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reste.] On conçoit par cette expression que Flamininus, pendant le cours de son gouvernement, avoit déjà par des décisions particulières, dont il fait mention aux lignes 16 et 17 de cette lettre, rendu aux anciens propriétaires un grand nombre de biens confisqués.

Ligne 12, ΕΝ ΟΥΘΕΝΙ ΦΙΛΑΡΓΥΡΗΣΑΙ ΒΕΒΟΥΛΗΜΕΘΑ. [ R'solus de ne tenir aucun compte de nos intérêts pécuniaires. ] Ce fut dans l'occasion la maxime des Romains: ils la prouvèrent encore mieux par la suite, en relâchant à Philippe les 1000 talens que, par son traité de paix, il s'étoit obligé de leur payer. Mais cette conduite n'étoit pas tout-à-fait désintéressée; Antiochus le Grand avoit reçu Annibal dans ses états, et il se préparoit à passer dans la Grèce avec des armées formidables pour en chasser les Romains: la circonstance exigeoit donc qu'ils ménageassent les Grecs pour se les attacher. Ce même motif venoit d'engager Flamininus à conserver Nabis à Lacédémone.

Ligne 19, EPPOZOE. [Portez-vous bien.] C'est ainsi que se terminent quelques-unes des lettres adressées par Philippe, père d'Alexandre le Grand, aux Athéniens et aux Thébains, et rapportées par Démosthène (pro Corona). Dans d'autres, ce roi fait usage de la formule EYTYXEITE, soyez heureux : la première répond mieux à la formule latine VALETE. La lettre est sans date; on n'indique ni où Flamininus se trouvoit, ni à quelle époque il écrivit cette lettre : il est cependant probable qu'il étoit à Elatée, où nous apprenons de Tite-Live qu'il passa l'hiver de l'an 5,9, et qu'il y recevoit les députations des villes grecques (lib. xxxiv, c. 48). Il me semble certain qu'il n'a écrit cette lettre que lorsque la paix avec Philippe avoit déjà été ratifiée.

Les Cyrétiens avoient fait graver sur une table de marbre blanc, et exposer, sans doute dans quelque endroit des plus fréquentés de leur ville, une copie de cette lettre, comme un document propre à assurer les propriétés de plusieurs citoyens contre les prétentions des magistrats romains qui, depuis cette époque, eurent souvent des occasions de visiter et de vexer ces pays.

Les paléographies grecque et romaine nous offrent quelques autres exemples de lettres écrites par de grands personnages, et gravées sur le marbre et sur le bronze. Telles sont, en latin, celles que le préteur Cornelius écrivit, l'an 90 avant l'ère chétienne, aux Tiburtins, pour les assurer le sénat romain avoit agréé leurs excuses (Gruter, p. 399, n. 12); et une autre de Domitien, qui constate les droits de la ville de Faleria dans le Picenum, sur certaines propriétés que les Firmans leurs voisins leur contestoient Gruter, p. 1081, n. 2): l'une et l'autre sont gravées sur des tables de bronze. Un marbre découvert de mon temps à Rome con

que

tient des lettres écrites par un des intendans des biens de l'empereur Septime-Sévère, pour autoriser le gardien de la colonne Antonine à se construire une petite maison qui devoit lui tenir lieu de loge. (Voyez le III. volume de l'Hist. de l'Art, par Winckelmann, p. 350 de l'édit. de M. Fea.)

En grec, nous avons sur des marbres une lettre d'Antiochus, roi de Syrie, probablement le premier, qui consacra au service d'un temple de Jupiter le village de Bætocxcès, près d'Apamée sur l'Oronte. (Chandler, Inscript. appendix, n. 1.) Parmi les monumens publiés par Chishull, if y en a un qui, par son époque, se rapproche de celui que nous examinons; c'est la lettre de Marcus Valerius Messalla, préteur chargé à Rome des procès des étrangers (prætor inter cives et peregrinos). Cette lettre, écrite en grec, comme celle de Flamininus, a été adressée de la part du sénat et du peuple romain à la ville de Téos, pour lui conserver ses immunités, et pour reconnoître sa neutralité, en considération du culte de Bacchus auquel cette ville s'étoit consacrée. ( Antiquit. asiatica, p. 102.) Une lettre grecque de Marc-Antoine se trouve dans le même recueil, par laquelle ce triumvir accorde des priviléges à deux villes de la Carie, Aphrodise et Plarase. (Chishull, loco citato. p. 150.)

E. Q. VISCONTI.

M. CORNELII FRONTONIS Opera inedita, cum epistulis item ineditis Antonini Pii, M. Aurelii, L. Veri et Appiani, nec non aliorum veterum fragmentis. Invenit et commentario prævio notisque illustravit Angelus Maius, bibliotheca Ambrosianæ à linguis orientalibus. Adduntur edita seu cognita ejusdem Frontonis opera. Mediolani, typis regiis, 1815, Œuvres inédites de M.C. Fronton, &c. 2 part. in-8.o cx et 566 pag. fig.

LA principale des gravures qui ornent ce recueil, donne une idée de l'état du manuscrit où il a été puisé. On y aperçoit, sous les actes du concile de Chalcédoine, les vestiges de caractères antérieurement tracés sur le même parchemin. Quelque défectueux que soient les restes de cette première écriture, ils ont fourni à M. Mai des fragmens considérables d'un auteur qui ne nous étoit guère connu que par les hommages rendus à son talent par ses contemporains. Ce n'est pas la seule découverte de ce genre qui soit due au zèle et à l'habileté de M. Mai :

il avoit précédemment publié des fragmens de Cicéron; et depuis il a mis au jour des morceaux inédits de Symmaque et de quelques autres anciens écrivains.

On a imprimé depuis long-temps un petit nombre de pages de Cornelius Fronton, qui ne concernent que la grammaire. Dans cinq chapitres d'Aulu-Gelle, il prend part à des discussions sur les noms des couleurs et sur divers mots latins ou grecs. Il est quelquefois cité par Charisius, par Servius, par Isidore de Séville. Son précieux et trop court recueil de synonymes, De differentiis verborum, a été inséré dans les collections d'anciens grammairiens latins. On possédoit enfin, du moins en très-grande partie, les extraits de Térence, de Cicéron, de Salluste, de Virgile, &c., que Fronton avoit rassemblés sous le titre d'Exempla locutionum, travail dont les meilleurs lexicographes modernes ont profité. M. Mai a eu soin de joindre tous ces articles déjà publiés, aux morceaux inédits dont nous allons bientôt rendre compte. Il a même imprimé plus complètement et plus correctement qu'on ne l'avoit fait encore, les Exempla locutionum: il les donne d'après un manuscrit de la bibliothèque Ambrosienne, très-distinct de celui dont nous avons déjà parlé, mais beaucoup moins ancien. D'autres manuscrits attribuent ce recueil d'exemples à Volusianus ou Arusianus.

Des auteurs du second siècle de l'ère vulgaire et des trois siècles sui-. vans ont parlé de Fronton en des termes si honorables, qu'on devoit regretter de n'avoir que de foibles restes de ses ouvrages. A vrai dire, le petit traité De differentiis verborum étoit, avant 1815, le seul monument qui pût justifier tant soit peu de si grands éloges. Nous n'étions d'ailleurs instruits que par ces écrivains des circonstances de la vie de Fronton, et ils n'en donnoient que des notions fort succinctes, qui sont recueillies dans un article du Dictionnaire de Bayle. Il n'y a rien à rectifier dans cet article et dans les notes qui l'accompagnent; mais on peut puiser immédiatement dans les écrits de Fronton fa connoissance d'un plus grand nombre de faits qui le concernent. Bayle rejetoit l'opinion de Savaron et de l'abbé Nicaise, qui donnoient pour patrie à Fronton. l'Auvergne ou l'Aquitaine, sous prétexte qu'à la fin du IV. siècle il existoit une famille de son nom dans ces contrées. Deux passages de Minutius Felix faisoient soupçonner qu'il étoit né, au contraire, à Cyrta, da's la Numidie; mais ce qui n'étoit qu'une conjecture est aujourd'hui un fait attesté par Fronton lui-même en deux endroits de ses épîtres. Comme d'autres Africains célèbres, il vint cultiver à Rome son goût pour les lettres; il s'y distingua, sous le règne d'Adrien, dans la carriere oratoire, donna des leçons à Marc-Aurèle et à Lucius Verus, fut consul

vers l'an de Rome 896 ou 144 de l'ère chrétienne, et mourut environ vingt-six ans après. Jean de Sarisbéry lui applique le vers de Juvénaf Frontonis platani, &c., et ajoute qu'il étoit, selon l'opinion de quelquesuns, neveu de Plutarque; mais on ne retrouve nulle part aucune autre trace de cette tradition. Jean de Sarisbéry écrivoit mille ans après Fronton, et il n'y a nulle apparence que celui-ci fût déjà établi à Rome et y possédât des jardins, quand Juvénal composoit sa première satire.

Le commentaire ou discours préliminaire où M. Mai expose et discute toutes les circonstances de la vie de Fronton, renferme aussi plusieurs considérations sur les ouvrages et le talent de cet orateur. Macrobe distingue quatre genres d'éloquence; et après avoir loué la richesse de Cicéron, la brièveté de Salluste, le style fleuri de Pline le jeune, il cite Fronton comme le modèle d'un quatrième genre, que le mot siccum caractérise. On sait que Cicéron emploie ce même mot siccum ou exsiccatum dans un sens honorable, en le rapprochant de sincerum, sanum, solidum. Ainsi ce n'est point de la sécheresse, de l'aridité, que Macrobe attribue à Fronton, mais une éloquence pure, grave ou solide. C'est, selon M. Mai, un style attique, philosophique, ennemi de l'enflure et des redondances; assez orné cependant pour attacher le lecteur, mais rejetant les parures nouvelles, et reproduisant les formes et les beautés antiques. Il reste bien ici quelque difficulté, car tous ces caractères conviendroient au style de Salluste, que Macrobe distingue expressément de celui de Fronton; et, d'ailleurs, nous reconnoîtrons peut-être bientôt que Fronton ne laisse pas de s'abandonner quelquefois au mauvais goût des rhéteurs de son siècle.

Toutefois, l'éditeur ne craint pas de lui assigner le second rang entre les épistolaires, comme entre les orateurs latins; il seroit mème fort tenté de s'en tenir au mot d'Eumenius: Fronto, eloquentiæ romanæ, non secundum, sed alterum decus; Fronton, non la seconde, mais la nouvelle gloire de l'éloquence latine. Non-seulement cet éloge nous paroît fort hyperbolique, mais, lors même que M. Mai se restreint à dire que les lettres de Fronton sont supérieures à celles de Sénèque, de Pline et de Symmaque, nous ne sommes pas bien sûrs que la plupart des lecteurs adoptent ce jugement; car les défauts reprochés à Sénèque et à Pline le jeune sont souvent compensés par des traits énergiques ou délicats, dont nous rencontrons assez peu d'exemples dans les épîtres de Fronton, du moins dans les fragmens que M. Mai vient de mettre sous. les yeux du public.

Il convient d'observer que le manuscrit d'où l'on a tiré ce recueil ne contient, à beaucoup près, ni toutes les épîtres de Fronton, ni toutes

ses harangues, ni tous ses autres écrits en prose et en vers, en latin et en grec. Lorsqu'au moyen âge on prit l'habitude d'effacer ou d'affoiblir d'anciens caractères, pour écrire sur les mêmes parchemins des livres de théologie, le plus souvent on choisissoit à-la-fois, dans plusieurs anciens. manuscrits, les feuilles qui sembloient les plus propres à cet emploi; on les rassembloit dans un nouvel ordre, après avoir écarté celles dont on n'espéroit pas tirer le même parti. De là les interversions, les lacunes, les mélanges qui compliquent extrêmement le travail de ceux qui recherchent sous la seconde écriture les traces de la première. Nous ne devons donc pas nous attendre à trouver ici un grand nombre de morceaux complets; et il a fallu autant de sagacité que de patience, pour recueillir et coordonner les extraits dont ces deux volumes se composent.

Un premier livre présente les restes d'une correspondance entre Fronton et l'empereur Antonin le Pieux. On remarque, dans l'une des épîtres de ce prince, un témoignage de sa tendresse pour son épouse, Faustine. « J'aimerois mieux, dit-il, vivre avec elle à Gyare, que sans » elle dans un palais. » Plusieurs lettres de Fronton concernent Niger Censorius, qui venoit de mourir, et qui avoit perdu les bonnes grâces de l'empereur. Fronton n'en est pas moins resté l'ami de Niger; il n'abandonne point dans la mauvaise fortune ceux qu'il a chéris dans la prospérité : « Je vois, dit-il, un malheureux et non un ennemi dans » l'homme que le prince a cessé d'aimer. » Haud sciam an qui (pour quis ou aliquis) dicat debuisse me amicitiam cum eo desinere, postquam cognoveram gratiam ejus apud animum tuum imminutam. Nunquam ita animatus fui, imperator, ut cæptas in rebus prosperis amicitias, si quid adversi increpuisset, desererem... Quem tu minùs amabis, miserum potiùs quàm hostem judicabo. Une autre lettre de Fronton nous apprend qu'il se disposoit, sans doute, à l'expiration de son consulat, à prendre le gouvernement d'une province. Sa mauvaise santé le retint à Rome. Ses épîtres à Marc-Aurèle, et les réponses de ce prince, sont distribuées en deux livres, et l'on y remarque, à chaque instant, l'expression de l'attachement et de l'estime que le précepteur et l'élève avoient conçus P'un pour l'autre. Voici, par exemple, la fin de l'une des lettres de Marc Aurèle: Vale, mi Fronto jucundissime..... O qui ubique estis, di boni, valeat, oro, meus Fronto jucundissimus, atque carissimus mihi; valeat semper integro, inlibato, incolumi corpore; valeat et mecum esse possit. Homo sanctissime, vale. Fronton avoit composé un éloge du sommeil. Marc-Aurèle, que le sommeil obsède, espère qu'en l'accablant d'injures il parviendra à l'éloigner. Ce morceau, du genre de ceux qu'on

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