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Cura domat: timidi damæ cervique fugaces
Nunc interque canes et circum tecta vagantur.

Jam maris immensi prolem, et genus omne natantum
Littore in extremo, ceu naufraga corpora, fluctus
Proluit; insolitæ fugiunt in flumina phocæ;
Interit et curvis frustra defensa latebris

Vipera, et attoniti squamis adstantibus hydri :
Ipsis est aër avibus non æquus, et illæ
Præcipites altâ vitam sub nube relinquunt.
Præterea nec jam mutari pabula refert,
Quæsitæque nocent artes; cessere magistri,
Phillyrides Chiron, Amythaoniusque Melampus:
Sævit et in lucem Stygiis emissa tenebris
Pallida Tisiphone, Morbos agit antè Metumque,
Inque dies avidum surgens caput altiùs effert.
Balatu pecorum et crebris mugitibus amnes
Arentesque sonant ripe, collesque supini:
Jamque catervatim dat stragem, atque aggerat ipsis
In stabulis turpi dilapsa cadavera tabo,

Donec humo tegere ac foveis abscondere discunt:
Nam neque erat coriis usus; nec viscera quisquam
Aut undis abolere potest, aut vincere flammâ;
Nec tondere quidem morbo illuvieque peresa
Vellera, nec telas possunt attingere putres.
Verùm etiam invisos si quis tentârat amictus,
Ardentes papulæ, atque immundus olentia sudor
Membra sequebatur; nec longo deinde moranti
Tempore contactos artus sacer ignis edebat,

Le timide chevreuil ne songeait plus à fuir,
Et le daim si léger s'étonnait de languir.

La mer ne sauve pas ses monstres du ravage;
Leurs cadavres épars flottent sur le rivage;
Les phoques, désertant ces gouffres infectés,
Dans les fleuves surpris courent épouvantés;

Le serpent cherche en vain le creux de ses murailles;
L'hydre étonnée expire en dressant ses écailles;
L'oiseau même est atteint, et des traits du trépas
Le vol le plus léger ne le garantit pas.

Vainement les bergers changent de pâturage;
J'art vaincu cède au mal (64) ou redouble sa rage:
Tisiphone, sortant du gouffre des enfers,
Épouvante la terre, empoisonne les airs,
Et sur les corps pressés d'une foule mourante
Lève de jour en jour sa tête dévorante.
Des troupeaux expirants les lamentables voix
Font gémir les coteaux, les rivages, les bois;
Ils comblent le bercail, s'entassent dans les plaines;
Dans la terre avec eux on enfouit leurs laines:
En vain l'onde et le feu pénétraient leur toison,
Rien n'en pouvait domter l'invincible poison;
Et malheur au mortel qui, bravant leurs souillures,
Eût osé revêtir ces dépouilles impures!
Soudain son corps, baigné par d'immondes humeurs,
Se couvrait tout entier de brûlantes tumeurs;
Son corps se desséchait, et ses chairs enflammées
Par d'invisibles feux périssaient consumées.

DU LIVRE TROISIÈME.

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1) Jeune Palès, et toi, divin berger d'Admète,

PALÈS est la déesse des bergers : les Romains avaient institué en son honneur des fêtes appelées de ce nom Palilia. On lui offrait du lait, sorte d'offrande analogue au genre de richesse de ses adorateurs.

Le berger d'Admète est Apollon, qui garda les troupeaux de ce roi sur les bords de l'Amphryse.

Au reste, je ne puis m'empêcher de faire remarquer ici avec quelle irrévérence les anciens traitaient leurs dieux. Apollon fut berger chez Admète. Apollon et Neptune furent manœuvres chez Laomedon. Minerve, dans Homère, porte une lanterne devant Ulysse. A l'égard de Vénus, on peut voir dans l'Iliade le beau rôle qu'elle joue entre Pâris et Hélène. Cependant il faut avouer que plusieurs de ces fables, absurdes en elles-mêmes, étaient utiles par leur but. Il est à croire, par exemple, que la fable d'Apollon berger dut son origine à la politique des premiers législateurs, qui, voulant tirer les Grecs de l'état de barbarie où ont été plongés tous les premiers peuples, s'efforcèrent de leur inspirer le goût de l'agriculture, qui est la base de tout état policé, et sans laquelle il ne peut subsister des sociétés errantes et des hordes sauvages. Pour les amener à de nouveaux travaux et à une profession qui leur était inconnue, il fallut y attacher des honneurs, des distinc

que

tions, faire jouer tous les ressorts de la politique ; et celui qu'on mit le plus en œuvre fut la religion, qui, étant le motif le plus saint lorsqu'elle est vraie, est encore le plus puissant lorsqu'elle est

fausse. Chez nous la religion et la politique ne se mêlent guère de l'agriculture: nulles distinctions pour cet art utile, nul encouragement de la part des grands ; la bassesse et la pauvreté sont le partage de ceux qui la cultivent. Malgré ces obstacles, l'agriculture se soutient; la force de l'habitude, la routine de l'instinct, l'impuissance de changer de lieu, l'ignorance d'un autre état, suppléant à tous ces grands ressorts qui nous manquent, nos laboureurs restent attachés à leurs terres comme le bœuf à la prairie qui l'a vu naître et qui le nourrit. Mais on sent que ce qui suffit dans une nation ancienne où le branle est donné depuis long-temps, et où l'impulsion reçue se conserve d'elle-même, aurait été insuffisant dans une nation nouvelle, qu'il fallait créer et amener avec effort du brigandage à la société, et d'une vie aventurière et oisive, à une vie sédentaire, uniforme, et pénible, où les travaux se succèdent sans interruption.

La mythologie des Grecs leur offrait de grands encouragements: leurs champs, leurs bois, leurs coteaux, leurs jardins, toutes les parties de leur domaine avaient chacune des dieux qui y présidaient, qui veillaient à la conservation de leurs biens, qui étaient les témoins, les juges, les protecteurs de leurs travaux. L'agriculture était un art qui leur venait du ciel; des mains divines avaient manié le soc et sillonné la terre : ils voyaient des dieux sur le haut de la liste de leurs laboureurs et de leurs pâtres. A la Chine, l'empereur tous les ans fait la cérémonie d'ouvrir les terres. Il semble que la mythologie grecque, en proposant l'exemple des dieux mêmes, ait renchéri sur la politique chinoise. Cependant il faut convenir que la présence réelle et frappante d'un monarque environné de sa cour doit faire plus d'impression sur les sens grossiers. d'un peuple, que ne pouvait faire sur les Grecs la présence invisible des dieux.

2) Eh! qui n'a pas cent fois chanté le jeune Hylas ?

Hylas était un jeune homme cher à Hercule: dans le voyage des

Argonautes, les nymphes l'enlevèrent près d'une fontaine où il était allé puiser de l'eau.

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Eurysthée, roi de Mycènes, fils d'Amphitryon et d'Alcmène, par ordre de Junon, condamna Hercule son frère à des travaux pénibles.

Busiris était un roi d'Égypte qui immolait à ses dieux les étrangers que le sort jetait dans ses états. Ces sacrifices, assez ordinaires chez les anciens, avaient pour prétexte la religion, et pour véritable motif le soupçon et la crainte. La mort de ce roi est un des travaux d'Hercule.

3) Qui ne connaît Pélops et sa fatale amante ?

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Hippodamie était fille d'OEnomaüs, roi d'Élide. L'oracle ayant prédit au père qu'il serait tué un jour par son gendre, il déclara que celui-là seul épouserait sa fille qui pourrait le vaincre à la course des chars; mais que, s'il était vaincu, il serait mis à mort. Il avait des chevaux admirables, engendrés par le vent, et qui en avaient la vitesse. Treize princes périrent dans cet exercice; le quatorzième fut plus heureux. Pélops, fils de Tantale, corrompit l'écuyer du roi, qui mit au char de son maître un essieu qui se rompit: OEnomaüs tomba, et sa chute lui fit perdre la vie. Pélops épousa Hippodamie. Ce Pélops, fils de Tantale, avait une épaule d'ivoire. Voyez le Dictionnaire de la Fable de M. Chompré, qui raconte différemment l'histoire d'Hippodamie et d'OEnomaüs. (Desfontaines. )

4) Les courses de Latone et son ile flottante.

Latone, après de longues courses, accoucha de Diane et d'Apollon dans Délos, qui, ayant été flottante jusqu'alors, fut enfin fixée pour avoir donné un asyle à la déesse. On entrevoit encore ici, dans la manière dont Virgile parle des Grecs, une espèce de mépris pour leurs fables, que j'ai déjà fait remarquer ailleurs. On voit dans ce qui suit combien il était jaloux d'enlever aux Grecs la palme de la poésie. Il fut vainqueur de Théocrite dans le genre pastoral. Il

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