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vers tribunaux et entre les membres qui les composent. La dignité des juges est mise à l'abri des attaques indiscrètes et iniques, et des dispositions précises assurent aussi des jugements impartiaux et sévères sur les plaintes fondées que les justiciables se trouveraient forcés d'intenter contre leurs juges: mais les principes qui fixent la limite des pouvoirs sont des principes fondamentaux qui n'éprouvent aucune atteinte des modifications apportées aux lois d'exécution: et le législateur a omis à des sein de parler, dans le Code d'instruction, des accusations de forfaitures ou des demandes en prise à partie qui seraient dirigées contre une cour royale, ou contre des membres de la Cour de cassation, attendu que ces points, réglés par des actes législatifs antérieurs, n'ont pas paru réclamer de dispositions nouvelles (1).

DISTINCTION PREMIÈRE.

DES CRIMES ET DÉLITS COMMIS PAR LES JUGES, HORS DE LEURS FONCTIONS, ET DES FORMALITÉS PRESCRITES POUR LA POURSUITE ET L'INSTRUCTION.

S ler.

Des juges de paix, des membres des tribunaux de première instance, des tribunaux de commerce, etc., prévenus de crimes et délits hors de leurs fonctions.

177. Les agents administratifs ne jouissent de la garantie constitutionnelle que pour les faits relatifs à l'exercice de leurs fonctions; et, toutes les fois que la prévention qui les atteint est étrangère à ces fonctions, ils sont poursuivis sans formalités préalables, comme tout autre individu. Il n'en est pas ainsi des fonctionnaires de l'ordre judiciaire, et la loi a prévu le cas où ils seraient prévenus de délits hors de leurs fonctions, comme celui où les délits qui leur seraient imputés seraient relatifs à leurs fonctions.

Le motif de cette différence est sensible: le gouvernement a beaucoup d'intérêt à ne pas permettre que, pour ce qui concerne l'exercice des fonctions administratives, les agents soient livrés sans son autorisation à des recherches et

(1) Déjà l'acte du 28 floréal an XII avait statué que la forfaiture des cours serait poursuivie devant la haute-cour et jugée par elle, et il eût été non moins inconvenant qu'inutile de répéter des dispositions consacrées par cet acte; mais il convenait de le prendre pour régulateur de ce qui restait à faire dans cette partie. (V. discours de l'orateur du gouvernement.)-Nous examinerons si ces dispositions peuvent s'exécuter au

à des poursuites inconsidérées, et à ce que leurs operations, qu'il peut avoir lui-même or données par des raisons supérieures, ne soient pas soumises à l'examen et à la censure des autorités judiciaires; mais la répression des délits que ces agents peuvent commettre hors de ce cercle, est nécessairement du domaine des tribunaux; aucune raison d'intérêt public ne peut alors s'opposer aux poursuites, ou retarder l'action de la justice: l'intervention du gouvernement ne peut donc alors ètre nécessaire.

Les formes particulières de procéder à l'égard des juges n'ont, au contraire, aucun rapport avec les opérations du gouvernement: ces formes, introduites dans l'intérêt général de la magistrature et dans celui des juges inculpés, ont surtout pour objet d'empêcher que des préventions favorables ou défavorables ne dirigent les recherches et les actes de procédure dont les juges inculpés doivent être l'objet, et que des haines personnelles, des inimities et des jalousies locales ne pèsent sur les prévenus. La magistrature aurait pu perdre quelque chose de la considération dont elle doit être environnée, si tout officier de police judiciaire avait pu agir indifféremment contre tout juge inculpé, et si la seule volonté d'un fonctionnaire d'un ordre inférieur eût suffi pour traduire en justice un magistrat d'un ordre superieur. Le danger que le législateur a prévu, et auquel il a pris soin de remedier, subsistant également, soit que les faits imputés au juge concernent l'exercice de ses fonctions, ou qu'ils y soient étrangers, les mesures de précaution ont dù ètre étendues aux deux cas, mais toutefois avec les distinctions que réclamait la différence dans la nature des choses.

La qualité des fonctionnaires et le caractère des faits dont ils peuvent être prévenus, ont aussi occupé la pensée du législateur, et ont été pour lui un motif de varier les règles dans la matière de procéder.

Lorsqu'un juge de paix, un membre du tribunal correctionnel ou de première instance (2), ou un officier du ministère public près l'un de ces tribunaux, est prévenu d'avoir commis hors de ses fonctions un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur général en la cour royale doit le faire citer devant cette cour, qui prononce sans qu'il puisse y avoir appel (art. 479, C. crim.) (5).

On a douté que la disposition du Code qui

jourd'hui et se concilier avec notre organisation politique et judiciaire.

(2) La connaissance des délits commis par un officier de police judiciaire dans l'exercice de ses fonctions n'a pas cessé depuis la constitution d'appartenir aux cours d'appel. (Br., 14 fév. 1832; J. de Br., 1855, p. 41.)

(3) Les juges suppléants ne peuvent être poursuivis que suivant ce mode; l'art. 479 leur est applicable.

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vilége, parce que l'affaire qui, le plus ordinairement, n'est point alors précédée d'une instruction, est jugée avec plus de célérité; que le prévenu n'est point mis en arrestation, et n'a pas même besoin de donner caution pour rester libre; et surtout parce qu'il doit nécessairement trouver dans les lumières et l'impartialité de la cour supérieure une plus grande garantie que dans les tribunaux correctionnels contre les erreurs dont il aurait à craindre le préjudice (4). Ainsi les individus qui, sans avoir l'une des qualités ou l'un des titres déterminés par la loi, se trouvent prévenus de complicité avec un des fonctionnaires désignés, sont traduits, comme lui, directement devant la cour royale par une simple citation, et il n'y a point à distinguer le cas où le fonctionnaire serait le principal prévenu, de celui où son complice serait au contraire désigné comme l'auteur du délit (art. 501, C. crim.) (5).

désigne seulement les juges de paix, fût applicable à leurs suppléants; mais la Cour de cassation a jugé l'affirmative. Les motifs de sa décision sont tirés 1o de ce que cette disposition du Code a eu un double objet, le premier de garantir les juges de paix de procédures vexatoires dont ils pourraient être l'objet par suite des inimitiés auxquelles leurs fonctions auraient pu les mettre en butte; le second d'empêcher que le crédit que peuvent avoir ces magistrats, à raison de leurs fonctions, ne leur procurât une impunité scandaleuse; 2o de ce que ces deux motifs s'appliquent aux suppléants des juges de paix comme aux juges de paix eux-mêmes que les suppléants de juges de paix ont le caractère et la qualité de juges de paix dans les jugements qu'ils rendent en l'absence ou en cas d'empêchement du juge de paix en titre, et que dès lors ils doivent être réputés compris dans les expressions juges de paix, spécifiées dans l'article du Code (1). Remarquons de suite que la loi ne dit pas un juge, mais un membre de tribunal correctionnel ou de tribunal de première instance, et que cette expression semble comprendre les greffiers comme les juges (2), attendu qu'ils sont membres du tribunal, et qu'on ne peut tirer aucune induction contraire de ce que la loi a désigné particulièrement et spécialement les officiers du ministère public, qui sont aussi membres du tribunal (3).

Les commis greffiers ne sont point membres du tribunal, et ne jouissent point de la ga

rantie.

Quoique la marche tracée par la loi supprime un degré de juridiction en appelant de suite le prévenu devant la cour royale, et en interdisant l'appel, qui est de droit dans les matières correctionnelles lorsqu'elles suivent la filière ordinaire, elle doit cependant être considérée comme établissant une espèce de pri

(Cass., 20 mai 1826; S., 27, 164; Liége, 2 juin 1858; J. de B., 1838, 400.)

Dans une telle conjoncture, il est bon que les dispensateurs de la justice soient pris dans un ordre plus élevé, et parmi des hommes assez forts pour rassurer la société entière contre l'impunité des fonctionnaires, et Four protéger ceux-ci contre d'injustes poursuites. Cette double garantie se trouve dans la compétence immédiate donnée aux cours royales. Point d'impuBité; point de vexation; voilà le but qu'on s'est proposé, et qui sera nécessairement atteint par une mesure sage, qui établit en même temps dans la hiérarchie judiciaire un ressort dont elle était restée privée jusqu'à l'orgaDisation actuelle. (V. le discours de l'orateur du gouverDement.)

(1) V. Cass., 29 nov. 1821. (D., 16, 513.) V. dans ce sens, Cass., 4 juin 1850; Toulouse. 21 août 1829; Bastia. 14 avril 1831. (S., 51, 192 et 32, 91.) Contrà, Cass., 26 fév. 1830. (S.. 31, 67.)

(2) Liége, 1er oct. 1852; Jur. du 19e s., 1852, 540. (5) La Cour de cassation a jugé avec raison, le 26 décembre 1807, que les greffiers des tribunaux ne peuvent

Le juge de paix n'étant compris dans la loi qu'en cette qualité isolée, et non comme président et membre unique du tribunal de paix et du tribunal de police, il en résulte que les fonctionnaires qui sont officiers du ministère public près du tribunal de police, ne peuvent pas jouir, lorsqu'ils sont prévenus de délits correctionnels hors de leurs fonctions, du privilége que la loi accorde en pareil cas aux officiers du ministère public près des tribunaux correctionnels et des tribunaux de première instance, et que les greffiers de justice de paix n'ont aucun droit à ce privilége.

Comme les exceptions ne peuvent pas être étendues au delà de leurs termes, les maires, dont la qualité de juge de police n'est qu'accidentelle, ne se trouvent point compris dans cette disposition de la loi, qui concerne exclusivement les juges de paix et les membres des tribunaux correctionnels et de première instance.

pas être considérés comme agents du gouvernement, dans le sens de l'art. 75 de la loi du 22 frim. an VIII. Un des considérants de son arrêt porte aussi que « les » greffiers ne peuvent pas même réclamer la garantie » attachée aux juges, et qui est d'une autre espèce que » celle de l'art. 75, parce que la loi (celle du 27 ventôse » an VIII, alors en vigueur), n'a parlé que des juges, et » non des greffiers. » » Mais ce considérant même de l'arrêt dont il s'agit vient à l'appui de notre opinion concernant les greffiers, attendu que la loi nouvelle ne dit pas, comme la précédente, les juges, ce qui est exclusif des greffiers, mais les membres du tribunal, ce qui s'applique aux greffiers comme aux juges, puisque dans toutes les lois organiques on lit: « Les cours, les tribunaux, seront composés de tant de juges et d'un » greffier. »

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Je ne donne, au reste, ceci que comme une opinion; mais je crois du moins, d'après ce qui vient d'être dit, que la question est encore indécise.

(4) Brux., 20 mars 1852; J. du 19e s., 1832, 285; et J. de B., 1832, 26.

(5) V. suprà, nos 38 et suiv.

pour la poursuite et l'instruction des délits de police correctionnelle. Dans cette intention, on a attribué au procureur général en la cour royale le droit de citer et de poursuivre les prévenus. Ce droit confère nécessairement au procureur géneral la faculté d'examiner si les faits de la plainte sont pertinents, et s'il est conve

Cette observation s'applique également aux membres des tribunaux de commerce; et la loi a prévenu elle-même toute incertitude à ce sujet, puisque les juges de police, et, par conséquent les maires et les tribunaux de commerce, sont nominativement désignés dans celles de ses dispositions qui concernent les juges prévenus de délits relatifs à leurs fonc-nable de faire citer l'inculpé; et cette faculté, tions; ce qui prouve évidemment que le législateur a voulu les laisser soumis à la règle commune pour les délits commis hors de leurs fonctions.

Il est inutile de parler des prud'hommes, qui ne peuvent pas d'ailleurs ètre considéres véritablement comme des juges, quoiqu'un artiele de décret leur donne cette dénomination (décr. du 10 mars 1806, art. 35) (1).

178. Les expressions de la loi, le procureur général fera citer, indiquent-elles que cette forme est nécessaire et exclusive; que la cour royale ne peut être saisie, en pareil cas, que par la citation du procureur général; et que la loi, qui indique généralement une marche extraordinaire dans l'espèce, contient aussi une dérogation spéciale au droit qui est accordé ordinairement à la partie civile, en matière correctionnelle, de saisir directement le tribunal par une citation qu'elle donne elle-même au prévenu (art. 182, C. crim.)?

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à mon avis, constitue même en grande partie la garantie accordée aux fonctionnaires judiciaires par les dispositions du Code dont il est ici question.

S'il arrivait que le procureur général, cédant à des considérations personnelles, négligeât de poursuivre, quand il y aurait lieu à poursuites, la partie lésée pourrait s'adresser alors au premier président, qui, en vertu de l'article 11 de la loi du 20 avril et de l'art. 62 du décret du 6 juillet 1810, peut convoquer les chambres pour donner connaissance des faits à la cour, et enjoindre, s'il y a lieu, au procureur general de poursuivre. Mais il est peu probable qu'un magistrat aussi élevé en dignité que l'est un procureur général, se rende accessible à de petites passions et puisse composer avec ses devoirs et un plaignant qui aurait des motifs légitimes de plainte, pourrait, s'il éprouvait un déni de justice, s'adresser définitivement au ministre de la justice, qui est le surveillant de tous les magistrats.

Il y aurait d'ailleurs une foule d'inconvénients à admettre la partie civile à citer directement un juge devant la cour royale. Un particulier peut se tromper sur la qualification du fait, et considérer comme délit une action qui ne constitue qu'une contravention de police, ou qui même n'est susceptible d'ètre poursuivie que par la voie civile.

Le juge cité sera-t-il obligé d'abandonner ses fonctions, et de se transporter quelquefois fort loin de sa résidence, pour répondre sur une prévention mal fondée ou absurde? Cela ne peut se supposer.

On peut croire, au premier aperçu, que le principe général consacré par le Code d'instruction criminelle (art. 182), et d'après lequel la partie civile est autorisée à citer directement le prévenu devant le tribunal, en matière correctionnelle, doit recevoir son application dans les cas prévus par les artiches 479 et 485 du Code (2), comme dans tous les autres, et que l'exception au droit commun, introduite par ces articles, ne porte que sur la compétence attribuée immédiatement à la cour: on peut même faire valoir, à l'appui de cette opinion, la faculté accordée à la partie civile de dénoncer directement à la Cour de cassation, à la charge de remplir certaines D'un autre côté, des mal intentionnés pourconditions, les tribunaux entiers et les magis-raient s'emparer de ce moyen pour éloigner trats supérieurs prévenus de crimes dans l'exercice de leurs fonctions (art. 486, C. crim.). Cependant, après y avoir mûrement réfléchi, voici, à cet égard, le résultat de mon examen. Il est évident que l'exception consacrée par les articles 479 et 485 du Code a pour objet d'entourer les juges d'une plus grande considération, de leur donner une garantie, et d'empêcher qu'ils ne soient exposes à être traduits en justice sans motifs valables.

Pour atteindre ce but, on a dû déroger au droit commun, et établir un mode particulier

temporairement un juge intègre et dont la présence nuirait à leurs vues; et l'on n'aurait pas même, pour ce danger, la formalité d'un visa auquel le Code du 3 brumairean IV assujettissait les citations directes de la partie civile en matière correctionnelle (art. 182), puisque cette formalité n'a point été maintenue par le Code d'instruction (art. 183) (3). Il paraît, en outre, trop contraire à la considération qui doit environner la magistrature, que le premier venu puisse détourner un juge des ses fonctions pour un délit souvent imaginaire,

(1) Cette juridiction n'a pas été maintenue en Belgique. .l'art. 105 de la constitution qui la passe sous silence.

(2) Et par la loi du 20 avril 1810.
(5) V. infrà, nos 297 et suiv.

et le faire citer directement devant une cour Souveraine. Il est plus conforme aux convenances et à la garantie que le gouvernement doit accorder aux officiers de justice, que ce droit ne puisse être exercé que par le chef du ministère public près de chaque cour royale, Comme le porte textuellement l'article 479 du Code; et l'on peut même penser qu'il résulte de la faculté accordée par le deuxième paragraphe de l'article 486, à la partie lésée, de déLoncer directement le crime lorsqu'elle demande à prendre à partie un tribunal entier ou un magistrat de cour souveraine (1), que cette faculté lui est interdite dans les cas moins graves, lorsqu'il s'agit seulement de délits correctionnels.

J'estime donc, en dernière analyse, que la partie civile ne peut pas citer directement devant la cour royale un juge prévenu de délit correctionnel (2), sauf à elle à intervenir, si elle le juge convenable, lorsque le procureur général a cru devoir donner la citation (art. 67, C. crim.); ce qui ne peut lui être interdit, et he presente d'ailleurs aucun danger. Je suis surtout fortifié dans cette opinion, en considérant que le mode indiqué par le Code d'instruction pour la poursuite des juges inférieurs prévenus de délits correctionnels, a été étendu par la loi du 20 avril 1810 (art. 10) aux membres des cours royales, de la Cour des Comptes, de la Cour de cassation, aux évêques, aux archevêques, aux présidents de consistoire, aux préfets, aux généraux commandant les divisions et les départements, et aux grands officiers de la Légion d'honneur qui seraient prevenus de délits de même espèce; et plus les prevenus seraient élevés en dignité, plus les inconvénients qui viennent d'ètre signalés comme le résultat de la citation directe de la partie civile, seraient graves et réellement subversifs des vrais principes d'ordre public.

mais le décret du 6 juil. 1810, art. 4, a attribué la connaissance de ces affaires à la chambre civile que préside ordinairement le premier président de la cour royale (5).

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Si le fait imputé à un juge de paix, un membre de tribunal correctionnel ou de première instance, à un officier chargé du ministère public près l'un de ces tribunaux (4), offre le caractère d'un crime emportant peine afflictive ou infamante, le premier président de la cour royale et le procureur-général près de cette cour doivent désigner, le premier, le magistrat auquel seront dévolues les fonctions de juge d'instruction; le second, le magistrat qui sera chargé d'exercer les fonctions d'officier de police judiciaire et du ministère public (5).

Lorsque la désignation qui appartient au premier président et au procureur général n'est soumise à aucune règle fixe, elle est confiée à leur sollicitude pour la bonne administration de la justice, et à la connaissance qu'ils ont des localités; ils peuveut donc indifféremment déléguer des magistrats de la cour royale, ce qui peut quelquefois être plus convenable, notamment s'il s'agissait d'instruire contre des magistrats du chef-lieu de la cour, ou désigner des magistrats des tribunaux de première instance. Ils peuvent, s'ils n'y trouvent pas d'inconvénient (6), déléguer des magistrats du tribunal du lieu du délit ou de la résidence du prévenu, puisque cette délégation ne leur est pas interdite, ou choisir dans tout autre tribunal du ressort. Il ne s'agit point d'examiner si, dans les cas ordinaires, la Cour de cassation est seule investie du droit de dessaisir un tribunal et de renvoyer à un autre : ici le renvoi est de droit, si le choix des magistrats qui délèguent se fixe hors du tribunal qui serait appelé naturellement à connaître de l'affaire ; et la régularité de la procédure ne peut être critiquée sous le rapport de la compétence, aussitôt que la délégation a été faite d'après les termes de la loi.

Les juges et officiers de justice prévenus de elits correctionnels hors de leurs fonctions, et qui doivent être traduits directement devant la cour royale, ne sont pas cités à la chambre Le choix du premier président doit nécessaide cette cour, qui connaît des appels correc-rement porter sur des juges, parce que les tionnels: le Code d'instruction n'en dit rien; fonctions de juge d'instruction supposent la

1. plus bas, nos observations relatives aux membres des cours royales.

(2). dans ce sens, Toulouse, 21 août 1829; Rennes, 6 janv. 1834 (S., 51, 192); Brux. 14 janv. 1952, et Liége, 1er mai 1837. (J. de B., 1835, 41, et 1957, 457). Contrà, Carnot, sur l'art. 479.

Les chambres des vacations sont incompétentes pour prendre connaissance et juger les délits prévus par les art. 479 et 485 du Code d'inst. crim. (Liége, 5 oct. 1833; J. de Br., 1834, p. 201.)

(4) Toujours hors de l'exercice de leurs fonctions.

15, V. art. 480, C. crim. Cet article se sert seulement de la dénomination d'officier de police judiciaire; mais on sait que le procureur du roi a essentiellement

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cette qualité, puisque la plupart des autres officiers de police judiciaire ne sont que ses auxiliaires; et l'économie de la loi indique que le magistrat à choisir par le procureur général doit remplir, dans l'instruction, les fonctions du ministère public.

(6) Il n'est guère dans l'ordre des choses que les magistrals délégués soient pris dans le tribunal dont est membre le juge ou l'officier inculpé; cependant, si ce tribunal est nombreux, et que les lumières et l'impartialité des juges qui le composent ne laissent aucun doute sur la manière dont ils exercent leurs fonctions, on peut faire porter le choix sur ce tribunal comme sur tout autre. L'objet de la loi est de soustraire le magistrat inculpé à l'effet des préventions: son vœu est rempli si ce but est atteint. (Carnot, sur l'art. 480, no 6.)

qualité primitive de juge; mais il n'est point astreint à désigner un juge déjà revêtu du caractère de juge d'instruction, quoique cette désignation soit pourtant la plus convenable, lorsqu'au titre de juge d'instruction un magistrat réunit toutes les qualités que le premier président peut désirer.

Le choix du procureur général doit naturellement se fixer sur un officier du ministère public cependant la loi ne limite pas à cette classe de magistrats l'exercice du droit dont elle l'investit; et si le procureur général croyait trouver dans un juge plus de moyens que dans les officiers du parquet, pour surveiller ou diriger telle ou telle instruction spéciale, dans le cas où un juge est inculpé, il est hors de doute qu'il pourrait le déléguer, attendu que les juges ont caractère pour remplir les fonctions du ministère public, tandis que les officiers du ministère public ne peuvent pas exercer les fonctions de juge, et qu'une délégation ne pourrait pas leur conférer une capacité qu'ils ne tiennent pas de la loi.

La seule obligation qui soit imposée au premier président et au procureur général, dans le cas dont il s'agit, est celle de choisir les deux magistrats délégués dans le même tribunal. La loi n'exprime même pas formellement cette obligation; mais elle découle de la nature des choses, de l'économie générale de l'instruction criminelle, et de la nécessité où sont les deux magistrats délégués d'agir de concert dans le cercle de leurs attributions respectives.

ral; ce qui a lieu au contraire, comme on le verra bientôt, lorsqu'il s'agit d'instruire contre des officiers de justice prévenus de crime dans l'exercice de leurs fonctions. |

Lorsque la désignation s'est portée sur des magistrats de la cour royale, ce qui est fort regulier, soit à cause de la latitude donnée au premier président et au procureur général, soit parce que les cours royales peuvent même, dans les cas ordinaires, évoquer les instructions (art. 233, C. crim.), la chambre des mises en accusation de la cour royale doit alors statuer directement et sans intermédiaire sur la procédure qui lui est soumise.

Le premier président et le procureur général peuvent-ils remplir eux-mêmes respectivement les fonctions que la loi les charge de déléguer dans le cas dont il s'agit?

Comme la faculté de déléguer suppose en général, dans celui qui délègue, le droit de remplir lui-même les fonctions qu'il confie à un autre ; que la loi ne contient aucune prohibition expresse dans le cas particulier dont il s'agit, et que le premier président et le procureur général réunissent tous deux éminemment, l'un les pouvoirs de juge, l'autre les pouvoirs du ministère public, on est naturellement porté à répondre de suite à la question proposée, qu'elle doit être résolue par l'affirmative, et qu'elle ne peut pas même offrir l'ombre d'un doute.

Mais, si l'on rapproche la disposition du Code relative aux juges et officiers inculpés hors de leurs fonctions (art. 480, C. crim.), de celle qui concerne les juges et officiers inculpés à raison de leurs fonctions (art. 484, C. crim.), on est tenté de répondre au contraire que la question doit se résoudre par la négative, et que cette dernière solution ne peut pas ellemème ètre douteuse. En effet, dans le premier cas, la loi se borne à dire que le premier président et le procureur général désigneront les magistrats, etc.; dans le second cas, au contraire, elle dit que le premier président et le procureur général rempliront eux-mêmes immédiatement, chacun en ce qui le concerne, les fonctions de juge d'instruction et de procureur du roi, ou qu'elles seront remplies par tels officiers qu'ils auront respectivement et spécialement désignés à cet effet; et cette difference dans les deux articles, dont l'un prévoit

179. L'instruction doit se faire, au reste, par les magistrats désignés, comme elle se fait dans les cas ordinaires, puisque la loi ne contient à cet égard aucune dérogation: ainsi, lorsque la désignation a porté sur des magistrats d'un tribunal de première instance, le rapport du magistrat chargé des fonctions de juge d'instruction doit être fait à la chambre du conseil de ce tribunal, quand même il ne serait ni celui du lieu du délit, ni celui de la résidence actuelle ou habituelle du magistrat inculpé; et la désignation faite de magistrats pris dans son sein suffit, comme nous l'avons dit, pour donner, à cet égard, à quelque tribunal que ce soit, un pouvoir suffisant. Cette marche est la conséquence naturelle et nécessaire de la faculté que la loi accorde aux premiers présidents et aux procureurs généraux, de choisir, en pareil cas, les magistrats qu'ils désignent, dans tell'alternative de l'exercice personnel où de la tribunal du ressort qu'il leur plaît.

La procédure ne doit pas alors être renvoyée au premier président et au procureur général, parce qu'une fois qu'ils ont délégué dans le cas dont il s'agit, les magistrats désignés agissant, en vertu de la délégation, comme s'ils avaient été primitivement compétents, ils opèrent en leur nom, pour leur propre compte, comme délégués, et non comme remplaçants du premier président et du procureur géné

délégation, et dont l'autre ne parle que de la délégation, différence d'autant plus sensible, que les articles se suivent de très-près, semble indiquer que le législateur a autorisé dans un cas ce qu'il n'a pas voulu dans l'autre, et donne lieu de croire que, lorsqu'il s'agit de juges prevenus de crimes hors de leurs fonctions, la délégation est obligée. On peut même encore alléguer à l'appui de cette opinion que, quoique la faculté de déléguer suppose ordinaire

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