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sidérée comme l'accusation du crime même, et réciproquement. On doit, au reste, poser alors subsidiairement la question de tentative, quoique l'acte d'accusation n'en parle pas, tendu que, d'après les lois sur la tentative, il en est de la question sur la tentative comme de la question sur le crime, et que l'accusation du crime consommé comprend nécessairement l'accusation de la tentative de ce crime (1). Un arrêt du 14 mai 1813 a fixé les principes à cet égard (2).

Lorsqu'un individu est accusé simultanément de la tentative de deux crimes ou d'un crime consommé, et de la tentative d'un autre, les jurés doivent être interrogés sur chacun des faits qui forment la matière de l'accusation, notamment si l'un des crimes est de nature à entraîner une peine plus grave que l'autre : ainsi, par exemple, si un accusé était mis en jugement comme ayant commis tout à la fois ou tenté de commettre un vol caractérisé, et comme s'étant rendu coupable de violences à dessein de tuer, il seráit indispensable de faire

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statuer sur ces deux faits distincts, attendu que le dernier est de nature à être considéré ou comme tentative d'assassinat, ou comme tentative de meurtre, suivant qu'il y a eu, ou non, préméditation de la part de l'auteur (5).

Puisque la tentative d'un crime, accompagnée des circonstances qui la rendent criminelle, est réputée le crime même, les complices de la tentative doivent être punis comme les complices du crime consommé. Cette proposition est la conséquence nécessaire des dispositions du Code pénal relatives à la complicité. Mais comment doivent être traités les complices de la tentative, lorsqu'ils ont pris seulement part à la préparation du crime, et qu'ils sont restés étrangers au commencement d'exécution (4)? Cette question importante a été résolue dans une affaire extraordinaire qui a occupé la capitale, et il a été reconnu que les complices de la tentative réputée crime doivent, en pareil cas, être punis de la même peine que les auteurs de cette tentative.

(1) Dans tous les cas où l'on interroge le jury sur la tentative, sa réponse doit exprimer les circonstances qui la rendent criminelle; ainsi, par exemple, la tentative d'un attentat à la pudeur avec violence différant essentiellement d'une tentative de viol, pour que la première de ces tentatives soit punissable, il faut nécessairement que le jury ait déclaré que cette tentative a eu lieu avec violence.-V. Cass., 17 fév. 1820. (S., 20, 202.)-Mais si le jury a reconnu qu'un attentat à la pudeur a été tenté avec violence, cette déclaration fait rentrer ce fait dans l'application des art. 351 et 352, C. pén, sans qu'il y ait lieu de s'expliquer sur les trois circonstances déterminées par l'article 2 du même Code pour les tentatives en général, attendu que la tentative violente d'un attentat à la pudeur, renferme en ellemême les circonstances exigées par Part. 2. ou plutôt existe légalement indépendamment de ces circonstances. Cass., 10 mars 1820. S., 20, 257.)-Br., Cass., 22 déc, 1832; Bull. de Cass., 1855, 23; Chauveau, tome ler, p. 154.)

(2) D., 8, 26; S., 17, 1, 161. Divers autres arrêts de la Cour de cassation ont confirmé cette jurisprudence. (Cass., 5 fév. 1821. D., 8, 52; S., 21, 216.) Chauveau,

t. Jer, p. 154, adopte cette jurisprudence, mais il admet des distinctions. L'arrêt du 14 mai 1813 a même cela de remarquable qu'il en résulte non-seulement que l'on peut proposer au jury la question de tentative, si elle résulte des débats, quoiqu'il n'en soit point parlé dans l'acte d'accusation; mais même que l'on peut annuler une ordonnance d'acquittement rendue en faveur d'un individu accusé seulement de vol consommé, si la question de tentative de vol n'a pas été proposée au jury, quoiqu'elle résultât des débats et que le ministère public eût requis qu'elle fût proposée.-L'arrêt du 3 fév. 1821 a rejeté le pourvoi du nommé Signoret, condamné à la réclusion pour tentative de coups et violences envers son père, quoique l'acte d'accusation énonçat seulement l'accusation de violences sans parler de tentative.

V. toutefois, au ch. des Cours d'assises, un arrêt du 9 déc. 1825, cité au S IV de la position des questions, et les observations auxquelles il a donné lieu. (3) V. Cass., 23 avril 1810. (D., 27, 159.)

(4) Cass., 6 fév. 1812; D., 27, 145; S., 12, 1, 97.) Merlin, yo Tentative; Chauveau, t, ler, p. 155.)

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LEGRAVEREND.-TONE I.

CHAPITRE III.

DE LA COMPLICITÉ ET DES COMPLICES.

SECTION 1.

§ Ier.

Définition de la complicité en général.

38. La complicité est l'action de celui qui a participé à la préparation, à l'exécution, à la consommation d'un crime.

Le complice est celui qui a eu part à un crime.

On ne peut pas être réputé complice d'un crime, par cela seul qu'on a été présent à l'exécution d'un crime, qu'on n'a pas empêché de le commettre, qu'on ne s'est pas opposé à son exécution (1). La complicité ne peut résulter que d'une coopération quelconque, telle que la loi l'a déterminée (2).

Mais celui qui aide l'auteur d'un délit ou d'un crime, dans le moment même de la perpétration, ne fût-ce qu'en éloignant les obstacles ou

(1) Cass. 15 mars 1812. (D., 6, 264; S., 12, 576; Carnot, sur l'art. 60, no 2.)

(2) La complicité est un fait moral qui ne peut se constituer que par les faits positifs et matériels que le Code pénal a déterminés (Chauveau, 1, 172); ainsi, l'individu qui, présent au vol qu'il avait conseillé de commettre, mais sans y participer, a offert d'acheter les choses volées, n'est pas réputé complice dans le sens de la loi.

(5) (Cass., 9 avril 1815.) D., 6, 243; S., 13, 1, 320. Il est même à remarquer qu'un vol commis de cette manière donne lieu à l'application de l'art. 586, C. pén., parce que c'est bien évidemment un vol commis par deux personnes, attendu que dans ce cas, les deux personnes coopèrent au fait même du vol.-Dans ce cas il n'est plus nécessaire que les faits élémentaires de la complicité soient déterminés. (Chauveau, t. Jer, p. 174.)

Rauter, no 115, pense que le dernier fait n'est point un acte de co-auteur, puisque le complice ne prend point part à l'action même.

(4) Le fait d'avoir volontairement donné la mort à autrui, même sur son ordre ou de son consentement, constitue un homicide volontaire ou un meurtre, ou un assassinat, s'il y a eu préméditation, et non un acte de complicité de suicide. (Cass., 16 nov. 1827; S., 28, 155.) Mais le complice d'un suicide ne peut être puni parce que le suicide n'est point inscrit parmi les délits dans la

même en faisant sentinelle autour du lieu du délit, est réputé co-auteur ou auteur de complicité (art. 62, C. pén.) (5).

On désigne quelquefois sous le nom commun de complices, tous les individus qui ont pris part au crime; et l'on confond ainsi celui ou ceux qui l'ont commis, et celui ou ceux qui ont fourni ou préparé les moyens de le commettre (4).

Il est de principe général que les complices d'un crime doivent être traduits devant les mèmes juges et punis des mêmes peines que ceux qui en sont les principaux auteurs (5); cependant ce double principe admet des exceptions qui sont déterminées par la loi (6).

D'abord, quant à la juridiction, celui qui étant soumis, à raison de sa qualité, à des juges d'exception, et qui redevient justiciable des tribunaux ordinaires, à raison de sa complicité, reste soumis à la juridiction d'exception quand il n'est pas poursuivi et jugé en mème temps que son complice. Ainsi, par exemple, un militaire prévenu d'avoir vendu ses effets

loi pénale. On ne doit considérer comme acte de complicité de suicide que l'assistance donnée aux actes préparatoires, comme le fait d'avoir fourni les armes, instruments ou substances avec lesquels le suicide a pu s'accomplir, car il n'y a suicide proprement dit, que lorsqu'une personne se donne elle-même la mort.(Chauveau, t. ler, p. 176.)

(5) L'application des mêmes peines aux complices d'un même crime, est toujours subordonnée, pour les peines temporaires, à la faculté que la loi accorde aux juges de les graduer. (V. art. 19, 21, 32, 40 et 42, C. pén.)

Il est de droit naturel et public que le complice d'un crime ou d'un délit, s'il est coupable, doit être puni. Cette maxime exerce donc son empire tant qu'il n'y a pas été dérogé par une loi formelle; elle forme le droit commun, qui domine toutes les législations spéciales, à moins qu'une exception n'y soit écrite. La jurisprudence a appliqué ce principe aux délits de la presse et au délit d'habitude d'usure. (Chauveau, t. Ier, p. 185; Cass., 51 janv. 1817 et 14 oct. 1826; S., 27, 143.)

Les dispositions des art. 59 et 60 du C. pén. ne sont pas applicables aux complices de banqueroute frauduleuse; l'art. 403 y déroge.(La Haye, 18 avril 1823; J. de Br., 1825, 2, 412; J. du 19e s., 1825, 3, 207; Chauveau, t. Jer, p. 183.)

(6) V. art. 59, C. pén.

militaires à un citoyen, reste justiciable des tribunaux militaires, si celui à qui il en a fait la vente n'est pas poursuivi en même temps que lui, quoique, conformément à la législation, il dût être traduit ainsi que son complice devant les tribunaux ordinaires s'ils étaient poursuivis simultanément (1). Ainsi, lorsqu'il existait des cours spéciales, des cours prévôtales de douanes ou d'autres juridictions extraordinaires qui entrainaient devant elles les complices de leurs justiciables, à raison de leur qualité, ces complices restaient soumis à la juridiction ordinaire s'ils n'étaient pas jugés en même temps que ceux dont la qualité déterminait la compétence de la juridiction extraordinaire (2).

D'un autre côté, le soupçon de complicité qui s'élève contre un individu ne suffit pas pour changer la compétence du tribunal d'exception à l'égard du prévenu qui en est justiciable, si ce soupçon est reconnu sans fondement avant le règlement de la compétence et le renvoi des prévenus devant le tribunal chargé de juger; et, dans ce cas, le jugement de déclaration d'incompétence qu'aurait rendu le tribunal d'exception, doit être réputé non avenu (5).

Ensuite, quant à l'application de la peine, outre les exceptions formelles du Code, telles que celles des art. 65, 67, 138, 144, etc., il en existe encore d'autres qui résultent de l'économie de la loi; ainsi l'individu, étranger à l'art de guérir et à la pharmacie, qui aura coopéré à l'avortement d'une femme de concert avec un chirurgien, médecin, officier de santé ou apothicaire, ne sera puni que de la réclusion, quoique celui-ci soit condamné aux travaux forcés, à moins qu'après avoir dénaturé la loi pour arriver à punir la tentative d'avortement (4), on ne fasse aussi céder les expressions spéciales du Code sur la manière de punir l'avortement à

la disposition générale de l'art. 59 du Code pénal. Ainsi, dans mon opinion et malgré la variation fréquente et l'incertitude de la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point, le complice d'un faux commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions ne doit être puni que de la peine du faux commis en écriture authentique et publique (3). Ainsi, dans mon opinion et malgré des décisions contraires (6), si un attentat aux mœurs a été commis par un père, une mère, un tuteur, sur leur enfant ou leur pupille, le complice ne doit être puni que de la peine ordinaire du crime ou du délit auquel il a coopéré, et nullement de l'aggravation de peine résultant de la qualité personnelle de l'auteur (7).

Celui qui, sans préméditation, aurait aidé à commettre un homicide prémédité par le principal auteur de ce crime, pourrait-il être puni comme assassin, ou seulement comme auteur d'un homicide volontaire? La Cour de cassation a jugé, le 6 juin 1806, qu'il n'est coupable que d'homicide volontaire : elle a annulé en conséquence un arrêt de la cour criminelle de l'Ain contre Vetard, qui avait été déclaré complice d'assassinat, et condamné, comme tel, à la peine de mort, sans que la question de préméditation, qui caractérise le crime, eût été posée à son égard (8).

D'autres arrêts postérieurs, et notamment celui du 26 déc. 1812, ont décidé, il est vrai, que les complices d'un crime doivent être punis des mêmes peines que l'auteur principal, quoiqu'ils n'aient pas participé aux circonstances aggravantes qui étaient à la charge de l'auteur; mais cette jurisprudence me paraît trop rigoureuse (9).

Doit-on punir comme complice de parricide celui qui coopère à ce crime atroce, quoiqu'il

(1) En Belgique le militaire est traduit devant le conseil de guerre, en vertu de l'art. 195 du C. pén., milit.; l'individu non militaire devant le tribunal correctionnel, aux termes de la loi du 6 oct. 1831. Le fait du militaire est puni par une loi spéciale dont l'application est réservée aux conseils de guerre et ne peut jamais ressortir de la justice civile.

(2) V. Cass., 16 mars 1809. (D., 6, 227; S., 20,475). Lorsqu'un forçat a pour co-accusé un individu justiciable des tribunaux criminels ordinaires, il doit être jugé par la cour d'assises et non par un tribunal maritime. Cass., 3 août 1827; S., 28, 71.

(3) V. Cass., 29 mai 1813. (D., 4, 189; S., 15, 327.) Il s'agissait de deux individus dont l'un était militaire et l'autre non; la prévention contre le non militaire n'était pas fondée: on avait renvoyé devant le conseil de guerre qui s'était d'abord déclaré incompélent; mais la Cour de cassation déclara ce jugement d'incompétence non avenu.

(4) V. ch. de la Tentative. (5) V. ch. du Faux.

(6) F. Cass., 22 nov. 1816 (S., 17, 85. D., 6, 274); Br., Cass., 6 mars, 1816 et 22 août 1825; Jur. de Br.,

1816, 1, 152, et 1825, 2, 218; Jur. du 19e s., 1825, 3, 203.

La Cour de cassation de Paris, par un arrêt du 20 septembre 1827 (S., 28, 1, 109), a persévéré dans sa jurisprudence, contre l'opinion de notre auteur et d'autres criminalistes (V. Carnot, t. ler, p. 140; Chauveau, t. Jer, p. 179), Pour justifier cette jurisprudence, l'on peut dire que l'art. 59 est conçu en termes trop clairs et trop absolus pour qu'il soit possible d'admettre une distinction, et que le complice d'un parricide annonce un plus haut degré de perversité que le complice d'un assassin ordinaire.

(7) V. dans ce sens Chauveau, t. Ier, p. 178; D., t. 6, p. 271 et 272.

(8) Contrà, Liége, Cass., 29 juin 1829; Jurisp. de Br., 1829, 2, 380; V. Merlin; Rép., vo Complice, no 2.

(9) Tel est aussi le sentiment de Chauveau; mais selon lui, le texte de la loi ne permet aucune distinction, (t. ler, p. 178.) La question lui paraît néanmoins toute différente lorsque l'aggravation prend sa source dans une circonstance, pour ainsi dire, extrinsèque au fait, telle | que la qualité de père, de fils, de tuteur, de domestique ou de fonctionnaire, qui peut appartenir à l'auteur principal.

ne soit pas descendant de l'homicidé, et alors même qu'il n'aurait pas eu connaissance de la qualité de son complice? Je ne le crois pas, et l'on trouvera, au chapitre de la Procédure particulière sur le faux, des observations relatives aux simples particuliers complices d'un faux commis en écritures authentiques par un fonctionnaire public, qui sont également applicables à cette espèce.

Mais un arrêt de cassation du 3 déc. 1812 a décidé ce point délicat et important de jurisprudence (1).

D'autres arrêts ont confirmé cette jurisprudence, et ont jugé de même relativement aux complices de divers crimes dont la peine est aggravée à raison de la qualité des personnes (2); mais comme la doctrine que ces arrêts consacrent me paraît fausse, je ne puis m'empêcher de la combattre, et je pense que le complice d'un assassinat ou d'un meurtre commis sur un ascendant par un de ses descendants, ne peut pas, s'il n'a point lui-même la qualité de descendant de l'homicidé, être condamné aux peines extraordinaires que la loi a décernées contre le fils dénaturé qui attente volontairement aux jours de ses père, mère et autres ascendants (5). En supposant en effet, que le monstre qui a souillé sa main du sang de son père, se soit soustrait aux recherches de la justice, et que le complice seul soit arrèté, l'exemple, but principal de la loi, sera non-seulement manqué, mais faussé, si ce complice est envoyé à l'échafaud avec les insignes du parricide et subit les peines accessoires de ce crime; puisque ce spectacle extraordinaire, réservé pour

un cas rare et destiné à effrayer le peuple, devient en quelque sorte ridicule et ne peut être considéré que comme une barbarie, lorsqu'il s'applique, au moyen d'une fiction, à un étranger que l'on mutile, par représentation. Je dois toutefois rappeler que la décision de la Cour de cassation est conforme à la loi romaine, d'après laquelle les complices du parricide, quoiqu'étrangers, devaient être punis de la même peine (4).

Un autre principe général est que les juges ne doivent réputer complices, et punir comme tels, que les accusés à l'égard desquels les faits de complicité sont reconnus constants; et il ne suffit pas que, d'après une question de complicité posée d'une manière abstraite, l'accusé ait été déclaré complice, sans que les circonstances, qui, aux termes de la loi, constituent la complicité, soient établies par la déclaration (5). Il faut aussi de toute nécessité que la complicité se rattache à un fait criminel, et aux circonstances caractéristiques ou aggravantes de ce fait; car s'il en était autrement, le mot de complice serait vide de sens relativement à l'application des lois pénales (6).

Mais, si le jury a été interrogé sur la complicité et sur les faits qui la constituent, et qu'il ait déclaré l'accusé coupable, cette déclaration suffit pour motiver la condamnation, attendu que, d'après le Code pénal, il n'est pas nécessaire que la complicité résulte de toutes les circonstances qui sont mentionnées dans l'art. 60, mais seulement de l'une d'elles (7); et il a même été jugé lorsque, par exemple, les faits de complicité reprochés a l'accusé, dans un homicide

(1) D., 6, 274; S., 13, 197. (2) Cass., 21 mai 1818.

(3) V. Chauveau, t. Ier, p. 178, dans ce sens. (4). 1.6, ad leg. Pompei. de parricid., § 6, Inst. de publ. jud.

(5) Cass.. 2 juill. 1815, 5 mars et 15 décemb. 1814, 24 janv. 1818, 10 août 1820. (D., 6, 240 et suiv.; S., 15, 298; 14, 112; 15, 87; 18, 151.)

V. cass., 5 fév. 1824, 14 oct. 1825. (D., 6, 274; S., 24, 288 et 27,40.)

Il convient de rappeler ici quelques arrêts qui ont fait l'application de cette règle à des espèces qui présentaient de sérieuses difficultés.

Ainsi la déclaration du jury portant que l'accusé n'est pas coupable d'un crime de vol, comme auteur principal, mais qu'il est coupable comme complice, pour y avoir participé, avec connaissance, ne peut servir de base à une condamnation, en ce que la déclaration n'énonce pas les circonstances constitutives de la complicité. (Cass., 15 janvier 1824; D., 6, 242 el 8, 119; S., 24, 232.)

La déclaration du jury portant qu'un individu est auteur ou complice du crime énoncé en l'acte d'accusation, n'est pas certaine relativement à la perpétration; d'ailleurs elle n'est pas complète relativement à la complicité, puisqu'elle ne constate pas les circonstances constitutives. Elle est essentiellement nulle. (Cass. 29 juill. 1824; D., 8, 106; S., 24, 395.)

Lorsque sur une question de complicité relative à un

accusé, et qui comprend plusieurs caractères de complicité déterminés par la loi, le jury fait une réponse affirmative sans spécifier auquel de ces différents caractères se rapporte sa réponse, celte déclaration suffit pour servir de base à un arrêt de condamnation. (Cass., 27 sept. 1827.)

Sur cet arrêt, Legraverend dit dans ses notes manuscrites qu'il lui paraît bien rendu, parce que la réponse affirmative du jury faisait supposer qu'il avait reconnu l'existence de chacun des caractères de la complicité exprimés dans la question. Mais si, ajoute-t-il, la réponse était conçue d'une manière alternative, c'est-à-dire si elle exprimait la culpabilité sur l'un ou l'autre des caractères de complicité désignés dans la question, sans spécifier quel est celui dont l'accusé s'est rendu coupable, il me semble qu'alors on ne pourrait pas valablement condamner; parce qu'une condamnation doit reposer sur un fait précis déterminé et noa sur quelque chose de vague et d'incertain. - Duvergier.

(6) Un individu ayant été condamné comme complice de banqueroute frauduleuse sur une déclaration du jury d'où ne résultat point le fait de banqueroute, l'arrêt fut annulé. V. 14 janv. 1820 (D., 6. 255; S., 20, 177); 20 nov. 1817, et 4 oct. 1821 (D., 6, 248.).

(7) Rejet, 16 mars 1815 et 12 fév. 1818.

volontaire, constituent la préméditation, la déclaration de culpabilité sur les faits de complicité emporte virtuellement déclaration sur la circonstance de la préméditation, sans qu'il soit nécessaire de poser la question sur ce point relativement au complice, comme à l'égard de l'auteur du crime (1).

Lorsque les accusés sont déclarés coupables d'avoir commis le crime ensemble de complicité, il s'agit alors de la coopération directe au crime, et les jurés n'ont point à s'expliquer sur les moyens de complicité déterminés par le Code pénal (2).

§ II.

De la complicité suivant le nouveau Code

pénal.

59. Le titre III de la 2o partie du Code pénal de 1791 déterminait les caractères de la complicité; le nouveau Code pénal y a substitué de nouvelles dispositions.

1° « Seront punis comme complices d'une » action qualifiée crime ou délit,

» Ceux qui, par dons, promesses, menaces, » abus d'autorité ou de pouvoir, machinations » ou artifices coupables (3), auront provoqué à » cette action (4), ou donné des instructions » pour la commettre (art. 60, C. pén.)(5).

La complicité résulte alors de faits et de circonstances antérieurs au crime ou au délit, et qui ne s'y rattachent pas d'une manière directe et immédiate. Celui qui commande de commettre un crime, en est réputé le complice; on peut même, en certains cas, le considérer comme seul coupable. Si, par exemple, l'exécuteur du crime était placé dans une situation à ne pouvoir désobéir, la loi romaine voulait qu'il ne fût pas puni (6), et que la peine fût seulement appliquée à celui qui avait donné l'ordre. La loi nouvelle (art. 64), déclare aussi qu'il n'y a ni crime ni délit, lorsque l'auteur a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister; mais ce principe doit être restreint dans de justes bornes, et n'est pas susceptible d'une extension qui serait contraire à la justice

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et aux intérêts de la société. Sans doute, par exemple, si un père a ordonné à un enfant en bas âge de commettre un crime, cet enfant ne pourra pas être puni comme celui qui a commandé le crime. La loi veut alors que, suivant qu'il y a eu ou non discernement, l'auteur soit absous ou condamné à des peines proportionnelles (7).

Si un dépositaire légal de l'autorité, chargé de diriger une force armée quelconque, abusant de l'autorité qui lui est confiée, donne l'ordre d'employer, sans nécessité, la force ou la violence, et que le résultat de cet ordre soit considéré comme un crime, les agents de la force publique qui n'auront pu se dispenser d'obéir à l'ordre qui leur aura été donné, pourront alléguer valablement cet ordre comme l'excuse de leur action.

Mais, si des domestiques, après avoir commis un crime, prétendaient se décharger sur leur maître de toute la responsabilité de cette action criminelle; si un fils, parvenu à l'âge où la loi suppose un discernement suffisant, prétendait n'avoir pu se dispenser d'obéir à l'ordre de son père, qui lui aurait commandé le crime, et ne prouvait pas, néanmoins, qu'il était, au moment de l'exécution, dominé par cette force majeure et irrésistible que la loi exige pour effacer la culpabilité, ces allégations ne pourraient produire aucun effet en faveur de ceux qui chercheraient à s'en prévaloir; et si l'ordre d'exécuter le crime avait été donné, l'auteur de l'ordre devrait être puni comme complice, ainsi que le détermine la loi : mais sa condamnation n'empêcherait pas que l'exécuteur du crime ne fût également atteint comme auteur principal.

Celui qui, sans avoir autorité sur quelqu'un, le charge de commettre un crime, est aussi le complice de ce crime, soit qu'il ait payé, menacé ou séduit l'auteur du crime pour le déterminer. Mais ce n'est pas coopérer à un crime, que d'engager un individu à le commettre, si, d'ailleurs, on n'emploie ni dons, ni promesses, ni menaces (8).

Cependant il a été jugé que la complicité existe dans l'espèce d'une personne intermédiaire employée pour faire à un agent du gou

(1) Cass., 20 janv. 1814 (D., 6, 269; S., 14, 34.). (2) V. Cass., 19 janv. 1821; (D., 6, 243); Chauveau, | 1. Jer, p. 174.

(5) L'épithète coupable doit, selon Chauveau, t. Ier, p. 174, et Carnot sur l'art. 60, être appliquée à ces deux expressions pour caractériser une fraude coupable. Si daus Fart. 60, dit le premier de ces auteurs, cette épithète ne se trouve qu'après le mot artifices, c'est pour éviter une répétition inutile. L'expression de machinations n'emporte pas avec elle une telle idée de criminalité qu'il soit inutile d'y ajouter la qualification de coupables: les jurés seraient exposés à confondre de simples manœuvres avec des manœuvres criminelles; et ces dernières seules peuvent être un élément de com

plicité. V. en sens contraire, Cass., 15 mars 1816 (D., 6, 254), et Rauter, no 112.

(4) Nihil interest an per se quis occidat, an mortis causam dolo malo præbeat. L. 5. Cod. ad leg. Cornel. de Sicar.

(5) Consilium dare videtur qui persuadet et impellet, quive instruit consilio ad furtum faciendum L. 3, ff. de furtis.

(6) Velle non creditur qui obsequitur imperio patris vel domini. L. 4, de Reg.jur.

(7) V. art., 340, C. crim., 66 et 67 C. pén.

(8) Cass., 24 nov. 1809, et 3 sept. 1812 (D., 6, 252; S., 10, 508, et 13, 153.)

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