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l'huile de coco; ils passent pour cruels et rusés. Ils étaient cannibales et polygames, lorsqu'en 1835 les premiers missionnaires wesleyens s'établirent dans les îles et le cannibalisme n'a cessé à peu près complètement qu'en 18781. Ils appartiennent d'ailleurs à deux races distinctes : dans les îles de l'ouest, la race noire, et dans celles de l'est, la race polynésienne; mais il y a un grand nombre d'individus de sang mélangé. On estimait à 120 000 le nombre des indigènes, dont 50000 dans Viti Levu, une trentaine de mille environ dans Vanua Levu et 10 000 dans Taviuni. Tous ont fini par se convertir au christianisme; les cinq sixièmes appartiennent aujourd'hui à l'Église wesleyenne, mais il y a encore très peu d'enfants qui fréquentent les écoles.

La rivalité des missionnaires protestants (américains et anglais) et des missionnaires catholiques (français) provoqua quelques désordres. Le roi Cakombao, pour se soustraire à des réclamations d'argent faites par les États-Unis, avait offert en 1859 de reconnaître la souveraineté de l'Angleterre et vendu une partie de ses terres à une compagnie australienne. Son successeur renouvela, en 1874, l'offre faite à l'Angleterre, et, celle-ci ayant accepté à l'instigation des colonies australasiennes, les îles Fidji furent déclarées colonie de la Couronne en septembre 1875, un gouverneur anglais y fut installé. Il administre les îles comme dans les colonies de la Couronne en général, avec l'aide d'un conseil exécutif; les lois sont préparées par un conseil législatif de treize membres nommés par le gouverneur. Les indigènes s'administrent en partie eux-mêmes; chaque village a son chef qui possède son pouvoir par héritage, quoiqu'il soit désigné par le conseil de district. Plusieurs villages forment un district; plusieurs districts une province, administrée par un Koko-tui. Les koko-tui sont au nombre de douze, reçoivent un traitement et exercent l'autorité sous les ordres du gou

verneur.

Le siège du gouvernement, qui était d'abord à Levuka, centre des missions, dans l'île Ovalau, a été transféré dans une position plus avantageuse, à Suva, au sud de Viti Levu. La ville a déjà quelques édifices, une promenade pavée (Victoria Parade), des boutiques et des hôtels. Des banques et des compagnies d'assurances y sont

1. Il y a eu encore, en 1867, un missionnaire anglais, Baker, mangé dans l'ile Viti Levu.

2. Ce roi avait été nommé sous l'influence d'un Anglais, Pritchard, dont le père avait été l'occasion de difficultés entre la France et l'Angleterre à Tahiti.

installées; une chambre de commerce (à Levuka) a été instituée en 1877. En 1883, le budget s'élevait à 5 millions de francs et se soldait par un excédent des recettes sur les dépenses.

Le recensement de 1881 avait enregistré 2293 blancs et 122600 indigènes ou coolies venus des îles voisines ou de l'Inde (depuis 1883). En décembre 1884, on évaluait à 3513 (dont 927 femmes) la population européenne et à 127 444 la population totale.

La géographie économique. - Le maïs est la principale céréale des îles Fidji. On y pratique aussi la culture du coton, pour laquelle on manque de bras, celle de la canne à sucre qui réussit bien et qui est en progrès, celle du COCOTIER dont l'huile, dite copra et celle d'un certain palmier dont la noix est un objet d'exportation, les fibres sont des articles d'exportation, celle de l'arrow-root et, en 1877, on a commencé à y planter le caféier. L'arbre à pain est très abondant dans l'archipel.

En 1882, 112 000 hectares de terres avaient été vendus par la Couronne et 8700 hectares étaient déjà en culture en 1883. En 1884, on comptait 1000 chevaux, 6000 bœufs, 6000 moutons et environ 50000 cochons; ces derniers, introduits depuis longtemps dans les îles, y ont rapidement multiplié et beaucoup vivent à l'état sauvage. Les îles ont de belles forêts; leur sol renferme des métaux : fer, cuivre, etc. ; les coquillages abondent sur les récifs et peuvent fournir beaucoup de nacre.

Le mouvement maritime s'est développé. L'entrée et la sortie dans les ports de Levuka, de Suva et de Loma Loma3 représentaient environ 130000 tonnes en 1884; les cinq sixièmes sous pavillon britannique, le reste sous pavillon allemand ou américain". De Sydney à la baie de Ngaloa, point de relâche, le trajet par le paquebot est de sept jours et demi. Depuis 1884, il existe un service direct de bateaux à vapeur entre les Fidji et Londres.

Le commerce intérieur, qui n'était, en 1875, que de 5 millions

1. Dont 115 635 indigènes : 61 836 hommes et 53 799 femmes.

2. Ces coolies sont engagés pour trois ans et ne peuvent pas s'engager, après ce terme, pour plus d'une quatrième année. La loi défend également aux indigènes de s'engager pour plus d'un mois; c'est un moyen de protéger leur liberté. On a calculé que le travail d'un coolie, y compris le transport et le rapatriement, revenait à 450 francs par an. Un ouvrier fidjien revient à peu près à 410 francs. Un service spécial de bateaux est affecté au transport des coolies.

3. Dans le courant de 1882, Loma Loma a cessé d'être un port d'importation. 4. Sans compter les navires de guerre et le cabotage des îles.

5. Le pavillon américain venait ensuite. La France n'était représentée que par un seul bâtiinent de 637 tonneaux.

de francs, s'est élevé à plus de 12 millions en 1882 et d'environ 20 millions en 1884, dont 8 1/2 pour l'exportation qui consiste en sucre, en copra, en coton, en fruits. Les tissus de laine, les machines, surtout pour la fabrication du sucre, la quincaillerie et les bois de construction, les vivres sont les principaux articles d'importation. Les neuf dixièmes de ce commerce appartiennent à la Grande-Bretagne et à ses colonies.

L'ile Rotoumah. - Rotoumah, petite île volcanique située à 480 kilomètres au nord-ouest des Fidji, longue d'environ 25 kilomètres et large de 7, est, depuis 1879', une colonie de la couronne britannique qui dépend des Fidji.

Sa population en 1881 était d'environ 2150 indigènes, dont la majorité est convertie au protestantisme, et de 350 colons.

Les parties hautes de l'île sont boisées; les parties basses sont propres à la culture du cocotier, du taro et des plantes tropicales.

(A suivre.)

ÉMILE LEVASSEur,

De l'Institut.

1. La prise de possession n'a eu lieu officiellement qu'en mai 1881.

RÉCENTS

TRAVAUX TOPOGRAPHIQUES

SUR MADAGASCAR

A M. le président de la Société de Topographie de France.

RÉSIDENCE GÉNÉRALE DE MADAGASCAR

Tananarive, le 9 septembre 1886.

Monsieur le président,

Le R. P. Roblet, missionnaire de la Compagnie de Jésus à Madagascar, a exécuté des travaux de cartographie d'une importance considérable.

Ce sont :

1° Carte de la province d'Imerina au 1/300000;

2o Carte générale de Madagascar au 1/1000000;

3 Carte de l'Imerina au 1/100 000;

4° Carte du Betsileo au 1/200 000.

Les deux premières sont terminées; il a paru un extrait de l'Imerina dans l'ouvrage du R. P. de la Vaissière (Histoire de Madagascar) et M. Grandidier y a fait de nombreux emprunts pour la sienne. Quant à celle de Madagascar, elle est en cours de publication et paraîtra sous peu. L'éditeur est M. Hausermann, 71, rue du Cherche-Midi, à qui tous les documents ont été remis.

Les deux dernières ne sont pas encore achevées, par suite des événements politiques de ces dernières années, qui ont forcé les missionnaires à quitter Tananarive. La partie finie permet cependant de juger de la valeur de l'œuvre.

Dans l'examen de ces travaux, il est nécessaire de les diviser en deux catégories. La première comprend ceux exécutés d'après les observations et les voyages du Père: c'est-à-dire les provinces d'Imerina et du Betsileo, ainsi que l'itinéraire de Tamatave à la capitale; soit une étendue de terrain mesurant environ 500 kilomètres de longueur sur 150 à 200 de largeur et comprenant les bassins

supérieurs et moyens des cours d'eau prenant leur source dans le massif central de l'île, à savoir :

Au nord, le Betsibouka et l'Ikoupa, son affluent, qui vont se jeter dans la baie de Bombeteok; à l'est, l'Onivé, affluent principal du Mangoro; à l'ouest, le Kitsamby, l'Andrantay et le Mania, tous trois affluents du Tsijobonina.

Dans le sud-ouest, le Matsietra et le Manantana, affluents du Mangoky, qui se jette dans la mer au cap Saint-Vincent.

Ces cours d'eau sortant tous du plateau central de l'ile, leurs vallées forment les voies naturelles par où passeront les routes conduisant de la côte dans l'intérieur, et l'on voit facilement quelle importance aura pour l'avenir de Madagascar la publication des documents donnant la description exacte du pays.

La méthode employée a été celle de la triangulation.

Une base de 5600 mètres a été mesurée au cordeau sur le plateau de Maharemana, à mi-chemin entre Tananarive et le lac d'Itasy, et a servi de point de départ aux opérations. Les angles ou tours d'horizon ont été mesurés au cercle géodésique et les détails relevés à la planchette. En même temps des observations météorologiques et barométriques étaient prises et pourront servir plus tard à dresser des cartes spéciales.

La position des sommets des massifs montagneux des cols et des villages, la direction des rivières et des routes ont été prises de cette manière. De plus presque tous les cours d'eau importants ont été suivis depuis leur source jusqu'à leur confluent, ce qui a permis de constater un certain nombre d'inexactitudes dans les cartes antérieures. Pendant les voyages effectués pour remplir les devoirs de sa charge, il a pu visiter tous les villages et hameaux, à de rares exceptions près et les petits cercles qui les indiquent sur sa carte varient suivant leur importance et leur population.

En résumé, 50000 points principaux formant les sommets des triangles ont été visés successivement, et les triangles calculés au moyen de formules trigonométriques. Ce réseau renferme lui-même environ 200 000 points secondaires portés sur la carte par des recoupements faits au rapporteur.

Les observations astronomiques effectuées en plusieurs points par d'autres voyageurs ont servi à constater l'exactitude du procédé en donnant des résultats concordants.

Une différence existe cependant pour Fianarantsoa, entre la

REVUE DE GÉOGR. - JANVIER 1887.

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