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Basques, lorsque le 14, le duc de Rovigo, les généraux Lallemand et le comte Lascases se présentèrent à son bord afin d'obtenir pour Napoléon et pour sa suite la liberté de se rendre en Amérique. Si l'on en croit ce que rapportèrent alors les journaux ministériels del'Angleterre,le capitaine Maitland refusa positivement cette demande, et prit toutes les mesures nécessaires pour prévenir la possibilité de la fuite de Napoléon. Le 16, ayant découvert, à la pointe du jour, un brick et un schooner sortant des routes de l'île d'Aix, il leur dépêcha des canots qui ramenèrent au bout d'une heure l'ex-empereur, accompagné des généraux Bertrand, Montholon, et du duc de Rovigo. C'est sous ce point de vue que le gouvernement bri. tannique a jugé à propos de présenter la transaction dont il s'agit; mais d'autres rapports, et de fortes probabilités autorisent à croire que l'ex-empereur avait formé le projet de s'abandonner avec confiance à la générosité du plus constant de ses ennemis ; cette confiance fut cruellement trompée (voy. NAPOLÉON). Quoi qu'il en soit, le capitaine Maitland le recut avec beaucoup de politesse; il lui céda sa chambre et dîna avec lui. Napoléon parut préférer sa société à celle de toute autre personne. Quelques jours après, le vaisseau fit voile pour Plymouth. Lorsque les grandes puissances, toujours suivant les rapports anglais (ou plutôt le cabinet de St-James, qui crut pouvoir prendre l'initiative d'une semblable résolution), eurent prononcé sur le sort de leur prisonnier, le capitaine Maitland fut désigné pour le conduire à l'île Sainte-Hélène, et il remit à sir Hudson Lowe, gouverneur de cette île, 4,000 napoléons d'or, trouvés dans les effets de l'ex-empereur.- MAITLAND, major-général, donna, à la bataille de Waterloo, l'exemple de la plus grande bravoure, et contribua beaucoup aux succès de l'armée alliée.

MALCHUS (Le comte), d'abordsyndic au chapitre de Hildesheim, et ensuite membre de la chambre supérieure et des domaines prussiens à Halberstadt, fut nommé, en 1806, membre du conseil westphalien; plus tard, il s'attacha à la cause du roi Jérôme Bonaparte, et devint son ministre des finances. Après la chute de ce nouveau roi, en 1813, le comte Malchus voulut passer dans les états autrichiens; mais le gouvernement s'y op

posa, et il se retira à Heidelberg dans les états de Bade, où il fut arrêté en 1815. Il fut mis en liberté, après un examen de ses papiers, duquel il résulta que l'accusation intentée contre lui était dénuée de fondement. Le roi de Wurtemberg le nomma ensuite son ministre des finances, et l'on vantait beaucoup, au commencement de 1818, les connaissances et les talens dont il faisait preuve dans ce poste important, où il semblait jouer le róle de premier ministre.

MALESHERBES (CHRÉTIEN-Guillaume DE LAMOIGNON DE ), naquit à Paris, le 16 décembre 1721, d'une famille illustre dans la haute magistrature. Son père, Guillaume de Lamoignon, était chancelier deFrance. Il exerça d'abord la place de substitut du procureur-général, puis celle de conseiller au parlement de Paris, et enfin celle de premier président à la cour des aides, à laquelle il fut appelé en 1750. Pendant vingt-cinq ans qu'il remplit cette dernière place, il s'opposa avec une énergie toujours nouvelle à la création des impôts excessifs, à l'avidité des financiers, à l'établissement des tribunaux d'exception pour fait de contrebande, et enfin à la perception d'une subventiongénérale dont le comte de Clermont assisté du maréchal de Bercheny, vint faire enregistrer l'édit avec tout l'appareil du pouvoir absolu soutenu par la force militaire. Personne ne s'opposa plus courageusement que Maleshesbes à l'odieux emploi des lettres de cachet, dont l'usage fut si fréquent, si aveugle et si terrible dans les dernières années du règne de Louis XV, et que la Sabattin, maîtresse du ministre de Paris St-Florentin vendait publiquement pour cent écus, prix également fixé pour la croix de St-Louis. «< Personne » disait Malesherbes à Louis XV «Personne, ne peut se flatter d'être assez grand pour braver le ressentiment d'un ministre, mais personne n'est assez petit pour échapper à celui d'un commis. » La cour des aides ayant été supprimée en 1771, Malesherbes se retira dans sa terre, où toute sa conduite était celle d'un père de famille uniquement occupé du bienêtre de ses enfans. A son avènement au trône (10 mai 1774), Louis XVI le nomma au ministère de Paris, dont les attributions répondaient en France à cel

les du ministère actuel de l'intérieur. Il visita les prisons dont il fit sortir tous les

détenus par acte arbitraire, et y établit des filatures de coton et des métiers pour donner aux autres prisonniers les moyens d'acquérir plus d'aisance par leur travail. Sur sa demande expresse et réitérée, le roi accorda une indemnité de cent mille francs et une pension de huit mille livres au malheureux Caradeux de la Chalotais, procureur-général au parlement de Rennes, dont une longue persécution, suscitée par le duc d'Aiguillon, avait détruit la fortune. Le respectable Turgot, son ami particulier, ayant reçu en 1776, sa démission du contrôle-général, Malesherbes voulut partager la disgrace de cet homme de bien, et demanda sa retraite. Rendu à l'independance qu'il préférait à tout, il résolut de voyager et, sous le nom de M. Guillaume, il parcourut successivement la France, la Suisse et la Hollande; visitant les manufactures, les bibliothèques, les hópitaux, et entrant dans les plus petits détails surtout ce qui pouvait ajouter à la gloire de sa patrie et intéresser l'humanité. Sincèrement attaché aux principes d'une saine philosophie, Malesherbes partagea avec toute la France les généreux élans que fit naîtrelarevolution. L'enthousiasme de cette ame si noble, si pure, si sensible, s'était même accru, pendant quelque temps, en raison de tout le bien qu'il attendait du concours unanime de toutes les volontés pour une amélioration universelle que secondaient les vœux de Louis XVI. Il est inutile de dire qu'en déchirant son cœur et en flétrissant ses espérances, les crimes qui ensanglantèrent trop souvent la révolution lui inspiréèrent une horreur aussi profonde que légitime; cette horreur n'était-elle pas, alors le partage de tous les hommes de bien,et fallait-il en conclure, ainsi que l'ont fait quelques amis du pouvoir arbitraire indignes successeurs du nom de Malesherbes (v.LAMOIGNON, Chris tian), ou hypocrites vengeurs de sa mémoire (voy. LEPELLETIER-ROSAMBO), que celui dont toute la vie avait été, en quelque sorte, un culte perpétuel et religieux de la liberté, avait abjuré ce culte, par ce qu'indignement méconnu par quelques brigands, il était devenu, de leur part, l'objet d'un execrable hommage. Ceux qui, pendant les troubles civils de la France vécurent dans l'intimité de M. de Malesherbes, savent que jamais une expression de haine ne sortit de la bouche de cet homme vertueux; ses larmes cou

laient en silence sur les malheurs de sa patrie. C'est avec cette simplicité sublime, et croyant ne remplir que le plus ordinaire de ses devoirs, à l'instant où il plaçait sa tête sous la hache, qu'il voulait écarter de celle de l'infortuné Louis, qu'il écrivit au président de la convention, à l'instant ou cette assemblée venait de décréter que le roi serait mis en jugement devant elle , pour implorer, comme une grace, le dangereux honneur de le défendre. Voici cette lettre toute entière; en donner un extrait n'eût satisfait ni le cœur de nos lecteurs ni le notre. « Malesherbes, le 11 décembre 1792. Citoyen président, j'ignore si la convention donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre, et si elle lui en laissera le choix : dans ce dernier cas, je désire que Louis XVI sache que, s'il me choisit pour cette fonction, je suis prêt à my dévouer. Je ne vous demande pas de faire part à la convention de mon offre, car je suis bien éloigné de me croire un personnage assez important pour qu'elle s'occupe de moi; mais j'ai été appelé deux fois aux conseils de celui qui fut mon maitre, dans le temps que cette fonction était ambitionnée par tout le monde: je lui dois ce service lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. Si je conaissais un moyen possible pour lui faire parvenir mes dispositions, je ne pren. drais pas la liberte de m'adresser à vous:j'ai pensé que,dans la place que vous occupez, vous auriez plus de moyens que personne pour lui faire passer cet avis. » Cette lettre produisit sur la montagne de la convention, livrée à toutes les fureurs de la haine, de la défiance, et au fanatisme de la liberté, un effet semblable à celui qu'elle eût opéré sur des hommes justes et sans passion ; avant qu'on l'eut entendue, la montagne s'était élevée avec fureur contre la proposition d'adjoindre un défenseur à Tronchet : à peine l'eût elle été, que les plus fougueux demagogues restèrent sans voix; ainsi fut exaucé le vœu de Malesherbes, au milieu de l'etonnement et de l'attendrissement universels. Aussitôt que la réponse de l'assemblée lui fut parvenue, il se rendit au Temple; c'était le 14 décembre 1792 ; il y fut reçu avec soupçon par les commissaires de la commune; on soumit sa personne aux recherches les plus injurieuses. Quant Louis le vit entrer, il ne put retenir ses

larmes, et courut se jeter dans les bras de ce premier guide de sa jeunesse, de l'ami de son malheur. Le digne vieillard ne pouvait s'exprimer; il pressait et baisait les mains de Louis; enfin, lui etTronchet,commencèrent,avec ce prince,le travail de sa défense. Pressés par le temps et des occupations qui surpassaient, non leur zele, mais leurs forces, ils demandèrent à la convention de pouvoir s'adjoindre un nouveau défenseur, l'obtinrent et appelerent Desèze. Deux hommesillustres, Nec. ker et Lally, publierent alors du fond de leurs retraites, en faveur du roi, d'éloquens mémoires qui ont été lus et admirés de toute l'Europe, et sollicitèrent des saufs-conduits pour rentrer en France, pendant le temps seulement que durerait Je procès, afin d'embrasser devant la convention la défense du malheureux prince: c'était sans doute de leur part une confiance courageuse, mais une garantie eût existe pour eux ; il n'y en eut point pour Malesherbes, et l'avenir ne l'a que trop prouvé. Louis ayant été, pour la seconde fois, traduit à la barre de la convention, le 26 décembre, ses défenseurs l'y accompagnérent. Pendant les débats du procès et les appels nominaux, Malesherbes assistait presque toujours aux séances, dans une tribune. Al'instantoù le décret de mort fut rendu (nuit du 16 au 17 janvier 1793), les trois défenseurs parurent à la barre. Tronchet et Desèze ayant parlé les premiers, sur la faible minorité qui venait de prononcer la mort, Malesherbes, près que hors de lui-même, voulut parler à son tour, et tenter un dernier effort. Ce lui qui, par ses vertus et ses talens, bien plus encore que par sa dignite, avait été si long-temps l'oracle des magistrats, ne sait maintenant quel langage tenir devant des hommes dont la plupart avaient émis leur opinion contre l'accusé, long-temps avant le jugement. Rigoureux observateur de toutes les formes protectrices de l'innocence, il les voit toutes violées, soit qu'il consulte l'acte constitutionnel, seul pacte social existant entre la nation et le roi: soit qu'il ouvre le Code pénal commun à tous les Français. Dès les premiers mots il se trouble; la multitude de ses sentimens l'oppresse; enfin d'une voix émue, il prononce ces mots entrecoupés,et fidelement recueillis : «Sur cette question.... comment les voix doivent-elles être comp. tées?....J'avais à vous présenter des consi

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dérations qui ne me sont suggérées ni par les circonstances ni par l'individu........» Aus sitôt des sanglots démentent ces paroles, et attestent assez que c'est le vieil ami de l'infortuné monarque qui parle. Ils'efforce encore de discuter, mais toutes ses idées se confondent. « J'avais médité plusieurs idées à cet égard, quand j'appartenais au conseil de legislation; aurais-je le malheur de les perdre, si vous ne me permettez pas de vous les présenter d'ici à demain?... » Cette permission fut refusée, et la séance levée au même instant. En sortant de la convention, Malesherbes qui, d'après les assurances que venaient de lui donner quelques députés influens du côté droit n'avait point encore perdu tout espoir qu'un sursis à l'exécution serait accordé, se fit conduire au Temple (voy. Louis XVI), et cette entrevue fut la dernièrequ'il eut avec l'infortuné monarque qu'il sollici tavainement de revoirlelendemain. Il quit ta Paris peu de jours après la mort du roi, et retourna dans sa terre de Malesherbes, accable de douleurs, d'inquiétudes pour l'avenir, et livre aux souvenirs les plus déchirans. Il fut,bientôt après,frappé dans l'objet de ses affections les plus chères; sa fille, la présidente de Rosambo, fut arrachée de ses bras, par ordre du comité de sûreté-générale, et trainée en prison; il conjura les tyrans de lui permettre de partager les fers d'une fille chérie ; il l'obtint; cette faveur était du nombre de celles qu'ils ne refusaient jamais, et dès le lendemain il fut arrêté, conduit aux Madelonnettes, et renferme ensuite dans la maison d'arrét de Port-Royal. En rivant il reconnut un père de famille qui avait occupé une place dans ses bureaux. «Eh quoi ! lui dit celui-ci, vous ici, monsieur?-Oui, mon cher, répondit le vieillard, je deviens mauvais sujet sur la fin de mes jours, et je me fais mettre en prison. Traduit, le 3 floréal an 2 (22 avril 1794), au tribunal révolutionnaire, avec sa fille et sa petite fille, tous trois furent condamnés à mort, et un seul jour devora trois générations.... En sortant de la porte du guichet de la Conciergerie pour monter sur la charrette destinée à le conduire au supplice, Malesherbes heurta d'une jambe le seuil trés-élevé de cette porte, et pensa tomber : «oh! oh!» s'écria-t-il en souriant, «voilà ce qui peut s appeler un funeste présage; un Romain, à ma place, serait rentré.» Il

ar

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