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Les planches sont au nombre de cinquante-sept, non compris les vignettes, les culs-de-lampe, et le portrait, qui est placé en regard du frontispice.

L'éditeur de ce quatrième volume, qui complète un ouvrage digne. d'une si haute estime, M. Woods, dont la modestie ne lui a pas permis de se nommer, devait au public un compte exact des matériaux qu'il a eus à sa disposition, pour prouver qu'ils appartiennent, en effet, aux auteurs auxquels il les attribue. On sait que le premier volume des Antiquités d'Athènes, par J. Stuart, a paru à Londres en 1762; que le second n'a été publié qu'après un intervalle de vingt-six ans, en 1788; peu de mois après la mort de l'auteur; quoique le frontispice porte la date de l'année précédente. Ce fut M. W. Newton qui soigna l'édition de ce volume. M. Reveley fit paraître six ans après, en 1794, le troisième volume, tiré des papiers de l'auteur; et c'est encore après vingtdeux années d'interruption qu'un quatrième et dernier volume de l'ouvrage de Stuart va le terminer.

M. Woods, par un dénombrement très-détaillé des papiers qui ont été remis entre ses mains par les héritiers de J. Stuart et de N. Revett, rassure le public sur l'authenticité de ces matériaux, de manière à ne laisser aucun doute. Les uns sont des planches déjà gravées, des dessins ou terminés ou moins avancés, ou même de simples croquis; les autres sont un grand nombre de manuscrits, dont une partie forme trente-huit volumes reliés; l'autre partie consiste en feuilles volantes : le tout est de la main de J. Stuart. Viennent ensuite les papiers de N. Revett, et plusieurs lettres adressées à l'un ou à l'autre des deux artistes voyageurs.

M. Woods a soigneusement examiné ce nombre immense de matériaux, a recherché ce qui était encore inédit, et en a publié tout ce qui a rapport aux antiquités que Stuart et Revett ont visitées, et qui peut intéresser les artistes et la curiosité du public. Ainsi l'ouvrage des Antiquités d'Athènes est définitivement complet; il ne reste plus rien dans les portefeuilles des auteurs qu'on puisse encore publier.

Un journal, extrait des papiers et des lettres des deux voyageurs, suit immédiatement la préface. Comme le récit de ce voyage peut être de quelque utilité pour ceux qui se proposent de visiter la patrie des arts et des lettres, et qu'il peut rappeler d'agréables souvenirs à ceux qui ont parcouru les mêmes contrées, nous en donnerons un aperçu rapide. Nous voyons Stuart et Revett quitter Rome en 1750, se rendre à Venise, et de là à Pola, dans l'Istrie. De retour à Venise, nos voyageurs s'embarquent pour l'ile de Zante, et de là ils passent à Chiarenza, à

Patras, à Corinthe. Ils traversent l'isthme et s'embarquent de nouveau à Cenchrée pour Porto-Lione, l'ancien Pirée. D'Athènes ils font une course aux Thermopyles, et visitent, en passant, quelques endroits célèbres de la Béotie et de la Phocide. Ils retournent à Athènes, objet principal de leurs études. Forcés d'en partir par des circonstances dangereuses et imprévues, ils font voile pour Smyrne et touchent les îles d'Égine, de Céos, de Scyros, de Mycone et de Délos. En revenant vers l'Attique, ils visitent les îles de Chio, de Naxia, de Paros et d'Antiparos. De nouvelles conjonctures les forçant de quitter encore Athènes, Stuart entreprend le voyage de Constantinople: il voit Larissa, Tempé, et Thessalonique, la moderne Saloniki. Mais les obstacles qui l'arrêtent à tout moment le font renoncer à son projet; son compagnon va le rejoindre à Saloniki, et ils se déterminent à retourner à Smyrne et à s'y embarquer pour l'Europe. En traversant l'Archipel, ils s'arrêtent quelque temps dans l'île de Scopelos et dans celle de Négrepont. Une nouvelle course sur le continent de la Béotie interrompt leur séjour dans cette île, d'où ils partent pour Andros, et de là pour Smyrne. De Smyrne ils font voile pour l'Europe, et, après avoir fait leur quarantaine à Marseille, ils arrivent en Angleterre au commencement de l'année 1755.

Deux descriptions, l'une (pag. xiv) de l'île de Négrepont, l'ancienne Eubée, et l'autre de la Béotie (pag. xviij), offrent, dans ce journal, plus de détails que le reste; elles nous fournissent aussi la matière de quelques

remarques.

1o Dans la description de l'île d'Eubée, J. Stuart a non-seulement retrouvé les carrières célèbres du marbre carystien des anciens, le cipollin verdâtre des modernes, mais encore d'autres carrières de marbre blanc statuaire, jusqu'ici également inconnues aux voyageurs et aux antiquaires (pag. xvi). Nous pouvons conjecturer, d'après ce fait, que le marbre connu en Italie sous le nom de grechetto, qui a fourni la matière de tant de belles statues, était tiré de cette île, dont la situation le mettait à la portée de tous les pays de la Grèce où des écoles de sculpture ont fleuri.

2° J. Suart, en retrouvant le nom d'Histiée, que conserve encore le lieu où l'ancienne ville d'Histiée ou d'Oreum était située, a redressé le géographe Delisle, qui avait placé Oreum sur la côte orientale de l'Eubée. Mais cette erreur, dont la source était dans les cartes de Ptolémée, avait déjà été corrigée par d'Anville, qui avait fixé, comme Stuart, la situation de cette ville antique sur la côte septentrionale de la même île. Lorsque Stuart rédigeait son journal, il a pu ignorer la correction de d'Anville; mais on ne doit pas aujourd'hui

en méconnaître le premier auteur. Quant au nom d'Histiée, personne ne doit être étonné que ce nom, qui avait été remplacé par celui d'Oreum, existe encore en Eubée, puisque Pausanias nous apprend que, de son temps, cet ancien nom avait été remis en usage (l. VII, c. 26).

Stuart appelle Clenæum le promontoire le plus septentrional de l'île je pense que ce nom n'existe dans aucun géographe. Le cap Ellenico, s'il est véritablement, comme le dit Stuart, le plus septentrional de l'île de Négrepont, doit répondre ou à l'Artemisium ou au Dium des anciens. Son Clenæum n'est, à ce que je crois, que le résultat d'une orthographe erronée du nom Caneum, que Stuart reconnaît luimême comme l'ancien nom du cap Lithade, le plus occidental de cette île.

La petite description de la Béotie, qui occupe environ trois pages, n'aurait pas dû paraître sans quelques corrections. On voit, par l'ensemble de cet écrit, que ce sont des notes prises à la hâte par l'auteur, qu'il n'a jamais ni corrigées ni revues : il en aurait rejeté une grande partie comme inexactes ou fausses, par exemple ce qui concerne la rivière du Boagrius, qui, suivant Strabon, se jette dans la mer près de Scarphé (1), tandis que, suivant cette description, elle se décharge dans le lac Copaïs; et le Céphisse, qui réellement débouche dans ce lac, mais qui se jette, suivant Stuart, dans le Boagrius. On a lieu de s'étonner de voir une ville de Thespis différente de celle de Thespies. On peut encore demander pourquoi Hale est devenu Aloi, et pourquoi tant d'autres noms sont défigurés. De pareilles fautes déparent aussi les traits d'érudition et de mythologie dont l'auteur a voulu orner ces notes géographiques. La mère de Béotus, Mélanippe, est devenue Mélampsi; Xuthus est Xut; et l'épouse de Xuthus, Créuse, la fille d'Erechthée, si connue par l'Ion d'Euripide, n'est plus ici une héroïne de l'Attique; elle est une princesse corinthienne, confondue avec la fille de Créon, qui portait les noms de Glaucé et de Créuse, et qui fut l'objet malheureux des amours de Jason et des vengeances de Médée. Nous nous croyons obligés de relever ces fautes, non pour censurer un voyageur qui a si bien mérité des lettres et des arts, mais pour empêcher que son nom n'accrédite des erreurs tout à fait indignes de l'exact, judicieux et savant auteur du premier volume des Antiquités d'Athènes.

La vie d'un artiste qui a révélé le premier à l'Europe moderne le

Livre Ix, p. 426. Voyez aussi les Voyages du docteur Édouard Dan. Clarke, part. 11, sect. 111, ch. 8, p. 234.

véritable goût de l'architecture grecque intéresse l'histoire de l'art, et nous sommes redevables à M. Woods d'avoir recueilli avec soin le peu de renseignements authentiques qui nous restent sur cet homme estimable (pag. xxj). Né à Londres en 1713, fils d'un simple marin, J. Stuart fut, dès sa plus tendre jeunesse, privé de son père, et le soutien unique de sa mère et d'une famille nombreuse, dont il était l'aîné. On ne connaît pas les circonstances qui le firent entrer dans la carrière des arts : il est constant qu'il remporta quelques prix dans les écoles de peinture, et qu'il se procurait sa subsistance en peignant des éventails dans les ateliers de Goupy; qu'à trente ans il avait eu le bonheur de se mettre en état d'aller se perfectionner à Rome dans l'étude des beauxarts et dans celle des antiquités. Il y cultiva la peinture et l'architecture, et nous avons une preuve évidente des connaissances qu'il avait acquises, pendant ce séjour, dans la littérature et les langues anciennes. Je veux parler d'une lettre fort savante sur l'obélisque du Champ de Mars, lettre où Stuart discute ingénieusement les dimensions et la destination de cet obélisque célèbre, en touchant à des questions compliquées sur les mesures des anciens, qu'il examine avec critique et sagacité. M. Woods a cru que cette lettre, adressée par Stuart au marquis de Rockingham (alors comte de Malton), a été écrite en latin telle qu'elle a été publiée par le chanoine Bandini, qui l'a insérée tout entière dans son ouvrage sur cet obélisque (1): nous ne pouvons pas adopter l'opinion de l'éditeur. La lettre a été publiée en latin et en italien dans l'ouvrage de Bandini; et, si l'on compare attentivement les deux textes, on se convaincra que le latin a été traduit de l'italien or, comme il n'est pas vraisemblable que J. Stuart ait voulu adresser à son bienfaiteur anglais une lettre en langue italienne, je conjecture que la lettre originale de Stuart était écrite en anglais, ainsi que plusieurs autres lettres adressées au même personnage, et dont on a trouvé les esquisses parmi les papiers dont M. Woods a fait le triage. Il me semble donc certain que le chanoine a fait deux traductions de la lettre dont il s'agit, l'une en italien et l'autre en latin, pour la mettre à la portée de ses lecteurs, et en accord avec le reste de l'ouvrage, qui offre partout deux textes, l'un latin, l'autre italien. Mais, si la lettre sur l'obélisque d'Auguste n'a pas été écrite originairement en latin par J. Stuart, il ne faut pas en conclure qu'il ne fût que médiocrement

:

(1) De Obelisco Cæsaris Augusti, auctore Augelo M. Bandinio; Rome, 1750, in-fol. Ixxiij.

versé dans les langues savantes. Cette lettre même, et le texte de son premier volume des Antiquités d'Athènes, publié de son vivant, nous fournissent des preuves multipliées des progrès qu'il avait faits dans l'intelligence des écrivains grecs et latins, dont il a examiné et discuté plusieurs passages avec autant de lumières que de critique, et qu'il a quelquefois interprétés avec succès contre l'opinion généralement reçue des savants.

Ce fut à Rome, en 1748, que le projet de faire un voyage en Grèce, et d'en publier les antiquités fut conçu par Stuart, Revett, et principalement par le peintre écossais Gavin Hamilton; mais les deux premiers l'exécutèrent seuls. Nous avons appris par l'extrait de leur journal les époques de leur départ et de leur retour. Stuart, rendu à sa patrie, s'empressa de faire jouir le public du fruit de ses travaux. Aidé par des protecteurs généreux, il fit l'acquisition de la portion des dessins et des notes qui appartenaient à son associé; et, en 1768, sept ans après son retour, il publia à Londres ce volume des Antiquités d'Athènes, qui semble avoir ouvert une nouvelle carrière aux études d'architecture et d'antiquité, et qui a inspiré au public un désir ardent de connaître jusqu'au moindre croquis et à la moindre des notes ayant quelque rapport à ce grand ouvrage, et que recélaient encore les portefeuilles de l'auteur. M. Woods vient de satisfaire ce désir par la publication du quatrième volume que nous annonçons. Celle du premier assura pour toujours la réputation et la fortune de l'auteur. Stuart fut surnommé l'Athénien; il devint, à Londres, l'architecte à la mode. Mylord Anson le nomma surveillant de l'hôpital de Greenwich, place presque sans fonctions (sine cura) et d'un revenu considérable, qui procura à l'artiste une aisance bien méritée.

Nous ne nous permettrons pas de lui reprocher son repos : il avait acquis le droit de s'endormir sur ses lauriers. Cependant il s'occupait de l'impression du second volume, et elle était presque achevée à sa mort, qui arriva en 1788. J. Stuart a été deux fois marié après son retour, et il a eu six enfants : deux seulement lui survivent encore. Son portrait a été placé au commencement du second volume.

Celui de Nicolas Revett est à la tête du quatrième. L'ami, le compagnon de Stuart, était fils d'un gentilhomme et était né dans le comté de Suffolk en 1721 (pag. xxviij). Adonné de bonne heure à l'étude des beaux-arts, ses parents l'avaient mis en état, dès l'âge de vingt ans, de faire un voyage à Rome pour se perfectionner dans cette étude. C'est là qu'il rencontra Stuart et qu'il se lia d'amitié avec lui. Revett s'exerçait dans la peinture sous Marco Benefiale, rejeton estimé de

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