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années juliennes en jours, employée par M. Navoni, on peut perdre quelquefois un jour intercalaire. M. Ideler fait voir, en effet, que, par méthode de M. Navoni, on trouverait 435,375 jours, du 15 juillet 1622 au 14 juillet 1814, et 435,379 jours, du même jour 15 juillet 1622 au 17 juillet 1814, c'est-à-dire, quatre jours de plus, quoique du 14 juillet au 17 la différence ne soit que de trois jours. Chacun peut s'assurer de cette erreur; elle n'a pas lieu dans la méthode de M. Ideler, parce qu'il n'y a pas de reste de division négligé. Au moyen des tables de M. Ideler, on peut presque aussi promptement réduire une date et la vérifier que lorsqu'on a les tables chronologiques de Greave ou toute autre table semblable.

Au surplus, M. Ideler confirme l'opinion de M. Navoni, quant au commencement de l'ère de l'hégire. Suivant ses calculs, la conjonction vraie pour le méridien de la Mecque eut lieu le 14 juillet à 8h 14' avant midi; le croissant ne put donc être aperçu que le 15, au coucher du soleil; et de là il conclut que le commencement de cette ère dut être fixé au 15 commençant (c'est-à-dire, au soir du 14) ou au 16 commençant (c'est-à-dire, au soir du 15), suivant qu'on eut égard à la conjonction ou à l'apparition du croissant.

La conjonction, suivant le moyen mouvement, eut lieu, toujours selon M. Ideler, le même jour 14 juillet 622, à la Mecque, à 1h 9' du matin. Cet instant étant moins éloigné du 13 au soir que du soir du 14, on est parti, dit M. Ideler, de la conjonction vraie; et Ulugh-beg se trompe lorsqu'il dit que l'on a fixé le commencement de l'ère de l'hégire d'après la conjonction calculée suivant le moyen mouvement.

Nous nous étions proposé d'entrer dans quelques détails sur un autre mémoire du même savant, qui a pour sujet les Oasis du désert de la Libye; mais la longueur de cet extrait nous oblige de renoncer à ce projet. Aussi bien ce morceau, qui contient une revue de ce que les anciens, et principalement Hérodote, ont écrit à ce sujet, comparé avec les découvertes récentes dues à Brown et Hornemann, et avec les savants travaux du major Rennel, est peu susceptible d'extrait. Une seule conjecture de M. Ideler nous arrêtera un instant. Santariya, nom d'une ville située dans une des Oasis, et dont les écrivains arabes parlent beaucoup, paraissant devoir appartenir à l'Oasis de Sywah, M. Ideler avait conjecturé que le nom de Santariya & pourrait bien n'être que celui même de Sywah, altéré par les copistes. Cette supposition n'avait en elle-même rien que de très-vraisemblable. M. Ideler cependant, ayant remarqué, dans le Mémoire sur les Oasis que M. Langlès a ajouté à la traduction française du Voyage de Horneman, un passage de Makrizi

où on lit que « Santaryah est un petit canton habité par 600 Berbers << environ, qu'il se nomme Syouah, et leur langue Souyèh, » en a conclu que sa conjecture était vraisemblablement mal fondée. Effectivement, le passage de Makrizi ne permet pas de l'admettre; mais, comme ce passage n'a pas tout à fait le sens que le traducteur lui a donné, je crois devoir le reproduire ici. Le voici, tel qu'on le lit dans le manuscrit n° 106 du fonds de Saint-Germain-des-Prés : Mlaying

يسكنه نحو ستماية رجل من البربر يعرفون بسيوة ولغتهم تعرف بالسوية تقرب

:

«Santariyah est aujourd'hui une petite ville; elle est habitée «par six cents hommes environ d'entre les Berbers ils sont connus «<sous le nom de Siwah, et leur langue sous celui de Séwiyyèh; elle « approche de la langue de (la tribu Berbère de) Zénata. » Siwah est donc, suivant Makrizi, le nom de la tribu Berbère qui, déjà de son temps, habitait Santariyah, et non celui de la ville.

Le compte que nous venons de rendre du quatrième tome des Mines de l'Orient justifiera, sans doute, aux yeux des lecteurs instruits, le vœu que nous formons, en finissant, pour la continuation de ce recueil.

SILVESTRE DE SACY.

L'IFIGENIA DI RACINE, recata in versi italiani da Antonio Buttura. Parigi, coi tipi di P. Didot mag., 1816.- L'Iphigénie de Racine, traduite en vers italiens par Antoine Buttura. Paris, imprimerie de Didot l'aîné, 1816, in-8°.

Après La Fontaine, qui est aussi difficile à traduire qu'à imiter, Racine est de tous les poëtes français celui qui exige de la part d'un traducteur le goût le plus sûr, le talent le plus flexible, et le style à la fois le plus élégant et le plus soutenu.

Parmi les nombreuses et brillantes qualités qui ont obtenu aux compositions dramatiques de Racine un rang si hautement distingué, ce poëte possède surtout le rare mérite d'approprier sa diction au caractère des sujets mêmes qu'il traite, et l'on reconnaît dans ses tragédies trois genres bien marqués le genre homérique, qu'offrent les tragédies

:

d'Andromaque, d'Iphigénie, de Phèdre; le genre historique, qui est celui des tragédies de Britannicus, de Bajazet, de Bérénice; et le genre biblique, qui brille si éminemment dans les tragédies d'Esther et d'Athalie. Il ne serait pas difficile de citer telles tournures, telles expressions qui produisent un bel effet dans les sujets appartenant à l'un de ces genres, et qui n'en produiraient pas un pareil dans les sujets appartenant aux deux autres. Il faut donc que les traducteurs de Racine ne perdent jamais de vue les principes du genre qui domine dans l'ouvrage sur lequel ils travaillent; et, quand des modifications sont exigées par la langue étrangère, le talent de ces traducteurs consiste, en partie, à combiner habilement ce qu'ils doivent à cette langue, et ce qu'ils doivent au caractère de la composition originale. M. Buttura me paraît s'être pénétré de ce principe essentiel.

Cette nouvelle traduction italienne (1) est remarquable par sa fidélité et par son élégance. C'est surtout dans les passages où la diction de Racine est principalement élégante et harmonieuse, que M. Buttura a brillé par un style facile et pur. Ainsi ces vers de la scène iv du IV acte, prononcés par Iphigénie,

D'un œil aussi content, d'un cœur aussi soumis
Que j'acceptais l'époux que vous m'aviez promis,
Je saurai, s'il le faut, victime obéissante,
Tendre au fer de Calchas une tête innocente,
Et, respectant le coup par vous-même ordonné,
Vous rendre tout le sang que vous m'avez donné,

ont été traduits avec succès:

Con cor devoto e con serene ciglia,

(1) Voici l'indication de quelques autres traductions en vers italiens de l'Iphigénie de Racine: Fulvio Grati, Mantova, in-4°, 1728; Lorenzo Guzzesi, Firenze, in-8°, 1728. Cette seconde traduction est aussi dans le recueil des œuvres de Guzzesi, et dans la collection intitulée : Biblioteca teatrale italiana, scelta e disposta da Ottaviano Deodati; Lucca, 1745, in-12; au tome XI. - A la fin du dernier siècle, le marquis Albergati en publia une traduction qui offre des changements considérables, puisque la fin de la pièce est changée; cette licence lui fut vivement reprochée: cependant sa traduction obtint quelque estime et fut louée surtout par l'un des derniers traducteurs, l'abate Placido Bordoni, dont l'ouvrage se trouve au tome V du recueil intitulé: Biblioteca de' più scelti componimenti teatrali d'Europa. Venezia, 1793. En 1804, Pietro Napoli Signorelli publia trois volumes sous le titre : Delle migliori tragedie greche e francesi, traduzioni ed analisi comparative. Le troisième volume contient la traduction entière de l'Iphigénie de Racine.

Come accettava il già promesso sposo,
S'è pur d'uopo, vedrai che ubbediente,
Vittima umile, di Calcante al ferro
Porger saprò l'intemerata fronte,
E, baciando la man che mi condanna,
Di tutto il sangue mio renderti il dono.

Ce seul vers,

E, baciando la man che mi condanna,

ne répond pas exactement au vers de Racine,

Et, respectant le coup par vous-même ordonné;

et, d'ailleurs, il n'est que la répétition du beau vers de Métastase, dans Artaxerce, acte II, scène XI:

Di chiamarla tiranna,

E in vece

Io bacio quella man che mi condanna.

Je choisis, dans la même scène, un autre passage:

Hélas! avec plaisir je me faisais conter

Tous les noms des pays que vous alliez dompter;

Et déjà, d'llion présageant la conquête,

D'un triomphe si beau je préparais la fête ;

Je ne m'attendais pas que, pour le commencer,

Mon sang fût le premier que vous dussiez verser.

M. Buttura a traduit avec une exactitude qui est à la fois élégante et

noble :

Con qual diletto, ahi lassa! io me facea
Tutti i paesi annoverar, che scritti
Ne' tuoi trionfi esser dovean; già d'Ilio
Antivedea l'esizio, e già la festa

Al grande conquisto io meditava eguale:

Non m'attendea che, a cominciar l'impresa.

Entro il mio sangue tingeresti il brando.

Différents traducteurs rendent par les mêmes expressions et avec la plus grande simplicité les mots :

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Mais plusieurs avaient manqué l'effet d'un vers très-hardi et très-beau d'image et d'expression.

Ce nom de roi des rois, de maître de la Grèce,
Chatouillait de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.

Qu'on me pardonne de m'arrêter un instant sur ce dernier vers. Corneille avait ennobli le mot chatouiller en le plaçant dans sa tragédie de la Mort de Pompée, acte III, scène 1":

re

L'aise de voir la terre à son pouvoir soumise

Chatouillait malgré lui son âme.

Ce n'était là qu'une expression simplement figurée.

Mais Racine, dans son vers, offre une hardiesse différente : il unit l'idée physique du chatouillement du cœur avec l'idée morale du chatouillement de l'orgueil. Cette sorte d'alliance de mots, qui ordinairement produit un mauvais effet, est admirable dans ce vers de Racine. Et pourquoi? c'est que le grand poëte a ménagé adroitement sa transition du physique au moral par la disposition même des mots. S'il avait dit :

De mon cœur orgueilleux chatouillait la faiblesse,

il n'aurait fait qu'un vers condamnable, parce que l'image de chatouiller se serait portée sur le mot faiblesse. Mais Racine a eu soin de placer le mot cœur à côté de celui de chatouiller, et, après celui-ci, un adjectif qui, présentant un sens encore indéterminé, rejette à la fin du vers le mot faiblesse, et, cachant et adoucissant la hardiesse de l'expression, conserve toute la beauté de l'image :

Chatouillait de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.

Les traducteurs antérieurs à M. Buttura, ou avaient négligé de rendre l'expression de Racine, ou l'avaient rendue d'une manière qui en dénaturait l'image. Je ne citerai que Guzzesi :

Co' fastosi nomi

Di re de' regi, e sommo imperatore,

Sentii solleticar la debolezza

Del mio superbo cuore.

Cuore, rejeté si loin et à la fin de la période, détruit toute la beauté originale.

M. Buttura a dit, avec une justesse d'expression qui a pu faire passer l'image dans la langue italienne,

Quel nome, re de' re' di Grecia duce,

Del cor solleticava il molle orgoglio.

Il me serait facile de rapporter plusieurs passages de la traduction nouvelle, dans lesquels le choix, la justesse et la fidélité de l'expression ne sont pas indignes de l'élégance continue de Racine.

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