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« sagesse....

«suader; il achète et ne gagne pas. Mais l'union formée entre le Roi et «<les États-Unis est l'ouvrage de la justice et de la plus sage politique: « elle a pour principe une bienveillance et un intérêt réciproques. Ma « gloire dans la mission dont je suis chargé, c'est de la remplir sans intrigue ni cabale, sans efforts de négociations, sans employer au«cunes pratiques secrètes, et par la seule force des conditions de «l'alliance. Il n'y a pas un seul acte de ma légation qui ne puisse être « connu de tout le monde. Jugez donc si je dois vous rendre un service « mystérieux, à vous, un des hommes les plus illustres des États«Unis, à vous dont les qualités guerrières sont, pour ainsi dire, une << partie de la fortune publique. Que nous offrirez-vous pour prix de « ces présents qui pût nous justifier devant la postérité d'avoir ainsi «terni la gloire immortelle que l'indépendance de votre pays assure à « la nation française et à son sage et généreux monarque? Je satisferai «< cependant vos désirs, si vous pouvez, en recevant mes dons, les « avouer ouvertement: mais je juge sans peine que cette publicité n'est « pas dans votre intention; et il ne me reste qu'une chose à vous « dire relativement à l'état de vos affaires, c'est que vos amis s'empres << seront à vous aider aussitôt qu'elles seront conduites avec plus de N'attribuez qu'au juste intérêt que vos belles «<actions m'ont inspiré, l'austérité et la rudesse de mes paroles; je serais plus courtois avec un homme pour qui j'aurais moins d'affection. Vous <«< menacez vos concitoyens de votre retraite, comme d'une punition de << leur ingratitude : l'ingratitude des républiques, l'injustice des monarques, « est le cri banal des ambitieux et des mécontents. Ils trouvent aussi, «< comme vous, que les affaires vont mal depuis qu'ils ne s'en mêlent plus. Croyez-moi, abstenez-vous de ces censures qui paraissent touajours dictées par le ressentiment. Les plaintes ne sont plus suppor(( tables quand on a cessé d'avoir part au gouvernement des affaires. Il <<< fallait les faire entendre lorsqu'on en avait le maniement. . . . . «Mais je suppose que la cour martiale vous ait traité trop sévère«<ment; eh bien, laissez les plaintes aux faibles et aux lâches; donnez, << par votre conduite future, sujet de croire que vous avez été irrépro<«<chable dans votre conduite (passée). La retraite, dans votre situation, « est le plus mauvais parti que vous puissiez prendre. La croyez-vous permise aussi longtemps que les dangers publics existeront? Et «eussiez-vous le droit de vous retirer, savez-vous tout ce qui est néces«saire pour rendre la retraite supportable à celui qui a passé toute sa «vie dans les emplois publics? Il faut y porter surtout la certitude « qu'on a fait, dans les places qu'on a remplies, tout le bien qu'on a

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«pu, et qu'on n'y a jamais fait mal à dessein. Est-ce vous qui pouvez <«< dire avec une intime conviction que, dans le cours de vos fonctions, « vous vous êtes toujours proposé l'avantage public pour but? Vous êtes «jeune; vous commencez, pour ainsi dire, votre carrière. Où sont vos « ressources pour vivre ainsi séparé des hommes, quand les vieillards << en ont eux-mêmes si peu? Il faut une âme plus libre que n'est la «< vôtre pour apprendre sans dépit les succès de vos rivaux, pour ap<«<plaudir sincèrement, à cause de l'intérêt public, au bien qu'ils font « sans nous. La république est au berceau, et vous la verrez croître en «puissance et en prospérité, avec le désespoir de ne point contribuer « à son bonheur, de ne point vous élever avec elle. Conservez votre <«< ambition, puisqu'à votre âge et avec vos qualités elle peut vous con<< duire à de grandes choses; mais qu'elle soit réglée par le devoir. »

Nous n'avons pas craint de transcrire une grande partie de ce discours, parce qu'à beaucoup d'égards il nous paraît digne d'être comparé aux morceaux du même genre qui se rencontrent chez les historiens de l'antiquité. A la vérité, les idées et les sentiments ont ici des teintes modernes, plus simples et moins dramatiques, mais tout aussi nobles, presque aussi v ves, peut-être plus délicates et plus franches. Arnold résista néanmoins à de si sages conseils : le désordre de ses affaires et de ses habitudes l'entraînait au crime; et l'épouse qu'il se choisit dans une famille vouée aux intérêts de l'Angleterre acheva de rompre les derniers liens par lesquels il pouvait tenir encore à la cause de l'indépendance: il donna surtout un plus libre cours à ses ressentiments contre Washington, que les mécontents se plaisaient à représenter comme un général médiocre. «Il est bien vrai, dit notre auteur, que ce grand homme ne s'est «< illustré par aucun de ces faits qui semblent prodigieux, et dont l'éclat << extraordinaire étonne l'univers; mais des vertus sublimes, qu'aucune «tache ne ternit, sont aussi une espèce de prodige. » Dès ce temps, Arnold reçut un premier écrit que lui adressait de New-Yorck un agent de sir Henri Clinton, pour l'engager à changer de parti. On lui prodiguait des louanges et des promesses qui ne pouvaient séduire qu'un homme déjà bien aveuglé par ses propres passions. Résolu à n'avoir aucun confident parmi ses concitoyens, il ne fit part de ses desseins perfides qu'à sa femme, qui avait tant contribué à les lui inspirer, et s'étudia, d'ailleurs, à les masquer sous des apparences de patriotisme; il feignit d'avoir oublié le jugement de la cour matiale. L'intermédiaire entre Clinton et lui était Charles Beverlay Robinson, qui, bien qu'Américain de naissance, servait comme colonel dans l'armée anglaise.

Le congrès venait d'être informé de l'arrivée prochaine de l'armée

française commandée par le comte de Rochambeau; et ce secret, mal gardé par quelques membres de cette assemblée, était parvenu aux oreiles d'Arnold. Pour connaître le plan de campagne, il rendit une visite à l'envoyé de France, qu'il avait négligé depuis l'entretien dont nous avons parlé; et ses questions furent si adroites, que la Luzerne ne sut les éluder qu'en partie. C'était trop instruire Arnold, que de lui dire qu'une conférence aurait lieu entre Washington et Rochambeau, que des commissaires partis de France avant l'armée venaient d'arriver, et que l'escadre avait dû faire voile quelques semaines après leur départ. Arnold comprit que le pays traversé par l'Hudson allait être le principal théâtre de la guerre; qu'il importait aux Anglais de se rendre maîtres du cours de ce fleuve, et qu'il ne pouvait les servir mieux qu'en se faisant employer à West-point, où une chaîne barrait l'Hudson. Obstiné à refuser des postes plus brillants, il sollicita celui-là avec tant de persévérance qu'il l'obtint.

Les Anglais, à qui il demandait d'avance le prix de sa trahison, crurent à propos de se borner à des promesses: il devait recevoir 30,000 livres sterling, et conserver, dans l'armée anglaise, son grade de brigadier général. De son côté, il promit de livrer West-point, et sir Henri Clinton le pressait, dès le 10 juillet 1780, de remplir cet engagement. Mais Arnold voulait attendre le départ de Washington, qui devait aller bientôt rencontrer à Hartfort, dans le Connecticut, le comte de Rochambeau. Notre maître quitte le logis le 17 septembre, écrivait-il à John André, jeune aide de camp de Clinton. Une correspondance s'était établie entre André et Arnold sous des noms supposés et sous le voile de prétendus intérêts de commerce: ils avaient pour messager commun un Américain dont l'habitation se trouvait entre les lignes qui séparaient les deux armées.

Washington n'étant parti ni le 17, ni aucun des trois jours suivants, Arnold exigea, comme un préliminaire indispensable, une conférence avec André. Ils en eurent une, en effet, sur les bords du fleuve Arnold laissa entre les mains d'André des plans de routes, de forts et d'ouvrages, des états de garnisons, des mémoires d'ingénieurs, et il fut convenu que l'entreprise sur West-point s'exécuterait le 25 ou le 26.

Un canot devait reconduire André jusqu'à bord de la corvette anglaise qui l'avait amené à cinq milles plus bas que West-point: mais, des boulets tirés d'un fort américain sur cette corvette l'ayant forcée à redescendre quelques milles plus bas encore, ce changement de station alarma le patron et les rameurs du canot; ils refusèrent de transporter André, qui, en quittant son uniforme anglais, hazarda de

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retourner par terre, muni d'un passe-port signé d'Arnold. Il atteignait déjà Tarry-Town, village mi-parti, et ne se croyait plus sur le territoire ennemi, quand trois jeunes miliciens l'arrêtèrent: il leur parla comme à des Anglais; et, lorsque, ayant reconnu son erreur, il voulut leur montrer son passe-port, il n'était plus temps. Ils visitèrent ses bottes, y trouvèrent les papiers que lui avait remis Arnold, et le conduisirent au colonel Jameson, qui commandait les avant-postes américains. La première idée de Jameson fut de le faire mener vers Arnold lui-même, ce qui pouvait renouer l'entreprise : mais, se souvenant bientôt que les papiers saisis sont écrits de la main de ce général, Jameson envoie, sous bonne escorte, John André à Old-Saldem, et adresse les papiers à Washington, en l'informant de tout ce qui vient de se passer. Le messager chargé de cette dépêche ne rencontra point Washington, qui revenait d'Hartford par une autre route, et ce fut cette circonstance qui sauva Arnold. Celui-ci, instruit le 25 qu'André avait été arrêté le 23, ne délibéra pas longtemps sur le parti qui lui restait à prendre, et s'évada de West-point une heure avant l'instant où y arrivait Washington. Le congrès fit mettre John André en jugement; deux étrangers, les généraux Lafayette et Steuben, furent du nombre de ses juges. Conformément aux lois de la guerre et aux usages des nations, il fut déclaré qu'il avait, comme espion de l'ennemi, mérité la mort; il la subit avec un courage tranquille dont aucune ostentation ne rabaissa la noblesse et n'affaiblit l'intérêt. Madame Arnold, que son mari avait laissée à West-point, fut traitée avec des égards que l'historien s'est plu à retracer comme extrêmement honorables aux Américains. Pour Arnold, on ne dit pas s'il reçut les 30,000 livres sterling; mais il obtint le grade de brigadier général dans l'armée anglaise; et servit en cette qualité, durant le reste de la guerre, contre sa patrie. Il est mort, il y a peu d'années, méprisé des Anglais mêmes, selon la destinée des traîtres.

« Legénéral Washington n'avait pas oublié les trois miliciens qui avaient << arrêté Arnold; il transmit leurs noms au congrès. Cette assemblée prit « une résolution portant qu'elle avait une haute opinion de la conduite <«< vertueuse et patriotique de John Paulding, de David Williams, et << d'Isaac Vanwert; que chacun d'eux recevrait annuellement du trésor public deux cents piastres, et qu'il serait frappé une médaille sur laquelle, après leurs noms, seraient inscrites ces paroles: L'amour de la patrie a triomphe. »

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On sent bien qu'en traçant cette esquisse des principaux faits racontés dans cet ouvrage, nous les avons dépouillés des détails qui les animent, des couleurs qui les peignent, des réflexions qui les rendent

instructifs, de l'intérêt enfin que l'auteur répand sur chaque circonstance par la justesse de ses expressions et de ses idées, par la noblesse de son style et de ses sentiments. Nous avons voulu seulement faire connaître l'objet et le caractère de son récit. On attribue ce livre à un magistrat qui a rempli, dans l'État, plusieurs fonctions éminentes, et qui préside aujourd'hui l'une des premières cours du royaume. L'homme d'État formé par une longue expérience s'y retrouve partout, et jusque dans les notes qui terminent le volume. Nous croyons devoir indiquer particulièrement la sixième., où sont rassemblés plusieurs traits qui peignent le caractère de Washington; la troisième, qui offre un tableau de la population des États-Unis et l'aperçu des accroissements futurs qu'elle doit prendre; mais surtout la première, qui concerne les finances de cette nation, et qui joint à des résultats positifs et authentiques, méthodiquement présentés, des observations générales d'une très-haute importance.

DAUNOU.

FUNDGRUBEN DES ORIENTS, bearbeitet durch eine Gesellschaft von Liebhabern, ou Mines de l'Orient, exploitées par une société d'amateurs, sous les auspices de M. le comte Wenceslas Rzewusky. Vienne, 1814, tome IV, 466 pages in-fol.

SECOND EXTRAIT.

M. J. B. Navoni avait déjà donné, dans le premier tome des Mines de l'Orient, des tables pour trouver la correspondance des dates entre les années juliennes et les années de l'hégire. Dans ce quatrième volume, il revient sur ce sujet, explique en détail la manière de se servir de ces tables, et fait connaître le Rouz-nameh, ou calendrier perpétuel des Turcs. C'est moins sur l'ensemble de cet intéressant mémoire, que sur quelquesuns des faits qu'il contient, que nous nous proposons de fixer l'attention de nos lecteurs. Ces faits, très-importants pour la vérification des dates de l'hégire, avaient à peine été entrevus jusqu'ici; ce dont il est permis de s'étonner, les occasions de vérifier les dates de l'hégire étant si fréquentes pour tous ceux qui s'occupent de littérature orientale. Mais, avant d'indiquer ces faits, il convient de donner une idée des tables de M. Navoni. Voici comme il s'exprime à ce sujet.

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«M'étant trouvé, dès ma jeunesse, dans le cas de chercher la correspondance des dates entre l'ère turque et l'ère vulgaire, j'avais tâché « d'apprendre et d'approfondir les différentes méthodes dont d'anciens « interprètes s'étaient déjà servis avant moi.

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