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plain-chant, écrit de même par une religieuse, et une bible allemande du 15° siècle, écrite sur vélin et ornée de belles miniatures, laquelle est estimée 100 ducats. En Bavière, celle de Munich contient le livre des évangiles sur papier violet, avec des lettres d'or au commencement, et d'argent à la fin; un missel en trois volumes in-fol. du plus grand format, avec des ornemens et des miniatures bien conservés ; un beau Virgile très-ancien, avec des miniatures, et un manuscrit sur papyrus. La bibliothèque d'Ingolstadt offre un des plus beaux manuscrits du 10° siècle; c'est celui des lois bavaroises. Ratisbonne, Salzbourg, Windberg, Nuremberg, Bamberg, Mayence, etc., présentent également plusieurs manuscrits précieux. Enfin c'est des bibliothèques d'Allemagne que, lors de l'invention de l'imprimerie, on tira une partie des manuscrits d'auteurs anciens qui furent alors livrés à l'impression, et c'est près de Spire qu'Erasme découvrit les commentaires d'Arnobe sur les psaumes et le Senecæ ludus: c'est dans la même contrée que Jean Suichard trouva le Code theodosien, et Simon Gryneus les cinq derniers livres de TiteLive; et c'est encore de l'Alemagne que le Pogge, Florentin, apporta le manuscrit des livres de Cicéron intitulés De Finibus et Legibus, qu'il fit imprimer en Italie pour la première fois.

La Bohème et la Prusse possèdent aussi une certaine quantité de manuscrits. L'université de Prague seule en compte environ huit mille, et dont plusieurs sont très-anciens et très-précieux. La bibliothèque de Berlin, fondée par Frédéric-Guillaume, électeur de Brandebourg, est riche des manuscrits du savant Spanheim; ils sont la plupart du huitième siècle, avec des reliures couvertes de lames d'or, d'argent et de pierreries.

Plusieurs villes des Pays-Bas offrent pareillement des manuscrits anciens et précieux. L'université de Louvain, entre autres, possède une belle bible qui lui fut donnée par le cardinal Bessarion en reconnaissance de la bonne reception

qu'il y reçut; et celle de Leyde a été dotée par plusieurs savans d'un grand nombre de manuscrits grecs.

Le Nord, quoique bien moins riche que le Midi en manuscrits, en compte encore d'assez précieux. En Pologne la bibliothèque de Cracovie en a près de quatre mille. On voit à Varsovie les trois Evangiles de saint Matthieu, saint Marc et de saint Luc, sur vélin, avec miniatures, et des lettres en or et en argent dans le texte; un autre livre d'évangiles, sur vélin, avec des dessins, des lettres dorées, et ayant environ six cents ans d'antiquité; un bréviaire de Strasbourg du 12° siècle; un missel romain du 10°, etc. En Danemarck la bibliothèque royale de Copenhague en renferme environ trois mille, parmi lesquels on distingue un Tite-Live du 10° siècle; celle de l'université de la même ville en contient deux mille, au nombre desquels on en trouve beaucoup d'islandais, et une collection de chartes et de diplômes en caractères runiques. En Suède, la bibliothèque royale de Stockolm, fondée par la reine Christine, offre une des premières copies de l'Alcoran, la Bible du Diable, ainsi nommée, parce que sa figure la termine; le Codex giganteus; dont le nom dérive de son excessive grandeur, et écrit sur vélin de peau d'âne; le Codex aureus evangeliorum, ainsi appelé de la multitude de lettres en or qu'il présente, et dont les feuilles sont de couleur pourpre, avec les lettres capitales en noir, etc. Enfin la Russie, dont la civilisation ne remonte qu'à un siècle, en possède encore un assez grand nombre, et surtout des manuscrits asiatiques trouvés en 1721 au milieu des Kalmoucks. Plusieurs seigneurs de cet empire, épris de la noble passion des livres, s'attachent aujourd'hui à recueillir toutes les raretés qu'ils peuvent trouver. Le prince Galitzain est l'amateur qui possède le plus riche cabinet en manuscrits et en ouvrages imprimés sur vélin. Il rivalise avec plusieurs lords anglais pour ce genre honorable de luxe, et il est peu de particuliers en Europe qui aient une aussi riche collection que la sienne.

CHAPITRE IX.

De l'origine de l'imprimerie.

L'ART de l'écriture, ce présent divin qui a tiré la société de la barbarie, et l'a élevée à un haut degré de civilisation était loin de suffire aux besoins du génie de l'homme; elle ne pouvait multiplier que faiblement ses créations, et n'était point suffisante pour les sauver de cette destruction lente à laquelle tous les êtres de la nature semblent être soumis. Combien d'inventions utiles, d'ouvrages excellens ne sont pas venus jusqu'à nous parce qu'il n'existait pas de moyens assez puissans pour les garantir de l'édacité si destructive du temps. Il fallait donc un art plus merveilleux encore que celui de l'écriture, un art qui pût mettre en communication les savans d'un bout de l'univers à l'autre, qui pût propager les productions du génie, et les mettre à l'abri de toutes les causes et révolutions susceptibles d'en opérer l'anéantisse

ment.

Cet art nouveau fut trouvé, et la nature enfanta un génie assez profond pour gratifier le monde du plus grand des bienfaits. L'imprimerie fut donc découverte, et avec elle la civilisation marcha à grands pas; avec elle les arts et les sciences firent des progrès immenses, et ses heureux fruits se propagèrent d'un pôle à l'autre. L'instruction devint plus populaire; elle ne fut plus le patrimoine exclusif de la richesse; elle fut accessible à toutes les fortunes. Que de savans cette heureuse découverte a fait éclore dans toutes les parties du globe; que de superstitions et de préjugés elle a bannis de la surface de la terre! Si le monstre hideux du fanatisme semble encore respirer dans quelques contrées où il s'est réfugié à l'aspect des nouvelles lumières dont il ne peut plus supporter la présence, toutefois le nombre de ses victimes diminue journellement; il est blessé à il est blessé à mort, et les signes de vie qu'il donne ne sont plus que les dernières convulsions

de l'agonie. Gloire immortelle à celui qui a inventé l'art divin de l'imprimerie ; il a été un des plus grands bienfaiteurs de l'humanité.

Sept villes de la Grèce se disputèrent jadis l'honneur d'avoir donné le jour à Homère, un plus grand nombre a prétendu avoir été le berceau de l'impression. Harlem, Leyde, Venise, Rome, Dordrecht, Bologne, Ausbourg, Nuremberg, Bâle, Lubeck, Strasbourg et Mayence ont produit leurs titres à la gloire de cette invention. La dernière de ces villes est la seule qui a justifié qu'elle y avait droit, ou dont les prétentions sont appuyées sur les meilleures

autorités.

Après Mayence, Harlem et Strasbourg sont les villes qui paraissent le mieux justifier leurs prétentions. Adrien Junius, Baxford, Ellis, Marc Boxhorn, Gérard Meerman, Pierre de Bert, Pierre Scriverius, Gaspard Barlée, etc., se sont escrimés pour attribuer l'invention de l'imprimerie à Laurent Coster de Harlem; et cette cité, avide d'accueillir et de propager cette opinion, a fait placer sur la porte de la maison où il demeurait quatre vers de Scriverius, dans lesquels on ose dire que nier que Coster soit l'inventeur de l'imprimerie c'est comme si on niait l'existence de Dieu même. Cette orgueilleuse prétention repose sur une espèce de conte fait par le médecin hollandais Junius, et consigné dans son histoire de Hollande, publiée en 1588, quinze ans après sa mort.

Junius y annonce qu'il a entendu dire par un relieur de livres octogénaire, nommé Corneille, que le marguillier Laurent Corter, se promenant dans un bois près de la ville de Harlem, s'amusa à tailler des lettres en relief sur un morceau d'écorce de hêtre, et que, les ayant appliquées sur du papier, il conçut aussitôt l'idée d'étendre ce procédé, et de graver des planches de bois. Il imprima, ajoute-t-il, avec ces planches le Speculum nostræ salutis, après avoir découvert en outre la composition d'une encre plus visqueuse que

l'encre ordinaire. Les caractères de bois lui parurent bientôt peu solides, et il en fabriqua alors de plomb et ensuite d'étain. Ayant réussi, il agrandit son atelier et prit des ouvriers. L'un deux, nommé Jean, surnommé Faust ou Fust, instruit des secrets du nouvel art, profita du moment où Coster était allé le jour de Noël à la messe de minuit pour lui voler les outils et les matières de son imprimerie. Le ravisseur se rendit d'abord à Amsterdam, puis à Cologne, et vint enfin s'établir à Mayence, où il imprima, en 1442, avec les caractères volés, le Doctrinal d'Alexandre Gallus.

Meerman, dans son ouvrage intitulé Origines typographic, imprimé à la Haie en 1763, a employé toutes les ressources de son esprit pour soutenir le conte de Junius. Mais ce qui fait douter de l'authenticité des titres de Harlem, c'est qu'ils n'ont été publiés qu'un siècle après la découverte de l'imprimerie. Meerman avoue lui-même que les historiens hollandais n'ont parlé de Laurent Coster que cent trente ou cent quarante ans après sa mort. Enfin on regarde généralement comme une fable l'histoire de ce Coster.

Mais les droits de la ville de Strasbourg à l'honneur de la découverte de l'imprimerie sont un peu mieux établis que ceux de Harlem. Ces droits ont été soutenus avec assez d'habileté par Adam Sérag, Jean Henri Boeckler, Jean Schmidt, Wimpheling, Spiegel, Gebviller, Jacob, Schopflin, etc. Il résulte de leurs écrits que Jean Guttemberg de Mayence était établi à Strasbourg dès 1424; qu'en 1435 il forma une société avec André Drizchennius ou Dryzchn et quelques autres citoyens de cette ville, et s'engagea à leur découvrir des secrets importans qui devaient assurer leur fortune; qu'André Dryzchen, chez qui était le laboratoire, étant venu à mourir, et Guttemberg ayant refusé d'admettre les frères dans la société, ce refus devint la matière d'un procès, où l'on voit figurer plusieurs témoins, et notamment Beildeck, domestique de Guttemberg; que les dépositions de ces témoins portent en substance qu'il existait dans le labo

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