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de guides, de consolations, d'exemples et de secours ! Sentiment profond de ce qui est beau, grand et juste, piété, tolérance, amour sincère de l'humanité, tels furent les éléments, les convictions de sa belle âme : ordre et travail, indépendance et sagesse, charité, tels sont les enseignements qu'il laissa. Il ne manqua à aucun devoir, ne déserta aucune noble cause et ne fit défaut à aucune idée généreuse. Sa vie, bien que féconde en actes et en bienfaits publics, n'en fut pas moins retirée, paisible, modeste. Les derniers instants en furent admirables. Une affection organique du cœur vint le saisir au moment où l'on se croyait encore sûr de voir se prolonger cette patriarcale vieillesse. Au milieu des plus vives souffrances, uniquement préoccupé de la douleur de sa famille, qui recueillait avec amour ses dernières paroles, il n'exprima aucun regret, aucune plainte. Comme le juste de l'Évangile, il vit arriver la mort avec la sérénité d'une conscience irréprochable, avec le calme d'une âme chrétiennement résignée, et, confiant dans la justice divine, il alla lui soumettre l'emploi qu'il avait fait des facultés et des biens qu'il en avait reçus (1).

Ses funérailles, réglées à l'avance par lui-même, furent simples comme l'avait été sa vie. Il fit distribuer aux pauvres l'argent que l'on eût consacré à de somptueuses obsèques pour cortége ses parents, pour sépulture le cimetière de famille, et sur son tombeau cette seule inscription: « Il fut un des principaux fondateurs des caisses d'épargne. » Il avait la conscience d'avoir, en cela du moins, rendu un grand service à son pays.

La piété généreuse d'un ami, d'un compatriote, a (1) 1er mars 1847, dans sa 74° année.

voulu rendre à sa mémoire un dernier hommage. Il a voulu que la ville natale de M. Delessert, que ces lieux jadis célèbres par les luttes de l'éloquence et de la poésie (1), retentissent du simple récit de ses bienfaits, de ses vertus, et que la couronne destinée au front de l'orateur par cette illustre Académie fût en même temps déposée sur la tombe de l'homme de génie dont Lyon s'enorgueillit à juste titre d'avoir été le berceau.

(2) C'est à Lyon que s'élevait, au commencement de l'ère chrétienne, le temple d'Auguste, où se célébraient des jeux littéraires, auxquels Juvénal fait allusion dans les vers suivants :

Palleat ut nudis pressit qui calcibus anguem,

Aut Lugdunensem rhetor dicturus ad aram.

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(A) Voici les plus importantes de ces publications:

10 Icones selecta plantarum quas in systemate universali, ex herbariis parisiensibus, præsertim ex Lessertiano, descripsit Aug. Pyr. de Candolle. 5 volumes in-fol. contenant les cinq premières centuries. Paris, 1820-1846.

20 Un cahier de planches lithographiées d'espèces rares de la Nouvelle-Hollande, avec ce titre Icones lithogr. plant. Australasiœ rariorum. Petit in-fol., Paris, 1827, avec des descriptions par Guillemin.

30 Flora Senegambiæ tentamen, etc., par MM. Guillemin, Perrotet et Richard. 1 volume in-4, avec 72 planches, 1830-1833.

C'est encore à la munificence de M. Delessert que l'on doit le grand ouvrage qui a pour titre : Recueil de coquilles décrites par Lamarck et non encore figurées 1 vol. in-8, Paris, 1841, avec 40 planches in-folio gravées et coloriées. Il concourut également à celui que publie M. Chenu, conservateur de la galerie de conchyliologie, sous le titre d'Illustrations conchyliologiques. Ce dernier ouvrage présentera un species général de toutes les coquilles connues, vivantes ou fossiles.

(B) La science ne pouvait manquer de payer son tribut de reconnaissance à M. Delessert en inscrivant son nom dans le catalogue du règne végétal. Deux genres botaniques lui ont été dédiés, l'un par Lamouroux et l'autre par M. de Candolle. Le premier, qui a reçu le nom de Delesseria, a pour type une des algues les plus belles de la famille des floridées. Ce genre est même devenu le type d'une tribu, les Delesseriées, la plus élevée dans la série phytologique.

L'autre genre, nommé Lessertia par de Candolle, fait partie de la tribu des Lotées, de la famille des légumineuses. Il a été fondé sur des plantes autrefois rapportées au genre Colutea, dont il est un démembrement. Le Prodrome de D. C. en énumère dix-sept espèces.

Ce qu'il y a de remarquable, c'est que, contrairement aux lois de la nomenclature, tous les botanistes ont admis et respecté ce double

emploi. Sprengel seul a essayé de protester, en substituant au nom donné par Lamouroux le nom barbare de Wormskjoldia; mais ce nom n'a été adopté par personne.

(C) Nous ne croyons pas commettre une indiscrétion en empruntant au bel Éloge de Delessert, que M. Flourens a prononcé à l'Académie des sciences, dans sa séance publique du 4 mars 1850, un trait charmant que son auteur, dit le savant biographe, « n'avait pu

cacher. >>

« Un jour qu'il avait consacré une de ses visites aux Enfants malades et aux Enfants trouvés, il revenait s'acheminant à pied. Ce jour était un premier janvier. A peine avait-il fait quelques pas, qu'il rencontre des groupes d'enfants, joyeux comme ils le sont tous ce jourlà, et dont les petits bras pliaient sous le poids des cadeaux dont on les avait comblés. Cette vue rappelle à l'excellent homme les enfants qu'il vient de quitter, pauvres créatures abandonnées et qui ne connaîtront jamais ces joies. M. Delessert ne peut supporter cette idée. Avant de rentrer chez lui, il avait expédié aux deux hospices une cargaison très-capable d'y apporter un bonheur aussi vif qu'inattendu. Depuis ce moment, les enfants malades et les enfants trouvés ont eu, chaque premier janvier, leurs cadeaux et leurs joies du jour de l'an. »>

(D) Chimiste, physicien, naturaliste, homme d'atelier et de laboratoire, ses connaissances variées s'appliquaient à tout. Il a même laissé de son goût pour l'architecture un témoignage précieux. C'est un projet relatif à la reconstruction de la Bibliothèque nationale, applicable d'ailleurs à toutes les bibliothèques publiques (deux mémoires in-4, 1835 et 1838, avec planches gravées). Il donnait à son monument la forme circulaire, panoptique, et il prouvait que cette disposition permettrait non-seulement une distribution plus commode, une surveillance plus facile, mais qu'elle admettrait un nombre plus considérable de volumes, et qu'elle procurerait une économie notable dans les frais de construction.

MATTHIEU BONAFOUS (')

(1793-1852)

L'ombra sua torna ch'era dispartita. (DANTE AL. inf., cant. iv.)

I

Dans les dernières années du XVIIe siècle, un des rameaux d'une ancienne famille noble française, originaire du Quercy, alla se fixer en Piémont et devint la souche d'une nouvelle lignée franco-italienne, dont les membres s'établirent à Turin et à Lyon. Cette famille, que des recherches généalogiques font remonter jusqu'au xe siècle, avait aussi jeté plusieurs branches dans le bas Limousin, dans le Berry, dans le Languedoc et dans la Picardie. La maison de Bonafoux ou de Bonafos avait, depuis plusieurs siècles, fourni une longue succession de seigneurs de Presques, de Vern et de Tessieu. L'un deux avait accompagné Raymond VI à la croisade de 1248; d'autres, chevaliers de Malte ou de Saint-Jean de Jérusalem, et pourvus de hauts grades militaires, avaient combattu glorieusement, à diverses époques, dans les armées françaises. Au commencement du XVIIIe siècle, le second

(1) Éloge couronné par l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, dans sa séance du 11 juillet 1854.

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