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de Paris, et en 1886, le congrès national de géographie, de voir clair dans l'École de géographie, que nous proposions.

La Société du Havre annonce une autre intention, également excellente :

Frappés de ce fait que les vœux émis par les congrès restent trop souvent purement platoniques, usant de notre droit d'initiative, nous avons l'intention de soumettre au congrès la proposition sui

vante :

» Nomination d'une commission de permanence chargée de poursuivre la réalisation des vœux émis par le congrès. Les Sociétés françaises de Géographie sont invitées à étudier la composition et le rôle de cette commission. »

On ne saurait mieux faire, ni mieux dire. Qu'on revienne au fonctionnement des congrès nationaux, tel qu'il existait avant le malencontreux règlement de Toulouse; que les questions soient mûrement étudiées et tranchées sans parti pris, les résolutions mises en pratique, et, malgré nos justes griefs, nous ne désespérerons pas de cette excellente institution, un instant compromise par un parlementarisme étroit et une diplomatie cauteleuse.

LUDOVIC DRAPEYRON.

MOUVEMENT GÉOGRAPHIQUE

Délimitation des possessions portugaises et allemandes. L'Angleterre, l'Allemagne et le sultan de Zanzibar. M. de Bismarck et la politique coloniale allemande. Causes. de cette politique. Difficultés qu'elle a rencontrées. Expéditions de Stanley et de Lenz. Mort du lieutenant Truche. --L'affaire de Doungareta. Guides artistiques en France.

I

Le ministre des affaires étrangères de Portugal et le baron Schmidthals, ministre d'Allemagne à Lisbonne, ont signé le 31 décembre à Lisbonne, une convention qui fixe les limites des possessions portugaises et allemandes sur les côtes d'Afrique. Cette convention assigne les limites suivantes aux possessions portugaises en Afrique :

Au sud de l'Angola, le cours du Cunène depuis son embouchure. jusqu'aux deuxièmes cataractes; la montagne Chella ou Cunna jusqu'au Cubango, le cours de ce fleuve vers le sud et l'est jusqu'à Andara, et d'Andara jusqu'au Zambèse en coupant ce fleuve à la hauteur des rapides de Cetime; au nord du Mozambique, le cours . du Rovuma jusqu'à son confluent avec le Msinje et de là aux rives du Nyassa.

L'Allemagne s'engage à n'acquérir aucune domination sur les territoires conquis dans ces limites, à n'accepter aucun protectoral et à ne contrarier en rien l'influence portugaise dans toute la région située entre l'Angola et le Mozambique. Elle reconnaît au Portugal le droit d'exercer dans cette région son action civilisatrice en tenant compte des droits acquis par d'autres puissances.

Au sud de la province de Mozambique, quelques troubles ont éclaté. En octobre 1885, le roi des Zoulous, Umgungunyame, s'était déclaré vassal du gouverneur de Mozambique et avait autorisé l'établissement d'agents portugais dans son territoire. Au mois de septembre dernier, avec 30 000 habitants, il a attaqué les Portugais et il assiégeait, en novembre, la ville d'Imhanbane. Mais ces troupes sans consistance n'ont point tenu devant quelques soldats portugais.

Les puissances européennes continuent à délimiter leurs posses-. sions africaines. Nous sommes en mesure de publier le texte de la note du comte de Hatzfeldt, en date du 29 octobre dernier, dont lord Iddesleigh a pris acte le même jour1, acceptant ainsi l'arrangement relatif à la formation des sphères d'action de l'Angleterre et de l'Allemagne à la côte orientale, dont la Revue a déjà indiqué les bases générales :

Le gouvernement de Sa Majesté Impériale, le gouvernement royal de la GrandeBretagne s'étant entendus pour régler par la voie d'une entente à l'amiable différentes questions relatives au sultanat de Zanzibar et au continent de l'Afrique orientale situé en face de ce sultanat, des négociations verbales ont eu lieu à ce sujet et elles ont abouti à un accord comportant les articles suivants :

1° L'Allemagne et l'Angleterre [reconnaissent la souveraineté du sultan de Zanzibar sur les îles Zanzibar et Pemba, ainsi que sur les petites îles qui entourent les deux premières dans un rayon de douze milles marins et enfin sur les îles Lannu et Mafia.

Ces puissances reconnaissent aussi comme possession du sultan sur le continent africain le littoral qui s'étend sans interruption de l'embouchure du fleuve Miningani dans la baie Tunaki jusqu'à Kipini. Ce littoral commence au sud du fleuve Miningani, suit le cours de ce fleuve sur une distance de cinq milles marins et se prolonge ensuite en largeur parallèle jusqu'au point où il atteint la rive droite du fleuve Rovouma; après avoir coupé ce fleuve, il suit sa rive gauche.

A partir du littoral susdit, la limite s'enfonce dans l'intérieur du pays sur une étendue de dix milles maritimes, en prenant pour base de cette mesure une ligne droite tracée de la rive prise au moment de la marée la plus élevée. La frontière nord englobe la localité Kau. Au nord de Kipini, les deux gouvernements reconnaissent comme appartenant au sultan les stations de Kismadjou, Barowa, Merko, Makdishou, avec un circuit dans l'intérieur de dix milles marins environ et Warsheik avec un circuit de cinq milles marins.

La Grande-Bretagne s'engage à appuyer les négociations de l'Allemagne avec le sultan ayant pour but d'affirmer à la Société allemande de l'Afrique orientale les recettes douanières dans les ports de Dar es Salaam et Vangani contre une redevance annuelle que paierait la Société au sultan.

3 Les deux puissances sont d'accord pour entreprendre une délimitation de leurs sphères d'intérêts respectifs dans cette partie du continent de l'Afrique orientale, ainsi que cela a été fait précédemment dans les parages du golfe de Guinée.

Le territoire où cette entente doit recevoir son application sera limité au sud par le fleuve Rovouma et au nord par une ligne allant de l'embouchure du fleuve Tana, tout le long du cours de ce fleuve et de ses affluents, jusqu'à l'intersection de l'équateur avec le 38° de long. O.; et ensuite en ligne droite

1. Nous n'avions pu donner qu'un court résumé dans la livraison de janvier, p. 66.

jusqu'à l'intersection du 1o de latitude N. avec le 37° de long. O. où la ligne prend fin.

La ligne de démarcation commencera à l'embouchure du fleuve Wanga ou Umbe, ira en ligne directe vers le lac Jipe, suivra ensuite la rive ouest pour traverser, après avoir passé sur la rive nord le fleuve Lumi, coupera en deux les localités Taveta et Dschagga et suivra ensuite le long du versant nord de la chaîne des montagnes Kilimandjaro, en ligne droite jusqu'au point situé sur la rive ouest du lac Victoria Nyanza où passe le 1o de latitude.

L'Allemagne prend l'engagement de ne faire aucune acquisition de territoire au nord de cette ligne, de n'y accepter aucun protectorat et de ne faire aucune opposition au développement de l'influence anglaise au nord de cette ligne; la Grande-Bretagne prend de son côté le même engagement pour ce qui concerne les territoires situés au sud.

4° La Grande-Bretagne usera de son influense pour hâter le règlement par une entente à l'amiable des prétentions contradictoires qu'élèvent le sultan de Zanzibar, d'une part, et la Société allemande africaine de l'autre, sur le territoire de Kilimandjaro.

5o Les deux puissances reconnaissent comme appartenant au territoire de Witu la partie de la côte qui commence au nord de Kippini et s'étend jusqu'à la sortie nord de la baie de Monda.

6° L'Allemagne et la Grande-Bretagne agiront de concert pour amener le sultan de Zanzibar à adhérer à l'acte général de conférence de Berlin, sous réserve des droits existants du sultan, conformément aux stipulations de l'article premier de cet acte.

7° L'Allemagne prend l'engagement d'adhérer à la déclaration signée le 10 mars 1862 par la Grande-Bretagne et la France relativement à la reconnaissance de l'indépendance de l'État de Zanzibar.

Au moment où tant de conventions relatives à la délimitation des possessions européennes en Afrique viennent d'être signées, il serait intéressant de les réunir, ainsi que les autres traités et accords relatifs à la géographie politique de l'Afrique, et d'accompagner ce précieux recueil d'une carte où seraient consignés les résultats des plus récents instruments diplomatiques. Il est actuellement fort difficile de trouver des renseignements sur toutes ces questions de géographie politique coloniale qui reviennent pourtant si souvent appeler l'attention.

II

Les débats du Parlement allemand ont porté de nouveau sur la question coloniale. Toutes les nations sont contraintes aujourd'hui d'avoir une « politique coloniale », c'est-à-dire d'avoir une ligne de conduite dans les questions coloniales: cette politique peut être

plus ou moins éclairée, active, énergique et prudente; mais ce n'est pas un ordre de questions dont on puisse s'abstenir de s'occuper; il serait aussi difficile de n'avoir pas de politique coloniale que de n'avoir pas de politique économique ou de politique extérieure. On entend, il est vrai, d'ordinaire, ce mot dans un autre sens; on donne ce nom à une politique active, ambitieuse et parfois téméraire, à la conduite enfin que reprochent à leurs adversaires ceux qui voudraient que la France restât uniquement occupée des affaires européennes sans se préoccuper des intérêts de son commerce extérieur et de la nécessité où elle est de faire rayonner son influence dans le monde.

M. de Bismarck a, lui aussi, reproché parfois à la France d'avoir une politique coloniale inquiète, et de sacrifier ses richesses et ses soldats à une vaniteuse et inutile ambition. Il se vantait d'avoir des principes nouveaux sur la colonisation; il s'est défendu d'imiter le goût d'aventures qui pousse les Français à entreprendre des guerres outre-mer, l'égoïste avidité de l'Angleterre qui étend sans cesse ses possessions, l'ardeur que mettent l'Espagne et le Portugal à conserver et même à agrandir des territoires improductifs, et le souci jaloux de l'Italie qui voudrait supplanter les autres nations latines. Mais le peuple allemand connaît aujourd'hui, comme les autres nations, la fièvre colonisatrice. Il éprouve sans doute un sentiment d'orgueil en pensant qu'« une société colonise lorsque, parvenue elle-même à un haut degré de maturité et de force, elle crée et mène à la virilité une société nouvelle sortie de ses entrailles. » Mais ce n'est pas d'une vanité déplacée qu'est née en Allemagne la politique coloniale; si le chauvinisme national peut se contenter d'agrandir chaque année ses possessions lointaines et de pratiquer en Afrique et en Océanie cette « politique des lieues carrées » reprochée à d'autres États, le chancelier n'est pas assez accessible à des considérations d'ordre sentimental pour s'être déterminé sans de solides raisons à modifier sa manière de voir. Il sait que les passions nationales poursuivent toujours un but avec une ardeur telle que les hommes d'État doivent savoir s'en faire un instrument s'ils ne veulent pas être ébranlés par elle. Intéressé à maintenir le statu quo en Europe, il avait lieu de craindre que, ne pouvant plus se faire jour dans les questions de politique extérieure, ces passions ne vinssent mettre des obstacles à sa politique intérieure. Il a voulu leur donner comme but la fondation d'un empire colonial aussi

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