en 1551.

Une ordonnance publiée par Henri III en 1579, et connue sous le nom d'ordonnance de Blois, quoiqu'elle eût été rendue à Paris (6), contenait, entre autres choses, diverses dispositions pénales, ainsi que des règles sur l'instruction criminelle (7).

On voit dans les lettres patentes de ce prince quelle était son opinion au xvio siècle sur les éléments qui doivent concourir à la formation des assemblées appelées à voter les subsides; et ce fait historique me parait de nature à offrir aujourd'hui un véritable intérêt (8).

Les offices de lieutenant particulier, assesseur criminel, supprimés en 1588 (9), furent rétablis en 1596 par Henri IV, qui les jugea utiles au bien de son service, au soulagement de ses peuples et à la briève administration de la justice (10).

On cite de ce grand roi les actes d'amnistie qu'il publia en faveur des rebelles

(1) Les soins éclairés que l'illustre chancelier de l'Hospital donnait à la législation, étaient dignes d'une époque moins funeste.

(2) V. dans Fontanon, t. IV, p. 647, l'édit de 1522, enregistré le 18 avril 1525.

(3) V. ord. datée de Villers-Cotterets en 1559.

(4) Ainsi, pendant plusieurs siècles, la procédure criminelle avait été publique en France, comme elle l'était à Rome; et ceux qui, par un esprit de routine, se sont montrés si aveuglément attachés à la procédure secrète, ignoraient ou feignaient d'ignorer que ce mode de procéder était une innovation très-moderne, en la comparant aux institutions de l'ancienne monarchie.

(5) Cette ord. de 1539 fut rédigée par le chancelier Poyet, que Dumoulin qualifie d'impie à cette occasion, et qui ne tarda pas à être victime de la rigueur des formes qu'il avait introduites.

« Quelle dureté plus inique, disait Dumoulin en 1544, » que celle d'enlever même la défense à un accusé! » Mais la justice divine l'a fait retomber sur la tête de » son auteur. »>

Il paraît, au reste, que Dumoulin avait tort d'imputer au chancelier Poyet le peu de délai accordé à l'accnsé pour nommer ses témoins, et que cette disposition existait déjà dans l'ordonnance de 1536 publiée sous Antoine du Bourg.

(6) On la nomme ainsi, parce qu'elle fut rendue en conséquence des cahiers présentés par les députés des états assemblés à Blois en 1576.

(7) Cette ordonnance, suivant l'expression de M. Seguier, avocat général, était regardée comme une des grandes ordonnances du royaume. (V. le plaidoyer de ce magistrat sur un imprimé intitulé: Mémoire justificatif pour trois hommes condamnés à la roue.)

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Notre amé et féal, nous avons ci-devant ordonné la convention et assemblée des gens des trois états de nos pays et duché de Normandie, en notre ville de Rouen, au quinzième jour d'octobre prochain venant; mais à l'occasion de plusieurs choses qui importent le bien de notre service, nous avons avisé de la prolonger jusques au quinzième jour de novembre en suivant, dont nous avons bien voulu vous avertir pour dire que, suivant les lettres que nous vous avons écrites, vous faites assembler les gens des trois états de votre bailliage et leur ordonner, bien expressément, de par nous, que audit lieu et quinzième jour de novembre prochain, ils envoient jusques au nombre de sept personnes, assavoir un de l'état de l'Église, un homme noble et les cinq autres de l'état commun qui soient élus un pour chaque vicomté respectivement, de votre bailliage, ce que nous voulons être fait en icelles vicomtés en la présence des élus sous la juridiction desquels la plupart des habitants desdites vicomtés seront contribuables, qui soient gens payant et contribuables actuellement à nosdites tailles et impôts, garnis de pouvoir suffisant de la part desdits états, et qu'aucun desdits délégués, soit de l'état de l'Église, de la noblesse ou de l'état commun ne soient de nos officiers ni de leurs lieutenants commis et substituts, avocats ni gens de pratique en aucune manière, ainsi que plus amplement il vous a été ordonné aux précédents états, et gardez qu'il n'y ait faute.

Donné à Pougue, le 9 septembre 1584.

N. B. Ces lettres patentes ont été adressées à tous les baillis de Normandie.

(9) Fontanon, t. IV, p. 648.

(10) Ibid., p. 648, 649, 650, 651, 860, etc.

après avoir conquis son royaume, et qui sont des monuments éternels de clémence et de magnanimité (1); on cite aussi le fameux édit de Nantes, si digne de scn génie et de sa haute politique (2). Regrettons que ce roi, dont le nom seul est un éloge, n'ait pu s'occuper assez de législation; ses ordonmances auraient porté l'empreinte de son âme.

Peut-on douter qu'il eût fait des lois sages, utiles et justes, celui qui proclama la tolérance des opinions religieuses (3)?.... Peut-on craindre qu'il eût méconnu les droits de l'humanité, celui qui mérita si bien d'avoir Sully pour ami et pour ministre, et qui voulait que, dans ses États, chaque citoyen jouît d'une honnête aisance? Mais il ne fit qu'apparaître sur le trône pour prendre la première place parmi les meilleurs rois; il ne se montra à son peuple que pour lui faire entrevoir le bonheur. A peine la France peut-elle réclamer l'honneur d'avoir produit Henri; elle donna le jour en même temps au monstre qui l'assassina! La vie et la mort de ce grand prince feraient croire à la fatalité..... Conservé par une espèce de prodige au milieu du massacre de la Saint-Barthélemy, il ne put échapper, trente-sept ans après, au même poignard qui, dans ce jour affreux, s'était émoussé sur son cœur!

On ne cite de Louis XIII qu'une ordonnance publiée en 1640, sur les mariages clandestins et sur le rapt; mais ce règne si agité n'en eut pas moins une influence bien remarquable sur les destinées de la France et sur la législation, par l'heureuse persévérance avec laquelle le cardinal de Richelieu ne cessa de combattre et parvint à anéantir la puissance des grands vassaux, dont les prétentions, souvent dangereuses pour l'autorité royale, et toujours funestes au peuple, avaient tant de fois troublé l'Etat, et s'opposaient constamment à l'amélioration des lois et à leur action uni

(1). dans Fontanon, t. IV, les actes d'amnistie de 1595 et 1594. depuis la p. 732 jusqu'à la p. 838. (2) Edit de Nantes, publié en 1598, en faveur des protestants, sur le libre exercice de la religion réformée.

(3) On ne peut s'empêcher de remarquer que, dans le xixe siècle, l'Europe, qui s'enorgueillit tant de sa civilisation, reçoit encore des leçons de tolérance de la part de l'empereur de la Chine, et je ne puis résister au plaisir de citer cette phrase de ce souverain: « Il n'est qu'un Dieu, et ce Dieu ne s'offense pas de la diversité >> des noms qu'on lui donne.» (Monit. du 3 février 1816.) Cette pensée sert de motifs à la décision de l'empereur,

forme. Louis XIII, ou du moins son ministre, prépara les merveilles du règne suivant.

TROISIÈME ÉPOQUE.

Louis XIV paraît de grands travaux l'avaient précédé; il en recueille les fruits et sait les multiplier. Né à une époque glorieuse pour la nation, il eut la gloire personnelle d'être à la hauteur de son siècle, et d'adopter, pour ainsi dire, tous les grands hommes dont il fut entouré. Les entreprises et les opérations militaires qui occupèrent continuellement son règne avec des chances si longtemps heureuses, ne nuisirent point aux travaux moins brillants de la législation. Si de nombreux faits d'armes illustrèrent cette période, les travaux de quelques hommes d'État ne contribuèrent pas moins à la rendre célèbre; les règlements, publiés par Louis XIV sur les diverses branches de l'administration publique, forment une grande et mémorable époque dans les fastes de l'histoire de France (4).

Ses ordonnances sur la procédure civile (1667), sur les eaux et forêts (1669), sur la marine (1681), sont spécialement remarquables par l'esprit de méthode, de sagesse et de prévoyance, qui les a inspirées. L'ordonnance sur la procédure criminelle est bien loin, il est vrai, de mériter les mêmes éloges (1670): mais, si l'on est pénétré de douleur en voyant que, dans ce siècle de lumières, appelé le grand siècle à si bon droit sous tant d'autres rapports, une dangereuse et funeste routine soit parvenue à étouffer les nobles réclamations de tant d'écrivains en faveur de l'humanité; si l'on gémit de voir les précautions barbares accumulées dans ce code de procédure criminelle pour priver l'innocence, injustement accusée, de tout moyen de défense, de tout secours contre l'oppression, contre l'impéritie, contre la passion des juges, on est consolé du moins lorsqu'en parcourant

rendue sur le rapport de son tribunal des rites, par laquelle il abroge les sentences précédemment portées contre les jésuites, et notamment l'édit du 11 janv. 1724. (4) V. l'ord. civile; l'ord. sur les évocations et committimus; l'ord. des eaux et fôrets; l'ord. criminelle; l'ord. sur la juridiction des prévôts, etc.; l'ord, du commerce; l'ord. des gabelles; l'ord. de la marine ; l'ord. dite Code noir, relative aux nègres d'Amérique et d'Afrique; l'ord. sur les grosses ferines; l'ord. sur la juridiction ecclésiastique. Parmi les grands monuments de la législation de ce règne, on doit citer aussi les Lois civiles de Domat, quoique ce soit l'ouvrage d'un simple particulier.

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