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en donne, l'un des plus heureux qu'il ait connus. L'amour et l'amitié le consolaient des rigueurs de la fortune; et bientôt des succès dramatiques vinrent justifier les espérances qu'il avait conçues. Plusieurs pièces de théatre, dont nous parlerons plus loin, étendirent sa réputation; ses Contes moraux la rendirent brillante, et lui rapportérent beaucoup d'argent : enfin il dut à sa célébrité, ainsi qu'à la protection de quelques grands seigneurs, une pension de 1500 livres comme historiographe des bâtimens du roi, et le privilége du Mercure pendant deux ans. Ce journal était d'un produit tel que cet espace de temps valut 40,000 francs à Marmontel, Cet avantage lui fut enlevé par un événe ment imprévu. Le duc d'Aumont, gentilhomme de la chambre, venait d'êtreattaqué dans une parodie très-maligne et très-spirituelle d'une scène de Cinna. Les soupçons se dirigerent sur Marmontel, qui eut la générosité de ne pas désigner le véritable auteur, lequel lui avait communiqué les premiers vers de ce piquant badinage: et, en vertu du systême de cette époque, que quelques hommes affectent de regretter, le rédacteur du Mercure fut puni d'un tort qui n'était pas le sien, par la perte de son privilége, et une réclusion à la Bastile, où toutefois il fut traité avec beaucoup de douceur. Sa détention fut courte; mais on ne lui rendit point son privilége, qui formait l'une de ses principales ressources. Il s'efforça de la remplacer par d'autres travaux littéraires, que la facilité avec laquelle il composait rendit extrêmement nombreux. Il fut admis, non sans obstacles, à l'académie française, et il en était secrétaire-perpétuel lorsque la révolution éclata. Pendant ses premiers orages, il se retira dans une maison de campagne, à quelques lieues de Paris, où son ame honnête et douce, gémit long-temps des maux dont il fut témoin. La fortune qu'il avait acquise par ses travaux s'évanouit par des remboursemens en assignats. Son mariage avec une Lyonaise aimable et sensible, nièce de l'abbé Morellet, adoucit un peu son humeur chagrine, et lui fit trouver de nouvelles douceurs dans sa retraite. Au moins de mars 1797, il fut nommé député au conseil des anciens par le département de l'Eure. Marmontel avait été philosophe; il parut religieux. Après le mouvement du 18 fructidor de l'an 5, son élection fut cassée; il

se retira à Abboville, village près de Gaillon, dans le département de la Seine-Inférieure. Il mourut en 1798, dans une chaumière qu'il avait achetée, et où il vivait solitaire, pauvre, et oublié. Ses principaux ouvrages sont: Des Tragédies; la première, donnée en 1748, est Denysle-Tyran. La jeunesse de l'auteur fit le principal succès de la pièce, où l'on trouva quelques beaux vers; elle n'a pas reparu au théâtre depuis sa nouveauté. Aristomène, joué en 1750, fut aussi applaudi; mais sans survivre de même aux premieres représentations. Cléomène parut en 1751; les Heraclides, la même année; Egyptus, en 1753; Venceslas, en 1759: cette dernière pièce est de Rotrou; Marmontel s'est contente de la retoucher et d'en supprimer quelques longueurs. Avec ces corrections, elle se soutient au théàtre. Ce travail lui valut toutefois une mortification à laquelle il fut très-sensible; Lekain, qui remplissait le rôle principal dans cette tragédie, etqu'avait probablement indisposé contre Marmontel la roideur et le ton tranchant dont cet écrivain ne put jamais se défaire, ne tint aucun compte des changemens faits aux vers; et, lorsqu'il parut en scène, Marmontel fut aussi surpris que furieux de lui entendre réciter le rôle tel que Rotrou l'avait écrit. Hercule mourant fut repré. senté en 1767. L'auteur, à l'âge de 60 ans, donna Numitor et Cléopátre : cette derniére tragédie avait déjà paru en 1751. Marmontel, plus de trente ans après la disparition de cette pièce, la refit sur un plan nouveau, qui n'eut pas plus de réușsite que le premier le sujet, reconnu pour impraticable, lui offrit cependant quelques détails heureux dans les trois premiers actes; les deux derniers entraînèrent la chute complète de l'ouvrage.— Des Opéras comiques ; la plupart ont ob tenu au théatre italien de grands succès. Les intrigues sont simples et naturelles, et le poète y possède à un très-haut degré la coupe des ariettes et le dialogue musical. On cite entre autres pièces la Bergère des Alpes, Annette et Lubin, le Huron, Sylvain, l'Ami de la maison, et la Fausse Magie: cette dernière offre plus de gaieté que les autres, qui, à leur tour, présentent plus de sentiment et d'in terêt. L'opéra de Lucile surtout est pu rement écrit, sagement conduit, et peut passer pour un petit chef-d'œuvre en son

genre; Zémire et Azor offre d'agréables situations, un merveilleux que l'imagination adopte aisément, parce qu'il est bien ménagé, et les plus heureux motifs du chant. Grétry, dans les derniers ouvrages que nous venons de citer, associa son talent à celui de Marmontel, et cette alliance ne contribua pas médiocrement au succès des opéras dont il s'agit. · Des Tragédies lyriques; l'auteur eut l'ambition d'occuper les trois théâtre de la capitale. Il donna à l'Opéra, Cephale et Procris, en 1775, musique de Grétry; cet ouvrage fut composé pourle mariage de Louis XVI. Demophon en *1789, musique de Chérubini. Didon, représentée quatre ans auparavant, se soutient avec éclat. Les situations du troisieme acte, indiquées par Virgile, sont dessinées avec art et intelligence; les airs y sont bien coupes pour la musique : celle de Piccini, et le jeu brillant et passionné de madame Saint-Huberti, assurèrent le succès de cet ouvrage. Cependant le personnage d'Enée n'y est pas moins froid que dans le poète latin et dans la Didon de Metastase, que Marmontel a imités. L'opera de Roland, joué en 1778, produisit entre Marmontel et l'abbé Arnaud la guerre la plus vive. Le premier préférait la musique de Piccini, le second, celle de Gluck; le premier, en retranchant plusieurs scènes du Roland de Qui nault, l'avait donné, ainsi refait, à son musicien favori, tandis que Gluck travaillait sur le Roland, sans corrections. «Eh bien! dit Arnaud, nous aurons un Orlando et un Orlandino. » Ce mot plaisant irrita l'amour-propre très-susceptible de Marmontel il lança divers sarcasmes contre son adversaire, qui ne demeura pas en reste. D'autres écrivains, Piccinistes ou Gluckistes, prirent part cette guerre, qui devint bientôt générale, et dans laquelle Marmontel fut particulièrement en butte aux traits de ses antagonistes. Parmi les épigrammes qui circulèrent à cette occasion, nous citerons la suivante, comme l'une de celles qui firent le plus de bruit :

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Il invente aussitôt le mal le plus horrible Dont au Tartare même on se fût avisé : « Je veux faire, dit-il, un exemple terrible;

« J'ordonne que Quinault soit Marmontelise. »

Outre ses tragédies et ses opéras, Marmontel est auteur de grand nombre d'ouvrages dans divers genres, et dont plusieurs n'ont pas peu contribue à lui assurer la renommée littéraire dont il jouit Mysis et Délie, 1743. — L'Observateur littéraire, 1749, in-12. - La Boucle de cheveux enlevée, 1746, in-8: traduction en vers français du poëme de Pope. L'Etablissement de l'Ecole militaire, poëme, 1757, in-8.- Les Charmes de l'étude, épître, 1761, in-8 : elle remporta le prix de poésie à l'académie française. Discours de réception à l'académie française, 1763, in-4-Adieux d'un Danois à un Français, 1768, in-8.

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Contes moraux, dont il a paru différentes éditions. Dans cet ouvrage, si généralement connu et qu'ont reproduit presque toutes les langues de l'Europe, l'auteur a fait preuve d'une flexibilité de talent peu commune. Quoique l'on ait reproché à Marmontel, et non sans fondement, de ne pas assez connaître la société qu'il voulait peindre, la plupart de ses contes sont remarquables par la grâce des détails, l'élégance du ton, et des observations aussi justes que fines : dans d'autres,

il a remplacé l'esprit par le sentiment; de ce nombre sont : Le bon fils, Laurette, Lausus et Lydie, qui offrent les tableaux les plus touchans. La Bergère des Alpes surtout est un modèle de diction, d'intérêt, et d'une noble simplicité.

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Belisaire, 1767, in-8. « Cet ouvrage, dit La Harpe, est d'un genre élevé : il est trop long, et a le grand défaut de commencer par être un roman et de finir par être un sermon : mais, malgré ses défauts, c'est là que se trouve ce que, l'auteur, à mon gré, a fait de plus réellement beau. » Le sujet était bien choisi, les six premiers chapitres sont remplis d'intérêt, et très-dramatiques. Il est fàcheux que dans les suivans l'auteur devienne un froid pédagogue. Les principes philosophiques de cet ouvrage le firent censurer et condamner par la Sorbonne. Marmontel le désirait fort; une censure théologique était alors un des grands moyens de faire vendre une édition. La

Sorbonne puisa, dans le 15 chapitre, 37 propositions qui lui parurent dangereuses, et les condamna dans un jugement intitulé Indiculus. auquel Voltaire ajouta assez plaisamment l'epithète de ridiculus. La critique vigoureuse et bien écrite du professeur Coger fit plus de tort à Bélisaire que l écrit de la Sorbonne. Cet ouvrage a été traduit en grec vulgaire, et imprimé à Vienne en Autriche, 1783, in-12. Pharsale de Lucain, traduite en français, 1766, 2 vol. in-8. Il en été fait une seconde édition en 1772.- Poé tique française, 3 vol. in-8. On y trouve une raison perfectionnée par la lecture des bonsauteurs et l'étude profonde de lalangue. Au milieu des préceptes les plus judicieux, on y rencontre néanmoins quelques idées hasardées, qui tiennent à la nature d'esprit particuliere à Marmontel. Il avait, pour tout ce qui présentait un air d'originalité, un penchant qui l'entraînait quel quefois trop loin, et qui, dans l'ouvrage dontil s'agit,lui a fait exprimer des opinions que n'avoue pas toujours le goût. Il avait le tort inexcusable d'estimer peu Boileau; ce qui donnait lieu à Voltaire de répéter plaisamment : << Qui n'aime pas Nicolas, ne prospérera pas. » On lui a même imputé un tort plus grand, et qui ressemblerait au sacrilege; c'est d'avoir souvent affecté de rabaisser l'auteur de Phèdre et d'Athalie. Laharpe, si orthodoxe à cet egard, ne lui pardonna jamais ces héré sies littéraires: il prétend que, malgré son imagination et sa vaste littérature, Marmontel, tout bien considéré, était Béotien, en convenant toutefois qu'il y a de l'attique dans ses Contes. -Essai sur la revolution de la musique, 1777, in-8. Les Incas, ou la Destruction de l'empire du Pérou, 1777, 2 vol in-8. Il en a paru depuis d'autres éditions. Malgré le blâme que les vrais principes littéraires attachent au genre indecis et faux des poëmes en prose, il est impossible de ne pas admirer dans cet ouvrage un intérêt puissant, l'é. levation de la pensée, la noblesse et l'har monie du style: quelques morceaux ont tout le caractère de la véritable éloquence. L'épître dédicatoire au roi de Suède est un morceau trés-remarquable. De l'Autorité de l'usage de la langue, 1785, in-4. - Elemens de littérature, 1787,6 vol. in-12. C'est l'un des meilleurs ouvrages didactiques qui existent dans la langue française. Marmontel y a déposé le fruit

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des longues méditations de sa vie sur l'art oratoire, la poésie et les ouvrages les plus célèbres. Les Déjeuners du village, 1791, in-12. —L'Erreur d'un bon père, 1791, in-12. Nouveaux Contes moraux, 1792, 2 vol. in-12. Quoiqu'agréables, ils n'eurent pas la réputation des premiers. « En écrivant ceux-ci, dit M. Morellet, Marmontel vivait dans une grande dissipation, au milieu de sociétés bruyantes, où l'on cherchait le plaisir sous toutes les formes, et l'esprit dans toute sa parure. Il a composé les derniers lorsque son mariage lui avaient fait connaitre une vie intérieure moins agitée et plus morale. Ses anciens contes, fruits d'une imagination jeune et vagabonde, se ressentent d'une sorte de libertinage de l'esprit. Les nouveaux, écrits dans une situation plus calme, auprès de sa femme, et au bruit des jeux de ses enfans, sont plus près de la nature, qui se fait mieux entendre à la maturité de l'âge, et dans le silence des passions. » — Apologie de l'académie française, 1792. - Divers morceaux de saine critique, fournis à l'Encyclopédie, dont il revit tous les articles de littérature, dans l'édition de Bouillon; un grand nombre de Poésies, insérées dans l'Amanach des Muses et les Journaux. On a publié quelques ouvrages posthumes de Marmontel, une Logique, une Grammaire, un Traité de Morale, une Histoire de la Régence, 2 vol. in-12, et des Mémoires de cet auteur, 4 vol. in-12. Ceux qui voudront le connaître très en détail, pourront l'apprécier dans ce dernier ouvrage, où il s'est peint d'une manière aussi fidèle que piquante. En 1787, on a recueilli les œuvres de Marmontel, en 32 vol. in-8, ou in-12, 1787-1806. Nous terminerons cet article par le jugement qu'un critique célèbre, mais d'une excessive severite, a porté sur l'écrivain dont il s'agit. « Cet auteur, dit-il, fut un littérateur distingué, mais paradoxal; un poète dramatique froid; un écrivain souvent plus déclamateur qu'éloquent; un versificateur dur, mais quelquefois piquant et original. Une foule d'ouvrages mediocres, dans différens genres, prouvent les ressources de son esprit ; ce n'est que dans ses Contes qu'il a montré un vrai talent.»> Ce jugement, vrai sous certains rapports, sera suffisammment modifié par ce que nous avons dit plus haut. Il est d'ailleurs à observer que les formes un peu pedantes

ques de Marmontel et son irritable orgueil ont beaucoup contribué à la rigueur avec laquelle il a été jugé par quelques gens de lettres. Cette disposition alla même jusqu'à l'indécence, et une malice spirituelle, des vers heureux et piquans, ne peuvent justifier le ridicule dont on s'est permis, dans un poëme satyrique célèbre (voy. PALISSOT), d'affubler un homme qui, malgré quelques défauts remarquables, a honoré la littérature française.

MARNE (JEAN-LOUIS DE), né à Bruxelles, en 1752, est un des peintres de paysage les plus remarquables de ce pays, qui en a tant produit et de si distingués. Il vint à Paris à l'âge de douze ans, étudier le dessin chez un peintre de l'académie (M. Briard); et il préféra cette carrière à une place dans les gardes-nobles de Pologne, que lui proposait le comte de Velowscki, l'époux de sa sœur. Il fit plusieurs voyages en Suisse, dont les sites lui ont servi de modèles, comme les tableaux de Karel-Dujardin ont décidé le genre de peinture dans lequel il s'est fait un nom par les tableaux variés et nombreux qu'on a vus depuis long-temps aux expositions du Louvre. Celles de 1814 et de 1817 en offrirent surtout un grand nombre. Plusieurs amateurs ont fait des collections des tableaux de cet artiste aussi distingué que fécond. Une des plus belles et des plus riches à Paris, est celle du comte de Nape.

MARRAGON, député de l'Aude à la convention nationale, vota avec la majorité de cette assemblée, dans le procès de Louis XVI. Membre des comités d'agriculture et des travaux pubics, il présenta des plans sur les moyens de vivifier la navigation intérieure. Envoyé au Havre, en l'an 3 (1795), il s'efforca d'y reparer les malheurs du gouvernement révolutionnaire; entra au conseil des anciens, lors de l'organisation constitutionnelle de l'an 3; y vota constamment avec les républicains directoriaux; fut élu président de ce conseil, le 1er nivóse an 6 (21 décembre 1797); en sortit le 1 prairial de la même année (20 mai 1798), et fut nommé, par le directoire, envoyé de la république près des villes anséatiques. Il se trouvait à Hambourg lors de Varrestation de Napper-Tandy, et se disposait à en partir, à cause du refus du sénat de mettre ce prisonnier en liberté, forsqu'il reçut du directoire l'ordre d'y

rester et d'insister sur cette demande mais la généreuse intervention de la république qui, depuis,sauva la vie à ce proscrit, fut vaine en ce moment. A son retour M. Marragon fut nommé commissaire du gouvernement près l'administration des canaux intérieurs; et, en 1800, il devint receveur général du département de l'Hérault. Il a occupé long-temps cette place, et en avait donné sa démission en faveur de son fils. Forcé de s'arracher à sa famille, par la prétendue loi d'amnistie du 12 janvier 1816, M. Marragon, vieillard octogénaire, a quitté la France et s'est retiré dans le royaume des Pays-Bas.

MARRON (PAUL - HENRI), l'un des pasteurs de l'église réformée de Paris et Frésident de son consistoire est né à Leyde le 12 avril 1754. De l'église française de Dordrecht, qu'il desservait depuis six ans, il fut, en 1762, appelé, comme chapelain, à l'ambassade de Hollande à Paris. Il s'en détacha en 1788, quand Louis XVI eut rendu l'état civil aux protestans français, et ceux de la capitale le choisirent pour leur pasteur. Nous pardonnons, sans peine, à M. Marron, d'avoir alternativement célébré l'empereur Napoléon et les Bourbons: c'est une tentation à laquelle beaucoup d'honnêtes gens ont succombé; mais ce dont nous l'absoudrons plus difficilement, c'est d'avoir, en 1816, à l'instant même où les protestans étaient le plus cruellement persécutés, dans le midi de la France, et où toutes les preuves de la persécution étaient entre ses mains, trabi, à-la fois, la vérité et tous les devoirs de son ministère, en écrivant à la société protestante de Londres, une lettre dans laquelle, en repoussant toute intervention de la part de ses co-religionnaires étrangers, il contestait la réalité des attentats, trop nombreux et trop universellement connus. qui excitaient alors l'horreur de toute la France. La conduite du ministre Marron, dans cette circonstance, où la publication de la vérité était un les plus puissans moyens de salut pour des infortunés protestans, est d'autant plus lâche et d'autant plus criminelle, qu'on ne peut douter qu'il n'ait vendu le sang de ceux dont il était le protecteur naturel, au désir de conserver la faveur du ministère français, lequel, à cette époque, attachait un grand prix à ce que les chefs de l'église réformée gardassent, sur les assassi¬

nats des protestans, un silence que lui même à rompu depuis. (voy. SERRES) On a lu de M. Marron, dans le Magasin Encyclopédique, une Epitaphe peu louangeuse de Kant, en quatre langues: grec, latin, français, hollandais. Il a publié aussi quelques discours français détachés, et sa communion s'étant réunie à celle de la confession d'Augsbourg, dans la fête séculaire de la réformation, le 2 novembre 1817, il a prononcé, à l'autel de l'église des Billettes, une prière solennelle, insérée dans le Recueil des pièces relatives à cette célébration. M. Marron est membre de l'Institut de Hollande et de plusieurs autres sociétés savantes. Il a donné à la Biogrophie universelle des frères Michaud, un grand nombre d'articles hollandais, parmi lesquels on peut citer, Grotius, Douza, Haren, Hoppens, Kalz.

MARS (HIPPOLYTE ), actrice-sociétaire du Théatre-Français, née en 1778, débuta, en 1791, au théâtre Montansier, par le rôle de l'Amour dans Isabelle de Salisbury. Quelques feuilles, en rendant compte de ses débuts, parurent ne pas fonder sur elledes espérancesqu'elle aurait néanmoins plus que justifiées. En 1795, elle s'attacha à la fraction des comédiens qui jouaient dans la salle de la rue Feydeau. Lors de la réunion complète de tous les acteurs de l'ancienne comédie, elle fit, bientôt partie de leur société. Le rare talent de Mlle Mars a souvent été l'objet d'éloges parfaitement mérités, mais dont la forme emphatique n'a pas toujours été exempte de ridicule. Toutefois, un manque total de goût ou de bonne-foi pourrait seullui contester les précieuses qualités,que lui ont reconnues ces vieux amateurs dépositaires des traditions et des souvenirs des Dangeville, des Doligny, des Olivier et des Contat. Fille de Monvel, et des tinée dès l'âge le plus tendre à cet art, dans lequel avait excellé son père, Mile Mars devait à la nature les plus heureuses dispositions. Il faut mettre au premier rang une physionomie mobile et piquante, un maintien plein de grâces, et un organe enchanteur, dont le charme consiste surtout dans une prononciation parfaite. Monvel connaissait trop bien son art pour ne pas sentir qu'un comédien doit tout à la nature et presque rien aux leçons d'un maître. Aussi disait-il souvent à sa fille : «Sais-tu ton rôle? Eh bien,

joue-le comme tu le sais. » La jeune élève répondit parfaitement à l'attente de son père. Elle joua avec un grand succès les ingénues. On peut juger du charme qu'elle posséda dans un âge qui s'alliait si bien avec cet emploi, en lui voyant jouer encore aujourd'hui quelques-uns de ces ròles, tels que Silvia des Jeux de l'amour et du hasard, Betty de la Jeunesse de Henri l'; Henriette des Femmes savantes etc. Devenue chef d'emploi par la retraite de Me Lange, elle y brilla long-temps, et l'on peut dire, à sa gloire, et avec un sentiment douloureux de la décadence de l'art dramatique, qu'elle n'y est point encore remplacée. Rien n'annonce même qu'elle doive l'être. A une époque où, malgré tout le prestige de l'illusion théâtrale, et toute la magie d'un talent consommé, les ingénuités cessaient d'être de son âge, M11. Mars aspira à l'emploi des grandes coquettes. Elle avait à soutenir, dans cette entreprise, et la concurrence avec une actrice qui venait de débuter dans ces mêmes roles avec un succès éclatant (voy. LEVERD), et l'opposition manifeste de cet emploi avec celui qu'elle avait exercé jusque-là. Cependant l'événement la justifia; elle trouva de nouvelles récompenses de ses efforts dans les applaudissemens du public. Quoiqu'il y eût peu d'exemples d'un sujet qui réunît ainsi deux emplois en chef, et malgré l'espèce d'injustice que cet empiètement faisait éprouver à Mile Leverd, dont le talent semblait devoir suffire pour les rôles de grandes coquettes, Me Mars en appela au parterre, qui partagea entre les deux rivales sa bienveillance et ses applaudissemens. L'admirable talent de Mile Mars n'a pas besoin d'ê tre caractérisé; le sentiment qu'il excite en France, l'impression qu'il produit sur les étrangers, sont universeliement connus. Touchante dans Victorine, naïve et décente dans Betty, fine et piquante dans Henriette, délicate et sensible dans Araminte, c'est par d'autres ressorts qu'elle remue le spectateur, qu'elle interesse et le cœur et l'esprit dans les rôles, si opposés aux premiers, de la coquette Céliméne et de la capricieuse Céliante. Elle a montré un talent tout particulier dans Omasis, dans le Séducteur, ainsi que dans l'Assemblée de famille, le Tyran domestique, et plusieurs autres compositions de cette espèce, qui appartiennent plus au drame qu'à la comedic. Le 25 février 1818, M",

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