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tout, si on se livre entre leurs mains, en faisant son commerce à terre, ou si l'on mouille dans un endroit peu profond et que le Jussan laisse le batiment à sec sur la vaze.

Toutes ces îles ont paru à M. Brue très agréables et propres à soutenir de nombreuses colonies: l'air y est d'ailleurs très sain. Il seroit à désirer que la France s'occupât de les faire reconnoitre d'une maniere plus particuliere, ainsi que les bancs qui les environnent, et qui en rendent la navigation dangereuse. D'après quelques observations que je ne puis présenter ici que comme des conjectures, j'ai lieu de croire que l'on trouverait dans quelques unes de ces îles des mines d'étain très abondantes, et que l'on pourrait faire des pêches avantageuses sur les bancs.

De ces îles à Boulam, il n'y a qu'un détroit d'environ 2 lieues de large, qui se trouve entre Boulam et l'île aux Gallines et qui est le seul passage navigable entre la terre ferme et les îles. Pour s'assurer davantage le commerce et la navigation de cette partie des côtes de l'Afrique françoise, il conviendroit peut être de s'établir sur l'île des Gallines en même tems qu'à Boulam, ou du moins d'y avoir un Fort pour se rendre maitre du détroit. Le canal qui sépare Boulam de la Terre ferme n'a que deux brasses d'eau dans la partie du Nord voisine de l'île das Arcas, et n'est navigable que pour des chaloupes.

Il nous reste à considérer les peuples et les rivieres de la Terre ferme où peut s'étendre le commerce de la colonie de Boulam1.

On distingue quatre principaux peuples sur les côtes voisines de l'île de Boulam, sçavoir les Papels, les Balantes, les Biafares et les Nalous. On distingue de même quatre principales rivieres qui peuvent servir pour le commerce, sçavoir la rivière de Saint-Domingue, celle de Geba, Rio Grande, et Rio de Nuña Tristao2.

Les Papels occupent la suite de côtes qui s'étend depuis la riviere de Saint-Domingue jusqu'à celle de Geba avec les îles de Jale, de Bussis et de Bissao qui ne sont séparées de la côte que par des canaux ou embouchures de rivieres. Ces peuples sont d'un assez bon commerce: c'est parmi eux que les Portugais ont établi leur colonie de Cacheo3 vers l'embouchure de la riviere de Saint-Domin

1. Sur ces différentes populations nègres on trouvera des détails précis dans le t. XII de la Géographie de Reclus, pp. 319 et suivantes.

2. Nuña Tristao, navigateur portugais, fut assassiné en 1446 à l'embouchure d'une rivière qui reçut son nom et qu'on appelle aujourd'hui rio Nuñez.

3. Cacheo ou Cacheu sur la rive méridionale de l'estuaire.

gue, celle de Farim1 sur la même rivière dans l'intérieur des Terres, et celle de Bissao dans l'île de meme nom.

Les Portugais font seuls les commerce à Cacheo et sur la riviere de Saint-Domingue : ils prétendoient avoir le même droit dans l'île de Bissao; mais ils n'ont pu soutenir cette prétention, et en 1703 ils ont détruit les fortifications de leur établissement à Bissao et en ont abandonné presque tout le commerce à la France.

Les Balantes, qu'on trouve au nord de l'île de Bissao et à l'ouest de la riviere de Geba forment un peuple particulier qui n'a aucune société avec les autres Nègres leurs voisins et qui leur refuse constamment l'entrée du pays qu'il habite. On en a conclu qu'ils avoient des mines d'or, et qu'ils agissoient ainsi pour ne pas s'exposer à être chassés de leur pays. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils payent en or le tribut annuel qu'ils doivent à leur roi, et cet or, suivant M. Brue, est d'un titre plus haut que celui de Galam et des autres contrées de l'Afrique.

La rivière de Geba qui les sépare des Biafares peut être remontée fort loin, à 70 lieues de son embouchure est une ville nommée Geba3, où les Portugais ont un comptoir et font un assez bon commerce. Il y a vis à vis un village nommé Melampague habité par des Biafares qui aiment beaucoup les François, et avec lesquels on peut faire un commerce aussi considérable; et å 17 lieues, au dessous de Melanpague, est un canton appellé Malformose rempli des plus beaux arbres, propres à faire du bordage et des membres de navires : ils sont faciles à exploiter et à charger; et pour un baril d'eau de vie, dit M. Brue, le seigneur du lieu laisseroit prendre la moitié de sa forest.

Je ne sçais ce que l'on doit penser de ce qui est rapporté dans les Mémoires de M. Brue au sujet d'un royaume nommé do Cabo et situé à l'est de la ville de Geba: toutefois le rapport que je vais citer ici mérite quelque considération. Le Roi qui gouvernoit cet État au commencement de ce siècle et que l'on appellait Biram Mansatė vivoit très splendidément : il avoit une cour nombreuse, étoit servi en vaisselle d'argent dont il avoit plus de quatre mille

1. Farim, à 200 kilomètres de la mer environ.

2. Bissao, fort autour duquel sont aujourd'hui groupés six villages indigènes. 3. On voit combien est ancien le comptoir de Geba qui envoie aujourd'hui à Bissao tous les produits de l'intérieur.

4. Melanpagné, Malformose, le royaume de Cabo, figurent sur la carte de d'Anville que nous avons citée plus haut. On y voit indiquée la demeure de Biram-Mansaté, mort en 1705.

marcs, et entretenoit toujours six à sept mille soldats bien armés et bien aguerris. Il avoit établi une telle police dans ses États, et tout y étoit si bien reglé que les marchands pouvoient laisser leurs marchandises dans les grands chemins sans craindre que personne touchât. Lorsqu'un blanc alloit le voir pour commercer avec lui, il le faisait défrayer aussitôt qu'il étoit arrivé sur les frontières de ses États, et ses sujets ne pouvoient rien exiger de ce qu'ils lui fournissoient, sous peine d'être faits esclaves. Il fournissoit tous les ans aux Portugais un grand nombre d'esclaves.

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Les Biafares et les Nalous, qui sont les nations les plus voisines. de Boulam, sont des peuples avec lesquels on peut faire un commerce très étendu et considérable par le moyen de Rio Grande, que l'on peut remonter jusqu'à 150 lieues de son embouchure. Il y a dans l'intérieur une ville nommée Ghinala1, remarquable par le grand nombre de Portugais blancs, noirs, basanés et mulâtres qui y sont établis et qui sont tous riches, à cause des productions du pays. Les relations disent que cette riviere est environnée d'un pays riche et fertile en toutes sortes de productions et qu'il ne dépend que de la France d'en tirer tout l'avantage, puisqu'elle est située sur ses concessions et qu'elle y a tout droit non seulement d'y commercer, mais d'y faire telsétablissemens que l'on jugera convenables.

Il en est de même de la riviere de Nuña Tristao, nommée vulgairement riviere de Nougne. Elle est très considérable, s'étend fort avant dans les terres et est très avantageuse pour le commerce. Il y a partout des cannes de sucre, qui y croissent naturellement, ainsi que des plantes d'indigo d'un grand rapport. On va y faire la traite depuis mars jusqu'en août.

En général, toutes les rivières de cette partie de l'Afrique, se débordant comme le Nil, fertilisent de même tous les pays qu'elles arrosent, et la terre produit presque sans culture.

RÉSUMÉ.

Il est de plus grand interest pour la France2:

1° De s'établir puissamment au Sénégal dont elle est aujourd'hui

1. Ghinala est située sur un petit affluent du rio Grande, et non loin de cette ville d'Anville marque la demeure du roi.

2. La plus grande partie des informations utilisées par Buache dans ce mémoire sont extraites des rapports de Brue, rapports que d'Anville avait utilisés pour la confection de sa carte, ainsi que nous en trouvons la preuve à la section géographique de la Bibliothèque nationale où se trouve, au milieu des cartes manuscrites et des minutes de ce géographe, une carte manuscrite de Brue.

en possession; de remonter tout le cours de ce fleuve et d'avoir des comptoirs chez les différens peuples qui l'habitent, comme les Anglois en ont sur la riviere de Gambie. On parviendra par ce moyen dans l'intérieur de l'Afrique, et l'on pourra par la suite s'avancer jusqu'à Tombut et avoir part au riche commerce qui s'y fait. En attendant, on peut tirer de grands avantåges des mines d'or du pays de Bambouck qui se trouvent aux bords du Sénégal. 2° De s'établir aussi avec force dans l'île de Boulam, dont tous les environs sont fertiles, abondans en toutes sortes de productions, et jouissent d'un air pur. Cette colonie, qui seroit bientôt florissante, fourniroit ensuite de quoi former d'autres établissemens le long des côtes d'Afrique ou des comptoirs pour le commerce. On y trouveroit des gens acclimatés, qui connaîtroient les mœurs et usages des nègres, les productions du pays et les marchandises qu'il faut leur porter, pour faire un commerce avantageux. Les Anglois établissent en ce moment de nouveaux comptoirs sur les côtes de Guinée pour la conduite de Negres auxquels ils ont donné la liberté et une éducation convenable.

BUACHE.

Paris, 10 mai 1790.

LES FORCES PRODUCTIVES

DE

L'AUSTRALASIE BRITANNIQUE

(SUITE)

IV. La Démographie australasienne.

La population qui reçoit ainsi chaque année un contingent d'immigration compte proportionnellement plus d'adultes qu'une autre première raison pour que la mortalité générale y soit faible, puisque les adultes sont moins exposés à la mort que les enfants et les vieillards. D'autre part, le climat est en général salubre et, malgré les déceptions qu'éprouvent parfois les immigrants courant après la fortune dans les pays lointains, il y a relativement peu de misère dans ces sociétés nouvelles, où le travail est recherché et bien payé ; il y a aussi moins d'ignorance de l'hygiène dans les campagnes et moins d'entassement dans les villes qu'en Europe. Aussi, pendant qu'il meurt chaque année en France, pays de faible mortalité pourtant, 22,5 individus par 1000 habitants et, en moyenne en Europe, 28 par 1000', les colonies australasiennes. n'en perdent que 15,5 en moyenne; la plus favorisée, la NouvelleZélande, dont le climat se rapproche le plus de l'Europe occidentale, n'accuse même qu'une mortalité de 12,17; la moins favorisée, parce que son climat est le plus chaud, le Queensland' a une mortalité

1. Voici, comme exemple, la répartition des émigrants partis en 1880 des îles Britanniques pour l'Australasie: hommes, 14 889; femmes, 10 549 — mariés, 4 988; célibataires ou veufs adultes, 15 776; enfants au-dessous de douze ans, 4 674. Total: 25 438. 2. On remarquait déjà, il y a plus de trente ans, que la mortalité de l'armée anglaise était moindre dans la terre de Van Diemen et dans la Nouvelle-Zélande que dans les colonies d'Asie et d'Afrique.

3. Aussi y a-t-il peu de décès d'enfants. Sur 100 naissances, il n'y a que 10 (Nouvelle-Zélande) à 1,48 (Australie méridionale) décès d'enfants âgés de moins d'un an, tandis qu'en France on en compte environ 16 à 17.

4. Pour la période 1872-1883 en France et 1865-1883 en Europe.

5. L'année 1875 est une année de mortalité exceptionnelle dans toutes les colonies australasiennes. La mortalité de l'année 1884 a été de 15 p. 1000.

6. Même dans Victoria, dont le climat est le plus tempéré de l'Australasie, l'été est la saison où la mortalité est la plus forte (29,59 p. 100 de la mortalité totale de l'année), tandis qu'en Angleterre c'est l'hiver (27,49 p. 100).

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