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nastère de Saint-Eusèbe, ordre des Célestins. Adam Rot, clerc du diocèse de Metz, exerça dans la même ville son art, depuis 1471 jusqu'à 1475, et on prétend qu'il introduisit dans l'imprimerie l'usage des diphtongues. A cette époque on comptait encore à Rome une vingtaine d'autres imprimeurs.`

Cette quantité d'imprimeries, établies à Rome en si peu d'années, prouve combien les arts y étaient favorisés à l'époque de la renaissance des lettres, et fait le plus bel éloge des papes de ce temps-là, qui n'avaient pas pour système, ainsi que certains obscurans, prétendus hommes d'état de nos jours, de regarder les lumières comme dangereuses et ennemies du bonheur des peuples. Aussi la faveur accordée aux imprimeurs par le gouvernement pontifical les piquait tous d'une noble émulation pour se surpasser les uns les autres, soit par la beauté, la rondeur de leurs types, soit par la bonté, la blancheur, la force et le carré de leur papier, soit enfin par le choix, le savoir et le mérite des correcteurs et des éditeurs. La même émulation régnait parmi les gens de lettres leurs contemporains, leurs amis, leurs protes, qui revoyaient, collationnaient, épuraient, interprétaient les manuscrits des auteurs grecs et latins, et leur rendaient en quelque sorte la vie. Aussi on est étonné de la quantité d'auteurs anciens imprimés à Rome dans le quinzième siècle, et exhumés de la poussière des bibliothèques pour reparaître au grand jour, faire l'admiration des temps modernes, comme ils l'avaient faite de l'antiquité. Ces premières impressions font encore l'ornement des bibliothèques de Rome, et celle du Vatican en est remplie. Le minime Laire en a donné l'histoire dans son Specimen historicum typographic romance XV sæculi, ouvrage imprimé à Romé en 1778.

ét

Venise, ville que son commerce rendait alors très-florissante, ne tarda pas non plus à voir cette belle découverte se propager dans ses murs, et, en 1469, Jean de Spire y imprimait Pline le naturaliste, in-fol. à longues lignes, de 750 pages; édition magnifique par la netteté, la rondeur,

l'égalité des types et par la beauté du papier; très-rare, puisqu'il n'en a été tiré que cent exemplaires. Plusieurs bibliothèques royales de Paris possèdent cette précieuse édition. Il publia aussi dans la même année les Epitres familières de Cicéron, en mêmes caractères et en même nombre d'exemplaires. Il avait commencé à imprimer la Cité de Dieu de saint Augustin lorsque la mort le surprit. Vindelin, son frère, l'acheva en 1470, et il publia la même année les OEuvres de Virgile.

Nicolas Jenson, Français d'origine, instruit à l'école de Faust et de Schoeffer, enrichit également Venise de ses talens typographiques. Il y imprimait, en 1470, les Épitres de Cicéron, d'après l'édition de Jean de Spire, et, en 1471, le Decor puellarum. Peu d'hommes ont acquis et mérité autant de réputation que Jenson dans toutes les parties de la typographie.

En 1476, Aldus Pius Manutius, chef de l'illustre famille des Manuce, qui s'est tant distinguée par ses belles éditions, florissait également à Venise et y publiait le Doctrinale puerorum, ouvrage de grammaire d'un franciscain du treizième siècle. Une société d'imprimeurs allemands y publiait aussi l'histoire d'Appius d'Alexandrie, édition à longues lignes, en lettres rondes de la plus grande beauté.

Bientôt Rome et Venise eurent pour émules la plupart des autres villes de l'Italie, telles que Bologne, Milan, Mantoue, Florence, Vicence, Parme, Padoue, Sienne, Udine, etc. Et peu a de temps après ce bel art se répandit à Tolède, à Séville, à Barcelone, à Grenade, à Madrid, à Ausbourg et dans plusieurs autres grandes villes d'Allemagne, de France, d'Angleterre, des Pays-Bas, etc.

Ce fut un archevêque de Cantorbéry, chef de l'université d'Oxford, qui conçut, dit-on, en 1459, le projet de l'établir dans la Grande-Bretagne; et, pour l'exécution de ce généreux dessein, il consacra 300 marcs d'argent pris sur ses propres

deniers, auxquels le roi d'Angleterre ajouta 1200 autres marcs. Robert Caxton, négociant de Londres, fut chargé de se transporter à Harlem, et d'y débaucher quelques ouvriers de Coster, à l'effet de les attirer en Angleterre pour cet objet. L'exécution de ce projet n'était pas facile, parce que les magistrats de Harlem, jaloux de posséder exclusivement une aussi belle invention, exerçaient la plus active surveillance pour empêcher les ouvriers de Coster d'avoir aucune communication avec les étrangers, qui pourraient vouloir surprendre le secret de l'imprimerie. Néanmoins il fut assez adroit pour engager Frédéric Corseille, ouvrier de Coster, à se rendre avec lui en Angleterre, après lui avoir fait la promesse d'une fortune considérable. Corseille avait d'abord refusé de travailler, soit parce qu'on n'avait pas rempli les conventions stipulées avec lui, soit par tout autre motif, et on fut obligé de lui donner des gardes et de le faire conduire à Oxford, où il devint moins rétif. Toutefois le premier ouvrage imprimé dans cette ville, sans nom d'imprimeur, mais probablement sous sa direction, porte la date de 1467; il a pour titre : Divi Hyeronimi expositio in simbolum.

Mais Midleton, dans une dissertation qu'il a fait imprimer sur l'origine et les progrès de l'imprimerie en Angleterre, regarde comme fabuleux tout ce qu'on a dit sur Corseille, et prétend que l'imprimerie n'a pas existé dans la GrandeBretagne avant 1477. Il soutient que Caxton, après avoir parcouru l'Allemagne pendant trente ans, y apprit l'état d'imprimeur, et qu'il revint ensuite dans sa patrie, où il établit, à Wesmeinster, la première imprimerie qui ait été connue en Angleterre, et que le premier ouvrage sorti de ses presses était le Recueil des histoires de Troye; que le comte d'Arondel lui fournit tous les secours dont il pouvait avoin besoin, et qu'il lui assura même une rente qui consistait dans l'envoi d'un cerf en été et d'une biche en hiver. Quoi qu'il en soit de ce système, il paraît toujours certain que l'imprimerie remonte à une date assez éloignée en Angleterre, et que dans

Martin Crantz, Ulric Gering et Michel Friburger, auxquels il donna un local dans la maison de Sorbonne. Gering était né à Constance, et les deux autres à Colmar. Les premières productions qui sortirent de leurs presses furent les Epitres de Gasparini, de Pergamme, littérateur du 15e siècle. Ces épîtres avaient été revues et rétablies dans leur pureté primitive par Jean de La Pierre. Ils donnèrent ensuite les Epitres cyniques de Cratès le philosophe; les six livres des Elégances de la langue latine de Laurent Valla; les Institutions oratoires de Quintilien, dont La Pierre fut aussi l'éditeur ; le Speculum vitæ humanæ de Rodrigue de Zamora, etc.

Tous ces livres sont imprimés de mêmes lettres fondues dans les mêmes matrices. C'est un caractère rond de gros romain. Comme l'impression ne faisait que de naître à Paris, et que ces premiers livres sont comme des essais de l'art, il se trouve dans quelques-uns des lettres à demi-formées et des mots à moitié imprimés qu'on a achevés avec la main. Il y a même quelques épîtres imprimées dont l'inscription n'est que manuscrite. Il n'y a point de lettres capitales. Les premières lettres des livres et des chapitres sont omises; on y a laissé de la place pour y peindre une première lettre en or ou en azur. Il y a plusieurs mots abrégés: toutes les anciennes édi

tions ont ce défaut.

Le papier n'est pas bien blanc; mais il est fort et bien collé. L'encre est d'un beau noir. Ces premières éditions offrent quelques lignes en lettres rouges, Elles sont sans titre, sans chiffre et sans signature; il y a quelques ouvrages qui commencent par le folio verso.

La Pierre avait été secondé dans son projet de l'établissement de l'imprimerie à Paris par Fischet, recteur de l'université de cette ville et docteur de Sorbonne, auquels se joignit ensuite Robert Gaguin, général des Trinitaires et bibliothécaire royal, et tous trois travaillèrent de concert à faire revivre en France, par le moyen de l'imprimerie, les sciences et les lettres ensevelies sous les décombres de la barbarie féodale.

Les trois allemands formèrent des élèves, et bientôt on compla dans Paris seul plus de quarante imprimeurs, qui multipliaient à l'envi les copies des manuscrits avec une rapidité étonnante. Peu de temps après des colonies d'imprimeurs s'établirent dans les principales villes de France; et partout on vit fleurir les lettres; on vit même dans le 16e siècle des prodiges d'érudition nourris à l'école des auteurs anciens, et dont l'immensité du savoir étonne encore actuellement. Et c'est à ces savans que nous devons une éternelle reconnaissance pour s'être enfoncés dans la mine et en avoir extrait les trésors que nous ne faisons plus que polir et mettre en œuvre aujourd'hui. Ulric Gering, resté seul de ses trois associés, après avoir exercé l'imprimerie pendant quarante ans à Paris, eut donc la satisfaction de voir ce bel art, qu'il avait apporté d'Allemagne, parfaitement établi et pratiqué par un grand nombre de ses élèves. Il fut de son vivant le bienfaiteur du collége de Sorbonne et de celui de Montaigu, et leur fit des legs considérables à sa mort, qui arriva le 23 août 1510.

CHAPITRE XIII.

Tableau chronologique de l'établissement de l'imprimerie dans différentes villes de l'Europe pendant le 15° siècle.

1457. MAYENCE, Psalmorum codex, imp. Joan. Fust et Petrus Schoeffer.

1461. BAMBERG, Recueil de fables, en allemand, in-fol. imp. Albert P. Pfister.

1465. SUBBIACO, Lactantii opera, in-4, imp. Conradus Sweynheim et Arnoldus Pannartz.

1467. ROME, Ciceronis epistolae familiares, in-4, les mêmes imprimeurs.

1467. ELTVIL, Vocabularium ex quo, in-4, imp. Henri et Nic. Bechtermuntze.

Les caractères de ce livre sont les mêmes que ceux employés par Guttenberg dans l'édition du Catholicon de 1460.

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