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ÉTUDES

SUR

LA TURQUIE D'EUROPE

LA BULGARIE

LA ROUMÉLIE ORIENTALE, LA SERBIE, LA BOSNIE, L'ALBANIE
LA GRÈCE, LA ROUMANIE

PUBLIÉES

PAR LA REVUE DE GÉOGRAPHIE

Le traité de Berlin étant le principe de toutes les complications et la base de toutes les discussions actuelles concernant la question d'Orient, il convient de se référer aux études fondamentales que feu M. Ernest Dottain (des Débats) lui a consacrées dans nos livraisons d'août et de septembre 1878 (avec 3 cartes par M. Ch. Périgot). C'est M. G. Guibal, professeur d'histoire à la Faculté des lettres d'Aix, qui, le premier en France, attira, avec une profonde sympathie, l'attention publique sur les Bulgares (Revue de Geographie de septembre 1877). La Revue doit des articles fort intéressants sur la Serbie à M. Levasseur, de l'Institut, et à M. Louis Leger, professeur au Collège de France. M. J. Carlus a traité des Albanais; M. E. Ruelle, des Grecs. Le regretté M. A. Ubicini, celui de nos compatriotes qui connaissait le mieux les diverses populations de la péninsule des Balkans, a publié dans nos colonnes des études vraiment magistrales sur La Bosnie avant et après le traité de Berlin (septembre 1882, juillet et août 1883), et sur la Roumélie orientale (février et mars 1880). Enfin l'étude de M. J. Mourier sur Batoum et le Bassin du Tchorok (juillet-août 1886) fournit les renseignements les plus abondants et les plus précis sur une question tout récemment soulevée : « Batoum port franc ou port militaire ».

On voudra certainement relire le Grand dessein secret de Louis XIV contre l'Empire ottoman, texte inédit qu'a publié, avec commentaire, la Revue de Géographie (juin et juillet 1877), et le Voyage, également inédit, du comte d'Hauterive, en 1785, il y a un siècle, de Constantinople à Jassy, paru dans ce même recueil.

Librairie CH. DELAGRAVE, éditeur, 15, rue Soufflot, Paris

LA REVUE DE GÉOGRAPHIE

Paraît tous les mois, par livraisons de 5 à 6 feuilles grand in-8 raisin, format de nos grandes revues littéraires, et forme, à la fin de l'année, deux beaux volumes d'environ 500 pages chacun, imprimés sur beau papier en caractères neufs.

Nous donnons régulièrement des cartes exécutées avec soin. Le prix de l'abonnement est de 25 fr. par an pour Paris; de 28 fr. pour les départements et les pays faisant partie de l'Union générale des postes. Pour les autres pays, les frais de poste en sus.

Prix d'un numéro séparé : 3 fr.

Pour les abonnements, s'adresser à M. CHARLES DELAGRAVE, éditeur de Revue de Géographie. Tout ce qui concerne la rédaction doit être adressé franco à L. Drapeyron, 55, rue Claude-Bernard, ancienne rue des Feuillantines.

Il sera rendu compte de tout ouvrage dont deux exemplaires seront envoyés au bureau de la Revue.

Les annonces sont reçues, 15, rue Soufflot.

SUITE AU MÉMOIRE SUR LE COMMERCE

PRÉSENTÉ EN 1784

A MONSIEUR LE MARÉCHAL DE CASTRIES

PAR M. DE LA JAILLE

(1785)

INTRODUCTION DU DIRECTEUR DE LA REVUE DE GÉOGRAPHIE >>>

ET NOTES DE M. G. MARCEL, DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE.

Nous tenons la Suite au Mémoire de 1784 des mêmes mains que le Projet d'établissement en Afrique de Buache. Ce nouveau document, classé sous la rubrique n° 2, Objet appartenant à M. le duc de Liancourt, est de La Jaille.

La Jaille (de), garde du pavillon en 1764, enseigne en 1772, lieutenant de vaisseau le 14 février 1778, chevalier de Saint-Louis en 1781, fut, en 1784 et 1785, chargé, en qualité de commandant de la corvette la Bayonnaise, de reconnaître les côtes occidentales d'Afrique entre le cap Blanc et Sierra Leone. Il devint capitaine de vaisseau en 1786. Pierre Labarthe, géographe bien connu (1760-1824), qui fut chef de bureau des colonies orientales et des côtes d'Afrique au ministère de la marine (1794-1808), a publié à Paris, en 1802, dans le format in-8 Voyages au Sénégal pendant les années 1784-1785, d'après les Mémoires de La Jaille, ancien officier de la marine, contenant des recherches sur la géographie, la navigation et le commerce de la côte occidentale d'Afrique, depuis le cap Blanc jusqu'à la rivière de Sierra Leone, avec des notes sur la situation de cette partie de l'Afrique jusqu'en l'an X; traduction en allemand, Mayence et Weimar, même année1

Le titre du Mémoire que nous publions aujourd'hui nous apprend que La Jaille en avait adressé un autre en 1784 au maréchal de Castries.

Charles-Eugène-Gabriel de la Croix, marquis de Castries (1727-1801), avait été blessé à la bataille de Rosbach; il avait remporté sur le duc de Brunswick, l'un des lieutenants de Frédéric II, roi de Prusse, la victoire de Clostercamp (1760). Maréchal de France en 1783, ministre de la marine (1780-1787), il dut recevoir également ce second Mémoire.

Comme le conjecture avec beaucoup de vraisemblance M. G. Marcel, qui a bien voulu l'annoter, on devrait retrouver au ministère de la marine l'original

1. On y trouve un certain nombre de renseignements eurieux relatifs et intéressants au commerce et cet ouvrage est encore aux mains des amateurs.

REVUE DE GÉOGR. - AOUT 1887.

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de cette copie, qui fut sans doute remise au duc de Liancourt à l'époque où celui-ci était président de l'Assemblée nationale constituante.

Cette grande Assemblée s'occupa en 1790 du privilège de la Compagnie du Sénégal. Le 18 janvier 1791 fut rendu le décret, converti en loi le 18 du même mois, relatif à la liberté du commerce du Sénégal.

LUDOVIC DRAPEYRON.

J'ai dévelopé dans le Mémoire sur le commerce du Sénégal1 les dangers qui doivent naturellement résulter pour la concurrence dans la traite des Noirs, du privilége accordé pour la traite de la Gomme; nous touchons peut etre au moment où le monopole va profiter de tous ses avantages pour faire monter le prix des captifs à un taux que ne pourront supporter les armateurs isolés; je suppose même que le Gouvernement aye fait aux privilegiés l'obligation de se borner au commerce de la Gomme; il paroit difficile de détruire la fraude qui peut résulter de l'association de la Compagnie avec un marchand qui ne sera que le prête nom, et qui subordonné aux ordres de cette Compagnie païera le captif tel prix convenu, et toujours au-dessus du plus fort enchérisseur.

On sait que la petite flote de Galam2 en 1784, employa toutes

1. Pour comprendre ce Mémoire, il est bon de savoir ce qu'était alors le Sénégal sous le régime des Compagnies. Sans remonter plus haut, nous dirons qu'en 1772 s'était fondée à Paris une société pour la traite des noirs et de la gomme, mais le gouvernement s'était contenté de la protéger et avait exclusivement réservé la liberté du commerce.

Quatre ans plus tard la Compagnie de la Guyane française s'étant fait accorder la concession de terrains sis entre l'Approuague et l'Oyapock pour y établir des cultures, avait obtenu, par arrêt du conseil du 14 août 1777, le privilège exclusif de la traite des noirs et du commerce pendant quinze ans sur tout l'espace de côtes compris entre le cap Vert et la Casamance, mais à la condition expresse de ne transporter qu'à la Guyane les noirs qu'elle traiterait.

La guerre de 1778 et la prise du Sénégal l'année suivante arrêtèrent toute entreprise. Après la paix de 1783, la Compagnie de la Guyane demanda l'extension de sa concession, désirant que son privilège exclusif de 1777 pour la traite des noirs et le commerce entre le cap Vert et la Casamance, s'appliquat non plus seulement à ces localités, mais au Sénégal et dépendances; la société prenant alors le titre de Compagnie du Sénégal.

Mais le conseil des dépêches n'accéda pas à cette demande, et le 11 janvier 1784 fut expédié un « arrêt qui accorda aux intéressés de la compagnie de la Guyane française sous le nom de Compagnie de la gomme du Sénégal, le privilège exclusif de la traite de la gomme, seulement dans la rivière du Sénégal et dépendances pendant neuf ans, en supprimant le privilège exclusif de Gorée et dépendances, accordé par l'arrêt du 14 août 1777. >>

Comme on le voit, pour tous les autres articles le commerce du Sénégal restait libre; aussi la Compagnie se prétendit-elle gênée, entravée dans son commerce de la gomme; aussi offrit-elle de se charger de toutes les dépenses locales de l'administration montant à plus de 260000 livres annuelles en échange d'un privilège général; extension qui lui fut accordée par arrêt du 10 novembre 1786, c'est-à-dire après la rédaction du mémoire que nous reproduisons.

2. Cette flottille ne comprit pas moins de quarante voiles cette année. C'est du Galam qu'on tirait la plus grande partie des esclaves.

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ses marchandises, que les captifs ne revinrent l'un dans l'autre. qu'a 30 à 35 Barres dans lesquelles il fallait au moins deux Guinées on sait enfin que faute d'une quantité suffisante de marchandises plusieurs centaines de captifs resterent sans etre traités, et quils furent conduits aux Anglais en Gambie.

La Compagnie a expédié des batiments en 1785, mais ses vaisseaux ont apporté fort peu de marchandises; le nommé Amiral au contraire est arrivé au Senegal avec 3000 piéces de Guinées, beaucoup de fer, et des fusils d'un poli et d'une apparence qui peut séduire les indigenes; ceux-ci les préfèreront aux anciennes armes qui coutoient moins que ces dernieres, qui avoient la meme valeur. Je suis bien trompé si le S Amiral n'est pas l'homme de la Compagnie; le voyage de Galam de cette année pourra résoudre le problème; mais dans tous les cas, soit que l'association ait lieu, que la Compagnie s'établisse ouvertement en concurrence, soit enfin qu'un marchand isolé porte à un prix excessif celui des Nègres, il en résultera un dommage considérable pour le commerce en général, et la marine du Roi comme celle du Commerce souffriront de la diminution de l'emploi de leur vaisseau et de celui des marins.

La fourniture des approvisionnements confiée à la Compagnie peut ne pas être sans dangers; si des évenements particuliers retardoient l'arrivée des comestibles, si les vivres se gatoient, si le commerce se trouvoit interdit, entre les Maures, les Négres, et les Français, on verrait se répeter le soulevement qui eut lieu sous le commandement du S Eries qui ne parvint a eteindre la révolte qu'en la noyant dans le sang de plusieurs centaines d'esclaves.

Je ne me permettrai pas de donner à mes idées sur le commerce du Sénegal toute l'extention que présente le sujet, j'oserai cependant dire que si le monopole est si efficacement protégé qu'il puisse

1. La Compagnie française ne payait anciennement chaque noir que 30 barres, prix porté en 1755 à 35 barres, indépendamment de 5 autres barres données aux conducteurs. Les nègres après avoir été réunis suivant la proximité des lieux étaient ensuite expédiés à l'ile Saint-Louis, qui servait d'entrepôt général. On calculait que le Sénégal pouvait, année moyenne, fournir une exportation de 1500 noirs. Le nombre des nègres exportés en 1784 ne dépassa pas 1871 noirs.

On comptait alors par barres. On entendait par là la barre de fer qui était un des principaux articles servant à la traite du mil; c'est ainsi qu'un fusil fin valait 12 barres, un fusil de traite 6, une pièce guinée bleue des Indes 8 barres, etc. La barre de fer qui avait cours au Sénégal en 1786, avait été fixée, dit Labarthe à quatre pattes; chaque patte devait avoir 9 pouces de long, et les quatre ensemble peser entre 15 et 16 livres. Quant à la guinée, elle était estimée 10 barres ou 50 francs.

traiter les Négres ainsi que la Gomme', on doit lui faire supporter les frais des Etablissements intérieurs qui n'ont que sa prosperité pour objet, ainsi que les coutumes qui montent à près 50,000 livres. Les armateurs français intimidés par les avantages que presentent contre les concurrents les moyens que peut emploier la Compagnie, retienent leurs batiments dans les ports, et ne veulent pas se livrer à des pertes certaines; il sen suit que le commerce est moins actif, l'extraction des Négres moins abondante et que nous faisons reflüer chez les Anglais des richesses que nous eussions pû nous procurer.

Il y avoit dans le mois de decembre 1784 plus de 600 captifs sur la petite isle de Gorée ; j'y retournai dans avril 1785, le même nombre de captifs subsistoit encore; un capitaine de Dunkerque avoit cependant donné avis à ses armateurs en leurs demandant l'espèce et la quantité de marchandises convenables le batiment etoit attendu dans les premiers jours de may.

La correction des cartes marines etant l'objet de ma mission, je prolongeai la cote depuis la riviere de Gambia jusqu'a l'archipel des Bisagots, dans lequel on trouve sur l'isle de Bissao le comptoir de Saint-Joseph appartenant aux Portugais. C'est le lieu de dépôt de la compagnie du Bresil à laquelle appartiennent les

1. On trouvera dans l'ouvrage de Golberry, qui a visité cette partie de l'Afrique immédiatement après La Jaille: Fragments d'un voyage en Afrique fait pendant les années 1785, 1786 et 1787 (Paris, Treuttel et Wurtz, an X, 2 vol. in-8), les détails les plus curieux et les plus intéressants sur toutes les questions traitées dans le présent mémoire; notamment sur le commerce de la gomme, tome 1er, p. 211, 220 et suivantes, 239; sur le Bambouk, Id., p. 376 et suivantes, sur les mines de ce pays, p. 433; enfin sur les droits de la France à la possession de la Casamance, de l'archipel des Bissagots, etc., etc., tome II, p. 214 et suivantes..

La gomme se récoltait principalement dans les trois forêts de Sabel, Lebiar et Alfaltak, au nord de Saint-Louis. La consommation habituelle de la gomme était en Europe de 2 millions de livres, dont un peu plus de la moitié, exactement 1 080 000 livres, était fournie par la Compagnie française.

2. On entendait par coutumes les présents annuels que le gouvernement payait aux roitelets africains. On désignait également ainsi les droits qu'ils prélevaient sur les marchandises qu'on exportait de chez eux.

3. L'ile de Gorée, autrefois nommée Barsaguiche, fut ainsi appelée par les Hollandais à qui elle avait été cédée en 1617; prise par les Anglais en 1663, reprise par Ruyter l'année suivante, d'Estrées s'en empara trois ans plus tard et elle nous resta jusqu'en 1758, époque où elle nous fut enlevée par les Anglais. Le traité de Paris en 1763 nous la rendit, mais pas pour longtemps, car les Anglais nous la reprirent en 1779. Au moment où La Jaille la visita, elle venait de nous être rendue par le traité de 1783. Gorée dont la rade était fort sùre avait toujours servi d'entrepôt pour la traite, bien qu'on n'y rencontrât ni rivière ni bois à brûler, et qu'on fut obligé de tirer tous les approvisionnements des côtes voisines.

4. Voir sur les Bissagos et les rivières ici mentionnées le Mémoire de Buache que nous avons publié dans le numéro d'avril 1887.

A Cacheo les Portugais entretenaient une garnison d'une quarantaine d'hommes; le fort n'aurait pu tenir devant une frégate qui serait venue s'embosser dans la rivière.

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