Page images
PDF
EPUB

gélistes et des Actes des Apôtres, en langue malaise. Il en fit autant pour les naturels de l'Irlande et les montagnards de l'Écosse qui n'entendaient pas l'anglais. Il fonda des leçons publiques dans lesquelles Samuel Clarke prononça ses discours devenus célèbres, et lorsque Burnett publia son Histoire de la Réformation, «il en fit tous les frais, dit l'auteur de cet ouvrage, d'une manière « proportionnée à la grandeur de son âme. »>

Boyle joignait à ses principes de piété, des mœurs pures, une rare modestie, une bienfaisance active et une extrême délicatesse. Il ne voulut pas entrer dans les ordres, parce qu'il ne se croyait pas digne d'en exercer les fonctions. Quatre de ses frères étaient membres de la pairie, qu'il refusa pour lui-même. Il refusa également la direction du collège d'Éton, ainsi que la présidence de la Société royale, dont il était le principal fondateur et que personne sans doute n'était plus digne de représenter. Il finit par accepter le titre de directeur de la compagnie des Indes, mais afin de travailler plus efficacement à la propagation du christianisme chez les Indiens. Honoré successivement de l'estime de Charles II, de Jacques II et de Guillaume III, il ne se servit jamais de son crédit qu'en faveur des sciences. Son laboratoire était le rendezvous de tous les savants, et sa maison était toujours ouverte aux malheureux. Sa charité modeste se plaisait à répandre des faveurs dont on ne pouvait soupçonner l'origine. Le reste de sa fortune était employé à faire construire des instruments, des appareils, à exécuter des expériences, à fonder des institutions, à pensionner des savants. Il fit construire à Oxford un observatoire ainsi qu'un laboratoire dans lequel il attira des ingénieurs et

des mécaniciens pour l'aider dans ses recherches. Il légua ses collections et sa bibliothèque à la Société royale de Londres.

Boyle était d'une taille élevée. Sa constitution était délicate. Sa figure pâle et sévère annonçait un esprit sérieux, calme et bien au-dessus de la vanité et de l'ambition. Sa sobriété était exemplaire son tempérament l'obligeait à manger avec réserve et des mets peu recherchés. Autour de lui, tout était disposé avec ordre et méthode. Il réglait ses vêtements d'après l'état du thermomètre. Il parlait lentement et avec hésitation, parce qu'il était un peu bègue. Il discutait peu, écoutait avec complaisance les objections, les repoussait sans aigreur, n’affirmait jamais, mais aimait à proposer des doutes, à soulever des questions, à fournir des matériaux aux débats scientifiques. Son humeur était douce, égale; sa conversation spirituelle et enjouée. Il ne prononçait jamais le nom de la Divinité sans s'arrêter un instant, comme par respect. Rien ne lui était plus odieux que le charlatanisme et le mensonge. Son père disait souvent: Je suis bien certain que Robert n'a jamais menti!

Boyle mourut à Londres le 30 décembre 1691. Son ami, le docteur Burnett, évêque de Salisbury, prononça son éloge funèbre. Son mausolée repose dans l'église de Wesminster. Thomas Birsch, à qui l'on doit une édition complète de ses œuvres, la fit précéder d'une savante biographie, à laquelle nous avons emprunté la plupart des détails qui se rapportent à sa personne.

Est-il une existence plus digne de notre admiration, de nos respects, que celle d'un tel homme, éminent à la fois par ses vertus, par son caractère, par son savoir, pas

sionné pour l'étude au point de lui sacrifier tout ce qui fait l'objet des ambitions vulgaires? Est-il un emploi plus honorable des dons de la fortune que de les faire servir à lever les obstacles matériels qui arrêtent l'essor de la science, à encourager le travail, à doter les institutions publiques? Est-il enfin un rôle plus beau, un sort plus heureux que celui d'un savant devenu, par l'autorité de son nom et de son exemple, le point central où viennent se réunir tous les travaux, toutes les découvertes, tout l'avenir des sciences qu'il cultive: c'est presque dire toutes les destinées ultérieures de la civilisation?

NICOLAS LÉMERY

(1645-1715)

I

Votiva pateat veluti descripta tabella
Vita senis.

(HORAT., Sat. 1, lib. II.)

Par une belle matinée du mois de mai 1715, deux vieux amis, après avoir fait ensemble une assez longue promenade au jardin du Luxembourg, à Paris, et respiré avec délices un air pur, embaumé par les exhalaisons fragrantes des buis, des lilas et des roses, s'acheminèrent lentement à travers les rues étroites et tortueuses qui s'étendent sur la croupe de la montagne Sainte-Geneviève. Il était près de midi, et le dîner frugal que l'un des deux vieillards offrait à son digne ami, devait avoir pour l'un et pour l'autre un double charme. Il s'agissait, après une longue séparation, de resserrer les liens d'une ancienne et respectable confraternité, et de ranimer leur zèle philosophique par la communication mutuelle des découvertes que chacun d'eux venait de faire dans les champs des hautes sciences. Ils arrivèrent bientôt dans

(1) Cet Éloge a été couronné par l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Rouen, dans sa séance publique du 9 août 1838.

la rue Saint-Jean-de-Beauvais, à quelques pas de l'ancien collége de Presles, et s'arrêtèrent à une maison de modeste apparence dont la porte s'ouvrit au coup de marteau bien connu de son propriétaire. Après avoir traversé une petite cour, ils firent quelques pas dans un corridor étroit, descendirent plusieurs degrés et entrè rent dans une salle basse assez vaște, éclairée par d'étroites croisées donnant sur un petit jardin. Le jour était douteux, quoiqu'il arrivât de plusieurs points à la fois. La lumière ne pénétrait dans l'intérieur qu'à travers des vitraux plombés et découpés en losanges, dont les carreaux étaient de diverses nuances, quoiqu'ils n'eussent jamais été peints. Le sol était de terre battue et cimentée; les murs étaient nus, mais soigneusement blanchis. Au lambris, formé de solives noircies par le temps, était suspendue une multitude d'objets curieux de physique et d'histoire naturelle, d'animaux empaillés, d'appareils de chimie, de coraux et de madrépores, de fragments de végétations extraordinaires. A l'extrémité de la salle opposée à la porte, on remarquait un immense fourneau, d'une construction solide et massive, que surmontait une hotte chargée d'instruments et d'appareils de diverses formes. Les cornues, les ballons et les cuines y disputaient la place aux matras, aux siphons, aux aludels. Autour de ce fourneau monumental étaient disposés d'autres fourneaux portatifs et polychrestes, avec leurs alambics, leurs réfrigérants, leurs serpentins, leurs rosaires; des athanors, des bains de sable, des fourneaux à réverbère, avec leurs dômes, leurs têtes de more, leurs chapes de cuivre ou d'étain. Au centre de cette vaste pièce, on voyait une grande table couverte d'us

« PreviousContinue »