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LETTRE CRITIQUE

SUR

L'OUVRAGE PRÉCÉDENT,

ADRESSÉE À L'AUTEUR

PAR LE COMTE

JOSEPH DE MAISTRI.

AVERTISSEMENT.

Lorsque le Projet d'une académie asiatique parût imprimé, les idées qu'il renfermait, entrées depuis dans le domaine commun des hommes éclairés de l'Europe, étaient prodigieusement neuves; à peine deux ou trois hommes en Allemagne, sur les traces de Herder et avec l'aide des Indianistes anglais, avaient-ils abordé la synthèse de la civilisation orientale. Ces idées frappèrent le comte Joseph de Maistre, l'auteur des Soirées de Pétersbourg, alors ministre de Sardaigne en Russie, mais qui n'avait pas encore publié les grands ouvrages qui ont donné tant de retentissement à son nom. Il ne tarda pas à adresser à l'auteur du Projet une lettre détaillée et qui porte la double empreinte de l'autorité de l'âge et des idées positives, aboutissant en certains endroits à une critique quelque peu magistrale et sévère, et en même temps de l'intérêt affectueux que portait le comte de Maistre au jeune écri

vain dont le premier essai venait à peine de paraître au jour. Nous donnons cette lettre comme un complément précieux de l'ouvrage. Il ne sera pas superflu d'ajouter que ce même écrit, bien qu'imprimé seulement à cent exemplaires, fixa un moment l'attention de Napoléon qui demanda un rapport sur l'ouvrage. Le rapport fut fait d'une manière très favorable par feu Langlès de l'Institut. Nous en transcrirons le passage suivant. «Sous ce titre bien simple, «le trop modeste auteur a caché une immense érudition et des <«< aperçus aussi vastes que justes. Tous les hommes de lettres, les <«< orientalistes surtout, doivent désirer ardemment de voir exécuter «ce beau projet dans la ville de l'Europe la plus avantageusement << située pour le succès d'un pareil établissement. Il m'est doux d'a<«<voir l'occasion de répéter l'opinion que j'en énonçai, et les voeux «que je formai quand la classe d'histoire et de littérature ancienne «de l'Institut me chargea de lui rendre compte de cet ouvrage, de <«<lui faire connaître les vues neuves et la belle classification qu'il « renferme.» Sans les événements qui détruisirent hâtivement la puissance du Dominateur de l'Europe, l'idée grandiose et en quelque façon romanesque d'une vaste institution orientale au centre de l'Europe aurait peut-être obtenu en France un degré quelconque de réalisation, ne fût-ce que par l'antagonisme intellectuel qu'elle avait l'air d'opposer aux conquêtes morales de l'Angleterre.

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