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trop pesants pour que les anciennes attaches suffisent à les retenir.

La plupart des Australasiens ont la conviction que la fédération se fera et que, le plus grand obstacle étant franchi grâce à l'autorisation donnée en 1885 par le parlement britannique, elle ne peut tarder.

Quoi qu'il arrive de l'avenir, nous nous sommes proposé, dans le tableau sommaire que nous avons présenté, de montrer l'état présent des colonies australasiennes et de faire comprendre, par cet état, la portée des ambitions et des espérances des Australasiens. Ces ambitions sont excessives, quand elles vont jusqu'à interdire aux autres nations l'accès du domaine océanien; mais elles sont justifiées par les progrès déjà accomplis et par la prépondérance acquise, quand elles visent à faire de l'Australasie britannique le centre principal du mouvement économique et de la civilisation européenne en Océanie.

E. LEVASSEUR

(de l'institut.)

MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE

La Société de géographie de Bordeaux. Historique du territoire contesté de la Guyane. Affaires coloniales: l'union indo-chinoise. Manifeste de sir Charles Warren au congrès de Manchester en faveur des études géographiques.

I

La Société de géographie commerciale de Bordeaux est la seconde des Sociétés de géographie fondées en province. Elle s'est constituée en 1873 à la suite du premier congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. Son premier secrétairegénéral a été M. Foncin, alors professeur au lycée de Bordeaux et qui était déjà connu non seulement par son talent de parole, mais aussi par la publication de son beau livre sur le ministère de Turgot. Quand il a quitté Bordeaux pour aller occuper à Douai les hautes fonctions auxquelles il était appelé, il a été remplacé par M. Manès dont les membres des congrès de géographie ont pu apprécier l'urbanité et le talent. Le président de la Société est M. Marc Maurel, un des grands armateurs de Bordeaux, qui s'est utilement intéressé aux œuvres destinées à développer notre commerce extérieur.

La Société de géographie de Bordeaux, grâce à une série de conférences et à la publication d'un excellent Bulletin, a pris une rapide extension. Depuis 1878 elle a créé une organisation qui ne semble pas avoir donné tous les résultats désirés; les membres résidant hors de Bordeaux, en se groupant dans les principales villes de la région, ont constitué des Sociétés de géographie autonomes ayant leurs règlements particuliers, mais régies par des statuts généraux, et dont l'ensemble constitue le groupe géographique du sud-ouest. Les sections nomment leurs bureaux et s'organisent à leur guise; mais, d'une manière générale, la section centrale ou Société de Bordeaux exerce une prépondérance que justifient d'ailleurs les sacrifices faits par elle. Les membres des sections versent au trésorier du groupe une souscription de 8 franes, tandis que les membres de la Société centrale payent 10 francs, mais ils ont en

outre à payer une cotisation spéciale à la caisse de la section; cette cotisation est généralement trop faible pour assurer aux sections des ressources suffisantes. D'autre part, les sections n'ont pas, en raison de cette organisation, à participer aux frais d'impression du Bulletin du groupe qui sont couverts par les cotisations de 8 francs payés par leurs membres à la Société centrale et par les fonds de la caisse centrale; mais c'est le bureau de la section centrale qui dirige ce Bulletin; il pourrait en résulter quelques difficultés si les sections produisaient de nombreux travaux.

Il n'en est pas ainsi. Les mémoires publiés par leurs membres sont rares, bien que la section centrale ait cherché à les provoquer et ait fait le meilleur accueil à ceux qui lui ont été donnés. La création de sections a produit peu de résultats sérieux pour la science géographique; elle a eu cependant l'avantage de répandre dans la région du sud-ouest la connaissance de cette science, grâce à l'institution de conférences. La multiplication de ces conférences parvient seule à maintenir l'effectif des sections de Bergerac, Périgueux et Tarbes. La section centrale procure à ses frais aux sections un certain nombre d'orateurs; les autres conférences sont faites par des personnes de la région; elles portent sur des sujets très variés; un assez grand nombre même ont eu pour objet l'histoire littéraire; elles ont certainement l'avantage de donner aux villes où elles sont faites de l'animation intellectuelle, mais la nature de leurs sujets montre que, dans les villes de second ordre de l'intérieur de la France, la science géographique, si vaste que soit son étendue, ne suffit point à faire vivre une société spéciale: elle n'intéresse pas assez de personnes. A La Rochelle, la section de géographie a organisé aussi des conférences qui sont presque toutes géographiques; mais cette section est rattachée à la fois au groupe du sud-ouest et à l'Académie de La Rochelle; c'est là, croyons-nous, une des raisons qui lui permettent de vivre; si les Sociétés savantes de La Rochelle n'avaient pas diminué leurs frais généraux par les liens d'une fédération, elles auraient été forcées d'élever les cotisations qu'elles reçoivent de leurs membres; ces souscriptions doivent être fixées à un chiffre d'autant plus bas que, dans une ville qui a une faible population, le nombre des personnes ayant le goût des choses de l'esprit est assez restreint; bien que les Rochelais se distinguent par leur amour des lettres et des arts, ils ne voudraient sans doute pas payer une forte cotisation aux nombreuses Sociétés dont ils

font généralement partie. Les Sociétés de La Rochelle ont un local commun et partagent les frais généraux; la section de géographie doit beaucoup à cette organisation.

Quant aux sections de géographie d'Agen, de Mont-de-Marsan et de Blaye, elles n'ont qu'une existence précaire; les deux dernières n'ont même pas en ce moment de bureau constitué.

Ainsi, quelque louable que soit l'idée de créer dans toute la région du sud-ouest des sections ayant leur vie propre, on ne peut dire qu'elle ait été suivie d'effets de nature à encourager de nouvelles tentatives. Les villes où elles ont été fondées sont trop peu importantes pour qu'on y trouve un nombre suffisant de personnes s'intéressant à la géographie; il est probable d'ailleurs que même les Sociétés ayant un objet plus général ont de la peine à recruter dans ces villes beaucoup d'adhérents. La cotisation qui est demandée est faible, mais elle atteint généralement le chiffre de 12 francs, c'est-à-dire 2 francs de plus que ne payent les membres de la section de Bordeaux; sur ces 12 francs, 4 seulement demeurent dans la caisse de sections, ce qui ne leur permet pas de faire de grandes dépenses. Elles ont à lutter péniblement contre la pénurie de leurs caisses et contre l'indifférence des petites villes pour les choses de l'esprit. D'autre part, si elles avaient une existence active, quelque avantageux que puisse être pour elles le système fédératif qui diminue leurs frais, elles ne tarderaient pas sans doute à se séparer de la section centrale, comme l'a fait la section fondée à Rochefort en 1878. L'organisation de sections rattachées au groupe central ne semble donc pas, d'après les résultats de l'expérience, pouvoir produire de grands résultats, mais elle peut éveiller quelque curiosité intellectuelle à condition qu'on multiplie les conférences et que celles-ci n'aient pas toutes la géographie pour objet.

La section centrale a une existence brillante: sur 1200 membres que compte le groupe, 850 sont inscrits chez elle. Outre les cotisations individuelles de ses membres, qui s'élèvent à 10 francs seulement, elle reçoit des subventions du Conseil général, du Conseil municipal, de la Chambre de commerce, etc. Son budget a été balancé en 1886 à 16 857 francs.

Son Bulletin a publié d'importants travaux; il a été successivement sous la direction de M. Labroue, aujourd'hui principal du collège de Bergerac, ami fervent de la géographie, -et de M. Gebelin, connu par une étude sur les anciennes milices provinciales. Cet

organe, tiré à 1700 exemplaires, paraît deux fois par mois par fascicules de 32 pages. Cette publicité fréquente et régulière nous semble une excellente chose: rien n'est plus propre à resserrer les liens de la Société et de ses membres en les mettant souvent en communication; d'autre part les nouvelles données par le Bulletin sont d'autant plus intéressantes qu'elles sont plus fraîches. Ce recueil se lit avec le plus grand plaisir, grâce à la variété des matières qui y sont traitées et à la manière dont elles y sont exposées. Il contient de nombreux renseignements de première main, envoyés par les correspondants de la Société ; le rédacteur a d'ailleurs pris depuis quelque temps l'excellente habitude de citer le nom des sources où il a puisé les nouvelles qu'il reproduit; cela permet d'en apprécier la valeur et au besoin d'en contrôler l'exactitude, et nous voudrions voir les autres recueils suivre cet exemple. Les comples rendus d'ouvrages sont en général faits avec le plus grand soin.

La Société de Bordeaux prête une attention toute spéciale aux questions de géographie commerciale. M. Bernardin, conservateur du Musée commercial et industriel de Melle-les-Gand, lui a donné récemment des notes sur divers produits : M. Kauffer une intéressante notice sur les pionniers du commerce allemand et de l'industrie allemande; le docteur Des Fournoux une importante étude sur l'industrie et le commerce en Perse. Le président de la Société, M. Maurel, n'a cessé de tenir la Société au courant de tout ce qui concerne notre expansion commerciale à l'étranger; dernièrement encore il engageait les jeunes négociants, agriculteurs ou ingénieurs civils, à visiter Haïti et à y entreprendre des travaux aussi avantageux à leur propre fortune qu'au développement de notre pacifique influence. On n'a pas oublié les réflexions que les projets de lois militaires ont suggérées à M. Maurel.

Les armateurs de Bordeaux sont surtout en relations avec le Sénégal, et il n'est pas de Bulletin de la Société qui ne contienne. une étude ou des renseignements sur cette colonie. Dans le cours de cette année, elle a publié les notices du Dr Vigné sur le chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, du commandant Vallière sur les résultats géographiques de la septième campagne du haut Fleuve, de M. Hautreux sur la pêche de la morue au Sénégal, etc. A la suite d'une lettre du colonel Galliéni sur la nécessité d'établir une exposition de produits français dans le haut Fleuve, la Société s'est occupée de rédiger un questionnaire pour le colonel; elle a décidé

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