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» noncée, qu'ils sachent bien que nous formons une autre milice, » que nous avons un autre esprit, d'autres mœurs. » C'est précisément dans cette vue que nous recommandons une étude approfondie de la religion, et que nous nous sommes plaint de l'usage si‹éplorable d'attendre que les elèves soient officiellement en philosophie, pour les prémunir d'une manière sérieuse contre l'incrédulitė '. Par la même raison, nous insistons sur la nécessité d'introduire parmi les livres classiques, les Pères de l'Église, et de donner à toutes les branches de notre enseignement une direction éminem ment ecclésiastique.,Régénérer le monde par la piété et la science (l'une et l'autre sont inséparables), voilà la mission du prêtre dans les jours où nous vivons. Tel est aussi le but que nous voulons atteindre.

Il nous est venu d'autre part une objection toute contraire.

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Une des principales réformes qu'exigeaient nas études, c'était d'en » abréger le cours. Qu'était-il besoin de suivre les routes battues! > ne pouvez-vous quitter une voie contre laquelle se sont, depuis long-tems, élevées d'unanimes réclamations? »

Cette objection, je croyais l'avoir prévenue dès le commencement du second article. Sept années! le tems pourrait paraître long, j'en conviens, si nous nous bornions au mécanisme comme aux élémens des langues. Mais qu'on veuille bien se rappeler que notre tâche est plus vaste. Nous voulons former des hommes, des chrétiens, des prêtres. Aussi, dans notre éducation, les langues ne sont guère qu'un accessoire, en ce sens que ce qui doit se retenir et durer, c'est moins le grec ou le latin, que bien penser, bien parler et bien vivre. Ces trois mots résument notre plan tout entier : nous donnerons donc une des premières places à l'étude approfondie de la religion, puis à l'histoire et à la littérature des Pères, malgré leurs défauts de goût et de style. Toutes ces connaissances, je l'avoue, un enfant un peu capable, un peu laborieux les acquerrait en moins de sept années, mais nous n'avons point tracé le plan d'une éducation particulière, nous n'avons pas dû supposer un maître constamment occupé d'un

1 Numéro d'avril, tom. 11, pag. 236.

seul élève dont il suit et active les succès. Nos cours, au contraire, ne sont-ils pas souvent peuplés de sujets médiocres? Il faut savoir régler sa marche sur la lenteur de leurs progrès, si nous voulons rendre nos leçons fructueuses pour tous. A cet âge, il y a peu de réflexion, peu d'amour du travail; il nous paraît difficile d'étudier vite avec des enfaus sans courir le danger de tout effleurer imparfaitement. On nous reproche « de n'avoir pas dissipé les préventions, trop répandues dans le monde, contre les écrits des saints Pères.

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» On aurait voulu, avant de donner la nomenclature des mor» ceaux choisis, que nous eussions justifié de nouveau la nécessité » de cette étude dans les petits séminaires, et la distribution que > nous en avons faite depuis la troisième. »

Au reproche de mauvais goût et d'incorrection, nous croyons avoir suffisamment répondu dans nos considérations préliminaires'. Ce n'est point comme modèles en ce genre que nous les offrirons: on nous permettra donc de n'y pas revenir.

Quant à la nécessité de cette étude pour les petits séminaires, nous ne pensions pas qu'elle eût besoin de preuves. Dans le prêtre, nous ne voulons pas seulement une entière soumission à la foi chrétienne, mais une vive sympathie, une conviction profonde qui tienne de l'enthousiasme. Un jour il doit annoncer la vérité aux peuples : Qu'une foi ardente vive dans son cœur ! Qu'il comprenne bien que dans la religion, tout est grand et élevé, qu'elle seule inspire les nobles pensées, elle seule échauffe le cœur, elle seule parle une parole vivifiante! Qu'il connaisse donc de bonne heure toute la supériorité littéraire du Christianisme! C'est un temple dont la littérature des anciens ne doit être que le vestibule. Cette supériorité, il ne la sentira bien qu'en étudiant les auteurs chrétiens. Qui ne se sent comme éclairé d'un rayon d'en haut, en présence de ces hommes de génie et de vertu que la foi catholique a donnés à la terre ? Il est tems, enfin, que l'enseignement de nos écoles cesse d'être tout païen. Pour le lévite, cet enseignement ne serait-il pas un monstrueux contresens! et faut-il s'étonner que, trop souvent, son cœur soit de glace et presque inaccessible à la piété, quand son imagination a été

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farcie et blasée par toutes les fables du paganisme? Sans doute, et nous l'avons dit hautement, il est loin de notre pensée de répudier les auteurs profanes; mais d'où vient cette espèce de culte, qui les a exclusivement placés jusqu'ici dans les mains de la jeunesse ? Oh! qui me délivrera des Grecs et des Romains? m'écrierai-je avec le poètePourquoi n'aurais je d'admiration que pour cette littérature, brillante, sans doute, mais d'ailleurs vide et sans vie; cette littérature qui parle à l'esprit et aux sens, presque jamais au cœur. Rien d'intime chez les anciens: la vie intérieure, la poésie contemplative leur étaient inconnues; le sentiment leur manquait. Chez les Pères, au contraire, tout est vrai, tout est neuf et vivement senti. Et qu'on n'affecte pas de s'y méprendre : ce que j'admire le plus en eux, ce ne sont point des rhéteurs, de vains artisans de paroles; ce n'est point la symétrie cadencée des périodes, le talent de choisir et d'arranger des mots; mais c'est le Christianisme, cette sève intérieure et vivifiante qui abonde en leurs discours; c'est la hauteur de leur doctrine qui élève le langage humain jusqu'à elle : c'est la vertu d'une croix de bois, plantée par un pauvre pêcheur dans un coin obscur de la ville des Césars, et qui bientôt dominera le Capitole, et fera tomber le monde entier à ses pieds. Leur voix est sans art, je le veux; mais quelle plus haute leçon pourrait être donnée à la jeunesse chrétienne? qui lui apprendra mieux que l'éloquence n'est point un art, mais un don de Dieu, et que tous les préceptes dont notre enseignement est rempli, tous ces soins donnés à polir la forme, à parer le langage, ne sont rien sans la pensée qui en fait le fond, sans le sentiment qui en est l'âme, et qui, seul après Dieu, donne l'éloquence à a parole de l'homme.

Serait-ce à dire, toutefois, que d'incultes accens aient seuls retenti dans l'Église chrétienne, et que le charme d'une élocution harmonieuse et vraiment cicéronienne ait été refusé à l'enseignement évangélique? Non, certes, et pendant que la langue de Démosthènes, dégradée par des sophistes et des rhéteurs, se perd en vains sons dans la chaire de Libanius, les apôtres de la loi nouvelle empruntent, pour convaincre les peuples, aux lettres profanes leurs plus magnifiques

ornemens, au talent oratoire toutes ses inspirations. Nommer les Chrysostome, les Basile et les Grégoire de Nazianze, n'est-ce point répondre victorieusement à d'aussi injustes préventions?

Que si l'on nous demande pourquoi nous introduisons les Pères dès la troisième, nous répondrons qu'il ne suffit pas d'imprimer une couleur religieuse aux dernières études. On ne saurait trop tôt montrer aux élèves toutes les richesses du Christianisme, et tout le parti qu'ils en peuvent tirer. Ainsi, dès le principe, les objets de mémoire, les explications ou développemens du professeur, les leçons d'histoire et jusqu'aux dictées de thêmes et compositions françaises, tout doit tendre vers cet unique but, la foi et la piété. Il faut qu'on me passe cette expression, l'inculquer aux enfans par tous les pores. Où trouvera-t-on plus de foi et plus de piété que dans les écrits des Pères? D'ailleurs, nous l'avons dit, en troisième, l'élève a complété ses études grammaticales. Il s'agit déja d'éveiller l'imagination, non plus d'une manière vague et superficielle, mais en lui mettant entre les mains des modèles pleins de chaleur et de vérité. Or, je le demande, qui remplira mieux ce dessein que la littérature chrétienne '?

Le choix des livres classiques a soulevé aussi quelques difficultés.

On nous trouve trop sévère, d'avoir rejeté le De viris illustribus de Lhomond. Je ne conteste pas l'intérêt qu'inspirent aux enfans ces biographies courtes, d'une intelligence facile, et d'autres composées presque entièrement de lambeaux empruntés à Aurélius Victor. Aussi n'insisterai je pas pour qu'on le retire des mains des Septièmes.

On a trouvé mauvais que nous conseillions aux Sixièmes les colloques d'Erasme. Qu'on se rassure: nous n'avons pas voulu parler de la collection de ses dialogues, composés pour les fils du célèbre

'Je saisirai ici l'occasion de faire observer, qu'en indiquant des fragmens de longue haleine dans les Pères, je ne prétends point conseiller de les traduire en entier d'un bout à l'autre. Ce sera au maître de faire le choix de ce qui lui paraîtra plus saillant ou mieux approprié aux besoins de ses disciples. Nous avons eu moins encore la prétention d'épuiser la liste des beaux morceaux dont les écrits des SS. Pères sont remplis.

Frobben, son ami; mais bien d'un excellent choix fait par les Jésuites pour leurs colléges, et compris dans les classiques publiés par Delalain. Comment a-t-on pu supposer qu'un supérieur de séminaire serait assez coupable pour mettre dans les mains de la jeunesse un livre qui respire la licence et l'impiété ?

On aurait encore voulu que «< nous réservassions une place plus ample aux sciences exactes. »>

Nous nous sommes bornés à l'arithmétique, parce que l'arithmé tique seule est indispensable à tout le monde. L'algèbre, la géométrie, la sphère et l'astronomie auront leur part, et viendront dans leur tems. Ces études exigent une prédisposition spéciale, un goût trop prononcé pour qu'on y applique chaque élève indifféremment. Elles récla ment d'ailleurs une constance trop rigoureuse; elles préoccupent trop exclusivement l'esprit, pour s'allier à l'étude des lettres, sans craindre de refroidir et trop souvent de pétrifier l'imagination. J'ai donc dù les éloigner de nos premières années d'enseignement. Il en sera de même des sciences naturelles. Nous leur réservons plus tard une place suffisante. Nous n'ignorons pas tout le parti qu'on peut tirer de la physique et de la géologie en faveur de la religion.

Nous réparerons cependant ici une omission grave. Nous ne voulons pas que nos élèves quittent le Petit Séminaire, sans y avoir trouvé une connaissance complète des élémens de l'histoire naturelle. Ce sera une introduction indispensable à la physique : puis elle marchera de pair avec la botanique. Il ne sera pas sans intérêt pour les élèves, de comparer le règne animal avec le règne végétal, et d'admirer la sagesse de Dieu et sa providence tour à tour sur les animaux, les plantes et les minéraux.

Toutefois c'est peut-être ici le lieu de constater un fait : c'est que nos écoles doivent tendre au développement libre de toutes les facultés morales et intellectuelles. Il est des élèves qui peuvent et veulent plus ou autre chose que d'autres. Le maître est destiné à aider les dispositions naturelles, à éveiller, puis diriger les goûts de l'enfant, à éloigner les obstacles et applanir toutes les difficultés. Seulement qu'il se garde de l'accabler sous le poids de connaissances mal digérées ou incomplètes.

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